Le bilan du surintendant de la musique

Les bons résultats du Festival de Radio France 2011 clôturent l’ère Koering

Musique Lyrique. Avec la fin de l’ère Koering une page se tourne vers un avenir incertain.

A l’heure du bilan, le Festival de Radio France qui s’est clôturé le 28 juillet dernier affiche une fréquentation totale de 121 700 spectateurs en très légère baisse comparée à  2010 qui avait réuni  123 500 spectateurs. Au Corum, les 15 soirées payantes sur les 194 manifestations du festival représentent 16% de la fréquentation. Les concerts gratuits de jeunes solistes à 12h30 et ceux de musique de chambre à 18h confirment leur succès avec près de 20 000 personnes. Cette année, le retour des concerts jazz au château d’O est à l’origine d’une hausse de la fréquentation (12 200 spectateurs). La musique électronique programmée place Dyonisos (3 concerts au lieu de 6 en 2010) a accueilli 7 000 personnes contre 14 500 l’année dernière.  44 concerts ont été décentralisés en région et 29 dans l’agglomération où 50 à 200 personnes ont été refusées chaque soir en raison de la faible capacité des lieux d’accueil. A noter aussi cette année, une présence renforcée de Radio France à Montpellier où 43 émissions dont 34 de France Culture ont été enregistrées en public.

Les raisons d’un succès

Cette réussite ne tient pas qu’à une dimension quantitative mais à un véritable savoir-faire dans les équilibres liés à une réelle exigence qualitative. Il n’est pas rare de voir des collectivités proposer des concerts gratuits mais il est rarissime de trouver des concerts entrée libre du Quatuor Prazak…

On a pu reprocher au directeur du Festival son enthousiasme modéré pour la décentralisation régionale. A la vérité, c’est plutôt son assurance et son souci d’exigence qui semble faire tâche dans le décor. Le fondateur du festival s’est toujours refusé à confondre décentralisation culturelle et culture au rabais. Par ailleurs, ce festival est comme son nom l’indique un festival de Radio. Il est destiné à être diffusé. Et il l’est plutôt bien. « Avec près de 300 diffusions internationales par an, le festival a fait connaître Montpellier dans le monde entier » rappelle René Koering. Un intérêt rehaussé par la programmation originale dont le surintendant de la musique avait le secret.

Transition chaotique

Concernant la naturelle transition qui devait voir le jour, la disparition de Georges Frêche a manifestement précipité les choses. Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre national et de l’Opéra de Montpellier en décembre 2010, René Koering, dont la candidature à sa succession a été soutenue par le président de l’Agglo Jean-Pierre Mourre, a quitté la direction du Festival le 28 juillet. Jean-Pierre Le Pavec, le nouveau directeur du festival, qui fut à l’origine du Festival de Saint Denis (une vingtaine de concerts) doit désormais prendre la mesure d’une machine qui produit dix fois plus de manifestations en 17 jours.

Questions d’avenir

Quelques questions se posent aussi pour la gestion de l’Orchestre et de l’Opéra, tombée dans les mains de l’imprévisible Jean-Paul Scarpitta. Après s’être empressé de faire le ménage autour de lui, (l’ex-préfet Constantin qui présidait l’Euterp*, le chef  d’Orchestre Lawrence Foster…) il n’est pas dit que les premières décisions prises par le nouveau directeur, comme la suppression des concerts du week-end, réjouissent les abonnés. S’ajoutent aussi quelques interrogations budgétaires. Le système frêchiste n’a jamais été un modèle de démocratie mais il reposait néanmoins sur un certain équilibre, notamment sur une profonde confiance relationnelle. Il semble à ce jour, que l’on ait gardé la structure, la maîtrise en moins. Et comme l’on sait, le goût immodéré pour le prestige ne fait pas toujours bon ménage avec l’argent du contribuable.

Jean-Marie Dinh

* Association gérant l’Orchestre et l’Opéra  financée par les collectivités.

