Rencontre littéraire. Invité par la librairie Sauramps, Christine Jordis est venue présenter son essai sur Blake.
William Blake ou l’infini, Christine Jordis a le sens du titre qui dit tout. L’auteure prix Femina pour De petits enfers variés et prix Médicis pour Gens de la Tamise est venue cette semaine présenter son essai biographique à la Médiathèque Emile Zola. Christine Jordis est auteure d’une thèse de doctorat sur l’humour noir anglais, et a notamment dirigé la littérature anglaise aux Éditions Gallimard.
« William Blake (1757-1827) est quelqu’un qui cherchait la liberté et qui l’a trouvé. Il affirmait que, pour retrouver la joie que nous portons en nous, il faut nettoyer les fenêtres de la perception, ce qui signifie que nous restons aveugles à ce que nous pourrions voir. » Mais qu’est ce que voir ? C’est entrer dans le monde vivant, pense Blake, celui de la poésie, de la vraie vie. Après avoir vu Dieu à huit ans, puis un arbre « rempli d’anges », il dessina, peignit, grava, écrivit de longs poèmes prophétiques. Son imagination n’avait pas de limite peut être parce qu’il avait refusé dès six ans, d’aller à l’école.
Bien qu’ayant appris à lire avec la Bible, c’est un anticlérical, antimonarchiste, pacifiste, révolté par la misère et l’injustice sociale. «Blake s’imprégnait de son environnement quotidien. Il voulut changer l’homme et le monde, souligne Christine Jordis. L’auteur du Mariage du Ciel et de l’Enfer ne croyait pas en un dieu transcendental. « Pour lui, l’homme véritable était semblable à dieu. Il s’était donné pour mission de dire aux hommes ce qu’ils avaient en eux, de les restituer à eux-mêmes.» À l’argent-roi, il opposa l’esprit, c’est-à-dire la poésie et l’art. « Il se dressait contre le matérialisme de son temps. Un homme qui ne pense qu’au progrès matériel est amputé d’une grande partie de lui-même.»
Rejeté, condamné à la solitude et à la pauvreté, Blake n’en continua pas moinsde poursuivre son chemin jusqu’à sa mort. « La différence entre Blake et ses lecteurs, la plupart du temps, c’est que Blake est génial. »
JMDH
William Blake ou l’infini, éd Albin Michel, 19 euros
Théâtre Jean Vilar. J. Allaire porte à la scène Les Damnés de la terre.
« Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l’oublier.» Jacques Allaire s’empare des textes de Frantz Fanon qu’il porte à la scène en reprenant le titre de son ouvrage testamentaire Les Damnés de la terre. Psychiatre noir, penseur éclairé et révolté contre le racisme colonial, Fanon est né en Martinique en 1927. Il combat pour la France libre puis au FLN avant d’être expulsé d’Algérie en 1957 et de mourir à 36 ans d’une leucémie.
J. Allaire trouve sa matière dans le constat cru que fait l’auteur. Pas de construction gigogne comme dans Les Négres de Genet auquel on pense pour la charge de la dénonciation. L’approche de la scène se veut frontale et sans ambiguïté. Les acteurs dont on ne distingue pas la couleur de peau livrent une langue nue et percutante. Le drame joué sur la scène s’inscrit dans l’espace dantesque d’une divine comédie sans paradis. Un va et vient incessant du purgatoire – hôpital – à l’enfer – prison, camp de réfugiés…
Les tableaux qui s’enchaînent, comme dans un cauchemar, dessinent l’enfermement physique et mental dans lequel on relaie les populations dominées. Les zombies déracinés et misérables d’hier et d’aujourd’hui nous arrivent par le jeu de la représentation mais restent et se retournent en fin de partie pour inscrire quelque chose d’humain dans nos bien légères consciences. Allaire s’attaque au théâtre lui-même et à la condition de spectateur. La guerre d’Algérie offre un moyen détourné pour parler de problèmes actuels, ce qui explique la véhémence des débats sur sa mémoire. Serait-ce la non-digestion du passé colonial qui grippe la société multiculturelle française. Le racisme serait-il le problème des autres, des coloniaux, du passé ?
Hans Christian Andersen, dessin de Sergimao (2005). dr
Rencontre littéraire. En amont, de la Comédie du livre consacrée aux littératures nordiques, l’association Coeur de livres poursuit ce soir son cycle de découverte des classiques avec Andersen.
L’association Coeur de livres invite à la découverte des littératures classiques nordiques. Après le Kalevala du Finlandais Elias Lönnrot, l’association des libraires propose une nouvelle rencontre autour de l’écrivain danois le plus connu : Hans Christian Andersen. Devenu célèbre grâce à ses contes, il est l’auteur d’une oeuvre riche et variée qui ne saurait se résumer à la littérature enfantine.
