Les ministres Macron-compatibles

La pensée du jour

IMG_3399du Procureur, Roberto Scarpinato  qui a instruit les plus importants procès menés contre la mafia et ses liens au sein du monde politique et institutionnel.

Le gouvernement Macron 2

Florence Parly ministre des Armées :

Florence Parly, oublie qu’elle est « représentante » de la banque Rotschild à Zodiac !

DDeJoyPXoAEfHX0

C’est une fonction qui ne figure pas sur sa page Wikipédia, qui est éliminée de sa biographie officielle, que les médias ont donc omise. Y compris « la prise de bec » du Canard, aujourd’hui consacrée à la ministre des Armées.

[Dernière minute: lundi 26 à midi, nous appelions le cabinet de la ministre des Armées quant à ses mandats industriels oubliés. Dans la soirée, Mme Parly annonçait dans une dépêche Reuters la démission de ces fonctions…]

Florence Parly vient de récupérer le ministère de la Défense. Et autant « les armées s’interrogent » (Les Echos, 23/06), autant les industriels sont ravis: « Au moins a-t-elle pleinement conscience du poids en France de l’industrie militaire et aéronautique… « Florence est une passionnée de technologie, d’aéronautique, de spatial, elle a volé en Mirage 2000, c’est un excellent choix », s’enthousiasme son ami Jean-Yves Le Gall, président du CNES. Les industriels, qui l’attendent aujourd’hui au Bourget avec le Premier ministre, semblent satisfaits. »

Satisfaits juste parce qu’elle aime les joujoux technologiques?
Non, plutôt parce qu’elle est de leur sérail.

Une info est omise par les médias, mais le chercheur à l’université de Liège Geoffrey Geuens nous a alertés :

Dans le cursus de Florence Parly, on mentionne bien « l’ancienne directrice d’Air France et de la SNCF ». On signale également que « son mari, Martin Vial, dirige l’Agence des participations de l’Etat (APE), présente dans les grands groupes de défense français », qu’il est même « membre du conseil d’administration de Thales ». Ce qui, par parenthèse, en dit long sur l’endogamie de notre élite.
Mais pour elle, on oublie une casquette: depuis janvier 2016, elle appartient au conseil de surveillance de l’entreprise Zodiac Aerospace. Elle y siège comme représentante du « Fonds Stratégique de Participation », qui n’a rien à voir avec le public Fonds stratégique d’investissement.

Qu’est, en effet, ce FSP?

C’est une émanation du groupe Edmond de Rotschild.

On lit sur leur site:

« Le FSP est géré par le groupe Edmond de Rothschild. Regroupant six assureurs majeurs en France (BNP-Paribas Cardif, CNP Assurances, Crédit agricole assurances, SOGECAP (groupe Société générale), Groupama et Natixis Assurances), le FSP est un actionnaire de long terme dans le capital de sociétés françaises ».

Voilà donc une ministre (de plus) dont les liens avec la banque et l’industrie sont étroits. Ici avec le groupe Edmond de Rotschild, basé en Suisse, qui, comme le révélait Cash Investigations, dispose de 142 sociétés écrans dans des paradis offshore…

Sans doute entre-t-elle au gouvernement par souci d’équilibre avec son président Macron qui, lui, oeuvrait, à la banque d’affaires Rotschild et Cie, basée à Paris. Voilà un gage de pluralisme.

Comme le disait (presque) Jean Gabin: « Ce n’est plus un gouvernement, c’est un gigantesque Conseil d’administration! »

Source François Ruffin 28/06/2017

 

 

Le gouvernement Macron 1

Les Ministres Macron-compatibles

L’équipe gouvernementale est marquée par l’arrivée à Bercy de deux ministres venus de la droite, par la présence de François Bayrou et de socialistes issus de l’aile sociale libérale du parti.

NB

Macron a renoncé au «ministère plein et entier des Droits des femmes».

Bonne nouvelle. On échappe au duo Tapie Lagarde.

On mesure l’aliénation des macroniens à leur enthousiasme pour des saloperies genre la nomination d’une ex-DRH comme Ministre du Travail.

 

Bruno Le Maire ; Eau dans le vin ?

Le nouveau locataire de Bercy penche beaucoup plus à droite que ce qu’a proposé Macron pendant la campagne de la primaire LR.

