Les réformes qui ont bouleversé les collectivités territoriales en dix ans

fotolia_96467418_m371Le gouvernement a annoncé, lundi, que les collectivités locales devraient économiser 13 milliards d’euros d’ici à 2022. Ces dernières ont dû faire de nombreux efforts ces dernières années.

Les collectivités locales vont encore devoir dépenser moins durant ce quinquennat. A l’occasion de l’ouverture de la conférence des territoires, lundi 17 juillet, le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé qu’elles devront réaliser 13 milliards d’euros d’économies d’ici à 2022. Soit 3 milliards de plus que prévu dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron.

« On ne peut pas s’essuyer une nouvelle fois les pieds sur les collectivités locales », a réagi le président de l’Association des maires de France (AMF), François Baroin, estimant que l’effort supplémentaire demandé « fait qu’on passerait sous la ligne de flottaison ».

« Sur les trois dernières années, les collectivités ont réalisé 34 % d’économie à l’échelle de toutes les dépenses nationales, alors que 80 % de la dette est de la responsabilité de l’Etat (…). Nous nous sommes donc déjà beaucoup serré la ceinture. Là je dis que trop, c’est trop », considère M. Baroin.

Retour sur les principales mesures prises au cours des deux derniers quinquennats.

  • La taxe professionnelle supprimée puis remplacée

En réformant la taxe professionnelle, en 2009, Nicolas Sarkozy voulait en finir avec cet impôt « injuste, néfaste pour nos entreprises, pour la croissance et pour l’emploi » et facteur de délocalisations. Cette taxe payée par les entreprises et calculée sur leur chiffre d’affaires constituait alors près de la moitié des revenus des collectivités territoriales et représentait en brut près de 33 milliards d’euros.

Cette suppression avait été saluée par la présidente du Medef à l’époque, Laurence Parisot : « Nous savons que la taxe professionnelle, c’est ce qui pénalise l’industrie française. Aucun pays industrialisé n’a un impôt de ce type qui pénalise l’investissement, le futur. »

Mais cette réforme amputait les collectivités locales d’une importante rentrée d’argent. Pour compenser cette perte, la taxe professionnelle avait été remplacée par une nouvelle taxe, la contribution économique territoriale versée par les entreprises aux collectivités. En 2012, un premier bilan a été fait sur cette suppression. Le président du comité des finances locales, André Laignael, affirmait alors qu’« un fonds de compensation relais » mis en place avait évité une trop grande chute des ressources fiscales pour les collectivités locales. Mais cette manne financière s’était toutefois « érodée » au fil des années, avait-il annoncé.

La dotation globale de fonctionnement en baisse constante

La dotation globale de fonctionnement (DGF), c’est-à-dire l’enveloppe allouée par l’État aux collectivités territoriales, a baissé constamment durant le dernier quinquennat. Elle est passée de 41,5 milliards en 2013 à 30,8 milliards en 2017, ce qui a provoqué la grogne des maires.

Il ne s’agit pas d’une seule dotation mais de plusieurs, notamment pour les communes :

  • une dotation « de base » ;
  • une « dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale » pour les communes urbaines avec de lourdes charges mais peu de ressources ;
  • une « dotation de solidarité rurale » pour les petites communes de milieu rural avec peu de ressources ;
  • une « dotation nationale de péréquation », mécanisme de « solidarité » entre collectivités dans lequel les plus riches vont reverser une partie de leurs ressources aux plus défavorisées après un calcul complexe.

François Hollande avait promis de réformer cette DGF, de simplifier l’architecture complexe de la dotation forfaitaire des communes, en réduisant le nombre de composantes des critères d’attribution. Mais cette réforme a été sans cesse repoussée et n’a finalement jamais été mise en place.

En ouverture de la conférence des territoires, lundi, le premier ministre, Edouard Philippe, a déclaré :

« Plutôt que de parler directement et spontanément de baisse des dotations, nous devons essayer, et c’est un exercice délicat, de trouver un mécanisme assurant la baisse de la dépense publique, la baisse de l’endettement public, plus intelligemment que par l’imposition brutale d’une baisse des dotations. »

  • Des régions qui passent de 22 à 13

C’est la réforme phare de François Hollande en matière de collectivités territoriales. La réduction de 22 à 13 régions en France métropolitaine a été adoptée en décembre 2014 et est entrée en vigueur début 2016. Par ce redécoupage, le chef de l’Etat souhaitait redessiner la France pour plusieurs décennies avec « des régions de taille européenne » et moteurs du développement économique.