Voir aussi :  Rubrique Festival,  rubrique Musique, 16e Internationales de La Guitare, Festival de Radio France, René Koering, rubrique Politique culturelle, rubrique Politique locale, rubrique Rencontre, Koering : le public est devenu connaisseurAldo Ciccolini,

« En 26 ans, le public est devenu connaisseur »

 

 

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, le compositeur René Koering évoque l’édition 2011 et jette un œil sur le chemin parcouru. Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre national et de l’Opéra de Montpellier en décembre 2010, il devra quitter la direction du Festival dès le 28 juillet en laissant un bel héritage. Entretien.

Ouvrir le festival avec La Magicienne de Halévy c’était plutôt audacieux ?

« Je n’étais pas sûr de mon coup mais cela a fonctionné. Dans le rôle de  Mélusine, la jeune Crebassa a magnifié les énergies. Le public a bien senti la pureté de la musique chantée par des gens concernés par ce qu’ils faisaient. Le public n’est pas idiot. Il a compris que cette musique n’était pas donnée partout et qu’il se passait quelque chose de spécial. A la fin, tout le monde était debout.

Halévy, Dubois, Catel, l’édition 2011 met le répertoire français à l’honneur …

On ne le sait pas, mais quand Bonaparte arrive au pouvoir, il déclare une passion pour la musique. C’était un homme sensible qui était un salaud par ailleurs. A l’époque, il n’y avait pas vraiment de musique française. On ne chantait pas, on déposait la gorge sur le plateau. Bonaparte se paie même le luxe d’attribuer la Légion d’honneur à un castrat. Ce qui déclencha une grève dans le milieu tant cela paraissait inconcevable. Il s’en tira en faisant un chèque à chacun.

C’est vrai, cette édition fait la part belle à la musique française. En proposant des choses pas forcément faciles d’accès. Sémiramis  de Catel, ce n’est pas simple. On entend quatre personnes qui s’engueulent et il n’y pas de chœur, mais c’est une œuvre importante qui renouvelle la tragédie lyrique. Une autre explication du retour de la musique française, c’est que l’on arrive progressivement à faire le tour des musiques oubliées, italienne et allemande. Du coup on commence à s’intéresser à Saint-Saëns, Chabrier, Chausson…

Après 26 ans de défrichage comment regardez-vous le public du festival?

Le public de Montpellier est devenu connaisseur. Je rencontre des jeunes qui me disent : j’étais pas né quand le festival a commencé. Ca fait drôle. Certains perçoivent aujourd’hui les choses de la musique qui s’apprennent avec l’expérience sonore. 26 ans ont été nécessaires pour qu’il devienne aussi cultivé.

Vos propos sous-tendent que c’est toujours le même public qui fréquente le festival ?

Non, ce n’est pas l’habitude qui donne le goût de la musique. Je me souviens d’un soir où j’assistais à la première de la 5e de Beethoven. Soudain, Loulou Nicollin  qui était à côté de moi m’interroge :  « Dis donc Brendel il ne serait pas le Maradona du piano ? » Qu’ils soient cultivés ou non, les gens sentent les choses. Il n’est pas nécessaire d’avoir un costume et une belle cravate pour ça, il suffit d’avoir deux oreilles.

Compte tenu du contexte de votre départ, il parait difficile de s’en tenir à la seule édition 2011. Alors, vous seriez trop vieux ou trop laid pour continuer…

Oui j’en suis venu à ce questionnement comme l’avait fait Brendel. Lors d’un concert le critique du Figaro, Gavoty, s’était fendu dans son article de cette fabuleuse réflexion : Quand on est aussi laid, on ne devrait pas donner de concert en public. Je ne discute pas la nomination de Jean-Pierre Le Pavec avec qui j’ai déjeuné récemment pour lui transmettre des éléments sur le fonctionnement du festival. Sa candidature a été retenue par des gens raisonnables. Moi j’ai 71 ans et je serai débarrassé des contraintes de mon contrat le  28 juillet. Mais je trouve que c’est un peu fort de café d’apprendre dans la presse que l’on n’a pas retenu ma candidature. Je trouve que Mme Bourquin a mal élevé son fils parce qu’après 26 ans de travail qui ont fait connaître Montpellier dans le monde entier, je pense qu’on aurait pu décrocher son téléphone pour me donner un coup de fil. Ont-ils tellement peur de moi ? Delacroix, Foubert, Constantin… après le départ de Frêche on a fait le vide, j’ai compris que l’on entrait dans les Atrides.

