Avec son dernier livre « Le rêve des chevaux brisés », l’enfant de Cleveland nous tient en haleine. D’un bout à l’autre le lecteur plonge sur la piste d’un parcours à double détente. Celui d’un couple improbable qui finit en clash. Et celui plus obsessionnel, d’une quête psychologique qui pousse le personnage principal sur les traces troublées de son enfance.William Bayer fait escale à Montpellier à l’occasion du Festival International du Roman noir qui se tient jusqu’à dimanche à Frontignan. Il a déjà commis une quinzaine de romans. Ce n’est pas le genre d’homme à laisser les choses au hasard. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit maniaque. Il aime Hemingway, et comme lui, se fait adepte du style maigre, écriture concise, dépouillée… Mais là où l’auteur du Vieil homme et la mer fuit tant qu’il peut la psychologie, Bayer se délecte à tisser dans les méandres de l’inconscient. Dans Le rêve des chevaux brisés, David Weiss le narrateur, est témoin d’un acte criminel sans avoir vu la scène du meurtre, et il ne le réalise qu’à l’âge adulte. Le rythme du livre est assez lent comme celui de l’écriture « Plus j’avance dans l’âge plus je prends mon temps » confie l’auteur. La dimension du temps justement, est maniée avec finesse et dextérité. Bayer l’allie au lieu de l’action en jouant avec les allers-retours entre passé et présent.
Dans le livre tout commence par le retour de David dans sa ville natale Calista ville fictive et espace physiquement et moralement vécu et parcouru par l’auteur lui-même. En réalité, Calista n’est rien d’autre que sa ville natale, Cleveland. « J’ai choisi un autre nom pour ne pas être prisonnier des détails. Je voulais faire un parallèle entre l’âge d’or de cette ville et ce qu’elle est aujourd’hui après le déclin économique. C’est pourquoi le meurtre a lieu 25 ans plus tôt. Je voulais aussi évoquer le fonctionnement de ces villes pleines de secrets et de non dits. »
William Bayer a un parcours plutôt atypique. Diplômé de Harvard et Cambridge en histoire de l’art, le sexagénaire affiche aujourd’hui les traits d’un bon vivant. Sous la présidence de Kennedy, il a travaillé aux affaires culturelles du Département d’Etat américain qu’il dit avoir quitté, même si certains de ses collègues de l’époque sont aujourd’hui nommés à des postes de pouvoir. « Je n’avais pas envie de passer ma vie à lécher des bottes pour ça.» Alors il a basculé dans le roman noir, pour trouver sa vraie place et pour notre plus grand plaisir.
Jean-Marie DINH
William Bayer Le rêve des chevaux brisés, éditions Rivages.
Voir aussi : Rubrique Roman noir,
Une réflexion sur « William Bayer un as du clash psychologique »
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