Frédéric Calfond président de la communauté juive libérale de Montpellier
Un quatrième lieu de culte juif vient d’ouvrir ses portes dans un appartement du boulevard Clemenceau en présence de la première femme rabbin en France, Pauline Bède. Entretien avec Frédéric Calfond président de la communauté juive libérale de Montpellier à l’origine de cette ouverture.
D’où provient le mouvement des juifs libéraux ?
Le mouvement des juifs libéraux est apparu après la révolution française à la fin du XVIIIe siècle. Il s’est propagé en Allemagne où il a connu un essor important et ensuite dans les pays anglo-saxons. C’est aujourd’hui le mouvement juif religieux le plus important dans le monde bien qu’il soit minoritaire en France. On compte une dizaine de synagogues à Paris et autant dans le reste de la France.
Comment se différencie-t-il des autres tendances du judaïsme ?
Il se distingue par l’approche des idées et des pratiques, notamment par la place qu’il donne aux femmes. Nous prônons une participation égalitaire des hommes et des femmes qui peuvent devenir rabbin et participer à la prière comme les hommes.
L’ouverture de ce nouveau lieu à Montpellier était-elle attendue de longue date ?
La communauté existe à Montpellier depuis 2005. Elle compte 60 familles adhérentes et 200 sympathisants. Faute de moyens suffisants, nous ne disposions pas de lieu. Nous célébrions les grandes fêtes avec l’aide de la mairie qui mettait des salles à notre disposition. Aujourd’hui nous avons un lieu mais pas de rabbin. Lors des grandes célébrations religieuses, le rabbin bruxellois Abraham Dahan vient bénévolement à Montpellier. Désormais nous faisons un office tous les vendredis soir. Chacun lit une prière à tour de rôle. On se débrouille puisque la présence d’un rabbin n’est pas obligatoire pour faire un office.
Ces offices se tiennent-ils en français ?
Nous alternons entre l’hébreux et le français. Les textes sont lus en hébreux et suivis d’une traduction en français.
Comment se traduit votre volonté d’actualisation ?
Le mouvement juif libéral veut s’ancrer dans la vie moderne et tient compte des évolutions de la science. Pour les mariages, on applique plus facilement les conversions que chez les orthodoxes. Ma propre épouse n’est pas juive. Elle ne s’est jamais convertie puisque, à l’époque, il n’y avait pas de possibilité. Nous avons des enfants que nous avons élevés dans la religion et nos enfants n’ont pas eu de conversion à faire puisque la transmission chez les juifs libéraux se fait autant par le père que par la mère. Les valeurs des juifs libéraux sont ancrées dans l’esprit des lumières et dans la séparation de l’église et de L’Etat et notamment la loi de 1905 sur la laïcité.
Cette mise en question des pratiques concerne-t-elle les textes ?
Nous suivons tous les textes sacrés en affirmant qu’ils ont toujours évolué avec le temps et ne peuvent rester figés. Nous nous distinguons aussi à travers notre volonté d’ouverture vers les autres communautés, tout en affirmant notre refus du communautarisme.
Quel sont les points de crispation avec les autres communautés juives ?
Depuis notre création, nous avons de très bonnes relations avec le Centre communautaire juif de Montpellier (Crif) dont nous faisons partie. Nos différends tournent essentiellement sur la place des femmes et la transmission de la judaïcité. On se retrouve plus facilement sur les formes d’expression culturelle du judaïsme. C’est le cas aujourd’hui avec toutes les communautés autour de la commémoration de la Shoah qui ne fait pas proprement partie de la religion.
Quelle place accordez-vous à l’État d’Israël ?
Nous sommes d’abord des juifs qui sommes très attachés à la République française. Et nous sommes évidemment rattachés à Israël à travers les prières comme nous sommes viscéralement attachés à notre pays mais nous ne nous donnons pas de droits d’ingérence dans la politique d’Israël. Nous sommes ouverts à toute discussion sans nous calquer à la politique d’État. Mais nous sommes attachés à Israël comme les Palestiniens sont attachés à la création d’un État et à la survie de leur peuple.
Quel regard portez-vous sur les tragiques événements à Gaza ?
S’il y avait eu des manifestations rassemblant des organisations palestiniennes et israéliennes, portant un message exclusivement en faveur de la paix, nous aurions pu y assister. Mais dans certains cas, celles-ci étaient violemment opposées à Israël. Nous souhaitons la paix et la création d’un Etat pour la Palestine et pour Israël.
