Omar Souleiman, vice-président, vrai fidèle et possible successeur

Avec Omar Souleiman, le régime se replie sur lui-même

Le vice-président égyptien est un homme de l’ombre, plus connu des diplomates occidentaux que du grand public égyptien. Depuis une décennie, Omar Souleiman, qui dirige les moukhabarat, les très redoutés services de renseignements, était cité comme l’un des possibles successeurs du raïs. Il est désormais officiellement son dauphin et un recours en cas de vacance du pouvoir. En ces temps agités, Hosni Moubarak a fini par se résoudre à nommer un homme qui incarne la stabilité et la continuité du régime.

Depuis son arrivée au pouvoir, il y a vingt-neuf ans, Moubarak se refusait à pourvoir le poste de vice-président. Il était bien placé pour savoir qu’un vice-président a toutes les chances de succéder à son numéro 1, lui-même ayant repris les rênes après l’assassinat d’Anouar el-Sadate, par un commando de soldats islamistes, le 6 octobre 1981. El-Sadate lui-même avait remplacé au pied levé Gamal Abdel Nasser mort d’une crise cardiaque à l’automne 1970…

Fidèle. Mais Omar Souleiman n’a pas la fibre d’un putschiste. Fidèle d’entre les fidèles de Moubarak, il l’a sauvé à plusieurs reprises contre des tentatives d’attentats. Notamment en lui conseillant d’emmener sa propre voiture blindée au sommet de l’Organisation de l’unité africain (OUA), en juin 1995 à Addis-Abeba, où un commando d’islamistes égyptiens venu du Soudan avait mitraillé le cortège présidentiel, tuant un garde du corps mais ratant le raïs et son bras droit.

Omar Souleiman sait parfaitement dans quel état est l’Egypte, même s’il n’a jamais participé à la gestion du pays. «Au jour le jour, l’Egypte est gouvernée par un « cabinet noir » de cinq ou six conseillers, qui travaillent au palais présidentiel», assure un diplomate occidental. Omar Souleiman, lui, a surtout traité de deux dossiers : la répression de l’islamisme, depuis son arrivée à la tête des services de renseignements en 1991, et les dossiers régionaux, en particulier le conflit israélo-palestinien cette dernière décennie. Sur la lutte contre l’islamisme armé, il s’est montré implacable dans les répressions des Gamaat al-islamiya et du mouvement Al-Jihad, qui ont causé un millier de morts durant les années 90. Il est aussi bien connu et apprécié des services occidentaux, en particulier de la CIA américaine qui n’a pas hésité, depuis le 11 septembre 2001, à faire transférer illégalement plusieurs islamistes égyptiens au Caire afin qu’ils soient débriefés par les moukhabarat, connus pour ne pas prendre de gants durant les interrogatoires.

«En fait, Omar Souleiman est un ministre bis des Affaires étrangères», assure le diplomate. Il assiste à tous les entretiens importants, est chargé des missions les plus délicates et secrètes.

Depuis le début de la deuxième Intifada, il est plus particulièrement en charge du dossier israélo-palestinien. Il a négocié une bonne dizaine de trêves, plus ou moins éphémères, entre Israéliens et Palestiniens. A partir de 2005, il gère le dossier du Hamas, dont la montée en puissance inquiète autant Israël que l’Egypte. Les islamistes du Hamas sont en effet très liés aux Frères musulmans égyptiens que Souleiman combat et déteste. Malgré le soutien égyptien aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, le Hamas s’empare du pouvoir dans la bande de Gaza en juin 2007, au grand dam de l’Egypte, qui doit désormais faire avec un régime islamiste à sa frontière orientale. L’Egypte participe au blocus de la bande de Gaza en contrôlant le point de passage de Rafah, mais lorsque l’armée israélienne lance l’opération Plomb durci, en janvier 2009, Omar Souleiman s’active pour obtenir un cessez-le-feu. Il travaille aussi à réconcilier Hamas et Fatah, sans succès. Sa nomination a été très appréciée à Washington, en Israël et dans les chancelleries occidentales qui le connaissent bien, ce qui n’est pas forcément bon auprès de l’opinion égyptienne.

Trop tard. Agé aujourd’hui de 74 ans, Omar Souleiman, sort de l’ombre peut-être trop tard pour incarner une véritable rupture. L’homme, originaire d’une famille aisée de Qena, en Haute-Egypte, est apprécié pour sa compétence et son peu de goût pour le luxe. Aucune affaire de corruption ne lui colle aux basques. Mais il est trop associé au règne de Moubarak et ne fait pas forcément l’unanimité dans l’armée, qui aurait probablement préféré le ministre sortant de la Défense, le maréchal Tantaoui, l’un des derniers héros de la guerre d’octobre 1973.

Christophe Ayad (Libération)

Voir aussi : Rubrique Egypte, politique, L’armée clé de la crise du régime, Moubarak joue avec le feu, Rencontre, Khaled Al Khamissi , rubrique Livre Sarkozy au Proche Orient, Politique internationale Vers un printemps démocratique arabe, rubrique Histoire Repères sur la bande de Gaza,

Nouvelle manifestation contre l’offensive aveugle israélienne

Associations, collectifs, syndicats et partis politiques ont défilé hier dans les grandes villes de France pour demander l’arrêt de l’opération « Plomb durci ». Et des sanctions contre le gouvernement israélien qui ignore l’appel au cessez-le-feu immédiat de l’ONU. A Montpellier, le rendez-vous donné place de la Comédie a réuni entre 4 et 5 000 personnes. Après la manifestation de samedi dernier, la mobilisation s’intensifie en nombre. Elle semble également plus déterminée pour dénoncer le viol du droit international par l’Etat d’Israël et l’attitude trop attentiste de la communauté internationale. Mais l’appel des organisateurs à « exprimer la colère calmement » a été entendu.