Vous n’avez pas rejoint l’association créée à la mémoire de Georges Frêche ?

J’ai téléphoné  amicalement à Claudine Frêche pour le lui expliquer. Et elle l’a très bien compris. On s’essuie les pieds sur moi une fois mais pas deux. Je ne comprends pas à quoi va servir cette association.

Vous préférez dédier à Georges Frêche le Oresteïa de Xénakis…

J’ai dédié ce concert à Frêche pour son amour pour la Grèce et la musique. Au début, il assistait à tous les concerts. Il estimait que cela relevait de son devoir de maire. Il s’est ainsi forgé une grande culture musicale dont il usait pour impressionner autour de lui. Xénakis est un compositeur physique dans le sens rock’n’roll du terme.  Je me souviens lui avoir commandé un jour, un jingle pour Radio France. Il m’a fait passer son travail. C’était un truc tellement indiffusable que je lui ai demandé de m’autoriser à le revendre à une société d’alarme pour les parkings. Xénakis est un primate majeur au même titre que Mike Jagger. Lorsque Beethoven a écrit son concerto pour violon, il a fallu quarante ans pour que son œuvre soit rejouée en public. Et aujourd’hui on l’entend dans tous les supermarchés. Il y a des choses qui prennent le temps rien à voir avec la soupe type Carla Bruni. La musique de Iannis Xénakis nous rappelle à notre société. Elle exprime la conscience de sa violence. »

Propos recueilli par Jean-Marie Dinh et Alain Breton

 

Voir aussi :  Rubrique Festival,  rubrique Musique Le bilan du surintendant, Festival de Radio France, René Koering,  rubrique Politique culturelle, rubrique Politique locale, rubrique Rencontre, Aldo Ciccolini,

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, le compositeur René Koering évoque l’édition 2011 et jette un œil sur le chemin parcouru. Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre national et de l’Opéra de Montpellier en décembre 2010, il devra quitter la direction du Festival dès le 28 juillet en laissant un bel héritage. Entretien.

Ouvrir le festival avec La Magicienne de Halévy c’était plutôt audacieux ?

« Je n’étais pas sûr de mon coup mais cela a fonctionné. Dans le rôle de Mélusine, la jeune Crebassa a magnifié les énergies. Le public a bien senti la pureté de la musique chantée par des gens concernés par ce qu’ils faisaient. Le public n’est pas idiot. Il a compris que cette musique n’était pas donnée partout et qu’il se passait quelque chose de spécial. A la fin, tout le monde était debout.

Halévy, Dubois, Catel, l’édition 2011 met le répertoire français à l’honneur …

On ne le sait pas, mais quand Bonaparte arrive au pouvoir, il déclare une passion pour la musique. C’était un homme sensible qui était un salaud par ailleurs. A l’époque, il n’y avait pas vraiment de musique française. On ne chantait pas, on déposait la gorge sur le plateau. Bonaparte se paie même le luxe d’attribuer la Légion d’honneur à un castrat. Ce qui déclencha une grève dans le milieu tant cela paraissait inconcevable. Il s’en tira en faisant un chèque à chacun.

C’est vrai, cette édition fait la part belle à la musique française. En proposant des choses pas forcément faciles d’accès. Sémiramis de Catel, ce n’est pas simple. On entend quatre personnes qui s’engueulent et il n’y pas de chœur, mais c’est une œuvre importante qui renouvelle la tragédie lyrique. Une autre explication du retour de la musique française, c’est que l’on arrive progressivement à faire le tour des musiques oubliées, italienne et allemande. Du coup on commence à s’intéresser à Saint-Saëns, Chabrier, Chausson…

Après 26 ans de défrichage comment regardez-vous le public du festival?