Quel regard portez-vous sur la conférence de l’Onu sur le racisme à Genève ?
S’il n’y a pas de dérapage, c’est intéressant. Si on répète Durban 1 ce sera dommageable
Est-ce que politique de la chaise vide est une solution ?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Je demande un joker…
Né à Bagdad en 1945, Avi Shlaim est un historien possédant la double nationalité israélienne et britannique. Il enseigne les relations internationales à l’Université d’Oxford, et il est auteur du livre Le mur de fer.
La seule façon de donner un sens à la guerre insensée d’Israël dans la bande de Gaza est de comprendre le contexte historique. La mise en place de l’État d’Israël en mai 1948 a été une injustice monumentale pour les Palestiniens. Des officiels britanniques ont amèrement ressenti la partialité américaine en faveur du nouvel Etat. Le 2 Juin 1948, Sir John Troutbeck écrivit au ministre des Affaires étrangères, Ernest Bevin, que les Américains étaient responsables de la création d’un Etat voyou dirigé par » des chefs sans aucun scrupule. J’ai longtemps pensé que cette condamnation était trop sévère, mais je me repose la question devant l’agression brutale d’Israël contre le peuple de Gaza et la complicité dont elle bénéficie de la part de l’administration Bush. J’ai servi loyalement dans l’armée israélienne au milieu des années 1960 et je n’ai jamais remis en question la légitimité de l’État d’Israël dans ses frontières d’avant 1967. Ce que je condamne absolument c’est le projet colonial sioniste au-delà de la Ligne verte. L’occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza au lendemain de la guerre de juin 1967 n’avait rien à voir avec la sécurité, mais c’était de l’expansionnisme territorial. Le but était d’établir un Grand Israël par le biais du contrôle politique, économique et militaire des territoires palestiniens. Et le résultat a été une des plus longues et des plus brutales occupations militaires des temps modernes.
Quatre décennies de contrôle israélien ont causé des dégats considérables à l’économie de la bande de Gaza. Avec une forte population de réfugiés de 1948, entassés sur une petit territoire, sans infrastructures ni ressources naturelles, les perspectives de la bande de Gaza n’ont jamais été brillantes. Toutefois, Gaza n’est pas seulement un cas de sous-développement économique, c’est également un cas unique de non-développement délibéré. Pour utiliser l’expression biblique, Israël a transformé la population de Gaza en un peuple de coupeurs de bois et de porteurs d’eau, une source de main-d’œuvre bon marché et un marché captif pour les produits israéliens. Le développement de l’industrie locale a été activement entravé de façon à empêcher les Palestiniens de mettre fin à leur subordination à Israël et de mettre en place les fondements économiques nécessaires à une véritable indépendance politique. Gaza est un cas classique d’exploitation coloniale à l’ère post-coloniale. Les colonies de peuplement juives dans les territoires occupés étaient immorales, illégales et constituaient un obstacle insurmontable à la paix. Elles étaient à la fois l’instrument de l’exploitation et le symbole haï de l’occupation. À Gaza en 2005, les colons juifs n’étaient que 8000 face à 1,4 million de résidents locaux. Mais les colons contrôlaient 25% du territoire, 40% des terres arables et s’étaient réservé la part du lion dans les rares ressources en eau. Côte à côte avec ces intrus étrangers, la majorité de la population vivait dans une pauvreté abjecte, une misère inimaginable. Quatre-vingt pour cent d’entre eux survivaient avec moins de 2 dollars par jour. Les conditions de vie dans la bande de Gaza étaient un affront à la civilisation, une incitation à la résistance et un terrain fertile pour l’extrémisme politique.
En août 2005, un gouvernement du Likoud dirigé par Ariel Sharon a organisé un retrait israélien unilatéral de Gaza, évacuant les 8000 colons et détruisant les maisons et les fermes qu’ils abandonnaient. Le Hamas, mouvement de résistance islamique, avait mené une campagne efficace pour rejeter les Israéliens de Gaza. Le retrait a été une humiliation pour les forces armées israéliennes. Sharon présenta le retrait de Gaza comme une contribution à la paix en vue d’une solution à deux États [Un Etat israélien et un Etat palestinien]. Mais au cours de l’année suivante 12 000 Israéliens s’installaient en Cisjordanie, réduisant encore un peu plus la taille [ » scope « ] d’un État palestinien indépendant. On ne peut pas à la fois annexer des terres et faire la paix. Israël avait le choix et il a choisi les terres plutôt que la paix.