En scandant des slogans solidaires – « Nous sommes tous des palestiniens » – ou plus critiques  – « Israël assassin Sarkozy complice », « ONU entends-tu ? « ONU où es-tu ? » -, le cortège a rejoint la préfecture en empruntant la rue de la Loge sous le regard déconcerté des badeaux tout aux soldes. Une délégation de représentants d’associations a été reçue en préfecture où elle a remis une pétition noircie de 5 000 signatures recueillies cette semaine à Montpellier.

« Un soutien économique »

Le rassemblement était organisé à l’appel du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Outre l’engagement de simples citoyens, il regroupe une quarantaine d’organisations, notamment le PCF, le PDG, la LCR, les Verts, les CUAL 34, plusieurs syndicats, le Mrap, la Ligue des droits de l’Homme, l’Union juive française pour la paix… Une diversité importante qui dépasse largement le processus d’ethnisation orchestré en faveur du pouvoir israélien.

« La paix, ce n’est pas juste la fin de la guerre, affirme le secrétaire de UL-CGT de Montpellier, Julien Colet. Cela passe également par un soutien au développement économique de Gaza qui compte 80% de chômeursLes syndicats doivent s’impliquer car on sait bien que la guerre est l’issue choisie par le capitalisme pour sortir des crises.» Portant la parole des associations de solidarité avec la Palestine, Anis Salem invite «  à faire pression sur les élus locaux, nationaux et européens pour le respect des droits du peuple palestinien. »

Trop peu d’élus

Peu d’élus pourtant dans le cortège. Ce que regrette le conseiller municipal communiste, Michel Passet, qui constate « l’absence de mobilisation de la Ville pour imposer la paix. Il serait judicieux d’engager une action solidaire afin d’atténuer la souffrance du peuple palestinien. Pourquoi ne pas envoyer une délégation en Israël et en Palestine ? Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Un enfant qui meurt d’un côté où de l’autre provoque une même douleur. » L’élu d’opposition LCR-Cuals Francis Viguié regrette aussi cet immobilisme. « Lors de la cérémonie des vœux, le maire a raté l’occasion de faire un signe pour dire qu’elle comprenait. L’attitude de la majorité apparaît comme un mépris qui ne peut que nourrir des suspicions sur les raisons politiques de son absence. »

L’opération « Plomb durci » est entrée dans sa troisième semaine, en dépit des appels internationaux au cessez-le-feu. L’armée israélienne a prévenu hier les habitants de Gaza que ses opérations militaires pourraient encore se renforcer.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique : Des bougies sous la neige, Rubrique livre : Etre juif après Gaza, Rubrique international Rapport de l’ONU sur Gaza.

Des bougies sous la neige pour Gaza

Trois cents personnes se sont réunies hier soir sur la place de la Comédie pour rendre hommage aux victimes palestiniennes de la bande de Gaza. Au douzième jour de l’opération Plomb durci le bilan ne cesse de s’alourdir. Les attaques israéliennes sur un territoire surpeuplé auraient fait 660 tués et 3 000 blessés sans distinction d’âge ou de genre indiquent les services d’urgences palestiniens. 30% de ces victimes sont des femmes et des enfants confirment les ONG. L’armée israélienne dénombre de son côté une dizaine de soldats tués et une trentaine de blessés.

Face aux pressions, Israël a accepté mardi 6 janvier au soir d’ouvrir un « corridor humanitaire » à destination des quelque 1,5 million de Palestiniens de la bande de Gaza. Il servirait à « l’acheminement de personnes, d’aide alimentaire et de médicaments ». Mais l’offensive terrestre israélienne continue de provoquer des combats dans les zones urbaines de Gaza.

Partout en France, des collectifs

pour la paix entre Palestiniens et Israéliens poursuivent leur mobilisation et demandent l’arrêt du massacre. A Montpellier l’Association France Palestine Solidarité, (AFPS), l’association palestinienne en France (APF), et la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien

(CCIPPP34) campent sur la Comédie depuis lundi pour sensibiliser l’opinion publique et demander un cessez-le-feu. « Nous recueillons des signatures pour le retour à la paix que nous remettrons prochainement au préfet. Beaucoup de Montpelliérains se sentent concernés, c’est encourageant. Et cela dénote un décalage entre l’action politique française et la volonté populaire», souligne Anis Salem membre de la CCIPPP34. La minute de silence observée hier par les fonctionnaires de l’ONU au Moyen-Orient et la demande d’enquête internationale sur « les armes illégales » utilisées par l’armée israélienne apparaissent à ses yeux comme « des signes encourageants ». Car seule une condamnation claire et déterminée de l’opinion internationale est susceptible d’influer sur le gouvernement israélien.

Jean-Marie Dinh

Voir Aussi : Rubrique politique Manifestation contre l’offensive israélienne, Rubrique international Rapport de l’ONU sur Gaza, Rubrique livre : Etre juif après Gaza.