Joe Bataan au Théâtre de la Mer, lundi. Photo JMDI
Lundi, l’illustre Joe Bataan accompagné de Setenda et Orchestra Baobab, grands frères tout terrain de la musique sénégalaise, ont clôturé dans une saisissante douceur, l’édition 2017 de Fiest’A Sète.
On en redemande, mais il faudra attendre l’année prochaine. Fiest’A Sète est décidément un festival qui traverse les décennies en conservant les valeurs de sa ligne artistique. Une ligne qui décèle les sources de la bonne musique partout dans le monde en s’intéressant aux hommes et à leurs histoires.
Joe Bataan était, au tournant des années 50 et 60, membre d’un gang portoricain du Spanish Harlem. Nourri d’influences black et latines, il a su trouver et partager son épanouissement dans la musique. Puissant dans ses racines latines soul, il a posé les jalons d’un style en combinant le chant doo-wop et les rythmes latins. Dans le cadre somptueux du Théâtre de la Mer, accompagné de Setenda, qui tourne comme une horloge suisse, Joe Bataan a mis ses 74 ans, à profit pour exposer la richesse de son répertoire, passant du latino crooner au rock gospel, en virant vers la soul, le disco et le hip hop dont il fut aussi l’un des précurseurs, en toute simplicité évidemment.
Retour en Afrique de l’Ouest pour le second concert avec Orchestra Baobab. Spécialistes d’un style unique, délicieusement suranné, qui a fait danser des générations d’Africains avant de conquérir le monde. Baobab vient rappeler à la faveur d’une renaissance miraculeuse, la force des chants wolofs et sérères. Les envoûtantes harmonies casamançaises, dont le combo maîtrise le flux d’énergie à la perfection, nous transportent près du grand fleuve africain.
Inspiré de la rumba congolaise et des rythmes cubains, le son du Baobab continue de nous faire le plus grand bien. La tranquillité des musiciens, n’a d’égale que leur précision. Le public qui semble vivre un rêve éveillé, ne s’y trompe pas, et finit la soirée le sourire fixé aux lèvres.
Festival Sète Si vous êtes passés à côté des grands festivals du début de l’été, calez vous sur le Théâtre de la Mer et Fiest’A Sète pour une traversée de la dernière chance. Du 2 au 7 août la musique vivante vient à vous.
Après une première semaine de concerts réjouissants et gratuits dans le Bassin de Thau, Fiest’A Sète pénètre dans les murs exceptionnels du Théâtre de la mer pour une série de cinq concerts excellents pour la circulation sanguine. Un tourbillon qui nous entraînera aux quatre coins de la planète.
Demain ambiance Cubassimo assurée par Eliades Ochoa comparse du célèbre Buena Vista Social Club et le talentueux pianiste Roberto Fonseca. Jeudi la soirée African Divas avec Fatoumata Diawara, Hindi Zahra et Oumou Sangare est sold out. Vendredi 4 août cap sur les Balkans avec le groupe stanbouliote à découvrir Baba Zula et la fanfare roumaine Ciocarlia. Le 5 août, on file vers l’Orient avec le chanteur et joueur de Oud inspiré du jazz Dahfer Youssef (Tunisie), et le retour de la grande interprète égyptienne Natacha Atlas. Prodigieuse conclusion aux sources du blues rural américain dimanche, accompagnée par la violoncelliste new-yorkaise Leyla McCalla et Eric Bibb, héritier du folk rural du sud américain qui rendra hommage à Lead Belly avec l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau.
Ce soir Tribute to Fela
On peut voir dans cette célébration des 20 ans de la mort de Fela une des lignes de force de Fiest’A Sète pas toujours très apparente pour le grand public fréquentant le festival. La force et l’émotion de la plus part des artistes invités, notamment africains, se puise dans un vécu social ou politique. Ce qui est manifeste dans le cas de Fela Kuti (1938-1997), musicien et homme politique engagé à travers sa musique et sa vie.
L’artiste nigérian, qui compte parmi les pionniers de l’afrobeat, fut aussi un symbole de la rébellion. Il a dénoncé avec acharnement la trahison des idéaux indépendantistes, les systèmes politiques néo-patrimoniaux et l’autoritarisme des régimes africains. Se présentant comme Africain avant de se dire Nigérian, Fela Kuti rejette les influences culturelles chrétiennes et musulmanes puis la colonisation qu’il perçoit comme des instruments de domination.