 

Le Drian. Réalisme musclé

M. Le Drian a quitté l’hôtel de Brienne en étant salué par les industriels de la défense, qu’il a comblés en signant des montants records de contrats d’exportations d’armement.

Dans le Golfe, en particulier en Arabie saoudite, M. Le Drian a aussi su réparer les pots cassés de la diplomatie de Nicolas Sarkozy et s’attirer le respect des princes sunnites. Intime des dirigeants subsahariens et arabes, de l’Egyptien Abdel Fattah Al-Sissi au Tchadien Idriss Déby, il assume sans complexe ses liens avec des régimes souvent décriés en matière de droits de l’homme.

Le Drian à la tête du Quai d’Orsay représente, comme le souligne un diplomate, « la garantie d’une continuité dans le réalisme musclé ».

Gérard le vieux cumulard

En propulsant Gérard Collomb au ministère de l’intérieur, Emmanuel Macron prend pourtant un risque, celui de se voir accusé de ne pas respecter ses engagements en matière de renouvellement et de cumul des mandats.

 

Nicolas Hulot, le vert démago

Nicolas Hulot espère profiter de la « nouvelle donne politique », malgré la présence au sommet de l’exécutif d’anciens lobbyistes des industries de l’énergie.

 

François Bayrou, le miraculé de la politique

Certains de ses anciens amis, devenus aujourd’hui ses pires détracteurs, le décrivent comme un « calculateur », « habité », « un intrigant et un opportuniste », « le melon comme une montgolfière », un centriste radical à l’orgueil démesuré et à la détermination absolue qui n’hésitera pas à sacrifier sa famille politique mais le ciel a fini par lui donner raison.

 

Gérard  Darmanin. De l’action ?

Ministre de l’Action et des comptes publics Gérard Darmanin, c’est juste le type qui avait dit que Taubira était un « tract ambulant pour le FN ». Sympa  !

Jean-Michel Blanquer, un spécialiste marqué à droite

Le Ministre de l’éducation est l’inspirateur d’évaluations en maternelle qui avaient, à l’automne 2011, provoqué un tollé. Il prend, en 2007, la direction de l’académie de Créteil, et s’y forge la réputation d’un recteur bouillonnant – l’« hyperrecteur » , donnant son feu vert à tous types d’expérimentations. Ce sont les débuts des internats d’excellence pour élèves méritants issus des milieux défavorisés.  Sans oublier la « cagnotte » pour les décrocheurs censée inciter les lycéens à plus d’assiduité. Payer les jeunes pour qu’ils ne sèchent pas les cours ? Le projet met en émoi la communauté éducative.

 

 

N’ oublions pas la garde rapprochée

DAAUBnWWAAA-kVN

Olivier Dussopt soutenait Benoît Hamon à la présidentielle mais faisait passer une note à Emmanuel Macron

http://lelab.europe1.fr/olivier-dussopt-soutenait-benoit-hamon-a-la-presidentielle-mais-faisait-passer-une-note-a-emmanuel-macron-3506999

Edouard Philippe, un chef de gouvernement pas très « vert »

12485589image_defaut_3Ancien cadre d’Areva, le premier ministre a voté comme député contre les lois sur la transition énergétique et sur la biodiversité.

Le chef de l’Etat, qui n’a guère fait campagne sur les thématiques environnementales, s’est choisi un premier ministre, Edouard Philippe, lui-même peu sensible à l’écologie. Le maire du Havre (depuis 2010), diplômé de Sciences Po et de l’ENA, n’a pas vraiment manifesté, dans son parcours professionnel pas davantage que dans ses mandats électifs, d’attrait pour les questions environnementales.

Les ONG écologistes s’alarment de son passé – à leurs yeux de son passif – au sein du groupe Areva, alors fleuron du nucléaire français, dont il a été directeur des affaires publiques de 2007 à 2010. « Cette nomination est extrêmement inquiétante au regard des enjeux actuels, écrit le réseau Sortir du nucléaire. Aucune complaisance ne saurait être tolérée envers l’industrie nucléaire de la part de l’exécutif. Mais cette nomination d’un ancien VRP d’Areva laisse craindre le pire et en dit long sur l’intérêt d’Emmanuel Macron pour la transition énergétique. »

L’Observatoire du nucléaire, de son côté, affirme que chez Areva M. Philippe a eu pour activité principale de « s’assurer de la collaboration de parlementaires acquis au lobby de l’atome ». Et qu’à ce titre, il n’a pas été étranger, en 2008, à l’« accord signé entre Areva et le pouvoir du Niger concernant l’exploitation de l’uranium, accord immédiatement contesté par le Mouvement des Nigériens pour la justice ».

