L’inquiétude grandit au sein du « Sun »

Samedi 11 février, cinq employés du Sun ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête sur des pots-de-vin versés à la police et à des membres de l’administration. Avant eux, cinq autres journalistes avaient déjà été arrêtés dans cette même affaire de corruption. « Au rythme où vont les arrestations, il pourrait n’y avoir plus personne pour assurer la parution du journal dans douze mois », commentait ainsi The Guardian. Cette nouvelle affaire surpasse le scandale des écoutes qui avait déjà conduit à la fermeture, cet été, du journal News of the World. L’empire du magnat de la presse Rupert Murdoch est, plus que jamais, menacé « d’implosion ».

Le Sun, premier tabloïd britannique et navire amiral du groupe News International de Rupert Murdoch, est en sursis. Lundi 27 février, une enquêtrice de Scotland Yard a affirmé devant une commission parlementaire chargée de faire la lumière sur les dérives de la presse britannique qu’il existait « une culture au Sun de paiements illégaux » et de « corruption » de fonctionnaires. En quelques jours, fin janvier, début février, la police britannique a arrêté neuf journalistes expérimentés du quotidien, actuels et anciens. L’un d’eux avait reçu, selon la police, plus de 175 000 euros en liquide, sur plusieurs années, pour payer ses sources. Un policier, un employé du ministère de la défense et un officier de l’armée ont également été arrêtés.

La rédaction du quotidien à scandale, à cran, craint d’être lâchée par son propriétaire, M. Murdoch. Celui-ci avait brutalement fermé, en juillet, le tabloïd News of the World, lorsque le tapage provoqué par des écoutes illégales des messageries de téléphones portables de personnalités politiques, du show-biz et de victimes de faits divers est devenu incontrôlable.

Ce scandale lui coûte cher : lundi, le groupe de M. Murdoch a versé une indemnisation de 710 000 euros à la chanteuse britannique Charlotte Church et à ses parents, dont les conversations avaient été écoutées par des rédacteurs de New of the World à leur insu. Un fonds d’indemnisation a été mis en place par le groupe en vue d’éviter des procès coûteux, y compris en termes d’image. Cinquante cas ont déjà été réglés à l’amiable, mais News International refuse de préciser le nombre exact de personnes indemnisées ou les montants en jeu.

La semaine dernière, M. Murdoch s’est rendu à Londres pour rassurer les troupes du Sun : il a accompagné le lancement d’une édition dominicale du Sun, le 25 janvier. Censée remplacer le défunt News of the World, elle s’est vendue à plus de 3,2 millions d’exemplaires. Le Sun a diffusé des dizaines de photos de lecteurs heureux, journal en main, disant leur amour du titre. Mais le cœur n’y est pas.

Trahis par le propriétaire

Tout d’abord, les rédacteurs du Sun ne comprennent pas que Rupert Murdoch ait lui-même fourni à la police les informations qui ont permis d’arrêter leurs collègues. Accusé d’avoir voulu étouffer le scandale des écoutes de News of the World, sur lequel la police britannique enquête toujours, M. Murdoch a mis en place un comité indépendant, chargé de transmettre à la police toute information nécessaire, à commencer par trois cents millions de courriels échangés au sein du groupe depuis plusieurs années. Une soixantaine de policiers en ont parcouru seulement quelques millions à ce jour.

Ulcéré par ce qu’il considère comme une « chasse aux sorcières », l’une des figures du journal, Trevor Kavanagh, affirmait dans les colonnes du Sun, le 13 février, que le journal « n’est pas un marécage ayant besoin d’être assaini ». La justice, comme le propriétaire, qui a acquis le Sun en 1969 et s’y dit viscéralement attaché, se voyaient rappeler que la rédaction du tabloïd n’avait rien d’« un gang criminel ». M. Kavanagh a été accusé, mardi, par le parlementaire libéral-démocrate Simon Hughes d’avoir profité d’écoutes illégales pour le forcer à révéler son homosexualité, dans une interview accordée en 2006.

Lundi, Scotland Yard a affirmé devant les parlementaires que l’autorisation concernant les paiements illégaux du Sun était donnée à un « très haut niveau » au sein du journal. Rupert Murdoch a réagi immédiatement, rappelant que le Sun avait certes fauté, mais que ces pratiques n’y avaient désormais plus cours. « Les pratiques que [la vice-commissaire de police] Sue Akers a décrites devant la commission Leveson appartiennent au passé et n’existent plus au Sun« , a-t-il affirmé dans un communiqué. « Comme je l’ai déjà dit, nous avons promis de faire tout ce que nous pouvions pour tirer au clair tous les méfaits passés afin de revenir sur le droit chemin. Notre société en sort déjà renforcée », a-t-il déclaré.

M. Murdoch cherche surtout à éviter une contagion de cette affaire britannique au siège de son empire, News Corp, aux Etats-Unis. La justice américaine pourrait en effet utiliser la loi relative aux pratiques de corruption à l’étranger pour ouvrir une enquête.

Or, c’est à New York, au 1211, Avenue of the Americas, que sont basés les fleurons du groupe : la chaîne de télévision Fox News et l’agence de presse économique Dow Jones, d’où le groupe tire l’essentiel de ses profits, et le prestigieux Wall Street Journal, qui craint de voir les ennuis juridiques de sa maison-mère entâcher sa crédibilité. Le patron de Dow Jones, Les Hinton, qui dirigeait auparavant la branche britannique du groupe, avait dû démissionner en juillet.