Les députés de l’UMP et des sénateurs de droite notamment avaient saisi le Conseil constitutionnel, estimant que le gouvernement aurait dû recueillir « l’avis consultatif préalable des collectivités concernées ». Mais « ce grief » a été écarté par les juges constitutionnels en avril 2016.

  • De moins en moins de communes en France

C’est l’autre réforme importante engagée sous François Hollande pour les collectivités locales : la loi NOT, pour Nouvelle organisation territoriale de la République. Ce texte adopté en juillet 2015 a redéfini les compétences de chaque échelon territorial. Aux régions, l’économie et les grandes orientations stratégiques, aux départements, la solidarité, et au bloc communal, les services de proximité.

La clause de compétence générale, qui permettait à une collectivité territoriale de se saisir de tout sujet ne relevant pas de l’Etat, a été supprimée pour les départements et les régions.

Cette loi a provoqué un bouleversement pour les quelque 36 000 communes. Si, depuis 2010, elles étaient obligées d’adhérer à un groupement de communes, la loi de 2015 a fixé le seuil minimal des intercommunalités à 15 000 habitants contre 5 000 auparavant. Ce qui a provoqué une accélération des regroupements.

Selon une étude de l’AMF, rendue publique en mars, 542 « communes nouvelles » ont été créées depuis cinq ans, à partir du regroupement de 1 820 villes ou villages. En début d’année, la France ne comptait plus que 35 498 communes.

Après ces nombreuses réformes, l’actuel gouvernement souhaite laisser la liberté aux territoires de prendre des initiatives locales en ce qui concerne les créations de communes nouvelles ou les regroupements de départements.

  • La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

C’est l’une des promesses phares du candidat Macron. La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages sera étalée entre 2018 et 2020. Dans une interview aux Echos le 11 juillet, Edouard Philippe a annoncé qu’une première étape aura lieu dès 2018, soit une baisse d’impôts évaluée à 3 milliards d’euros.

Au bout du compte, sur la vingtaine de milliards d’euros que cette taxe rapporte aux communes chaque année, ce sont 8,5 milliards qui n’entreront plus, à terme, dans leurs caisses, selon le chiffrage du ministère des comptes publics.

Si M. Macron a promis de compenser cette perte « à l’euro près », « on ne laissera rien passer qui ne soit pas calculé, prévu », a prévenu, dans Le Journal du dimanche du 16 juillet, le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher.

Les collectivités devraient être soumises à d’autres économies. Le candidat Macron a évoqué la suppression d’environ 70 000 postes dans la fonction publique territoriale.

Source Le Monde AFP 17/07/2017

Voir aussi : Actualité France rubrique PolitiquePolitique économique, Macron met les collectivités au régime sec, Politique locale, rubrique Finance, rubrique Société, Macron, le spasme du système, Réforme territoriale : quels enjeux pour le réseau de solidarité ?,

Macron met les collectivités au régime sec

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Le chef de l’État veut diminuer le nombre des élus locaux et promet une refonte de la fiscalité locale.

Amadouer sans se renier. Emmanuel Macron, Édouard Philippe et une dizaine de membres du gouvernement ont réuni, lundi au Sénat, les élus locaux pour une première «conférence nationale des territoires». Le menu? L’élaboration d’«un pacte» et d’une méthode de travail entre l’État et les collectivités afin de traiter de tous les sujets, et surtout de ceux qui fâchent. Les élus locaux abordaient l’exercice avec méfiance, tant ils se sont vu imposer d’en haut, ces dernières années, les desiderata de l’État. Dès l’ouverture le matin de cette grand-messe, qui se réunira tous les six mois, le premier ministre a donc promis «qu’aucune décision affectant les collectivités locales ne soit prise sans être discutée» au sein de ces «conférences».

13 milliards d’économies

Sur le fond, l’exécutif n’a pas essayé de cacher les désaccords. Emmanuel Macron a annoncé, dans l’après-midi, qu’il voulait réduire le nombre d’élus locaux. Il faut «engager une réduction du nombre des élus locaux, comme nous allons engager une réduction du nombre de parlementaires», a-t-il expliqué. Les élus ont ensuite eu confirmation que l’exécutif leur demandera non pas 10, mais 13 milliards d’euros d’économies ces cinq prochaines années. La douche est glaciale pour les élus locaux, qui ont déjà vu leur dotation, c’est-à-dire le chèque réglé par l’État aux chefs des exécutifs locaux, amputée de 9,5 milliards d’euros les trois dernières années du quinquennat Hollande.

