Le Cinemed de Montpellier fait briller la Méditerranée

Mascarade, du réalisateur franco-algérien Lyes Salem. Photo dr

Du 20 au 28 octobre aura lieu le festival Cinemed grand rendez-vous du 7e art méditerranéen à Montpellier. Aure Atika sera la présidente du jury de cette 39e édition qui met l’Algérie à l’honneur.

Trente neuf années que Montpellier suit le cinéma méditerranéen en privilégiant tous ses acteurs et notamment les réalisateurs quelque soit leur origine. Le festival participe pleinement au rayonnement d’une expression cinématographique immensément riche trop souvent oublié par les circuits de production et de diffusion de l’industrie du cinéma. Quatre décennies ont permis de tisser des liens de confiance qui portent aujourd’hui le festival montpelliérain comme un carrefour reconnu dans tout le bassin de la grande bleue mais aussi dans des instances professionnelles comme le CNC. « Cela concourt au développement des échanges artistiques et économiques entre la France et les pays de la Méditerranée, afin que nous soyons les uns pour les autres des partenaires de premier choix », confirmee son président Frédérique Bredin.

Hier, lors de la présentation à la presse, l’ex ministre de la culture Aurélie Filippetti, qui préside le festival depuis 2016, a souligné la solidité de l’engagement financier singulier des partenaires publics « qui s’investissent en laissant une totale liberté aux programmateurs.» La part des fonds publics s’élève à 863 000 euros dont 83% en provenance de la Métropole et de la ville de Montpellier, l’Etat et la Région entrant chacun dans ce budget pour moins de 10%. Pour le maire et Président de la Métropole Philippe Saurel, le Cinemed apparaît comme un des fleurons d’une politique cinématographique et audiovisuelle forte dont l’engagement vise à structurer le secteur des industries culturelle et créative.

Ambiance de fête

Avec 211 films à l’affiche le festival séduit un large public sans céder au faste ni à la tendance people. On attend 80 000 spectateurs dont une grande majorité d’habitants de La Métropole. La volonté de simplicité alliée à l’exigence est un aspect qui joue pour beaucoup dans la réussite public de l’événement. C’est une composante de l’identité du festival qui participe à son ambiance, très ouverte, en correspondance avec la convivialité que partage les peuples de la Méditerranée si terrible soit l’histoire que traversent certains d’entre-eux.

Après la Tunisie en 2016, le Cinemed donnera cette année un coup de projecteur sur le cinéma algérien en privilégiant la jeune garde dont beaucoup ont choisi l’exil après les années 90.

L’énergie du cinéma algérien

Films documentaires, courts et longs métrages vont se succéder, pour dessiner la richesse du paysage cinématographique algérien. Plus d’une vingtaine de films récents sont programmés. On pourra notamment découvrir Kindil de Damien Ounouri, En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui sélectionnés à Cannes, Les bienheureux de Sofia Djama et retrouver la filmographie de l’invité d’honneur Merzak Allouache qui n’a eu de cesse de suivre l’évolution tourmentée de l’Algérie contemporaine.

Parmi les autres réjouissances attendues : une rétrospective du grand maître italien d’après-guerre Alberto Lattuada. Un focus sur l’oeuvre du réalisateur espagnol Fernando Trueba, au sommet de la comédie madrilène. Des hommages  : à Manuel Pradal, ainsi qu’au duo Olivier Nakache et Eric Toledano, l’intégrale de la réalisatrice d’origine algérienne Dominique Cabrera, Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin en ciné-concert avec l’Orchestre national de Montpellier, de nombreuses avant-premières, et tous les films en compétition… La présidence du jury de l’Antigone d’Or est confiée à une fille du rock, Aure Atika.

