Musiques du monde : le plaisir caché de la diversité

José Bel le directeur artistique de Fiest’A Sète "j’ai pu mesurer l’emprise totale de la culture anglo-saxonne"

 

Cette semaine, le plateau de Fiest’A Sète n’a pas eu le temps de refroidir. Les pointures de la world music se sont succédé dans l’antre exceptionnelle du Théâtre de la mer. Ici, c’est pas la cantine. On ne sert jamais de plats réchauffés. Depuis quinze ans, le cuisinier en chef José Bel mitonne une programmation aux petits oignons. Il repère, innove, allie les ingrédients artistiques et culturels. Plutôt humble, l’ancien disquaire connaît son métier sur le bout des ongles. Rester ouvert, écouter, et puiser dans sa culture musicale la meilleure façon d’offrir du bonheur. Sa cuisine est réputée. Fiest’A Sète figure parmi les meilleurs festivals de World de l’hexagone. Il comporte aussi des épices qui éveillent le public à la situation internationale.

« Cela fait partie de notre vocation. Qu’est-ce qu’une programmation de musique du monde si ce n’est une ouverture à d’autres cultures ? En tant que disquaire, j’ai pu mesurer l’emprise totale de la culture anglo-saxonne. Pour la programmation, je pars toujours de la notion de plaisir et de découverte. Dans le prolongement, on élargit sa sensibilité et en prenant plaisir on entrevoit ce qu’il y a derrière la musique. »

L’autre face des festivités

La force des musiques du monde tient en partie à la perception que nous donnent les artistes de leurs contextes de vie. Pour une bonne part des invités, l’environnement est loin d’être apaisé comme le révèle le dernier rapport d’Amnesty International qui tient chaque année un stand dans le cadre du festival. « C’est notre base humaniste. On n’entre pas dans la marchandisation grandissante autour des festivals. En dehors des concerts, il y a aussi Les Tchatches musicales à la médiathèque qui donnent l’occasion d’aller plus loin. » Cette année, le spécialiste des musiques du monde Franck Tenaille y a tenu une passionnante conférence sur le thème « Racines et métissages, les musiques, miroir de la mondialisation ». Vendredi, à l’occasion de la venue du Réunionnais Danyel Waro, défenseur invétéré de la culture créole, le spécialiste des musiques africaines, Philippe Conrath a rappelé que jusqu’en 1981 l’administration française interdisait à la population de jouer du Maloya comme d’en fabriquer les instruments traditionnels.

C’est l’autre face de cette musique festive qui nous enchante qui fait aussi la vigueur de son énergie communicative. La liberté de l’échange culturel n’est toujours pas assurée. Comme en témoigne le problème de visa rencontré cette année par l’artiste congolais Zao. « L’ambassade de France lui donnait rendez-vous le 3 aôut pour un concert programmé le 2 août, explique le directeur José Bel. On a pu résoudre le problème in extremis avec le concours du Réseau zone franche*. » Si les heures de Fiest’A Sète sont belles, elles ne sont pas toujours de tout repos.

Jean-Marie Dinh

* Réseau  français consacré aux musiques du monde, Zone Franche est une organisation transversale qui rassemble toutes les catégories d’acteurs du secteur autour des valeurs relatives à la promotion des diversités culturelles.

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Rubrique Afrique, Une enquête parlementaire sur la Force Licorne en Côte d’Ivoire ? , La Françafrique se porte bien, rubrique Livre, Petite histoire de l’Afrique, Kamerun, Que fait l’armée française en Afrique ?,

 

Le bilan du surintendant de la musique

Les bons résultats du Festival de Radio France 2011 clôturent l’ère Koering

Musique Lyrique. Avec la fin de l’ère Koering une page se tourne vers un avenir incertain.