Pas de concession sur le fond, mais sur la méthode. «Nous ne procéderons pas par une baisse brutale des dotations», a promis le président de la République. Et ce, a-t-il ajouté, alors que «la logique budgétaire consisterait à diminuer les dotations en 2018»… pour aussitôt exclure cette voie. À la place, le chef de l’État préfère responsabiliser les élus locaux en leur demandant de réduire d’eux-mêmes les dépenses de leur collectivité. D’où l’idée du «pacte». Ceux qui ne joueraient pas le jeu, a-t-il toutefois prévenu, verraient leurs dotations baisser l’année suivante.

Suppression totale de la taxe d’habitation

Sur le front fiscal, les maires devront aussi faire le deuil de la quasi-totalité de la taxe d’habitation. Emmanuel Macron a rappelé sa volonté de tenir sa promesse d’exonérer de cette taxe 80 % des ménages. Allant plus loin, il a créé la surprise en laissant entrevoir la suppression totale, à terme, de la taxe d’habitation. «Un impôt payé par 20 % de la population n’est pas un bon impôt», a-t-il ainsi reconnu. Il est vrai que, durant la campagne, le candidat d’En marche! avait caressé l’idée d’une suppression totale, avant de renoncer, pour ne pas braquer les maires qui le soutenaient alors.

Devant les élus locaux réunis au Sénat, le président a annoncé un groupe de travail qui planchera, jusqu’au printemps prochain, sur une refonte de la fiscalité locale, «en particulier en substitution de la taxe d’habitation». En échange, il a laissé miroiter aux participants une part de recette fiscale nationale. Et pas n’importe laquelle: une fraction de la CSG ou de la CRDS, qui financent jusqu’ici exclusivement la Sécurité sociale – c’est même leur raison d’exister.

Emmanuel Macron a toutefois aussi entendu les demandes des élus ruraux. Reprenant les idées poussées par François Baroin, le président de l’Association des maires de France, il a promis un moratoire sur la fermeture des classes dans les écoles primaires des communes rurales, le développement accéléré du très haut débit dans les zones qui en sont toujours privées ainsi que la création d’une «agence nationale de la cohésion des territoires» pour venir en aide aux communes et départements ruraux.

Que ce soit en matière de réduction du déficit, de baisse des impôts ou de lutte contre la fracture territoriale, a rappelé Emmanuel Macron aux élus locaux, «vos problèmes, ce sont les miens, mais croyez bien que les miens, ce sont un peu les vôtres aussi».

Guillaume Guichard

Source Le Figaro 17/07/2017

Voir aussi : Actualité France rubrique PolitiquePolitique économique, Politique locale, Les réformes qui ont bouleversé les collectivités territoriales en dix ans, rubrique Finance,

Le Conseil Régional PACA se prononce contre les fichiers scolaires – A qui le tour ?

Les élus s’emparent d’une bataille qui est loin d’être dépassée

Lors de sa Séance Plénière du 24 juin 2011, le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur a adopté un vœu contre le fichage numérique des scolaires déposé par le groupe Front de Gauche, soutenu par les groupes Socialiste, Radical et Républicain et Europe Ecologie, les Verts, Partit Occitan (? Lire la motion ci-dessous ou la télécharger au format pdf).

Le Conseil Régional PACA affirme que « construire un grand service public d’éducation efficace nécessite des enseignants formés, des moyens financiers et matériels, et non des systèmes informatiques permettant un pilotage automatisé et un contrôle individualisé des élèves » et s’engage « à apporter son soutien aux personnels des premier et second degrés qui se verraient sanctionnés du fait de leur refus de renseigner des bases contenant des données personnelles ». Il ne fait aucune concession à l’Etat, ni au ministère de l’Education nationale et leur demande solennellement :

de se conformer aux observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU du 12 juin 2009, qui « recommande en outre que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif », en renonçant à l’immatriculation des enfants (BNIE/RNIE) et à l’utilisation des bases de données personnelles en service au primaire (BE1D) et au secondaire (SCONET), ainsi qu’à la conservation numérique des parcours scolaires (LPC), et aux procédures automatiques d’orientation (Affelnet 6°, Affelnet 3°, Admission Post-bac).

D’organiser une remise à plat de tout le système informatique de l’Education nationale, en consultant les élus et les parents d’élèves, les syndicats et les enseignants, la CNIL et les défenseurs des droits de l’homme, afin de permettre un vrai débat sur l’utilisation des technologies numériques dans le service public d’éducation.