« Lobbyiste professionnel »

A l’Assemblée nationale, le député (UMP puis LR) de Seine-Maritime n’a pas brillé par son engagement pour l’écologie, quand il n’a pas œuvré contre. A l’unisson de sa famille politique, il y a voté en défaveur de la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte, de même que contre la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Sur l’épineux dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il appelait à passer aux actes, dans une interview sur France Info en octobre dernier. Celui qui était alors le porte-parole d’Alain Juppé pour la primaire de la droite et du centre espérait « qu’on pourrait engager les travaux avant mai ou juin 2017 ».

« Je souhaite au premier ministre de réussir, mais je ne saute pas de joie à la nomination d’un homme qui a voté contre la loi sur la transparence de la vie publique, contre les lois en faveur de l’écologie, et qui est un lobbyiste professionnel », réagit la députée PS des Deux-Sèvres Delphine Batho, ancienne ministre de l’écologie, de juin 2012 à juillet 2013, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Elle « ne garde pas souvenir d’intervention marquante » sur les questions environnementales de M. Philippe durant cette période, pendant laquelle il était pourtant membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.

A cette époque, le maire du Havre avait suscité l’espoir, dans sa ville, de s’engager dans la voie de la transition énergétique. En 2011, un an après son accession à la mairie à la suite de la démission de son prédécesseur, il annonçait qu’Areva, son ancien employeur, allait implanter sur le port deux usines de fabrication de pales et de nacelles d’éoliennes offshore. Le projet s’inscrivait dans le cadre de l’appel d’offres du gouvernement pour développer l’éolien marin le long des côtes, avec notamment l’implantation de 600 turbines au large du Tréport et de Fécamp. Las, en 2016, Areva, confrontée à une crise économique sans précédent, se sépare de son activité dans l’éolien en mer, qu’elle cède à la société Adwen (Siemens-Gamesa). Les usines pourraient dorénavant retrouver des vents favorables alors que les permis de construire ont été déposés par le consortium en avril, dans l’espoir de déboucher sur la création de 750 emplois.

Une des dernières centrales au charbon

« Pour le reste, Edouard Philippe a fonctionné pendant sept ans avec un vieux logiciel productiviste tourné vers les énergies sales, juge Alexis Deck, le seul conseiller municipal havrais d’Europe Ecologie-Les Verts. Il m’a dit un jour : “Entre l’emploi et l’environnement, je choisirai toujours l’emploi.” Cela résume bien sa position, qui ne comprend pas que les deux peuvent aller de pair. » Une préférence qu’il l’a notamment conduit à défendre à tout prix la centrale au charbon de la ville, qui emploie 180 salariés, l’une des quatre dernières de France.

Alors que l’Hexagone s’était engagé à sortir de cette énergie fossile des plus nocives, lors de la conférence sur le climat de Paris en novembre 2015, le maire a fait pression auprès de la ministre de l’environnement avec les autres élus locaux, de gauche comme de droite, et les syndicats. Ils ont obtenu de Ségolène Royal qu’elle revienne sur sa décision de fermer le site en 2023 au lieu de 2035. « On a en a pris pour treize ans de charbon supplémentaires, alors que la centrale émet chaque année des milliers de tonnes de polluants atmosphériques », dénonce Alexis Deck.

Economie circulaire et zéro-phyto

Une critique que réfute Marc Migraine, l’adjoint au maire chargé de l’environnement, qui rappelle que « l’industrie a fait des progrès considérables pour limiter les émissions » et que « près de 200 millions d’euros ont été dépensés en 2014 et 2015 pour moderniser la centrale ». Pour lui, Edouard Philippe a compris que « le développement durable était un enjeu pour transformer l’image de la ville ». Au titre de ses réalisations, il cite la réduction des émissions de dioxyde de carbone de 3 % par an, la baisse de la consommation d’eau de 40 % en six ans, l’interdiction des produits phytosanitaires dans les jardins publics depuis 2013 ou encore un projet d’économie circulaire, avec la réutilisation de l’énergie résiduelle de la zone industrielle pour chauffer un quartier de 15 000 habitants.