A l’heure du bilan, le Festival de Radio France qui s’est clôturé le 28 juillet dernier affiche une fréquentation totale de 121 700 spectateurs en très légère baisse comparée à  2010 qui avait réuni  123 500 spectateurs. Au Corum, les 15 soirées payantes sur les 194 manifestations du festival représentent 16% de la fréquentation. Les concerts gratuits de jeunes solistes à 12h30 et ceux de musique de chambre à 18h confirment leur succès avec près de 20 000 personnes. Cette année, le retour des concerts jazz au château d’O est à l’origine d’une hausse de la fréquentation (12 200 spectateurs). La musique électronique programmée place Dyonisos (3 concerts au lieu de 6 en 2010) a accueilli 7 000 personnes contre 14 500 l’année dernière.  44 concerts ont été décentralisés en région et 29 dans l’agglomération où 50 à 200 personnes ont été refusées chaque soir en raison de la faible capacité des lieux d’accueil. A noter aussi cette année, une présence renforcée de Radio France à Montpellier où 43 émissions dont 34 de France Culture ont été enregistrées en public.

Les raisons d’un succès

Cette réussite ne tient pas qu’à une dimension quantitative mais à un véritable savoir-faire dans les équilibres liés à une réelle exigence qualitative. Il n’est pas rare de voir des collectivités proposer des concerts gratuits mais il est rarissime de trouver des concerts entrée libre du Quatuor Prazak…

On a pu reprocher au directeur du Festival son enthousiasme modéré pour la décentralisation régionale. A la vérité, c’est plutôt son assurance et son souci d’exigence qui semble faire tâche dans le décor. Le fondateur du festival s’est toujours refusé à confondre décentralisation culturelle et culture au rabais. Par ailleurs, ce festival est comme son nom l’indique un festival de Radio. Il est destiné à être diffusé. Et il l’est plutôt bien. « Avec près de 300 diffusions internationales par an, le festival a fait connaître Montpellier dans le monde entier » rappelle René Koering. Un intérêt rehaussé par la programmation originale dont le surintendant de la musique avait le secret.

Transition chaotique

Concernant la naturelle transition qui devait voir le jour, la disparition de Georges Frêche a manifestement précipité les choses. Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre national et de l’Opéra de Montpellier en décembre 2010, René Koering, dont la candidature à sa succession a été soutenue par le président de l’Agglo Jean-Pierre Mourre, a quitté la direction du Festival le 28 juillet. Jean-Pierre Le Pavec, le nouveau directeur du festival, qui fut à l’origine du Festival de Saint Denis (une vingtaine de concerts) doit désormais prendre la mesure d’une machine qui produit dix fois plus de manifestations en 17 jours.

Questions d’avenir

Quelques questions se posent aussi pour la gestion de l’Orchestre et de l’Opéra, tombée dans les mains de l’imprévisible Jean-Paul Scarpitta. Après s’être empressé de faire le ménage autour de lui, (l’ex-préfet Constantin qui présidait l’Euterp*, le chef  d’Orchestre Lawrence Foster…) il n’est pas dit que les premières décisions prises par le nouveau directeur, comme la suppression des concerts du week-end, réjouissent les abonnés. S’ajoutent aussi quelques interrogations budgétaires. Le système frêchiste n’a jamais été un modèle de démocratie mais il reposait néanmoins sur un certain équilibre, notamment sur une profonde confiance relationnelle. Il semble à ce jour, que l’on ait gardé la structure, la maîtrise en moins. Et comme l’on sait, le goût immodéré pour le prestige ne fait pas toujours bon ménage avec l’argent du contribuable.

Jean-Marie Dinh

* Association gérant l’Orchestre et l’Opéra  financée par les collectivités.

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Fiest’ A Sète : La secousse Staff Benda Bilili

La générosité du cœur et le rythme au ventre.