Andersen (1805-1875) est issu d’un milieu modeste. Son père est un libre penseur qui s’engage dans les armées napoléoniennes et qu’il perd à l’âge de 11 ans. Sa mère une robuste paysanne qui prend en charge la responsabilité de nourrir la famille. Séduit par le théâtre à l’âge de 7 ans, il semble prédestiné à une carrière artistique, puisque dès 14 ans, il veut être danseur, comédien ou chanteur. Hans Christian, quitte Odense, sa ville natale, pour rejoindre Copenhague en 1819. Sa silhouette pittoresque et ses déclarations grandiloquentes aux directeurs de théâtres les déconcertent. Mais ses premiers essais d’écrivain dramatique sont remarqués et lui valent la protection du directeur du Théâtre Royal.
Il parfait ses études à l’école latine de Stagelse tout en publiant anonymement des poèmes (Enfant mourant en 1827). Un premier recueil de poésie paraît en 1830 suivi de plusieurs autres ( Fantaisie et Esquisses en 1831, les 12 mois de l’année en 1932.) Bien que reléguée au second plan de son oeuvre, la poésie ne cesse de le préoccuper. Il réunit une partie de sa production sous le thème « Poèmes anciens et nouveaux ». Plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique et sont entrés dans la conscience populaire. Andersen poursuit son travail d’écriture pour le théâtre en mêlant le réalisme historique et la féerie mais ce n’est ni avec le théâtre, ni en tant que romancier qu’il gagne la célébrité, Ses récits de voyages sont appréciés, l’auteur ramène de ses excursions européennes une moisson d’images et de descriptions qui captent l’intérêt des lecteurs.
La vraie reconnaissance lui vient entre 1832 et 1842 avec la publication de six brochures de contes pour enfants. Encouragé par le succès qu’il a toujours recherché, Andersen regrette néanmoins la mention « pour les enfants ». Il use d’un style parlé et vif, tout en gardant la saveur de la tradition populaire et évolue vers des créations plus originales. Devenu un succès de la littérature mondiale Le vilain petit canard illustre à certains égards la recherche d’Andersen sur lui-même.
Hans Christian Andersen, dessin de Sergimao (2005). dr
Michel Forget : « Ce qui caractérise le mieux Andersen, c’est la contradiction »
Michel Forget sera ce soir l’invité de Coeur de livres. C’est un éminent connaisseur d’Andersen auteur de traductions de récits de voyages (Voyage à pied), de roman (Peer-la-chance) et de recueils de récits, (Le bazar d’un poète). Il vient de traduire aux éditions Les belles Lettres Poèmes, premier recueil de poésie disponible en français d’Hans Christian Andersen.
Comment avez-vous croisé l’oeuvre d’Andersen ?
C’est en dispensant une formation sur la littérature de jeunesse à l’Ecole normale que je me suis penché sur son oeuvre. Je devais connaître une dizaine de contes guère plus, et j’ai découvert la diversité de sa production. En m’y intéressant je me suis rendu compte qu’il était peu traduit en français. J’ai poursuivi mes recherches sur son oeuvre en allemand et me suis pris de passion. J’ai fini par apprendre le Danois.
Andersen commence et finit son oeuvre par des poèmes, comment avez-vous opéré votre choix pour ce recueil ?
Il a écrit des poèmes tout au long de sa vie, mais surtout dans les premières années, puis à la fin de sa vie où il a cultivé la poésie lyrique en ayant trouvé sa propre voie. Pour le recueil, je me suis efforcé de restituer un échantillon des différentes facettes de son oeuvre poétique en laissant de côté les textes de circonstance.
Issue d’un milieu modeste et doté d’une grande ambition, il semble fortement animé par un souci de reconnaissance ?
C’est un aspect important de sa personnalité avec le doute. Il a été étonné par sa réussite qu’il considérait comme miraculeuse en ayant pourtant tout fait pour y parvenir. A la fin de sa carrière, alors qu’il n’avait plus rien à prouver, il était toujours tenu par l’angoisse d’un tarissement possible de sa source créative. Il y avait chez Andersen une fragilité intérieure mais il pouvait aussi se coiffer de vanité qu’il contre-balançait par son sens de l’humour.
Son oeuvre poétique se situe à la charnière entre le romantisme et une modernité bien plus matérialiste, comment cela coexiste-il chez lui ?
Ce qui caractérise le mieux Andersen c’est la contradiction. Il a peur de tout et voyage dans les pays dangereux. Il déteste la noblesse et recherche sa compagnie. Il dispose d’un physique ingrat et veux plaire aux plus belles femmes…
Que savons nous de sa vie amoureuse ?
Il a été amoureux toute sa vie et toute sa vie éconduit. Cela transparaît dans ses contes, plusieurs ont comme fil directeur, l’amour à sens unique du personnage principal.
Quelle est la nature de la relation qu’il entretient avec la religion ?
C’était un croyant sincère. Dans sa poésie la religion prend une forme interrogative.