« Son bilan est mitigé, juge malgré tout Annie Leroy, vice-présidente de l’association Ecologie pour Le Havre. Le maire, qui est aussi président de la communauté de communes, a amélioré le tri des déchets en nous dotant d’une centrale de tri performante. Mais il n’a pas développé les mobilités douces. » « Certes, il y a des nouvelles pistes cyclables, mais leurs trajets, leurs agencements, s’adaptent aux routes, et non l’inverse. Il n’est pas prévu de questionner l’usage de la voiture », regrette Stéphane Madelaine, du collectif Le Havre Vélorution. Si Edouard Philippe a inauguré deux lignes de tramway fin 2012, il s’agit d’un projet de son prédécesseur, Antoine Rufenacht, de même que pour la création des emblématiques jardins suspendus.

« Edouard Philippe a finalement eu peu de considération pour l’environnement au Havre. Je suis très inquiet qu’il reproduise cette attitude au niveau national », prévient Alexis Deck. Et Mme Batho de conclure : « La question est de savoir si ce qu’incarne le premier ministre sera contrebalancé par une vraie place accordée à l’écologie dans le dispositif gouvernemental global. »

Audrey Garric et Pierre Le Hir

Voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique, Face au lobby nucléaire, Ségolène Royal capituleUn accident nucléaire, c’est la fin de la démocratie, rubrique Economie,

Source Le Monde 16/05/2017

Edouard Philippe petit-fils de docker et énarque

5127930_7_a9d0_edouard-philippe-en-septembre-2014_bbd49ec21427bb5d903237eb6a49c492Edouard Philippe, né à Rouen il y a quarante-six ans d’une famille de profs, maire du Havre, encarté chez Les Républicains (LR), inconnu du grand public.

Edouard Philippe, a été nommé, lundi 15 mai, à Matignon par Emmanuel Macron (En marche !). Ce petit-fils de docker, diplômé de Sciences Po et énarque (promotion Marc-Bloch), a commencé à militer au Parti socialiste (PS), tendance Rocard, durant ses années d’études avant de se rapprocher de la droite. Il y a d’ailleurs côtoyé à cette époque, dans les rangs des jeunes rocardiens, un certain Alexis Kohler, aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée.Il était l’un des piliers de l’équipe de campagne d’Alain Juppé lors de la primaire de la droite. Il doit présenter son gouvernement aujourd’hui.

En 2001, il rejoint l’équipe municipale du maire du Havre, Antoine Rufenacht, qui lui passera le témoin en 2010. Mais c’est dans l’ombre d’Alain Juppé, qui l’a fait venir comme directeur général lorsqu’il prend la présidence de l’UMP à sa création, en 2002, qu’il va prospérer. De là date une fidélité à tous crins. Il était un des piliers de l’équipe de campagne du maire de Bordeaux à la primaire de la droite.

C_4bZ5BXoAAZIFx

Edouard Philippe  a  défendu le projet de réformer le code du travail dès l’été par ordonnance, comme l’a proposé Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle :

« Nous avons un droit du travail très lourd en France, il ne protège pas beaucoup les salariés. Il y a un grand nombre de chômeurs, il faut donc faire quelque chose, on ne peut pas ne rien faire. »

Une nomination détonante dans la logique d’un président disruptif qui veut casser les clivages et renouveler la classe politique. Le chef de l’Etat a-t-il lu la chronique d’Edouard Philippe, le 19 janvier dans Libération, où ce dernier le décrivait en homme « qui n’assume rien, mais promet tout avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier » ?

Le président voulait un fin connaisseur de l’Assemblée nationale, à même de piloter une majorité composée en partie de néophytes de la société civile. «Il faudra qu’il ou elle ait une forte expérience de l’art parlementaire et de la capacité à gouverner», martelait le candidat pendant la campagne. Ce n’est pas tout à fait le cas. Député depuis 2012, Édouard Philippe n’a pas le CV d’un vieux routier du Parlement.

Les premiers mots du nouveau Premier ministre. lors de la passation de pouvoir avec Bernard Cazeneuve : «Les Normands sont certes modérés, ils sont parfois conquérants. Vous êtes complètement normand, et moi aussi. J’ai été heureux de voir que la République vous avait confié des responsabilités. Je suis un homme de droite, ce qui ne vous surprendra pas.Cher Bernard Cazeneuve, merci, et comme on dit chez moi au Havre : bon vent !».