Entre l’épidémie de choléra qui sévit en RDC et celle de la corruption qui gangrène le pays, tout porterait à penser que le moral est au plus bas dans le royaume dit démocratique de Joseph Kabila. Lundi, dans un Théâtre de la mer archi comble, la soirée de musique congolaise de Fiest’A Sète réunissait les deux rives du grand fleuve. Elle a offert au public captivé une belle leçon de savoir-vivre. Les deux groupes invités, Zao (Congo Brazzaville) et Staff Benda Bilili (Congo Kinshasa), cultivent l’esprit d’une joie communicative, celle que l’on tire simplement de se trouver en vie…

En ouverture le groupe Zao devait donner le « la » d’une soirée qui s’annonçait bien colorée. Entouré de jeunes musiciens, le charismatique Casimir Zoba chauffe le public à petit feu assez peu soutenu par une rythmique un peu basique, hormis le percussionniste dont l’expérience tempère les plaqués métalliques des synthés. On se prend parfois à regretter la présence des cuivres… La soixantaine passée, Casimir tient toujours la scène, sa reprise de Ancien Combattant, titre de son premier tube antimilitariste créé en 1984, s’avère toujours d’actualité comme pour rappeler la violence  figée d’Afrique centrale. On retrouve avec bonheur la patte provocatrice du chanteur avec le titre « Moustique » qui figure sur l’incontournable compile de l’édition 2011 du festival.

Changement de rive et de rythmes avec l’arrivée de Staff Benda Bilili. L’histoire de  cet orchestre de rue du Congo Kinshasa débute en 2005. Dans la perspective des premières élections démocratiques tenues depuis les années 60, le groupe formé de musiciens atteints de poliomyélite dans leur jeunesse, crée la chanson « Allons voter » qui fait un tabac dans tout le pays. Suit le film Benda Bilili réalisé par leurs producteurs, Florent de La Tullaye et Renaud Barret qui est présenté à Cannes en 2010. Dans la foulée paraît le disque « Très très fort » qui consacre le groupe en Europe.

Ce que l’histoire ne dit pas c’est la force scénique du groupe. Staff Benda Bilili diffuse toute la subtilité de la musique congolaise qui intègre la musique traditionnelle, la rumba et des sources afro cubaine, dans un cocktail ahurissant qui mêle l’énergie puissante du funk et du rythme’ n blues. Leur soukous (déformation du mot secousse) généreux emporte tous les suffrages. Staff Benda Bilili soutient que le handicap est principalement psychologique, il suffit de les voir pour s’en convaincre. Sur scène le groupe s’impose comme une grande figure de la world music à ne pas manquer.

Jean-Marie Dinh

Fiest’A Sète : La virée Africaine se poursuit ce soir au Théâtre de La mer sur le rythme de l’Afrobeat  avec le ghanéen Ebo Taylor et Seun Kuti,

Voir aussi : Rubrique Musique, Ethiopie Mahmoud Ahmed, rubrique Festival, Fiest’A Sète, La secousse Belili, rubrique, Rencontre, Mory Kanté, Seun Kuti, rubrique Afrique, La Françafrique se porte bien, rubrique RDC, Joseph Kabila, Mobutu light ?, rubrique Congo Brazaville

Brassens maître de la world

Compile. « Echos du monde » le poète chanteur essaime à travers le monde.

Où l’on découvre qu’en dépit de conditions climatiques détestables, les amoureux nippon se bécotent sur les bancs publics, qu’à Cuba comme à Sète on songe avec la même envie aux passantes aperçues au détour d’un chemin… Où l’on constate que la mauvaise réputation peut vous coller à la peau de Panam à la Réunion. Brassens, Echos du monde * nous fait traverser les frontières et les époques en compagnie de l’artiste.