Fela s’inscrit dans un courant radical du pan-africanisme. Il adopte un langage révolutionnaire inspiré des idéaux de Kwame Nkrumah, homme politique ghanéen qui contribua à l’obtention de l’indépendance du pays en 1957, une des premières en Afrique. Fela a incarné la contestation en dénonçant haut et fort toutes les failles du système politique nigèrian où les gouvernements successifs ont perpétué le système colonial d’appropriation des richesses par une élite.
Fela pense l’afrobeat comme une façon d’engager sa pratique artistique dans un courant émancipateur vis-à-vis de la domination occidentales. Lors d’un séjour aux Etats-Unis en 1969, le jeune musicien est confronté aux humiliations raciales que subit la populations noires. Il rencontre Sandra Smith, une membre des Black Panthers qui lui fait découvrir les écrits du militantisme noir radical dont ceux de Malcolm X.
Lors de cette soirée Tribute to Fela kuti sont invités l’afro américain Roy Ayers grand monsieur du jazz funky qui a gravé avec Fela Music of Many Colors et le fils de Fela, Seun Kuti qui jouait tout jeune au sein de l’orchestre paternel. Ce qui augure d’une conjonction singulière qui synthétise éléments musicaux et revendications.
Fiest’A Sète demeure un festival à prescrire pour le retour aux sens des choses et le bien être moral dont tout le monde à grand besoin par les temps qui courent !
Baba Zula soirée Balkans Express le 4 août Crédit Photo DR
Avec une idée certaine de la modernité et du métissage l’association Métisète nous fait entrer dans le mouvement de la musique vivante.
Dites 21, et préparez-vous à danser, aimer, chalouper, découvrir, rire, sourire et respirer au son des musiques vivantes des quatre coins du globe. Fiest’A Sète vous donne rendez-vous du 22 juillet au 7 août au Théâtre de la Mer et dans les communes du Bassin de Thau, pour sa 21ème édition.
Des soirées comme celles concoctées par l’association Métisète, cela ne se refuse pas. On vous en rappelle le principe : chaque soirée est composée de deux concerts autour d’une thématique. Le schéma ne répond pas au concert classique avec une tête d’affiche et une première partie. Ici, la hiérarchie liée à la notoriété est remplacée par la volonté de correspondance, de résonance et de dialogue possible entre les artistes.
Se mêle les grands ancêtres, comme aime à les appeler le directeur artistique José Bel et les nouveaux talents. « A partir d’un thème, on cherche à donner du sens à chaque soirée. Le sens culturel, c’est la base du festival.» On peut le croire, car l’homme et son équipe sont de fins connaisseurs de l’histoire des musiques dans le monde. C’est leur passion, pour eux, la réussite est d’abord artistique. La dimension économique est importante parce qu’elle contribue à la pérennité du festival, pas comme une fin en soi.
Le festival figure avec Jazz à Sète comme pionnier des soirées sétoise à ciel ouvert. Aujourd’hui une quinzaine de manifestations se succèdent pour rendre attractive la vitrine du spectacle vivant dans l’île de beauté. Cela nécessite une coordination dont on n’ose imaginer qu’elle puisse s’opérer au détriment de l’ADN des organisations. Au total, l’édition 2017 se compose de onze soirées concerts et deux soirées dansantes organisées avec le savoir et les incertitudes des alchimistes. Du 22 au 31 juillet les concerts gratuits se répandent entre Sète et le bassin de Thau. Et du 1er au 7 août, tout ce recentre avec les concert payants au Théâtre de la Mer.
A l’affiche face à la mer
Le 1er août on célébrera les 20 ans de la mort du créateur de l’Afro beat avec une soirée Tribute to Fela kuti. L’afro américain Roy Ayers grand monsieur du jazz funky qui a gravé avec Fela Music of Many Colors en 1980 se retrouve à Sète avec son fils Seun Kuti & Egypt 80 qui jouait tout jeune au sein de l’orchestre paternel. Le swing chaud dans la durée est garanti.
Le lendemain l’ambiance sera Cubassimo ! Le festival reçoit un autre grand ancêtre de la musique, cubaine cette fois, en la personne de Eliades Ochoa comparse du célèbre Buena Vista Social Club porté à l’écran par Wim Wenders. A ses côtés le très talentueux pianiste Roberto Fonseca. Enfant prodige qui a entrepris, à travers son oeuvre, de retracer l’histoire foisonnante de la musique cubaine et de ses nombreuses influences.
Jeudi 3 août hommage aux grandes dames du continent africain avec la soirée African Divas. Au programme, un duo de premier choix composé de Fatoumata Diawara interprète malienne qui se produit partout dans le monde et la musicienne franco marocaine d’ascendance touarègue Hindi Zahra. Oumou Sangare célébrée comme une des plus grandes chanteuses africaines de son temps sera aussi de la partie.