Voilà donc l’homme, de droite, chargé de mener la bataille contre son ancienne famille politique, les Républicains, pour les élections législatives.

Source : Le Monde, Le Figaro, AFP

À Calais, « les migrants ont un gobelet d’eau pour se laver »

Une dizaine de jeunes migrants terminent leur petit-déjeuner près de la rocade portuaire de Calais (Photo de Pierre-Louis Caron/VICE News)

Une dizaine de jeunes migrants terminent leur petit-déjeuner près de la rocade portuaire de Calais (Photo de Pierre-Louis Caron/VICE News)

Mercredi 10 mai, jour de marché à Calais. Il est un peu plus de 8 heures 30 et les étals sont presque tous installés. À quelques rues de là, place de Norvège, des bénévoles de l’association Salam font leur marché à eux. Cagettes de bananes, thermos de thé brûlant, sacs-poubelles où se mélangent pain et viennoiseries : les dons proviennent de commerces et de particuliers. Il suffit de quelques minutes pour répartir les denrées entre plusieurs véhicules. « Ces pains-là sont un peu secs », s’inquiète une bénévole. « Oui, mais ils les prendront quand même, avec le thé ça ira », la rassure Yolaine, coupe-vent sur le dos et dix ans d’aide aux migrants derrière elle.

Une pointe d’inquiétude subsiste dans les regards. La veille, Yolaine s’est retrouvée face à des CRS qui l’ont empêchée de distribuer sa nourriture. « Je leur ai dit que c’était illégal, que c’était des gamins derrière eux, mais ils n’ont rien voulu savoir », raconte-t-elle. En mars dernier, la mairie de Calais avait tenté d’interdire la distribution de nourriture aux migrants – un arrêté municipal finalement suspendu par la justice. « De toute façon, les gars sont là, on ne peut pas rester sans rien faire », s’indigne la bénévole. « Finalement, ils m’ont autorisé à leur donner de l’eau. Cinq litres pour 80 personnes, non mais vous imaginez ? »

La troupe se met en route pour la zone industrielle des Dunes, au nord-est de la ville, scrutant chaque fourgon qui croise son chemin. Au bout d’une petite rue caillouteuse, le convoi se gare devant un atelier de mécanique. Soupir de soulagement : aucun camion de CRS à l’horizon. La distribution peut commencer. Ils sont déjà une soixantaine de migrants à attendre là, en ligne bien droite, à l’entrée d’un terrain vague niché entre un petit bois et un pylône électrique. Pourquoi cet endroit ? « Ici, ils sont relativement tranquilles, ils peuvent espérer dormir quelques heures, tant qu’ils ne sont pas trop nombreux », nous répond Sophonie. À l’époque du centre d’hébergement Jules Ferry, le coeur de la dernière « jungle », Sophonie en était la directrice adjointe. Ce matin, elle vient « simplement donner un coup de main ». Face aux six bénévoles, la file d’attente grossit. Ils sont Afghans, Soudanais, Érythréens pour la plupart. Rien de nouveau à Calais, si ce n’est que les mineurs sont presque plus nombreux que les adultes.

« One tea par personne, water is for washing first », répètent les bénévoles. Chaque personne a le droit à un verre de thé, du pain, et un fruit. « Ils ont un gobelet d’eau pour se laver », déplore Michel, bénévole et ancien journaliste de La Voix du Nord. « Ça se limite aux mains et au visage, mais c’est déjà ça. » Un jeune Soudanais demande plusieurs fois l’accès à une douche. On se frotte le menton, l’air désemparé. À la fin de l’hiver, la mairie de Calais a déposé une benne à ordures devant les douches gérées par le Secours Catholique, afin d’en bloquer l’accès. Si l’acte a finalement été jugé illégal, le bloc sanitaire n’a toujours pas reçu l’autorisation d’être rouvert. « Il faudrait aller voir si les douches de la plage fonctionnent. Après, il y a le robinet du cimetière… », propose une bénévole, avant de se raviser. « Non, ça va faire des histoires, quelqu’un va forcément appeler la police ».