Le véritable objectif de l’opération était de redessiner unilatéralement les frontières du Grand Israël, en intégrant à l’Etat d’Israël les principaux blocs de colonies de Cisjordanie. Le retrait de Gaza n’était donc pas le prélude à un accord de paix avec l’Autorité palestinienne, mais le prélude à une expansion sioniste en Cisjordanie. Ce retrait unilatéral d’Israël, a été considéré, à mon avis à tort, comme un intérêt national d’Israël [ » an Israeli national interest « ]. Associé à un rejet fondamental de l’identité nationale palestinienne, le retrait de Gaza n’était qu’une étape dans une politique à long terme visant à refuser au peuple palestinien toute existence politique indépendante sur ses terres. Les colons israéliens ont été retirés, mais les soldats israéliens ont continué à contrôler tous les accès terrestres, maritimes ou aériens à la bande de Gaza. Du jour au lendemain, Gaza est devenu une prison à ciel ouvert. A partir de là, les forces aériennes israéliennes ont bénéficié d’une entière liberté pour larguer des bombes, franchir le mur du son à basse altitude, et terroriser les malheureux habitants de cette prison.
Israël aime se décrire comme un îlot de démocratie dans une mer d’autoritarisme. Mais, au cours de son histoire Israël n’a jamais rien fait pour promouvoir la démocratie du côté arabe, mais a beaucoup fait pour la saper. Israël a une longue histoire de collaboration secrète avec les régimes réactionnaires arabes pour réprimer le nationalisme palestinien. En dépit de tous ces handicaps, le peuple palestinien a réussi à construire la seule véritable démocratie du monde arabe, exception faite du Liban.
En janvier 2006, des élections libres et honnêtes au Conseil législatif de l’Autorité palestinienne ont porté au pouvoir un gouvernement dirigé par le Hamas. Cependant, Israël a refusé de reconnaître le gouvernement démocratiquement élu, en affirmant que le Hamas n’était qu’une organisation terroriste. L’Amérique et l’Union européenne ont suivi Israël sans vergogne, en ostracisant et en diabolisant le gouvernement du Hamas, et en essayant de le renverser en bloquant les recettes de certaines taxes et l’aide étrangère. Une situation surréaliste s’est ainsi développée où une partie importante de la communauté internationale a imposé des sanctions économiques à l’occupé mais pas à l’occupant, aux opprimés mais pas à l’oppresseur. Et comme si souvent dans l’histoire tragique de la Palestine, les victimes ont été blâmés pour leurs propres malheurs. La propagande israélienne a continué à diffuser ses thèmes : les Palestiniens sont des terroristes, ils refusent la coexistence avec l’État juif, leur nationalisme est un peu plus que de l’antisémitisme, le Hamas est un groupe de fanatiques religieux et l’Islam est incompatible avec la démocratie. Mais la vérité est que les Palestiniens sont des gens normaux avec des aspirations normales. Ils ne sont pas meilleurs, mais ils ne sont pas pires que d’autres groupes nationaux. Ce à quoi ils aspirent, par-dessus tout, c’est à un morceau de terre à eux pour y vivre en liberté et dignité.
Comme d’autres mouvements radicaux, le Hamas a commencé à modérer son programme politique quand il est arrivé au pouvoir. Partant de la position idéologique affirmée dans sa charte – le rejet d’Israël – il a commencé à s’orienter vers une position pragmatique basée sur la coexistence de deux États. En mars 2007, le Hamas et le Fatah ont constitué un gouvernement d’union nationale qui était prêt à négocier un cessez-le-feu de longue durée avec Israël.
Mais Israël a refusé de négocier avec un gouvernement auquel le Hamas participait. Il a continué à pratiquer la vieille tactique » diviser pour régner » entre les factions palestiniennes rivales. À la fin des années 1980, Israël soutenait le Hamas naissant de façon à affaiblir le Fatah, le mouvement nationaliste laïque de Yasser Arafat. Maintenant, Israël incite les dirigeants corrompus et manipulables du Fatah à renverser leurs rivaux politiques religieux et à reprendre le pouvoir. Des néoconservateurs américains agressifs ont participé au sinistre complot qui visait à provoquer une guerre civile palestinienne. Leur ingérence a joué un rôle essentiel dans l’effondrement du gouvernement d’unité nationale et dans la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza en juin 2007, pour anticiper un coup de force du Fatah.
