Jean-Pierre Rousseau a été nommé directeur de la Musique de Radio France par Mathieu Gallet. Il est aujourd’hui directeur du Festival de Radio France qui débute lundi à Montpellier.
Il a été directeur général de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, institution qu’il a profondément restructurée et tournée vers l’international. Jean-Pierre Rousseau a également été producteur responsable de la musique symphonique, à la Radio Suisse Romande.
Depuis votre nomination à la direction en 2014, vous avez assuré une transition l’année dernière qui offre à nouveau des perspectives au festival de Radio France. Aujourd’hui, les feux semblent au vert. Dans quel état d’esprit abordez vous cette nouvelle édition ?
J’entendais, il est vrai l’année dernière de façon pesante que ce serait sans doute le dernier festival, pour un certain nombre de causes comme la position de Radio France à l’égard du festival, la grève qui avait marqué la Maison ronde, les incertitudes liées à la grande région… Pour toutes ces raisons, nous devions réussir l’édition 2015, pas seulement pour les 30 ans, mais parce que c’était le meilleur plaidoyer pour pérenniser le festival. J’ai expliqué à mon équipe que nous étions en campagne, qu’il fallait motiver nos partenaires afin qu’ils nous épaulent. Avec le soutien du PDG Mathieu Gallet, nous avons rappelé à toutes les chaînes de Radio France que leur festival se déroule ici. La présidente de Région Carole Delga vient de le réaffirmer, c’est un festival emblématique pour le maillage du territoire et le large accès à la culture qu’il propose à tous, avec plus de 90% de manifestations gratuites. Nous avons conquis 120 000 auditeurs l’an passé. Je suis donc dans un état d’esprit serein, puisque le dernier CA qui s’est tenu en février à Paris confirme la convention cadre avec nos deux principaux partenaires jusqu’en 2019 voir en 2020, et à la fois conscient du travail de développement qu’il reste à mener.
Pourquoi avoir quitté vos fonctions de directeur de la Musique de Radio France ?
Historiquement la fonction de directeur de la Musique n’est pas liée à celle de la direction du festival, même si elle a pu être cumulée à certaines périodes. Mathieu Gallet m’a nommé à la direction de la Musique en me demandant de prendre aussi celle du festival, je ne sais pas comment j’aurais fait en cumulant les deux fonctions. C’est humainement impossible. Pour Radio France , je gérais 200 concerts dans l’année avec un budget de 60 millions. Pour le festival, je gère 200 concerts en trois semaines avec 3,9ME de budget, ce qui demande une implication complète. Je suis très heureux d’avoir fait ce choix.
Outre le maillage du territoire régional votre mission consiste aussi à hisser le festival au niveau des grands rendez-vous musicaux européens. Avez-vous des pistes ?
Je dispose d’une équipe qui fonctionne bien. J’ai aidé à répondre à un certain nombre de questions. De par la présence de Radio France, nous ne sommes pas un festival comme un autre. Au-delà des 120 000 auditeurs , combien en concernons nous par les ondes et la diffusion numérique ? Le Fantasio créé l’an passé a été demandé par 34 radios publiques dans le monde. Je pense que nous devons optimiser notre communication et mettre en place des outils qui valorisent le festival au-delà du territoire en démultipliant les capteurs de ce potentiel fugitif. Le fait que Radio France soit revenu en force sur le festival est à cet égard très positif.
Quelle est votre position sur la proposition émise par Jean-Paul Montanari de fusionner les trois grands festivals montpelliérains, Le Printemps des Comédiens, Montpellier Danse et Radio-France au sein d’une même entité pour gagner en visibilité internationale ?
Je comprends les raisons du directeur de Montpellier Danse. Ce n’est du reste pas une idée nouvelle. Quels seraient les avantages, les inconvénients et les conséquences d’une fusion ? Je partage l’idée qu’il faut mieux exploiter l’enchaînement de ces trois festivals, mais je ne suis pas convaincu qu’en matière de culture un chapeau unique serait plus vendeur. Pourquoi faire un seul festival ? Dans ma position , je peux me permettre de jouer les naïfs. Cela représente un risque sérieux pour que les partenaires diminuent leur contribution et je ne vois pas de gain pour le public.
Au final la balance penche plutôt du côté des inconvénients mais je rejoins l’idée de Jean-Paul Montanari pour unir nos forces.
Voyage d’Orient, la thématique 2016 du festival semble inscrire la musique comme un vecteur d’altérité…
Le choix de cette thématique s’est opéré avec Corinne Delafons en charge de la programmation avec qui je collabore très bien, nous sommes très complémentaires. Ce choix nous fait quitter le terrain rationnel. Il a pour vocation de proposer une invitation et de tracer des perspectives qui éclairent aussi bien les artistes que le public. Au départ il y avait une intuition et le constat que l’Orient pâtit d’une image catastrophique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, avec l’embourbement du conflit israélo-palestinien, les révolutions arabes, Daesh… L’image de ces cultures qui nous ont tant fascinés jusqu’au début du XXe est devenue plutôt négative. Le choix de ce thème, permet de rappeler que l’Orient est aussi une immense source d’inspiration notamment musicale.
Comment avez-vous déployé la programmation autour de l’Orient ?
Nous proposons une exploration, partielle et subjective à l’instar de la soirée d’ouverture Mille et quelques nuits réunissant Lambert Wilson, Karine Deshayes, Michael Schønwandt et l’Orchestre national de Montpellier autour des secrets de Shéhérazade. Une création et une relecture des oeuvres de Nielsen,Rimski-Korsakov, et Ravel. On peut citer la chinoiserie d’ Offenbach, Ba-Ta-Clan, Des programmations thématiques au parfum oriental comme La route du thé ou Aimez-vous Brahms ? qui était fasciné par la liberté tsigane, tourneront en Région au même titre que des orchestres symphoniques qui sont programmés à Mende et Perpignan.
Il semble que l’offre pourtant très suivie des concerts gratuits de 12h30 et 18h30 soit en recul ?
Ces propositions autour de des jeunes solistes talentueux et de la musique de chambre sont maintenues. Il peut y avoir un effet d’optique notamment sur la première semaine où se cumule l’arrivée du Tour de France le 13 et le 14 juillet. Nous sommes aussi dans une nouvelle répartition territoriale à budget constant. Il faut néanmoins rappeler que 90% des concerts sont gratuits. C’est le cas notamment pour la musique électro avec Tohu Bohu, ainsi que toute la programmation Jazz au Domaine D’o . Ce principe de gratuité est réaffirmé.
Poursuivez vous l’exploration des oeuvres méconnues ?
Oui cela participe à l’identité du festival. On pourra voir cette année à Montpellier Marco Polo et la princesse de Chine, Iris de Mascagni. Et l’opéra Zoroastre de Rameau qui est rarement donné.
Recueilli par JMDH
Du 11/07 au 26/07. Informations : http://www.festivalradiofrancemontpellier.com
Source : La Marseillaise 11/07/2016
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