Des migrants passés par les centres d’accueil

Dans la file d’attente, ceux qui coupent ou se servent deux fois se font vite rappeler à l’ordre. Le ton monte entre deux migrants, qui finissent par en venir aux mains avant d’être séparés par le reste du groupe. « Je ne comprends, pas, lui c’est un gentil d’habitude », s’étonne Yolaine. Après des jours et des nuits blanches à tenter de passer en Angleterre, les traits sont tirés, et la fatigue devient nerveuse.

« Cette nuit, la police nous a empêchés de dormir, ils nous ont dit qu’on ne pouvait pas rester là », nous raconte Abdulah, un jeune Afghan de vingt-huit ans. Son niveau d’anglais est très bon, et pour cause, il dit avoir passé six ans au Royaume-Uni avant d’être expulsé vers Kaboul par avion. « J’ai été balayeur, déménageur, serveur dans un restaurant turc aussi, c’est plus facile pour travailler là-bas. » De retour en France, Abdulah a assisté à l’évacuation musclée de la « Jungle » en octobre dernier. « Pour nous ça s’est bien passé, on nous a envoyés en CAO [Ndlr, Centre d’Accueil et d’Orientation] dans un petit village, c’était très bien », nous raconte-t-il, en se rappelant « les sourires des enfants, et les gens qui disaient bonjour ». Peu de temps après, Abdulah et son ami ont été transférés dans un autre CAO, près de Charleville-Mézières. Un changement de décor assez rude. « C’était sale, il y avait des hommes qui buvaient de l’alcool et qui fumaient dans les chambres. »

Après quelques semaines sans activité, ni aide juridique, Abdulah s’est plaint à la direction. « À chaque fois, le directeur devait négocier avec son supérieur, qui devait ensuite négocier avec son supérieur… », peste-t-il. « Finalement, on nous a dit que si on n’était pas satisfaits ici, nous n’avions qu’à repartir à Calais. » Et l’Allemagne ? Ou un autre pays d’Europe ? « Je ne sais pas, ce n’est pas vraiment mon objectif », nous répond-il en regardant d’autres Afghans monter dans une camionnette discrète, garée à bonne distance du terrain vague. Une manière de nous dire que son passage en Angleterre, Abdulah l’a déjà payé.

Yolaine, bénévole de l'association Salam, termine le pansement d'un jeune migrant blessé au pouce (Photo de Pierre-Louis Caron/VICE News)

Yolaine, bénévole de l’association Salam, termine le pansement d’un jeune migrant blessé au pouce (Photo de Pierre-Louis Caron/VICE News)

« Inutile de chercher des camps, il n’y en a pas ici. »

La distribution du petit-déjeuner se termine pour les migrants du terrain vague. Certains jouent au football, les autres somnolent, un sac de couchage sur les épaules. « Inutile de chercher des camps à Calais, il n’y en a pas ici », nous explique Yolaine. « Dès que la police voit une bâche, des palettes ou quelque chose qui ressemble à une tente, c’est automatiquement gazé, détruit, confisqué. » Pour dormir, il ne reste donc que les buissons, des coins de terrain vague ou encore les ponts d’autoroute. Une situation semblable à celle de Grande-Synthe, à quarante kilomètres de là, où 200 personnes dorment dans les bois suite à l’incendie du camp soutenu par la ville.

« Bon, s’ils se font arrêter, au moins ils auront quelque chose dans le ventre », lance Yolaine en refermant les portes du camion. Nous reprenons la route vers un autre point de distribution, à 200 mètres environ de la route qui mène au port de Calais. La zone est stratégique, car les poids lourds y sont souvent amenés à ralentir. Non loin de là, un vaste parking pour camions permet aux chauffeurs de se reposer – et aux migrants de tenter une intrusion dans les remorques.

« Allez allez on se dépêche, on peut se faire déloger à tout moment », s’époumone Yolaine. Des dizaines d’adolescents soudanais et érythréens accourent, certains sortent des fourrés qui bordent ce quartier résidentiel. « Ça se voit qu’ils sont jeunes, regardez tout ce qu’ils mangent ! », sourit la bénévole. La température peine à dépasser les 10 degrés, le thé chaud semble apprécié. Un jeune homme tend son bras nu à Yolaine pour qu’elle lui fasse un nouveau pansement au pouce. « Il dit qu’il s’est coupé avec du verre, mais ça peut être à cause d’un grillage ou d’une clôture », nous explique la bénévole en refermant son grand sac rouge. Chutes, collisions, rixes, les risques sont nombreux pour les migrants. L’absence de douche multiplie en outre le risque d’infection. « Moi je fais de la « bobologie » », précise Yolaine, « pour les choses sérieuses, on les envoie directement à l’hôpital ».