JMDH

Source La Marseillaise

Voir aussi : Rubrique Cinéma, CinemedCinemed 2016 miroir d’un monde qui mute, Jo Sol : Idée d’un corps révolutionnaire et universelElite Zexer : Sur le sable bédouin, rubrique Festival, rubrique Montpellier,

Aurélie Filippetti : « Frédéric Mitterrand regardait les trains passer ; moi, je les aiguille »

"Une vision dogmatique, sans réflexion, ni dialogue" : un an après la passation de pouvoir Rue de Valois, Frédéric Mitterrand s'est répandu dans la presse pour critiquer sa successeur, Aurélie Filippetti (ici à l'Assemblée nationale, le 14 mai 2013). « Une vision dogmatique, sans réflexion, ni dialogue » : un an après la passation de pouvoir Rue de Valois, Frédéric Mitterrand s’est répandu dans la presse pour critiquer sa successeur, Aurélie Filippetti (ici à l’Assemblée nationale, le 14 mai 2013). | AFP/ERIC FEFERBERG

« Une vision dogmatique, sans réflexion ni dialogue », un « manque d’impartialité » : un an après la passation de pouvoir Rue de Valois, Frédéric Mitterrand est sorti de sa réserve et s’est répandu ces derniers jours dans la presse pour critiquer sévèrement les évictions de sa successeure au ministère de la culture, Aurélie Filipppetti : Jean-François Colosimo, du Centre national du livre (CNL), Eric Garandeau, du Centre national du cinéma (CNC), Olivier de Bernon, du Musée Guimet, Jean-Marie Besset, du Centre d’art dramatique de Montpellier. Tous ces départs ont « choqué » M. Mitterrand. Dans un entretien au Monde.fr, Mme Filippetti répond à ces attaques.

Ces derniers jours, votre prédécesseur, Frédéric Mitterrand, a fortement critiqué votre action à la tête du ministère de la culture. Qu’avez-vous à lui répondre ?

C’est une attaque politicienne et de bas étage pour défendre quelques intérêts privés. Jamais depuis un an nous n’avons entendu Frédéric Mitterrand parler des grands sujets de politique culturelle. Il n’a pas été présent, contrairement à Jacques Toubon, Jean-Jacques Aillagon, ou Renaud Donnedieu de Vabres (tous anciens ministres de droite de la culture), par exemple, sur le débat pour le maintien de l’exception culturelle. Je suis consternée par son inélégance et son incohérence.

Frédéric Mitterrand n’a pas laissé la trace d’un ministre qui avait un quelconque pouvoir pour imprimer sa marque sur une politique culturelle, ni en matière de nominations, ni en matière de réformes structurelles. Il a laissé un certain nombre de dossiers importants sous le tapis : le numérique, l’audiovisuel, les intermittents du spectacle. Venant de quelqu’un qui n’a pas un bilan flamboyant, ses critiques sont nulles et non avenues. Il dit dans un entretien au Point qu’il regardait les trains passer lorsqu’il était au ministère ; moi, je les aiguille.

Frédéric Mitterrand estime que vous avez une vision « dogmatique »

C’est insupportable. Insupportable de la part de quelqu’un qui était membre d’un gouvernement qui a rétabli la nomination par le président de la République des patrons de l’audiovisuel public. Le 24 juillet je présenterai à l’Assemblée nationale une loi qui va redonner ce pouvoir de nomination au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mais surtout qui va renforcer considérablement l’indépendance du CSA en associant, pour la première fois dans l’histoire, l’opposition parlementaire à la désignation des membres du CSA. C’est un grand pas démocratique ; c’est tout le contraire du dogmatisme et surtout tout le contraire d’un pouvoir de nomination arbitraire tel qu’il s’exerçait à l’ère Sarkozy et que jamais Frédéric Mitterrand n’a critiqué.

Quant aux autres nominations dans les établissements, j’ai renouvelé un grand nombre de personnes. Mais j’ai surtout mis en place des commissions et des procédures transparentes qui vont garantir enfin un certain renouvellement à la tête des institutions culturelles et une féminisation. Je souhaite faire bouger les lignes. Beaucoup trop de gens ont pris l’habitude de voir le monde culturel fonctionner avec des coteries, un petit monde qui vit dans l’entre-soi : ça c’est terminé. La culture, c’est le mouvement, ce n’est pas l’immobilisme. Personne n’est propriétaire à vie de son mandat.