De lever toutes les sanctions à l’encontre des directeurs d’école qui ont refusé d’enregistrer des enfants dans BE1D, que ce soit pour s’opposer à ce fichage illégal ou respecter la volonté des parents, et d’appliquer le droit d’opposition rendu aux parents par l’arrêt du Conseil d’état du 19 juillet 2010.

Suite à la motion votée par l’Assemblée de Corse, Monsieur le recteur de Corse déclarait le 8 juin dans Corse Matin : « C’est la seule région de France à s’opposer au logiciel base élèves. Les élus corses sont probablement ignorants. Ils sont sur une bataille dépassée. (…) C’est une absurdité. Si on suivait cette motion ce serait une régression technique considérable. (…) Cette motion repose sur la méconnaissance, elle a sûrement été votée tard dans la soirée par des élus fatigués. » (1)

Balayant d’un revers de main les propos du recteur de Corse, les élus du Conseil de Paris et maintenant ceux de la Région PACA se positionnent contre Base élèves et les multiples fichiers créés par l’Education nationale, montrant bien à monsieur le recteur et à tous ceux qui pourraient le croire qu’ils ne sont ni ignorants, ni fatigués et qu’ils s’emparent volontairement d’une bataille loin d’être dépassée.

Lorsque les élus demandent que les données personnelles des élèves et de leurs familles restent leur propriété et ne sortent pas des établissements scolaires, ils savent très bien que ce ne sera pas une régression technique, mais une avancée considérable sur le chemin du respect des droits des enfants.

Ainsi, le Conseil de Paris a voté le 20 juin 2011 un vœu qui demande au Rectorat de Paris « de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles restent confidentiels et qu’elles soient compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée en 1990 par la France ». (2)

Les élus ne sont en effet pas dupes puisqu’ils continuent à demander le respect des recommandations du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies adressées à la France en juin 2009, alors que Luc Chatel affirme toujours aux parlementaires que ces observations ont été rendues caduques par la publication en octobre 2008 de l’arrêté régularisant Base élèves ! (3)

Le vœu voté par le Conseil Régional PACA montre bien qu’ils ont conscience que Base élèves n’est pas un simple outil de gestion, qu’il s’agit bien de la première pierre d’une architecture de bases de données personnelles interconnectables grâce à l’Identifiant National Elève (INE), qui constitue un danger pour la préservation du droit à la vie privée et est incompatible avec le droit à l’oubli indispensable pour que les enfants et les jeunes puissent se construire et se structurer en individus épanouis et en citoyens responsables.

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves se réjouit de cette position et invite tous les élus des assemblées nationales et territoriales à suivre le chemin ouvert par l’Assemblée de Corse, le Conseil de Paris et le Conseil Régional PACA et à intervenir à leur tour pour protéger les libertés des enfants et préserver leur avenir.

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves

 

(1) http://www.corse.fr/Seance-publique-de-l-Assemblee-de-Corse-des-26-et-27-mai-2011-Compte-rendu_a3178.html
http://retraitbaseeleves.files.wordpress.com/2011/05/motion-assemblee-de-corse.pdf
http://retraitbaseeleves.wordpress.com/corse/

(2) http://retraitbaseeleves.wordpress.com/paris/

(3) http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2010/11/15/le-cnrbe-ecrit-aux-parlementaires/
http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2010/11/15/cnrbe-dementis/

Voir aussi : Rubrique Education , Avis du Conseil d’Etat, Nouvelle vague de plaintes des parents, Sévère rapport de la cour des compte sur l’EN, rubrique Société, La crise morale nous touche de l’intérieur, Mobilisation contre l’arsenal répressif , On line Lire la décision relative au fichier “Base élèves 1er degré” , Lire la décision relative au fichier “BNIE”

Culture : « Garder des forces pour aller à l’efficace « 

Ce n’est pas jouer les cassandres que de rendre comptes des menaces mortelles qui pèsent sur la culture en France. Avec la révision générale des politiques publiques, La réforme des collectivités territoriales et le régime sec des restrictions budgétaires nationales et locales, celles-ci s’amoncèlent comme de gros nuages à l’approche de l’orage. Pourtant le Languedoc-Roussillon semble peu enclin à venir grossir les troupes qui défendront la culture à Paris le 17. Ce troisième appel à une journée d’action en trois mois n’est pas jugé inutile mais priorité est donnée à trouver des réponses stratégiques face à l’offensive.