Le public de Montpellier est devenu connaisseur. Je rencontre des jeunes qui me disent : j’étais pas né quand le festival a commencé. Ca fait drôle. Certains perçoivent aujourd’hui les choses de la musique qui s’apprennent avec l’expérience sonore. 26 ans ont été nécessaires pour qu’il devienne aussi cultivé.

Vos propos sous-tendent que c’est toujours le même public qui fréquente le festival ?

Non, ce n’est pas l’habitude qui donne le goût de la musique. Je me souviens d’un soir où j’assistais à la première de la 5e de Beethoven. Soudain, Loulou Nicollin qui était à côté de moi m’interroge : « Dis donc Brendel il ne serait pas le Maradona du piano ? » Qu’ils soient cultivés ou non, les gens sentent les choses. Il n’est pas nécessaire d’avoir un costume et une belle cravate pour ça, il suffit d’avoir deux oreilles.

Compte tenu du contexte de votre départ, il parait difficile de s’en tenir à la seule édition 2011. Alors, vous seriez trop vieux ou trop laid pour continuer…

Oui j’en suis venu à ce questionnement comme l’avait fait Brendel. Lors d’un concert le critique du Figaro, Gavoty, s’était fendu dans son article de cette fabuleuse réflexion : Quand on est aussi laid, on ne devrait pas donner de concert en public. Je ne discute pas la nomination de Jean-Pierre Le Pavec avec qui j’ai déjeuné récemment pour lui transmettre des éléments sur le fonctionnement du festival. Sa candidature a été retenue par des gens raisonnables. Moi j’ai 71 ans et je serai débarrassé des contraintes de mon contrat le 28 juillet. Mais je trouve que c’est un peu fort de café d’apprendre dans la presse que l’on n’a pas retenu ma candidature. Je trouve que Mme Bourquin a mal élevé son fils parce qu’après 26 ans de travail qui ont fait connaître Montpellier dans le monde entier, je pense qu’on aurait pu décrocher son téléphone pour me donner un coup de fil. Ont-ils tellement peur de moi ? Delacroix, Foubert, Constantin… après le départ de Frêche on a fait le vide, j’ai compris que l’on entrait dans les Atrides.

Vous n’avez pas rejoint l’association créée à la mémoire de Georges Frêche ?

J’ai téléphoné amicalement à Claudine Frêche pour le lui expliquer. Et elle l’a très bien compris. On s’essuie les pieds sur moi une fois mais pas deux. Je ne comprends pas à quoi va servir cette association.

Vous préférez dédier à Georges Frêche le Oresteïa de Xénakis…

J’ai dédié ce concert à Frêche pour son amour pour la Grèce et la musique. Au début, il assistait à tous les concerts. Il estimait que cela relevait de son devoir de maire. Il s’est ainsi forgé une grande culture musicale dont il usait pour impressionner autour de lui. Xénakis est un compositeur physique dans le sens rock’n’roll du terme. Je me souviens lui avoir commandé un jour, un jingle pour Radio France. Il m’a fait passer son travail. C’était un truc tellement indiffusable que je lui ai demandé de m’autoriser à le revendre à une société d’alarme pour les parkings. Xénakis est un primate majeur au même titre que Mike Jagger. Lorsque Beethoven a écrit son concerto pour violon, il a fallu quarante ans pour que son œuvre soit rejouée en public. Et aujourd’hui on l’entend dans tous les supermarchés. Il y a des choses qui prennent le temps rien à voir avec la soupe type Carla Bruni. La musique de Iannis Xénakis nous rappelle à notre société. Elle exprime la conscience de sa violence. »

Propos recueilli par
Jean-Marie Dinh et Alain Breton

Montpellier classique lyrique : Une programmation de saison à six mains

Jean-Paul Scarpitta : "L’art musical est un art de vivre". Photo Guillaume Bonnefont.