La guerre déclenchée par Israël à Gaza le 27 décembre dernier a été le point culminant d’une série d’affrontements et de confrontations avec le gouvernement du Hamas. Plus précisément, il s’agit d’une guerre qui oppose Israël au peuple palestinien, car le parti au pouvoir a été élu par les Palestiniens. L’objectif déclaré de la guerre est d’affaiblir le Hamas et d’intensifier la pression jusqu’à ce que ses dirigeants acceptent un nouveau cessez-le-feu aux conditions d’Israël.
L’objectif non déclaré est de faire en sorte que les Palestiniens de la bande de Gaza soient considérés par le monde comme un simple problème humanitaire et, par conséquent, de faire échouer leur lutte pour l’indépendance et la constitution d’un État. La date de déclenchement de la guerre a été déterminée par le calendrier politique. Une élection générale [en Israël] est prévue pour le 10 février 2009 et, dans la perspective de l’élection, les principaux prétendants sont à la recherche d’opportunités leur permettant de prouver leur détermination. Les chefs militaires rongeaient leur frein, impatients de frapper un grand coup au Hamas, de façon à effacer la tache qui ternissait leur réputation depuis l’échec de la guerre contre le Hezbollah au Liban en juillet 2006. Les cyniques dirigeants israéliens pouvaient également compter sur l’apathie et l’impuissance des régimes arabes pro-occidentaux et sur le soutien aveugle du président Bush au crépuscule de son mandat à
la Maison Blanche. Bush ne fit aucune difficulté pour attribuer au Hamas la responsabilité de la crise, pour mettre son veto au Conseil de sécurité de l’ONU à une proposition de cessez-le-feu immédiat, et pour laisser toute latitude à Israël pour monter une invasion terrestre de Gaza.
Comme toujours, le puissant Israël prétend être la victime d’une agression palestinienne mais le déséquilibre des forces en présence ne laisse guère de place au doute quant à savoir qui est la véritable victime. Il s’agit bien d’un conflit entre David et Goliath, mais l’image biblique a été inversée – et un petit David palestinien sans défense est confronté à un Goliath israélien lourdement armé, impitoyable et arrogant. Le recours à la force militaire brute s’est accompagné, comme toujours, de la rhétorique stridente de la victimisation et d’un farrago d’auto-apitoiement et d’auto-justification. En hébreu, c’est ce qu’on appelle le syndrome de bokhim ve-yorim, » pleurer et tirer « .
Bien entendu, dans ce conflit, le Hamas n’est pas tout à fait innocent. Privé du fruit de sa victoire électorale et face à un adversaire sans scrupule, il a eu recours à l’arme des faibles – la terreur. Les militants du Hamas et du Jihad islamique ont continué à lancer des attaques de roquettes Qassam contre les colonies de peuplement israéliennes près de la frontière avec la bande de Gaza, jusqu’à ce que l’Egypte négocie un cessez-le-feu de six mois en juin dernier. Les dégats causés par ces roquettes primitives étaient minimes, mais leur impact psychologique a été énorme, ce qui a incité l’opinion publique à réclamer la protection de son gouvernement. Dans ces circonstances, Israël était en droit de réagir en légitime défense, mais sa réponse à ces piqures d’épingles a été absolument disproportionnée.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours des trois années qui ont suivi le retrait de Gaza, 11 Israéliens ont été tués par des tirs de roquettes. Pour leur part, les forces armées israéliennes ont tué 1290 Palestiniens, dont 222 enfants, dans la bande de Gaza, de 2005 à 2007. On ne doit jamais tuer des civils, quel qu’en soit le nombre. Cette règle s’applique aussi bien au Hamas qu’à Israël, mais l’ensemble du dossier montre qu’Israël a fait preuve d’une brutalité sans limite et sans relâche envers les habitants de Gaza. Israël a également maintenu le blocus de la bande de Gaza après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, ce qui, du point de vue des dirigeants du Hamas, constituait une violation de l’accord. Pendant le cessez-le-feu, Israël a empêché toute exportation en provenance de Gaza en violation flagrante de l’accord de 2005, ceci entrainant une forte baisse de l’emploi. D’après les chiffres officiels, 49,1% de la population est au chômage. Dans le même temps, Israël a réduit de façon drastique le nombre de camions transportant à Gaza des vivres, du carburant, des bouteilles de gaz de cuisine, des pièces de rechange pour le traitement de l’eau et l’assainissement et des fournitures médicales. Il est difficile d’imaginer en quoi la faim et le froid des civils de la bande de Gaza pouvaient protéger les personnes du côté israélien de la frontière. Mais même si c’était le cas, ce serait encore immoral, le châtiment collectif étant strictement interdit par le droit humanitaire international.