11 heures 30, un fourgon de CRS passe au ralenti sur la rocade portuaire qui surplombe le pré où a lieu la distribution. Mais personne ne viendra interrompre le petit-déjeuner. « Ils sont en congés ou quoi aujourd’hui ? », plaisante un bénévole. Les adolescents repartent en grappe vers la route qui mène au terminal des ferrys. « Ils sont motivés, parce que le passage en Angleterre est encore possible. C’est difficile et de plus en plus dangereux, mais ça arrive fréquemment », nous explique Sophonie. Dans leurs sacs, les bénévoles n’ont plus que du pain sec et des bananes vertes, qu’ils vont amener une autre équipe installée à deux pas de la gare de Calais. Le long du canal, une quarantaine de migrants finit de manger.

« On ne sait pas exactement combien ils sont sur Calais », nous indique Sophonie. En se basant sur le nombre de repas distribués et la longueur des files d’attente, les associations estiment que 300 à 400 migrants sont présents dans la zone. « Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux », assure Yolaine, qui effectue ces maraudes tous les jours. Tous ont l’impression d’assister à un cycle qui se répète. « On se croirait revenu en 2002, avant le centre de Sangatte, tu te souviens ? Pas d’aide publique, aucun accueil, mais des chiffres qui grossissent », lance une bénévole. « Ça va continuer à affluer » ajoute une autre, en citant le sauvetage de 6 000 migrants qui a eu lieu quelques jours plus tôt en Méditerranée.

Un nouveau camp verra-t-il le jour ? La pression sur les associations va-t-elle s’intensifier ? Les bénévoles rencontrés ce matin-là préfèrent ne pas penser à cela. « On réussit à distribuer, mais les CRS contrôlent tout. Le soir, ils nous disent de faire ça en une heure maximum », confie une bénévole. Contacté par VICE News, Emmanuel Agius, premier adjoint de la mairie de Calais en charge de la sécurité, « n’a pour l’instant pas le temps de répondre aux questions concernant les migrants ».


Pierre-Louis Caron

Source :Vice News 12/05/2017

Voir aussi : Actualité France Rubrique Politique, Politique de l’immigration, Embarras de la gauche sur l’immigration, Perdre la raison face aux barbelés, rubrique Société, Justice, Exploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises,

Festival Arabesques. Où l’esprit contemporain côtoie les mythes

La palestinienne Skywalker a chauffé le Rockstore à blanc

La palestinienne Skywalker a chauffé le Rockstore à blanc

Pour cette douzième édition, le Festival Arabesques, rencontres des Arts du monde Arabe,  célèbre à Montpellier des grandes dames jusqu’au 21 mai. La DJ palestinienne, Sama Abdulhadi, alias Skywalker la première qui a mixé dans un bar de Ramallah en bousculant les mentalités et les préjugés a chauffé cette nuit le Rockstore à blanc avec un set endiablé. Skywalker importe les embruns des scènes techno de Beyrouth, Londres, Le Caire ou Paris où elle se produit non sans provocation.

Depuis 12 ans, le festival Arabesques se révèle comme un grand dénicheur des talents issus de la nouvelle scène arabe qui s’impose partout dans le monde. En France, pour des raisons liées à des partis pris socio-politiques qui méritent d’être questionnés le phénomène de reconnaissance est plus tardif. Mais cela n’enlève rien aux talents, à l’instar de l’artiste contemporaine marocaine Leila Hida. La ligne artistique d’Arabesques vise aussi à renouer avec les racines  pour ne pas se perdre…

Leila Hida :

« Avec le net nous n’avons plus besoin d’argent pour refléter la réalité »

Photo Leila Hida

Photo Leila Hida

Née en 1983, Leila Hida habite aujourd’hui à Marrakech où elle est photographe indépendante depuis 2012. Elle est fondatrice du 18, un espace alternatif de culture et d’expression artistique situé dans la médina. Dans le cadre du Festival Arabesques qui bat son plein à Montpellier, on peut découvrir son travail dans le hall de l’Hôtel  Mercure Centre Comédie jusqu’au 10 juin.