Que ressort-il de ses récits de voyages ?
Andersen est un voyageur curieux et observateur de l’Ecosse à la Turquie. Il offre une perception de l’Europe du XIXe. Ce qui déclenche son écriture c’est ce qu’il ne peut voir. Il était à ce point romantique. Il trouvait le vraisemblable plus intéressant que le réel.
propos Recueillis par JMDH
Rencontre avec Michel Forget ce soir à 19h, salle Pétrarque
Municipales. J-P Moure transforme un buisson d’épines en symbole de paix.
« Oui l’accord PS/ EELV prévoit bel et bien une sanctuarisation du parc Montcalm sur 23 hectares qui seront inscrits au plan d’urbanisme en espace boisé classé », a réaffirmé samedi Jean-Pierre Moure présent sur le site en début d’après-midi. Entouré de plusieurs députés PS et EELV et de son équipe de campagne, le candidat est apparu déterminé à rétablir la clarté en renonçant au bras de fer que ses adversaires souhaitent maintenir sans raison d’être.
La polémique qui s’était focalisée sur le passage, gourmand en superficie, de la ligne 5 du Tram au coeur du parc, n’est plus d’actualité. Le président de l’Agglo a notamment (r) assuré : « La ligne 5 du tramway passera en lisière du parc pour desservir les quartiers Ovalie – Estanove – Chamberte. Mais pour tenir compte des remarques et doléances des associations de riverains. Nous avons rectifié le tracé initial de telle sorte qu’il ne passera pas dans le parc comme continuent de la marteler des esprits chagrins mais en lisière ! »
A la trappe également, le projet d’une bande d’habitat initialement prévue par la ville en lisière du parc. Le coût de ces modifications n’a pas été évoqué mais la rectification cimente assurément les relations avec EELV. Au final la démarche s’est conclue samedi par la plantation d’un olivier, symbole de la concorde et de la méditerranée, au coeur de ce nouveau « Montpellier parc » décrit comme le marqueur d’une ville qui sait respirer.
Hier salle Pétrarque, un débat nourri de témoignages et de réflexions. Photo David Maugendre
Municipales. Un forum participatif du Front de gauche consacré à la politique culturelle sur Montpellier.
La culture à Montpellier quel état des lieux quelles perspectives ? C’est sur ce thème que Muriel Ressiguier candidate pour le Front de gauche et ses colistiers ont organisé hier, un forum salle Pétrarque. Riche de la présence et de la participation d’acteurs culturels, d’artistes et de citoyens, le débat s’est engagé autour de trois grands axes: La culture pour tous, le soutien à la création, et l’orientation d’une responsabilité publique susceptible de créer les conditions de l’épanouissement humain.
La forme même de la rencontre se trouvait en adéquation avec le programme du Front de gauche qui entend mettre la culture au coeur de son projet politique. Un projet où la culture est la condition même de la démocratie doit permettre à tous les citoyens de se confronter aux arts et de développer sa propre réflexion.
Cela suppose souligne Roger Montcharmont «de rompre avec une pratique où le pouvoir politique fait la danse du ventre devant le pouvoir financier et applique à la politique culturelle les méthodes du management privé. La véritable attractivité du territoire ne se mesure pas en terme de compétitivité mais à travers son indice de développement humain.»
Concernant le soutient que la municipalité et l’Agglo doivent apporter aux nombreux artistes dont le travail contribue pleinement à la valeur ajoutée urbaine et manque beaucoup de reconnaissance, – Le débat a donné l’occasion à plusieurs artistes professionnels, issus de différentes disciplines, de témoigner des conditions extrêmement précaires dans lesquelles ils exercent leur métier, et des conséquences alarmantes que cela entraîne sur la qualité des créations – le modèle de distribution de subventions, souvent insuffisantes et arbitrairement distribuées, a été l’objet d’un débat.
Certains acteurs se prononçant pour un service public de la culture avec une mise en place de lieux et de personnels mis à la disposition des artistes pour leurs créations, d’autres pointant la part importante des équipements culturels gérés par l’institution et l’impact économique et politique qui en découle.
Bien que la ville soit particulièrement bien doté en matière d’équipement culturel, l’offre peine à concerner tous les publics.
« La culture à Montpellier est riche en frou-frou. C’est une culture bourgeoise qui laisse peu de place à la culture populaire et aux croisements culturels. Nous avons beaucoup d’offres mais des offres pour qui ? interroge une citoyenne.
Ce problème ne se résoudra pas seulement à travers une politique tarifaire qui considère le public sous l’angle d’un consommateur de culture. Les populations qui ne viennent pas n’ont pas envie de recevoir. Elles souhaites être actrices. Une politique qui les concerne est une politique qui leur offrira des moyens d’agir.»
Au coeur du politique, la culture ouvre inévitablement sur la question de l’émancipation…