Jean-Paul Scarpitta préside désormais à la destinée artistique de l’Opéra et de l’Orchestre national de Montpellier.  C’est sous le signe de l’amour de l’art musical comme art de vivre qu’il a dévoilé hier le contenu de la saison 2011-12.

La réunion qui avait lieu dans la salle Einstein du Corum emplie d’abonnés, n’avait de la conférence de presse annoncée que le nom. Car ni le dossier, ni la proximité n’ont permis aux représentants de la presse locale d’exercer correctement leur métier. Ce qui pourrait  apparaître aux lecteurs comme un détail n’en est pas un. Le fait participe d’un processus plus général en cours chez les décideurs, qui organisent dans le fond et la forme une mutation entre le statut de journaliste et celui de communicant. Un vieux débat toujours d’actualité.

Est-ce que la culture dénature l’homme ?

Faut-il rappeler que la  présentation d’une saison culturelle demeure un moment privilégié, souvent  unique, où il est possible d’aborder les questions de structure ? A ceux qui opposeraient que le public ne porte d’intérêt qu’à la liste de spectacles qu’on lui propose en enfilade, on objectera que les journalistes travaillent moins pour le public que pour les citoyens. Par ailleurs, les spectacles sont régulièrement couverts par la presse tout au long de l’année.

Citant le sujet de philo du bac, « Est-ce que la culture dénature l’homme », comme piste de réflexion, le président de région Christian Bourquin a rappelé hier, que la valeur ajoutée d’une politique culturelle tenait « dans sa capacité de faire la différence. » C’est également de sa bouche qu’un hommage a été rendu à René Koering qui a appris mardi par la presse la nomination de son successeur Jean-Pierre Le Pavec* à la tête du festival de Radio France.

Une saison de transition

Il paraît prématuré de discerner la teinte qu’apportera Jean-Paul Scarpitta à la programmation. La  saison 2011-12 de l’Opéra  et de l’Orchestre est avant tout une période de transition. Les divergences qui se sont fait jour entre les différents protagonistes artistiques ont abouti à une programmation à six mains. René Koering en signe la première partie jusqu’à la fin 2012 avec l’accueil du conte lyrique Rusalka de Dvorak en octobre, L’Arbore Di Diana en novembre ; un drame sur la liberté de mœurs créé par le compositeur espagnol Vicente Martín y Soler à la fin du XVIIIe. Le règne Koering  se conclut par une Belle Hélène avec la complicité d’Hervé Niquet à la direction musicale et une mise en scène chocolatée de Shirley et Dino. La programmation symphonique revient dans une large mesure à  Lawrence Foster qui assure depuis 2009 la direction musicale de l’Orchestre et de l’Opéra, et serait sur le départ. Le chef américain, dirigera en janvier, Nuit dans les jardins d’Espagne et Le Tricorne de De Falla en janvier, Poème pour violon et orch opus 25 de Chausson et la valse de Ravel  en avril, Double concerto pour violon et violoncelle de Milklos Rosza et Les sept péchés capitaux de Kurt Weill  en mai.

Jean-Paul Scarpitta prend glorieusement la main, en mars, avec Electra de R. Srauss dans une mise en scène angoissante de Jean-Yves Courrègelongue. Le même mois suit la première mondiale de l’opéra de Philip Glass Einstein on the Beach en présence des deux autres créateurs Robert Wilson, et Lucinda. Après Montpellier, l’œuvre qui n’a pas été donnée depuis trente ans  partira pour une grande tournée mondiale. Le même souci de visibilité pointe avec une nouvelle production  des Noces de Figaro mise en scène par le directeur avec des costumes de Jean-Paul Gaultier. L’incontournable baguette de Riccardo Muti devrait être aussi de passage en janvier…

Jean-Marie Dinh

*A l’origine du réputé Festival de Saint-Denis Jean-Pierre Le Pavec a été délégué général de l’Opéra Bastille avant de rejoindre Radio France. Il prendra la direction du festival de Radio-France le 1er septembre.