D’où vient l’idée du 18, pourquoi avoir choisi ce lieu ?
C’est un engagement pour les créateurs au Maroc en faveur des artistes locaux mais aussi internationaux.  Nous soutenons les artistes émergents en accompagnant leurs recherches à travers les résidences et en diffusant leurs projets au sein de l’espace par des expositions, présentations, rencontres avec le public. Nous souhaitons également connecter les scènes culturelles marrakchies à celles de l’international, et permettre aux artistes étrangers d’intervenir à Marrakech.

Marrakech connaît un développement impressionnant depuis plusieurs années mais le choix de votre implantation reste atypique…
Nous aurions pu nous installer à Rabat, Tanger ou Casablanca mais ça nous intéressait d’ouvrir ce lieu dans ce quartier. Marrakech est une ville de commerce, un point de confluences historiques. La ville s’est métamorphosée, mondialisée, on a construit de manière anarchique sans réflexion urbanistique. Il y a une gentrification de la médina. Au 18, nous recevons tout type de public. Créer un îlot dédié à la création n’est pas si étonnant. L’art contemporain questionne la société et son contexte, la ville, le territoire. Cet environnement se révèle propice aux recherches artistiques. La ville fonctionne à deux vitesses. Le changement vise à promouvoir l’exotisme mais il provoque des tensions entre la population très pauvre et les nouveaux arrivants.

Bénéficiez-vous de soutiens financiers publics ?
Non, nous fonctionnons pour une grande part avec du sponsoring privé et nous attachons beaucoup d’importance à notre indépendance.

« La création contemporaine marocaine                                                                             est en train de trouver son modèle »

Photo Leila Hida

Photo Leila Hida

Considérez-vous que l’expression artistique permet de contourner les impasses politiques ?
Nous agissons dans le domaine de la culture en créant un espace physique permettant la réflexion, un espace où l’on devient citoyen. Ce n’est pas un contournement. C’est essentiel. La nouvelle génération est très impliquée. Avec Internet, nous n’avons plus besoin d’argent pour refléter la réalité et interpeller les pouvoirs publics.

Bénéficiez-vous du droit à la liberté d’expression artistique ?
On peut dire ce que l’on veut, s’il existe une entrave c’est l’artiste qui se la pose lui-même. Nous sommes les héritiers d’une histoire, sous Hassan II rien de cela n’était possible. Il reste des séquelles de cette époque dans notre pays. Il est arrivé que le droit à la liberté d’expression artistique soit malmené mais ça reste à la marge.

Où situez-vous la différence entre les artistes marocains vivants à l’étranger et ceux qui habitent au Maroc ?
Un artiste vivant au Maroc va traiter davantage du contexte marocain, alors que des questions comme celles liées à l’exil seront plus au centre des préoccupations des Marocains vivant à l’étranger.  Artistiquement, on n’évolue pas dans le même environnement. Au Maroc, la création se développe différemment, nous sommes confrontés à des difficultés de production. Il n’y a pas de marché, pas de scène mais beaucoup de choses sont possibles et un mouvement émerge. Le Maroc est en train de trouver son modèle.

Leila versissage Arabesques 2017 à Montpellier

Leila versissage Arabesques 2017 à Montpellier

L’exposition que vous présentez à Montpellier soulève un questionnement autour de l’identité…
Ce travail correspond à une période où je suis retournée m’installer au Maroc. Je l’ai réalisé avec Artsi, un designer d’origine juive. Les images  apparaissent comme dans un album de famille. Elles renvoient à nos identités plurielles, c’est toute la richesse et la complexité qui se posent à nous. Le problème c’est que les gens ne se posent plus assez de questions sur ce qu’ils sont.

Quelle place occupe la question du genre dans votre travail ?
Je n’opère pas de distinction entre la problématique féminine et masculine. Ramener la question à la condition de la femme me paraît régressif. Les inégalités existent mais c’est en agissant que l’on fait avancer les choses.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Arabesques Tout le programme

Source : La Marseillaise 13/05/2017

Voir aussi : Rubrique  Festival, Il était une fois les Chibanis, Arabesques : Le combat est culturel. Nous devons être au front », rubrique Méditerranée, rubrique Montpellier, rubrique Politique, Politique Immigration, Politique Culturelle, Politique de l’Education, rubrique Rencontre,