Cinemed. Jo Sol : Idée d’un corps révolutionnaire et universel

Jo Sol évoque son film en compétition  "Vivre et autres fictions".   Photo dr

Jo Sol évoque son film en compétition « Vivre et autres fictions ». Photo dr

Vivre et autres fictions, le dernier film du réalisateur espagnol Jo Sol, interpelle le regard  que nous portons sur la vie.  Il a été sélectionné  dans la compétition long métrage et concourt pour l’Antigone d’Or 2016  

Sur les neufs films en compétition, Vivre et autres fictions, affublé du sous-titre « Celui qui a envie de vivre finit toujours par avoir des problèmes avec la vie » – parce qu’il affronte la complexité -, figure assurément parmi les plus petits budgets. Il n’a bénéficié d’aucun soutien institutionnel, d’aucune coproduction venue des télévisions. C’est un peu comme si personne ne souhaitait que ce film voit le jour. Pourtant il existe. C’est un très bon film, engagé et émouvant, repéré et sélectionné par le Cinemed.

La volonté « de représenter ce qui n’existe pas dans l’imaginaire collectif » explique en grande partie cette situation. Le film livre par exemple un très beau plan sur l’orgasme d’un tétraplégique, bien loin des clichés porno et ultra classiques du cinéma.

A la frontière entre le  documentaire et la fiction, le film s’appuie sur la relation entre Pepe un sexagénaire condamné après avoir emprunté des taxis pour gagner sa vie qui tente de se réinsérer à la sortie d’un séjour en hôpital psychiatrique, et Antonio, un activiste espagnol connu qui milite pour le droit à la sexualité des personnes en situation de handicap.  Une rencontre   riche où se confronte les générations face à un monde « normal » qui n’a aucun sens.

« Le film évoque une nécessité qui n’a rien d’étrange et que tout le monde devrait comprendre », indique le réalisateur barcelonais  Jo Sol,  qui appuie son propos sur la revendication d’Antonio d’un corps non subjectif proche du corps deleuzien où les organes sont désorganisés par les forces qui le traversent. En Espagne, le combat d’Antonio à l’égard de l’institution, porte ses fruits. L’Etat concède progressivement le financement de l’aide personnelle à domicile.

Mais ce que révèle surtout le film de Jo Sol, c’est la résistance de la population à accepter la différence. A partir d’un corps révolutionnaire, le réalisateur met le doigt sur les tabous couvés par la morale judéo-chrétienne. « L’Espagne traverse une crise culturelle sans précédent. Les institutions attendent qu’on leur propose des films convenus. C’est comme si je me retrouvais dans la situation d’un type qui aime une fille circulant nue dans la rue. »

Quand au rapport à la politique : « Les socialistes se rallient à la droite et Podémos a essayé de nettoyer le pouvoir pour intégrer l’institution mais tout le monde préfère les gens dans la rue, avec cette fragilité qui est le contraire de la faiblesse... »

JMDH

Prochaine projection au Cinemed vendredi 28 octobre à 10h.

Source : La Marseillaise 25/10/2016

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Handicap : De l’accessibilité à la culture

L’union départementale FO organisait jeudi une journée consacrée à l’accessibilité de la culture pour les personnes en situation de handicap. Animés par le journaliste Paul-Eric Laures, les débats ponctués de représentations artistiques ont été riches en enseignements.

Tel le phénix, l’accès à la culture pour tous  est une controverse qui hante les politiques culturelles depuis Malraux. Celui des personnes en situation de handicap exploré jeudi se pose avec plus d’intensité encore. A la fois plus visible et plus ignoré, il associe à la problématique de l’élitisme culturel l’enjeu épineux de la citoyenneté des minorités.

Certains acteurs culturels s’impliquent. C’est le cas de Martine Vicériat, la directrice du Zénith qui travaille également sur la salle Arena. Pour favoriser l’accès des personnes handicapées aux places de spectacle actuellement dispersées par les producteurs aux différents distributeurs (Fnac, Carrefour, Leclerc…) elle demande à ce que les salles de gèrent les ventes de places réservées aux personnes handicapées. Dans la salle, les interventions ont souligné certains tabous : « Il est utile et nécessaire d’aborder la problématique de l’accès à la culture. Mais on ne parle jamais de l’absence des salles de change dans les toilettes publiques. »

Le législateur a fixé l’objectif ambitieux de rendre accessibles tous les lieux publics d’ici 2015. « Mais quels seront les moyens attribués aux municipalités pour y parvenir ? » interroge le conseiller régional en charge du handicap, Jean-Paul Boré. Outre le fait que les députés et les sénateurs qui votent les lois ne sont pas souvent concernés c’est l’application des textes qui fait souvent défaut. De fait, les personnes concernées sont les plus à même de relever les besoins d’aménagement. A l’image de l’apéro offert par la Ville sous les arbres du parc de Grammont, où on avait pensé à tout sauf aux personnes à mobilité réduite.

Sur le fond, les solutions apportées à la question de l’accessibilité reposent aujourd’hui sur l’affirmation d’une volonté politique des collectivités territoriales comme celles de la Région ou du Département, mais  aussi, plus localement, de l’aptitude des communes à relayer les initiatives associatives. Les tractations gouvernementales qui tendent à retarder l’application du texte sur l’accessibilité laissent entendre qu’il en sera de même demain.

Cette journée a par ailleurs permis d’éclairer la fonction des projets artistiques adaptés au handicap. Des spectacles conçus à destination des différents handicaps inventent de nouvelles mixités. En ouvrant  la création à d’autres possibles, « ils offrent des habits neufs à la culture » constate une productrice. On retient au final que l’intégration citoyenne ne peut se concevoir à sens unique. Si on le permet, l’art occupe pour tous une place entière à côté de la présence du destin.

Jean-Marie Dinh

 

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