Voir aussi : Rubrique Musique, La belle dernière de Koering,  rubrique  Médias , rubrique Rencontre Ignaciao Ramonet l’info ne circule plus à sens unique, rubrique Politique culturelle, Crise : l’effet domino,

La belle dernière de René Koering

L'affiche du Festival 2011 est signée Claude Viallat

Musique. Le 26e Festival de Radio France Languedoc-Roussillon se tiendra à Montpellier et dans la région du 11 au 28 juillet prochains.

L’édition 2011 du Festival de Radio  France de Montpellier LR offre un large panorama de manifestations. 173 au total, le plus grand nombre de concerts proposés depuis sa création en 1985. Une programmation originale et audacieuse, sans doute la dernière concoctée par René Koering, pas moins de 17 créations signalent et réaffirment l’appartenance du festival aux grands rendez-vous. Celui-ci conquiert le grand public et attirent les mélomanes des quatre coins de l’Europe.

Les poubelles merveilleuses de l’histoire musicale

Dans le domaine lyrique, on pourra découvrir La Magicienne de Halevy, une œuvre oubliée depuis un siècle et demi, donnée par l’Orchestre National de Montpellier dirigé par  Lawrence Foster. La soprano allemande Simone Kermes  chantera Mozart, Mendelssohn et Beethoven. A découvrir Le Paradis perdu du compositeur français Théodore Dubois, une œuvre sacrée pour chœur et orchestre jouée dans toutes les églises de Paris au lendemain de La Commune pour expier les atrocités de cet épisode.  Autre découverte exhumée des fabuleuses poubelles de l’histoire musicale, Sémiramis une tragédie lyrique de Charles-Simon Catel, un compositeur de la révolution oublié par Napoléon. Plus proche de nous, on célébrera le dixième anniversaire de la mort de Iannis Xenakis avec Oresteïa, œuvre musicale contemporaine « prenante et compliquée » en hommage à Georges Frêche.

Une nouvelle fois la gratuité des concerts de musique de chambre ne fera aucune concession à la qualité. Qu’on en juge plutôt avec la présence du Quatuor tchèque Prazak, un des trois meilleurs au monde, présent deux jours à Montpellier  avec une création avec le Quatuor à cordes d’Alexander Lokshin au programme. Le pianiste Georges Pludermarcher et le quatuor Tercea puiseront dans le répertoire symboliste de G Faure et G. Catoire dans le cadre de l’exposition  Odilon Redon du Musée Fabre.

Autres genres musicaux

Les amateurs de jazz ne seront pas en reste avec le retour des concert dans l’espace départemental du Domaine d’O sous la houlette du conservatoire de Montpellier. Le Jam qui assurait la programmation s’est vu disqualifié pour des raisons qui restent à éclaircir. On regrette  que la programmation fort attractive des musiques du monde ne vienne pas colorer  cette édition 2011. En revanche la place Dionysos vibrera aux sons des musiques électroniques sélectionnées par Pascal Morin. La décentralisation du festival qui reste un objectif prioritaire des collectivités se poursuit. Elle  se singularise cette année autour du bicentenaire du génial facteur d’orgue, Aristide Cavaillé-Coll, qui permettra de découvrir les orgues des P-O.

L’avenir en point de suspension

Lors de la présentation du festival, Christian Bourquin et Jean-Pierre Mourre brillaient par leur absence. Josiane Collerais, en charge de la culture à la Région, devait annoncer la signature d’une convention avec Radio-France. Une façon de rassurer sur l’avenir du festival. Après le départ non volontaire de René Koering, le CA du festival a acté le principe d’un appel à candidature pour désigner un nouveau directeur. Tandis que Josiane Collerais tentait d’éluder les questions des journalistes sur le profil recherché, Nicole Bigas en charge de la culture à L’Agglo s’est lancée : « Il devra répondre à notre volonté politique de décentralisation (…) On ne peut pas faire moins bien que ce qu’on fait aujourd’hui. » A bon entendeur… Après le décès du visionnaire et le départ du mélomane responsable et créatif la barre semble pourtant bien haute…

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Festival, Radio France 2010,  rubrique Musique, rubrique politique culturelle, rubrique Montpellier, rubrique Rencontre Le bilan du surintendantRené Koering , On line le site du Festival de Radio France Montpellier Languedoc Roussillon.