Le pire est devant nous

Sur le champ de bataille de la réforme territoriale, les milieux du spectacle craignaient que les régions et les départements perdent leur possibilité d’intervention  » Sur ce point la mobilisation a abouti à réintroduire la culture et le sport comme compétences générales. Mais la lutte n’est pas finie. Après les coupes dans les budgets 2010 nous redoutons celles qui se préparent en 2011. Le pire est devant nous « , indique Jean-Marc Uréa du Syndicat national des entreprises artistiques (Syndeac).

Archive mouvement intermitents de 2003. Photo David Maugendre

Archive mouvement intermitents de 2003. Photo David Maugendre

Depuis octobre 2009, un ensemble d’organisations professionnelles et syndicales auxquelles sont associés des réseaux et des collectifs se sont rassemblés pour créer le Comité régional d’action pour la culture et la connaissance en Languedoc Roussillon (CRACC). Cette union régionale regroupe en Languedoc-Roussillon des acteurs de tous les secteurs : spectacle vivant, lecture publique, arts plastiques, musées, structures ou associations patrimoniales, cinéma et l’audiovisuel, multimédia, administration culturelle et la recherche… On songe à la citation de Valéry : « ?Deux dangers ne cessent de menacer le monde l’ordre et le désordre.  » En la circonstance, face au désordre orchestré au nom de la concurrence libre et non faussée, les acteurs culturels se sont mis en ordre de bataille pour faire front.

Peser sur les élus locaux

La journée d’action du 17 juin pour protester contre la cure d’austérité sans précédent promise au spectacle vivant et à la création artistique était à l’ordre du jour d’une réunion du Cracc la semaine dernière au Centre national chorégraphique de Montpellier. Rapidement les acteurs présents s’entendent pour ne pas répondre à l’appel national.  » On est épuisé. Il faut garder des forces pour aller à l’efficace. On ne pas se contenter de négocier les conditions de la défaite explique Eva Loyer de la CGT spectacle, ce qui marche c’est l’interpellation des politiques. Les élus locaux clament qu’ils ne sont pas d’accord mais ils appliquent… La désobéissance civile ça existe aussi pour les élus.  » L’assemblé décide d’engager une démarche auprès des cinq Présidents des conseil généraux. Il est aussi question d’une action auprès des parlementaires de l’UMP.  » De part le fait qu’il détient actuellement la majorité l’UMP demeure le cœur de cible, mais ce n’est pas le seul parti concerné, souligne la représentante du Syndicat national des arts vivants (Synavi), en cas d’alternance en 2012, ils faut que le PS nous dise s’il reviendra en arrière…? »

Lever l’opacité législative

Autre chantier et pas des moindres, l’action en direction des élus suppose de décrypter les multiples textes législatifs dont le point convergent abouti à la destruction organisée du service public de l’art, de la culture et de la connaissance. Line Colson de la boutique d’écriture, (membre du mouvement d’éducation populaire Peuple et Culture) évoque la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations qui s’est fixé pour objectif de clarifier les exigences que doit respecter une collectivité publique pour sécuriser l’octroi d’une subvention à une association.  » Selon le texte entré en vigueur pour prendre en compte les exigences libérales de l’UE, au-delà d’un budget annuel de 66 000 euros, emploi aidé et mise à disposition de salle ou de matériel compris, ont ne pourra plus percevoir de subvention émanant des collectivités publiques à moins de faire certifier son activité en tant que service d’intérêt économique général. Ce qui revient à considérer la culture comme une marchandise. » Sur ce sujet les acteurs décident d’organiser des réunions d’information.

Les menaces qui pèsent sur la culture portent aussi sur la démocratie. D’où la nécessité soulevée par la secrétaire régionale du syndicat des arts de la rue LR, Fatma Nakib d’informer le public des festivals. Et peut-être au-delà de concerner les citoyens. Autant de chantiers à mener au niveau local par les membres du Cracc qui s’abstiendront, pour cette fois, de marcher sur Paris.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, Régionales : visions croisées sur l’enjeu de la culture , le modèle français,

Démocratie de quartier et légitimité politique

La démoctatie participative à construire

La démoctatie participative à construire

Essai. A la lumière de l’histoire, l’ouvrage d’Anne Lise Humain-Lamoure analyse les enjeux politiques et les pratiques sociales de la démocratie de proximité.