La soirée du 4 août nous transporte dans les Balkans. On y découvrira le groupe stanbouliote Baba Zula et aussi que la vague psychédélique de la fin des années 60 a largement contaminé le proche et Moyen-Orient. Le même soir la fanfare roumaine Ciocarlia et ses douze musiciens souffleront dans leur cuivre et se déchaîneront aux percussions pour perforer les nuages et célébrer la vie comme le veut leur musique cathartique.
La nuit du 5 août sera orientale avec l’étonnant artiste tunisien Dahfer Youssef, chanteur et joueur de Oud inspiré du jazz comme de la musique nordique. Le tout coloré d’une spiritualité joyeuse proche du soufi. Cette soirée signe également le retour de la grande interprète égyptienne Natacha Atlas dont le concert de l’an dernier avait été interrompu par la pluie.
Fiest’A Sète se conclura dimanche 6 août par une soirée consacrée aux sources du blues rural américain. L’occasion d’entendre la violoncelliste new-yorkaise Leyla McCalla qui puise son inspiration dans le creuset de culture et de style liée à ses origines haïtienne et son long séjour en Nouvelle Orléan. Eric Bibb, brillant héritier du folk rural du sud américain accompagné de l’harmoniciste virtuose Jean-Jacques Milteau rendront un hommage au maître de la guitare à 12 cordes Lead Belly qui naquit dans une plantation en 1885.
JMDH
Source La Marseillaise : Dernière modification le samedi, 15 avril 2017
Pour sa 20e édition, le festival des musiques du monde cultive les terres fertiles des grands ancêtres et invite les pousses les plus vivantes
L’affiche est belle. Elle est signée Le Bail. Ce portrait un peu barré nous rappelle un grand monsieur, maintenant que tout lui est permis, il semble naviguer sur ses quatre jambes. Il n’en faudra pas moins pour suivre l’édition 2016 avec toute la vigueur convoquée par l’équipe de Fiest’A Sète sur la scène du Théâtre de la mer et celles du Bassin de Thau du 23 juillet au 8 août prochain. L’inébranlable directeur José Bel a présenté cette semaine dans le détail, les artistes qui se succéderont dans la chaleur climatique et corporelle de l’été.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi, on peut dire que la composition des soirées de Fiest’A Sète relève en elle-même du grand art. Les soirées thématiques guidées par « une certaine idée de la modernité, du métissage et du mouvement,» répondent à une volonté de croisement des esthétiques musicales et de rencontres.
Depuis vingt ans cet axe a produit un paquet de moments hors du temps. La fibre d’esprit qui pousse l’équipe vers l’avant et l’avenir, garde ces orfèvres programmateurs de tomber dans la nostalgie. Là où certains en auraient fait des caisses autour du vingtième anniversaire, José Bel évoque les racines musicales des monstres présents cette année, et du devenir des jeunes talents qui l’ont émus. Après trente ans derrière le comptoir de sa boutique de disque et vingt ans de festival, il sait un peu de quoi il parle, mais sa nature modeste le pousse à nous transmettre l’essentiel : partager ce qu’il aime.
Un flingue à sept coups
L’édition 2016 dure 14 jours durant lesquels elle accueillera 25 groupes lors de 14 concerts. La première semaine donne lieu à 8 concerts gratuits autours du bassin de Thau. En seconde semaine tout se recentre au Théâtre de la Mer avec 7 concerts payants. Fait singulier, Fiest’A Sète assure 75% de son budget en autofinancement. Comme les tarifs sont accessibles et que l’on pratique le hors piste sans lésiner sur le risque, l’avenir du festival est chaque année remis sur le tapis. Raison de plus pour se jeter dans l’effervescence des soirées qui rythment cette 20e édition.
Omara Portuondo
Ca commence avec Siempre Cuba y España le 2 août en présence de la grande Omara Portuondo exhumée de l’oublie sur le vieux continent par Wim Wenders. Pour ce set, elle sera accompagnée par le célèbre chanteur de flamenco Diego el Cigala. Un des premiers à débusquer le cousinage de sa tradition flamenca avec les expressions créoles qu’elle a su jadis inspirer. Pour parfaire l’émotion de ce croisement des cultures, la violoniste et chanteuse cubaine Ylian Canizares nourrira l’atmosphère de sa vitalité créative.