 » Les gens cherchent un médicament pour l’âme « 

René Koering : " En Région, les décideurs pensent souvent que c'est plus important d'avoir un kilomètre d'autoroute que d'avoir un orchestre ".

René Koering, compositeur, surintendant de la musique à Montpellier et directeur du festival de Radio France depuis 25 ans est aussi un homme loufoque, exigeant et sensible.

Quels ont été les grands moments et ceux plus inattendus de cette édition ?

 » La surprise vient du concert de la place de l’Europe où il y a eu beaucoup de monde. J’ai trouvé très sympa que les gens viennent avec leur bouteille de rouge leur marijuana, et se roulent des joints. Le vrai public potentiel c’est celui là. Ce sont des gens qui ne s’embarrassent pas de canons sociaux. Moi cela m’a fait plaisir de faire ce programme de tubes parce que je passe mon temps à faire ou à produire des œuvres que personne ne connaît. Ce n’est pas un hasard que ces œuvres soient tellement plébiscitées même si elles sont considérées comme des scies musicales. J’ai beaucoup apprécié le duo Boris Berezovsky et Brigitte Engerer qui ont fait un concert extraordinaire. J’ai aussi aimé l’opéra de Bellini. Question fréquentation, on est à 142 000 personnes soit presque 10 000 spectateurs de plus.

La décentralisation régionale progresse mais semble difficile et lente ?

Il y a eu beaucoup de concerts en région. On est autour de 17 000 personnes. C’est bien. Mais la région il faut la démarrer à la manivelle ce qui est normal parce qu’il y a des choses qui se tiennent pour la première fois. L’année prochaine les gens seront plus en attente. C’est un énorme travail parce que beaucoup de gens pensent en région que la culture n’est pas nécessaire à la vie. Ils pensent que c’est plus important d’avoir un kilomètre d’autoroute que d’avoir un orchestre. Beethoven disait l’homme honnête va à pied.

Grâce à la gratuité, la crise ignore le festival ?

Nous avons proposé 180 manifestations gratuites. Les sources de financement font de ce festival un service public. Je ne vois donc aucune raison d’en faire une affaire. Quand les gens sont dans une situation moins confortable, je pense qu’ils sont moins enclins à chercher le bonheur que le divertissement. Dans l’état actuel de la France, les gens cherchent un médicament pour l’âme et pas juste pour les zygomatiques. Cela dit, j’adore l’humour. Si je ne ris pas dix fois par jour je suis malheureux.

Vous pleurez aussi de temps en temps ?

Je n’ai pas tendance à pleurer. Mais j’ai remarqué des choses extraordinaires. Par exemple, l’opéra Friederike que nous avons donné en clôture est une ânerie sentimentale à un point… Mais comme je suis très sentimental, chaque fois que la fin arrive, j’ai la gorge serrée. Je suis relativement facilement ému. Pleurer c’est d’autres douleurs. Je ne pleure pas par émotion, je pleure quand cela me prend vraiment dans mon âme. La mort d’un ami ça me tue. Sinon j’aime être dans une ambiance où l’on rit. C’est important. Le reste, l’autorité tout ça, c’est un peu grotesque. Parfois l’imbécillité de certains journalistes me fait beaucoup rire. Je me dis mais comment il arrive à être aussi con. En même temps, je comprends que c’est comme si j’écrivais un article sur l’exploitation des gaz carboniques dans la fabrication de je ne sais quoi. Les gens diraient il est complètement con, il ne connaît rien !