La brutalité des soldats israéliens correspond à l’hypocrisie de ses porte-parole. Huit mois avant le lancement de la guerre actuelle sur la bande de Gaza, Israël a créé une Direction nationale de l’information. Voici l’essentiel des messages que cette direction a adressés à la presse : c’est le Hamas qui a rompu le cessez-le-feu, l’objectif d’Israël est de protéger sa population, et les forces israéliennes prennent le plus grand soin de ne pas blesser des civils innocents. Les conseillers en communication israéliens ont été très efficaces pour faire passer ce message. Mais, en substance, leur propagande est un paquet de mensonges.
La réalité des actions israéliennes est loin de la rhétorique de ses porte-parole. Ce n’est pas le Hamas, mais l’armée israélienne qui a rompu le cessez-le feu : le 4 novembre, un raid dans la bande de Gaza a tué six hommes du Hamas. L’objectif d’Israël n’est pas seulement de défendre sa population, mais éventuellement de parvenir à un renversement du gouvernement du Hamas par la population de Gaza. Et loin de prendre soin d’épargner les civils, Israël est coupable de bombardements aveugles et d’un blocus de trois ans, un blocus qui a amené le million et demi d’habitants de Gaza au bord d’une catastrophe humanitaire.
La loi du talion, » œil pour œil « , est assez primitive. Mais la folle offensive israélienne contre la bande de Gaza relève plutôt de la logique » un oeil pour un cil « . Après huit jours de bombardements, la mort de plus de 400 Palestiniens et de quatre Israéliens, le cabinet gung-ho [ ?] a ordonné une invasion terrestre de la bande de Gaza aux conséquences incalculables.
Aucune escalade militaire ne permettra à Israël de se prémunir contre des attaques de roquettes lancées par l’aile militaire du Hamas. En dépit des pertes humaines et des destructions qu’Israël leur a infligées, ils continuent à résister et à tirer des roquettes. C’est un mouvement qui exalte la victimisation et le martyre. Il n’y a pas de solution militaire au conflit entre les deux communautés. Le problème est que, au nom de sa propre sécurité, Israël refuse à l’autre communauté le moindre droit à la sécurité. Ce n’est pas par les armes qu’Israël obtiendra la sécurité, mais par des entretiens avec le Hamas, qui a déclaré à maintes reprises qu’il est disposé à négocier un cessez-le-feu de longue durée – 20, 30 ou même 50 ans – avec l’Etat juif dans ses frontières d’avant 1967. Israël a rejeté cette proposition comme il a refusé le plan de paix de la Ligue arabe de 2002 – plan qui n’a pas été retiré -, et pour la même raison : il faudrait faire des concessions et des compromis.
Après ce bref survol des quatre dernières décennies, il est difficile de nier qu’Israël est devenu un Etat voyou dirigé par » des chefs sans aucun scrupule « . Un Etat voyou ne respecte pas le droit international, dispose d’armes de destruction massive et pratique le terrorisme – le recours à la violence contre les civils à des fins politiques. Israël répond à ces trois critères – le chapeau lui va, il doit le porter. L’objectif véritable d’Israël n’est pas la coexistence pacifique avec ses voisins palestiniens, mais la domination militaire. Il persiste dans les errements du passé et en ajoute de pires. Les hommes politiques, comme tout le monde, sont bien entendu libres de répéter les mensonges et les erreurs du passé. Mais ils ne sont pas obligés de le faire.
Avi Shlaim
Notes [1 ] Ed Buchet-Chastel, mars 2008, traduit de The Iron Wall : Israel and the Arab World, éd. Norton, 2001.
[2 ] Référence » How Israel brought Gaza to the brink of humanitarian catastrophe <http://www.guardian.co.uk/world/2009/jan/07/gaza-israel-palestine> « .