Le projet de loi de finances pour 2014 réduit le budget de la mission culture de 2,8 %. Où vont se faire les économies ?

Je présenterai mon budget début octobre, comme l’année dernière. Mais, pour l’heure, le budget culture n’a pas été mis davantage à contribution que ce qui avait été décidé l’année dernière dans le budget triennal. Certains ministères ont eu des économies supplémentaires à faire dans le triennal, mais, pour la culture, le président de la République et le premier ministre ont jugé que l’effort fait était suffisant. Les lignes budgétaires de la création – qu’il s’agisse du spectacle vivant ou des arts plastiques – sont sanctuarisées. Tous les crédits d’intervention dans les régions sur ces domaines seront préservés ainsi que tout ce qui concerne l’enseignement supérieur (écoles d’architectes, d’art, de photo).

En novembre 2012, vous disiez, à propos des réductions budgétaires : « Nous avons montré notre sens des responsabilités, mais on ne me refera pas ça deux fois. »

Les chiffres annoncés correspondent au triennal fixé en 2012. Notre budget n’a pas été aggravé par rapport à ce qui avait été prévu.

Vous estimez donc que votre budget n’est pas mauvais…

On participe, et c’est normal, à l’effort commun pour redresser les finances publiques. C’est un effort difficile, mais c’est en même temps notre mission de montrer que la politique culturelle est responsable et exigeante.

Que pensez-vous de l’éviction de Delphine Batho du gouvernement ?

Delphine est une amie. Je suis triste de voir partir une amie. Voilà, c’est tout.

Où en est la négociation sur la convention collective du cinéma, qui a été étendue le 1er juillet mais qui sera mise en œuvre le 1er octobre ?

Avec le ministre du travail, Michel Sapin, nous avons le souci d’avoir une convention collective pour le seul secteur culturel – le cinéma – qui n’était pas couvert. J’avais demandé une prise en compte plus importante de la diversité des films et de la préservation des films économiquement fragiles. Nous constatons qu’il y a des points de convergence, des efforts ont été faits des deux côtés – partenaires sociaux et producteurs. Ils n’ont pas encore réussi à trouver un terrain d’entente, mais je pense que la réconciliation est possible. Nous ne sommes pas loin d’un accord. La convention sera appliquée au 1er octobre. Quant aux films tournés cet été, ils se feront dans les conditions dans lesquelles ils ont été programmés, prévus et financés.

Craignez-vous que le climat social pèse sur l’édition 2013 du Festival d’Avignon ?

Non. Les choses sont claires en ce qui concerne les intermittents du spectacle. Michel Sapin et moi-même sommes déterminés à préserver une indemnisation spécifique de ces emplois qui sont des métiers plus précaires que les autres par nature. Maintenant c’est aux partenaires sociaux d’ouvrir la discussion à l’automne.

Culture : « Garder des forces pour aller à l’efficace « 

Ce n’est pas jouer les cassandres que de rendre comptes des menaces mortelles qui pèsent sur la culture en France. Avec la révision générale des politiques publiques, La réforme des collectivités territoriales et le régime sec des restrictions budgétaires nationales et locales, celles-ci s’amoncèlent comme de gros nuages à l’approche de l’orage. Pourtant le Languedoc-Roussillon semble peu enclin à venir grossir les troupes qui défendront la culture à Paris le 17. Ce troisième appel à une journée d’action en trois mois n’est pas jugé inutile mais priorité est donnée à trouver des réponses stratégiques face à l’offensive.