L’éclectisme de cette compile procure beaucoup de plaisir, poétique et moqueur. Les mots de Georges passe de bouche en bouche, Nina Simone, Danyel Waro, Carina Iglecias… on les retrouvent dans la clarinette de Sydney Bechet, ou dans la version trash des impénitents Tueurs de la lune de miel. Du rétro à l’electro, passée à la moulinette de la grande sono mondiale, l’œuvre universelle offre à la jeune génération, l’occasion d’y accéder. Conçu par Emile Omar, programmateur de Radio Nova, le CD se présente sous forme d’un digipack où est inséré une affiche, dont est inspiré la pochette, illustrée par Lewis Heriz.

On n’a pas fini de disserter savamment sur le sens d’une œuvre qui a marquée le XXe siècle. Ce disque propose une simple contribution, juste  un bout d’histoire musicale « pour donner envie aux néophytes de  passer  la barrière en se replongeant dans l’œuvre incroyable de Brassens, et notamment de ses textes. »

Quand l’on sait mourir pour des idées, on la trouve  excellente celle de cette compilation qui rappelle l’envergure internationale du bonhomme trente ans après sa mort. On aurait pu mourir de ne l’avoir pas eue cette galette, alors quand on la tient, on y plonge, heureux comme Ulysse.

Jean-Marie Dinh

Brassens, Echos du Monde, Fanon Records, distribué par l’autre distribution. Présentation de l’album aujourd’hui à 18h Hôtel de Paris à Sète.

Voir aussi : Rubrique Musique, carton plein de sons, rubrique Poésie,

Fiesta sète : 15 jours de territoires musicaux

 

 

La seconde semaine du Festival Fiesta Sète débute demain au Théâtre de la mer. Une programmation musicale de haut niveau qui explore les zones méconnues mêlant artistes de renommée et découvertes.

« Nous poursuivons notre mission de prospection en direction des musiques du monde. Vers des cultures qui ne sont pas les nôtres pour les faire découvrir » a rappelé le directeur José Bel. La manifestation élargit cette année sa programmation en passant à 15 soirées.

Le festival débute par une  série d’escales musicales dans le bassin de Thau et les quartiers sétois du 25 juillet au 1er août. Un compromis a été trouvé pour coordonner les programmations avec le Festival de poésie des Voix Vives qui se déroule du 22 au 30 juillet. 75% du budget de Fiesta Sète (600 000 euros)  sont assurés sur fonds propres ce qui rend d’autant plus méritoire le parti pris de la gratuité pour lequel opte le festival.

La seconde semaine ouvre le 2 août au Théâtre de la mer par une soirée très hot avec le retour des Congolais de Staff Benda Bilili de Kinshasa plébiscités lors de leur passage l’an dernier qui se produiront ce soir là avec leur voisin congolais Zao. Afrique toujours très chaude, avec la soirée du 4 août qui met en présence le Ghanéen Ebo Taylor (musique trad et l’Afrobeat), et Seun Kuti, le digne descendant de l’afroking Fela (Nigéria).

L’art de la programmation se perçoit à travers les recherches  croisées. Celles-ci aboutissent au concert imprévu du 5 août avec la rencontre de Lo Cor  de la Plana et de Danyel Waro (La Réunion). Les spectateurs de cette soirée percevront, à n’en pas douter, la concordance de conscience multiculturelle entre les démarches. Le groupe marseillais Lo Cor  de la Plana renouvelle le patrimoine populaire occitan en y injectant du swing et du groove tandis que le défenseur invétéré de la culture créole revient dans l’hexagone pour partager sa très vibrante passion.

Figurent également au programme deux soirées cubaines et une soirée sous le signe des Balkans. La soul&funk revue concoctée par Coosmic Groove conclura la danse avec un concert exceptionnel de Betty Harris suivi d’un petit dernier, confié à Maceo Parker. Excusez du peu !

JMDH

Fiesta Sète du  25 juillet au 8 août, rens et résa 04 67 74 48 44.

Voir aussi : Rubrique Musique, Ethiopie Mahmoud Ahmed rubrique Festival, La secousse Belili, rubrique Afrique, rubrique, Rencontre, Mory Kanté, Seun Kuti,