[3 ] Sir John Troutbeck était alors directeur du Bureau britannique pour le Moyen-Orient au Caire.
Associations, collectifs, syndicats et partis politiques ont défilé hier dans les grandes villes de France pour demander l’arrêt de l’opération « Plomb durci ». Et des sanctions contre le gouvernement israélien qui ignore l’appel au cessez-le-feu immédiat de l’ONU. A Montpellier, le rendez-vous donné place de la Comédie a réuni entre 4 et 5 000 personnes. Après la manifestation de samedi dernier, la mobilisation s’intensifie en nombre. Elle semble également plus déterminée pour dénoncer le viol du droit international par l’Etat d’Israël et l’attitude trop attentiste de la communauté internationale. Mais l’appel des organisateurs à « exprimer la colère calmement » a été entendu.
En scandant des slogans solidaires – « Nous sommes tous des palestiniens » – ou plus critiques – « Israël assassin Sarkozy complice », « ONU entends-tu ? « ONU où es-tu ? » -, le cortège a rejoint la préfecture en empruntant la rue de la Loge sous le regard déconcerté des badeaux tout aux soldes. Une délégation de représentants d’associations a été reçue en préfecture où elle a remis une pétition noircie de 5 000 signatures recueillies cette semaine à Montpellier.
« Un soutien économique »
Le rassemblement était organisé à l’appel du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Outre l’engagement de simples citoyens, il regroupe une quarantaine d’organisations, notamment le PCF, le PDG, la LCR, les Verts, les CUAL 34, plusieurs syndicats, le Mrap, la Ligue des droits de l’Homme, l’Union juive française pour la paix… Une diversité importante qui dépasse largement le processus d’ethnisation orchestré en faveur du pouvoir israélien.
« La paix, ce n’est pas juste la fin de la guerre, affirme le secrétaire de UL-CGT de Montpellier, Julien Colet. Cela passe également par un soutien au développement économique de Gaza qui compte 80% de chômeurs. Les syndicats doivent s’impliquer car on sait bien que la guerre est l’issue choisie par le capitalisme pour sortir des crises.» Portant la parole des associations de solidarité avec la Palestine, Anis Salem invite « à faire pression sur les élus locaux, nationaux et européens pour le respect des droits du peuple palestinien. »
Trop peu d’élus
Peu d’élus pourtant dans le cortège. Ce que regrette le conseiller municipal communiste, Michel Passet, qui constate « l’absence de mobilisation de la Ville pour imposer la paix. Il serait judicieux d’engager une action solidaire afin d’atténuer la souffrance du peuple palestinien. Pourquoi ne pas envoyer une délégation en Israël et en Palestine ? Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Un enfant qui meurt d’un côté où de l’autre provoque une même douleur. » L’élu d’opposition LCR-Cuals Francis Viguié regrette aussi cet immobilisme. « Lors de la cérémonie des vœux, le maire a raté l’occasion de faire un signe pour dire qu’elle comprenait. L’attitude de la majorité apparaît comme un mépris qui ne peut que nourrir des suspicions sur les raisons politiques de son absence. »
L’opération « Plomb durci » est entrée dans sa troisième semaine, en dépit des appels internationaux au cessez-le-feu. L’armée israélienne a prévenu hier les habitants de Gaza que ses opérations militaires pourraient encore se renforcer.
Trois cents personnes se sont réunies hier soir sur la place de la Comédie pour rendre hommage aux victimes palestiniennes de la bande de Gaza. Au douzième jour de l’opération Plomb durci le bilan ne cesse de s’alourdir. Les attaques israéliennes sur un territoire surpeuplé auraient fait 660 tués et 3 000 blessés sans distinction d’âge ou de genre indiquent les services d’urgences palestiniens. 30% de ces victimes sont des femmes et des enfants confirment les ONG. L’armée israélienne dénombre de son côté une dizaine de soldats tués et une trentaine de blessés.
Face aux pressions, Israël a accepté mardi 6 janvier au soir d’ouvrir un « corridor humanitaire » à destination des quelque 1,5 million de Palestiniens de la bande de Gaza. Il servirait à « l’acheminement de personnes, d’aide alimentaire et de médicaments ». Mais l’offensive terrestre israélienne continue de provoquer des combats dans les zones urbaines de Gaza.