Que pensez-vous de la presse critique ?

Il y a 150 ans c’était des gens comme Berlioz, Schumann… qui écrivaient dans les journaux. Maintenant se sont des gens dont la culture musicale se constitue à partir du disque. Des gens qui se font une opinion sur la valeur marchande de ce que l’on leur amène. Pour pouvoir lire un texte il faut être musicien. Où alors il faut dire moi je pense que. Mais pas dire c’est comme ça. Sempé a fait un dessin que j’aime beaucoup. On voit une salle de spectacle. Il y a 500 personnes qui sont debout, qui crient qui applaudissent à tout rompre. Tout en blanc comme ça avec juste le détour au milieu, on voit un petit personnage tout noir qui fait la gueule et il y a marqué : le critique. (rire)

Après un quart de siècle de pilotage, quel regard portez-vous sur le festival?

Un quart de siècle ! ne dites pas ça… Pour moi rien n’a changé, le premier festival est le même que celui d’aujourd’hui. Je fais des programmations pour des gens qui aiment la musique, si possible, et qui ne connaissent pas ce que je fais. C’est drôle parce que certains disent : il faudrait que le programme de Koering évolue. Alors qu’ils ne leur viendrait pas à l’idée que le programme d’Orange qui fait Carmen, la Traviata, et Aïda depuis 150 ans, évolue. Comment voulez-vous que ma programmation évolue, je ne vois pas en quoi.

L’explorateur, explore…

Il y a un tel réservoir dans l’histoire de la musique que l’on est très loin d’avoir entendu ce qui est beau. La beauté ce n’est pas forcément les chefs d’œuvre. Evoluer ça ne veut rien dire, par contre, lorsque je fêterai le cinquantième anniversaire du festival, j’aurai fait peut-être 150 opéras inconnus. Actuellement j’en suis à 78.

Comment travaillez-vous en matière de recherche ?

Il faut chercher dans les bibliothèques, faire des copies. Il y a en a qui ne veulent pas les donner. Et avant cela, il faut les trouver. On téléphone à des tas de gens. C’est compliqué. Là, je suis sur une œuvre que je veux absolument faire, je n’ai que le piano chant, et je ne trouve pas l’œuvre elle-même. Sur mon piano, il y a actuellement une centaine d’œuvres en attente. Elles sont là, il faut que je les regarde. Je les classe : urgent, pas tout de suite et puis jamais. Mais même le jamais je le regarde. Sur ces cent-là, il y en a une quarantaine que je ferai.

A l’heure où les politiques culturelles posent questions, quel avenir pour le festival ?

Je ne vois pas un avenir autre que l’état politique actuel. Je ne préfère pas l’imaginer. Et de toute façon je n’en ferais pas partie. Je n’ai jamais calculé la longévité de quoi que ce soit sur un état politique. Quand j’ai créé le festival en 85 avec Georges Frêche, en 86, j’ai lu dans le journal que c’était la dernière édition. On a vu le résultat. Le reste ce sont des bavardages de gens qui sont impatients de prendre le pouvoir, d’être des patrons et de pouvoir rater ce que d’autres ont réussi.

Votre succession à la tête de l’orchestre et de l’opéra a été confiée à Jean-Paul Scarpitta

J’ai proposé aux responsables politiques Jean-Paul Scarpitta qui est une personne que j’aime beaucoup, et qui bénéficie, grâce à son talent de metteur en scène, d’une vraie reconnaissance du public de l’opéra. Cela a été accepté. Je garde le festival mais j’avais envie d’arrêter cela me permettra de m’atteler à d’autres propositions. Je reste en tant que conseiller musical pour faciliter la passation. J’entends profiter un peu des 80 ans qui me restent à vivre « .

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique FestivalFestival de Radio France, rubrique Musique Le bilan du surintendantRené Koering, rubrique Politique culturelle, rubrique Politique locale, rubrique Rencontre, Aldo Ciccolini,