Faire une démocratie de quartier ? L’ouvrage d’Anne-Lise Humain-Lamoure tombe à pic à l’heure où Montpellier reconduit l’opération Printemps de la démocratie sur fond de bataille pour devenir kalif surdoué. Sur le papier, notamment celui de la presse institutionnelle, il est question  » d’aller à la rencontre de l’expression citoyenne, au plus près des habitants, et de consacrer la prise en compte de l’expertise d’usage des habitants dans l’acte décisionnel.  » L’objectif affiché ne pouvant être que louable et désintéressé, tout citoyen comprend naturellement que l’intérêt de nos élus locaux pour la démocratie locale s’inscrit avant tout dans un souci électoral. Ce dont convient l’auteur en pointant   » le souci de légitimation de leur représentativité dans le cadre d’un contexte politique qui valorise fortement le principe d’une proximité. « 

Qu’est ce que la proximité ?

democratie-particip-arbreCette proximité incontournable et cruciale, devenue en quelques années une valeur politique de premier plan sans que l’on puisse pourtant en donner une définition claire, trouve place dans la recherche pluridisciplinaire (géographie, aménagement, sociologie et sciences politiques ) d’Anne-Lise Humain-Lamoure. L’auteure y consacre un chapitre. Sous le titre Quartier et proximité une nouvelle idéologie ? elle analyse le mécanisme de production de légitimité politique comme une rupture symbolique avec une légitimité naguère liée à la distance. Distance de l’intérêt général par rapport à l’intérêt particulier, de l’administration rationnelle par rapport à la relation personnelle et de l’Etat par rapport à la société civile.

De quel quartier parle-ton ?

 Si le quartier apparaît unanimement comme le territoire à construire, la division spatiale administrative comme la pertinence de son échelle dans l’espace urbain ne sont ni discutées ni imposées par le cadre légal.  » Le quartier apparaît comme une catégorie abstraite dont l’échelle et les critères de délimitation ne sont jamais définis.  » En fonction du contexte, les acteurs municipaux peuvent ainsi mobiliser le quartier différemment pour le mettre en lien avec les axes politiques qu’ils entendent mettre en valeur. Tandis que les habitants font référence, dans leur grande majorité, à l’idée de rencontre et d’interaction sociale. Pour la population  » Le quartier se définit avant tout par la diversité des personnes qui s’y côtoient. « 

 Critique du mode électif

L’objet de la loi de démocratie de proximité, adoptée en février 2002 est de lier gestion de proximité et démocratie locale. Le texte se fixe pour objectif de renouveler le lien entre élus et citoyens pour renforcer la démocratie, améliorer l’efficacité de l’action publique, et retrouver un lien social considéré comme érodé.

mosquee-manifCette loi répond avant tout à la crise de représentation  » souligne la chercheuse, en fournissant un cadre  » pour mieux décider au nom des gens en refondant la légitimité des élus.  » Le régime représentatif assuré par les élections certifie théoriquement la légitimité des décisions prises et de ceux qui les prennent. Mais il est aujourd’hui de plus en plus contesté comme l’indique les records atteints par l’abstention dans toutes les élections intermédiaires aux présidentielles.  » L’élection suppose une compétition pour la conquête des mandats et des pouvoirs qu’ils confèrent. Or, cette compétition, organisée par et dans les partis politiques, est souvent ressentie comme des réseaux de pouvoir dans lesquels une part croissante de citoyens se sent exclue et oubliée.  » A cela s’ajoute la litanie des promesses non tenues, autant que l’impression d’une caste fermée de politique issue des classes les plus favorisées. La critique du modèle républicain revendique aussi l’ouverture des systèmes décisionnels, et la reconnaissance de la différence entre les groupes sociaux, sur la base de leurs origines ethniques et religieuses.

La démocratie de proximité aurait donc pour but d’abolir ou d’atténuer la domination politique, sociale et culturelle. Mais pour la plupart de ses promoteurs officiels, ce n’est guère concevable.  » Pour la première fois depuis la Révolution, on choisit de découper un des territoires de la République  » rappelle Anne-Lise Humain-Lamoure dont l’essai ausculte la démocratie à partir du plus petit des territoires. Un miroir édifiant sur les pratiques et les questions que suscite notre système politique.

Jean-Marie Dinh

Faire une démocratie de quartier ? Editions Le bord de l’eau, 22 euros

Voir aussi : Rubrique Montpellier Rubrique Politique locale : Frêche et le serment du Jeu de paume , Mandroux et le village Gaulois, Tramway ligne trois,  Un petit dernier avant les régionales, Un îlot de soleil sous un ciel menaçant Petit Bard Pergola rénovation urbaine,