Partout en France, des collectifs
pour la paix entre Palestiniens et Israéliens poursuivent leur mobilisation et demandent l’arrêt du massacre. A Montpellier l’Association France Palestine Solidarité, (AFPS), l’association palestinienne en France (APF), et la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien
(CCIPPP34) campent sur la Comédie depuis lundi pour sensibiliser l’opinion publique et demander un cessez-le-feu. « Nous recueillons des signatures pour le retour à la paix que nous remettrons prochainement au préfet. Beaucoup de Montpelliérains se sentent concernés, c’est encourageant. Et cela dénote un décalage entre l’action politique française et la volonté populaire», souligne Anis Salem membre de la CCIPPP34. La minute de silence observée hier par les fonctionnaires de l’ONU au Moyen-Orient et la demande d’enquête internationale sur « les armes illégales » utilisées par l’armée israélienne apparaissent à ses yeux comme « des signes encourageants ». Car seule une condamnation claire et déterminée de l’opinion internationale est susceptible d’influer sur le gouvernement israélien.
Montpellier est la première escale d’Eric Chevallier, conseiller spécial de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, qui entreprend une tournée dans les grandes villes de l’hexagone. Jeudi dernier, le diplomate a rencontré les médias locaux avant d’aller débattre avec les étudiants de la fac de droit. » Le ministre souhaite donner aux Français une plus grande visibilité de la politique internationale française (…) car les enjeux concernent directement leur vie quotidienne. «
L’idée semble d’autant plus heureuse qu’elle coïncide avec l’omniprésence du président de la République sur la scène internationale. On a vu comment, avec plus ou moins de réussite, Nicolas Sarkozy use du levier que lui offre la présidence du Conseil de l’Union européenne. La démarche n’est pas sans rappeler celle de son prédécesseur à l’Elysée qui, au plus bas dans les sondages, avait trouvé l’occasion de redorer son blason en distillant quelque poncifs humanistes dans les conférences internationales.
Plus touche à tout qu’homme de conviction, Sarkozy souhaite absolument imprimer sa marque dans les affaires du monde. Le 13 juillet dernier, le projet d’Union méditerranéenne inauguré à Paris, a permis à 43 pays de figurer sur la photo. On peut cependant s’interroger sur cette initiative qualifiée de réussite par le représentant du quai d’Orsay, dès lors qu’ elle demeure vide d’idée et de moyen. Sarkozy peut se brûler les doigts, comme il l’a démontré avec la Chine aux JO, mais il peut aussi bénéficier de sa bonne réactivité comme dans la crise géorgienne.
De l’aveu d’Eric Chevallier, le plan mis en place dans l’urgence par la médiation européenne est imparfait mais il a le mérite d’exister. » Nous avons procédé par étapes. Dans un premier temps, il fallait aboutir au cessez-le-feu. La seconde étape vient de débuter avec le déploiement d’observateurs internationaux. Les Russes ont annoncé qu’ils procéderaient au recul de leurs troupes. Nous allons voir s’ils tiennent leurs engagements. Latroisième étape aura lieu à Genève où seront abordées les questions politiques comme celles de la sécurité ou de l’intégration des réfugiés. » A un autre niveau, le diplomate juge moins importante l’entrée éventuelle de la Géorgie au sein de l’U.E que la présence de l’Europe dans cette région. Un jugement visant à nuancer l’atlantisme avéré et silencieux du président français sur les grands enjeux internationaux.
Les relations avec nos partenaires étasuniens sont qualifiées par Eric Chevallier de » plus confortables, avec des points de désaccords… » Désaccord peu probant sur le front afghan, où la France s’engage dans une guerre sans issue qui réduit moins le terrorisme qu’elle n’en aggrave les motivations. » Nous ne nous sommes pas engagés sur un calendrier de retrait. Ce serait mentir aux gens, car on ne sait pas exactement quand on sera en mesure de se retirer. «
Pas grand chose non plus sur le conflit israélo-palestinien, dont la résolution est un élément essentiel de lutte globale contre le terrorisme. Sur ce terrain la Françe figure comme remorque de la diplomatie américaine en désignant du doigt les vilains Iraniens. Bien qu’elles n’aient pas été abordées, il semble que, malgré l’agitation, les préoccupations d’ordre intérieure empiètent considérablement sur la détermination de notre politique étrangère.