John Mclaughlin
Soirée jazz du monde le lendemain avec Ilhan Ersahin’s de mère suédoise et de père turc, il a grandi à Stockholm ce qui ne l’a pas empêché de plonger dans le bain du jamaïcain. Il partage aussi le parcours de Truffaz, bref un souffle voyageur bienvenu pour une escale sétoise. Le second concert est une légende de la guitare précurseur de la world music, il a joué avec les plus grands en voyageant sur les grands fleuves musicaux de la planète : John Mclaughlin.
Bachar Mar-Khalife
La nuit orientale du 4 août se conjuguera les notes du pianistes franco-libanais Bachar Mar-Khalife avec les étoiles. Il a participé à plusieurs projets qui mélangent jazz, world music, électro et hip-hop et joué sous la direction de Lorin Maazel. Natacha Atlas viendra faire planer le voile du mystère de ses origines et de sa trajectoire musicale dont la récente rencontre avec Ibrahim Maalouf donne à la diva l’occasion d’exercer tout son talent.
Fred Wesley
Deux dinosaures de la black music se retrouvent le 5 août. Fred Wesley, pièce maîtresse dans l’élaboration du son de la soul music. Il fut le directeur musical de James Brown. Lucky Peterson occupe lui une place prépondérante dans l’histoire du blues.
Pascale Comelade bénéficie d’une carte blanche dont il profitera pour inviter sa bande de potes catalans le 6 août. La nuit est annoncée sous le thème de nuit singulière Elle convient aussi au grand violoncelliste Vincent Segal qui se produira accompagné du virtuose de la Kora le Bamakois Ballaké Sissoko.
Le 7 août honneur à l’Afrique lusophone avec la volcanique Capverdienne Lura et l’Angolais Bonga. L’édition se clôture avec la soirée cubaine du 8 août en compagnie de Omar Sosa& Gustavo Ovalles et le NY salsa all Stars.
Festival. Salif Keita reforme le groupe mythique malien Les Ambassadeurs pour un soir de feu à Fiest’A Sète.
C’est un concert historique que nous a offert mardi le festival Fiest’A Sète avec la soirée Africa évolution ! Et pour une fois, l’adjectif historique tendant assez couramment à exprimer nos satisfactions pour un spectacle, n’est pas dévoyé.
Après la prestation de Vaudou Game portée par le talentueux togolais Peter Solo dont la formation a chauffé la scène, sans pour autant établir l’ordre hystérique que requiert la vénération des génies et esprits ancestraux, l’arrivée des Ambassadeurs a produit le choc émotionnel que le public averti et populaire de Fiest’A Sète était venu trouver.
La reformation exceptionnelle des Ambassadeurs (nés en 1970) par le chanteur et artisan de la paix Salif Keita, a produit un de ces moments qui restent le rare apanage des grandes rencontres. A ses côtés, le virtuose du clavier Cheick Tidiane Seck, complice de Charlie Parker et de John Coltrane, entre autres, éclaire la scène de son sourire généreux tandis que ses doigts volent sur le clavier.
La guitare rythmique imperturbable d’Idrisse Soumaoro, et celle du Guinéen Ousmane Kouyaté l’un des plus célèbres guitaristes (et joueur de balafon) de l’Empire Mandingue font des miracles, alliées à la technique de frappe précise et détachée du percussionniste elles puisent dans le temps pour faire ressentir la raison d’être de la musique. Avec un sourire impayable, celui-ci confie à sa sortie de scène qu’il n’avait pas joué depuis trente ans. L’ensemble accueillait pour l’occasion de plus jeunes, et grands musiciens, comme Amadou Bagayoko autres ambassadeurs (du Programme Alimentaire Mondial), avec sa compagne Mariam.
La plupart des grands messieurs de la première génération présents mardi à Sète, ont fait leurs classes musicales à l’Institut National des Arts de Bamako, avant de rejoindre au début des années 70 le mythique Super Rail Band du buffet de la gare de Bamako, haut lieu de rencontre sur l’unique voies ferrées reliant Dakar à Bamako.
Instrument de la colonisation, le train sera aussi une ligne de résistance, avait souligné, un peu plus tôt à la médiathèque de Sète, Franck Tenaille lors d’une remarquable Tchaches musicales sur les années de l’indépendance. Dans les années 60, l’Afrique musicale précède l’Afrique politique Le Super Rail Band fera notamment connaître les chanteurs Salif Keïta et Mory Kante. Les Ambassadeurs y ont vu le jour avec la mission d’affirmer l’identité culturelle niée par la colonisation.
Quarante cinq ans plus tard, la situation politique reste trouble au Mali et la musique demeure attachée aux valeurs de l’espoir qu’elle sait partager.