Le pire est devant nous

Sur le champ de bataille de la réforme territoriale, les milieux du spectacle craignaient que les régions et les départements perdent leur possibilité d’intervention  » Sur ce point la mobilisation a abouti à réintroduire la culture et le sport comme compétences générales. Mais la lutte n’est pas finie. Après les coupes dans les budgets 2010 nous redoutons celles qui se préparent en 2011. Le pire est devant nous « , indique Jean-Marc Uréa du Syndicat national des entreprises artistiques (Syndeac).

Archive mouvement intermitents de 2003. Photo David Maugendre

Archive mouvement intermitents de 2003. Photo David Maugendre

Depuis octobre 2009, un ensemble d’organisations professionnelles et syndicales auxquelles sont associés des réseaux et des collectifs se sont rassemblés pour créer le Comité régional d’action pour la culture et la connaissance en Languedoc Roussillon (CRACC). Cette union régionale regroupe en Languedoc-Roussillon des acteurs de tous les secteurs : spectacle vivant, lecture publique, arts plastiques, musées, structures ou associations patrimoniales, cinéma et l’audiovisuel, multimédia, administration culturelle et la recherche… On songe à la citation de Valéry : « ?Deux dangers ne cessent de menacer le monde l’ordre et le désordre.  » En la circonstance, face au désordre orchestré au nom de la concurrence libre et non faussée, les acteurs culturels se sont mis en ordre de bataille pour faire front.

Peser sur les élus locaux

La journée d’action du 17 juin pour protester contre la cure d’austérité sans précédent promise au spectacle vivant et à la création artistique était à l’ordre du jour d’une réunion du Cracc la semaine dernière au Centre national chorégraphique de Montpellier. Rapidement les acteurs présents s’entendent pour ne pas répondre à l’appel national.  » On est épuisé. Il faut garder des forces pour aller à l’efficace. On ne pas se contenter de négocier les conditions de la défaite explique Eva Loyer de la CGT spectacle, ce qui marche c’est l’interpellation des politiques. Les élus locaux clament qu’ils ne sont pas d’accord mais ils appliquent… La désobéissance civile ça existe aussi pour les élus.  » L’assemblé décide d’engager une démarche auprès des cinq Présidents des conseil généraux. Il est aussi question d’une action auprès des parlementaires de l’UMP.  » De part le fait qu’il détient actuellement la majorité l’UMP demeure le cœur de cible, mais ce n’est pas le seul parti concerné, souligne la représentante du Syndicat national des arts vivants (Synavi), en cas d’alternance en 2012, ils faut que le PS nous dise s’il reviendra en arrière…? »

Lever l’opacité législative

Autre chantier et pas des moindres, l’action en direction des élus suppose de décrypter les multiples textes législatifs dont le point convergent abouti à la destruction organisée du service public de l’art, de la culture et de la connaissance. Line Colson de la boutique d’écriture, (membre du mouvement d’éducation populaire Peuple et Culture) évoque la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations qui s’est fixé pour objectif de clarifier les exigences que doit respecter une collectivité publique pour sécuriser l’octroi d’une subvention à une association.  » Selon le texte entré en vigueur pour prendre en compte les exigences libérales de l’UE, au-delà d’un budget annuel de 66 000 euros, emploi aidé et mise à disposition de salle ou de matériel compris, ont ne pourra plus percevoir de subvention émanant des collectivités publiques à moins de faire certifier son activité en tant que service d’intérêt économique général. Ce qui revient à considérer la culture comme une marchandise. » Sur ce sujet les acteurs décident d’organiser des réunions d’information.

Les menaces qui pèsent sur la culture portent aussi sur la démocratie. D’où la nécessité soulevée par la secrétaire régionale du syndicat des arts de la rue LR, Fatma Nakib d’informer le public des festivals. Et peut-être au-delà de concerner les citoyens. Autant de chantiers à mener au niveau local par les membres du Cracc qui s’abstiendront, pour cette fois, de marcher sur Paris.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, Régionales : visions croisées sur l’enjeu de la culture , le modèle français,