En Grande-Bretagne, trois enquêtes, deux de Scotland Yard et l’une du Parlement, se poursuivent pour éclairer les agissements des rédactions de M. Murdoch. La Commission parlementaire Leveson doit livrer en septembre 2012 ses premières conclusions, mais ses auditions de policiers, de responsables du groupe et de figures politiques distillent jour après jour de nouvelles informations.

Le Monde.fr

Voir aussi : Rubrique Médias, Rupert Murdoch le scandale des écoutes,

Syrie entre propagande et désinformation

L’impasse syrienne

Alors que les bombes tombent toujours sur certains quartiers de Homs et que la répression devient de plus en plus violente face une opposition de plus en plus armée et déterminée, plus de soixante pays sont représentés à Tunis, vendredi 24 février, pour une réunion des « amis de la Syrie » qui souhaite définir un plan d’aide humanitaire international au peuple syrien et accentuer la pression sur Damas. La réunion va sans doute appeler le régime au pouvoir à Damas à mettre en œuvre un cessez-le-feu immédiat et permettre l’accès des agences humanitaires aux populations en détresse, notamment à Homs. Elle exhortera également l’opposition, fragmentée, à s’unir et à se rassembler.

La prochaine réponse de la communauté internationale sera sans doute la reconnaissance du Conseil national syrien (CNS) comme représentant légitime de la Syrie. Pourtant, le CNS ne représente qu’une partie de l’opposition, et aucun alaouite ou kurde n’y est représenté. Il n’est à l’heure actuelle aucunement en mesure de garantir la sécurité de ces minorités dans une Syrie post-Assad. Ce dernier est de plus encore soutenu par une partie de la majorité sunnite, notamment dans le milieu des affaires, qui bénéficient depuis 30 ans d’un environnement économique favorable.

Une telle réponse ne devrait donc se faire qu’après avoir eu l’assurance que le CNS représente une alternative crédible et que toute la diversité de la Syrie soit représentée en son sein. En d’autres termes, il est primordial de savoir si il capable d’assurer une transition démocratique qui garantissent tant l’exercice des libertés individuelles que la sécurité de chaque citoyen syrien. Pour l’instant la réponse à cette question semble négative.

Cette réunion des « Amis de la Syrie » est présentée par le régime de Bachar El Assad  comme un complot americano-sioniste, le (CNS) pousse lui pour une intervention étrangère. Bien que cette solution semble à l’heure actuelle pour certains la « meilleure » pour sortir de la crise, les exemples Irakiens et Libyens tendent à prouver que cette solution n’est pas la panacée. La chute précipitée d’Assad déboucherait soit sur une guerre civile qui contraindrait les troupes occidentales à rester des années sur place soit sur la prise de pouvoir de sunnites islamistes, alternative  guère alléchante. De plus, cette intervention devra se faire hors du cadre des Nations Unies – La Chine et la Russie s’y opposeront -, ce qui la rendra très très vite impopulaire aux yeux des opinions publiques des pays qui y participent.

« Les Amis de la Syrie » se borneront certainement donc à soutenir le plan de la Ligue Arabe qui prévoit les étapes d’une transition démocratique en Syrie. Bien que ce plan a le mérite de proposer une issue pacifique à la crise actuelle, celui-ci reste l’œuvre de l’Arabie Saoudite et du Qatar, deux régimes plus intéressés par l’élimination de l’un des alliés de l’Iran, leur ennemi juré, que par la promotion de la démocratie et de justice sociale, qu’ils n’offrent même pas à leurs populations respectives.

La situation en Syrie est donc dans une impasse complète. L’opposition — ou plutôt les oppositions — est incapable de renverser le régime, et le régime est incapable de venir à bout de l’opposition. La communauté internationale, elle-même divisée sur la réponse à donner à la crise, se retrouve également dans cette impasse et ne peut  à l’heure actuelle que proposer de l’aide humanitaire. Pendant ce temps la répression continue, les combattants étrangers et les armes affluent en Syrie de part et d’autres et le spectre de la guerre civile se rapproche à grand pas.

Geoffroy d’Aspremont Medea 24/02/12

Syrie/ sommet de Tunis: les décisions

 

La conférence de Tunis 24 février 2012.

Beaucoup d’idées et très peu de concret : tel est le bilan de cette conférence internationale sur la Syrie, organisée à Tunis et qui réunissait des représentants de l’opposition syrienne et plus de soixante pays. A l’exception de la Russie et de la Chine, qui s’opposent depuis le début du conflit à toute idée d’ingérence en Syrie, la Russie étant de surcroît un allié traditionnel de la Syrie.

Vers un renforcement des sanctions

Le groupe de 60 pays présents à la conférence des amis du peuple syrien s’est engagé, dans la déclaration finale de la réunion vendredi 24 février « à prendre des mesures pour appliquer et renforcer les sanctions sur le régime ». La conférence a également appelé à l’arrêt immédiat des violences afin de permettre l’accès de l’aide humanitaire.

« Il est temps pour tout le monde ici d’infliger des interdictions de voyages sur les hauts responsables du régime (…) de geler leurs avoirs, de boycotter le pétrole syrien, de suspendre tout nouvel investissement (dans le pays) et d’envisager de fermer ambassades et consulats », a déclaré la secrétaire d’État Hillary Clinton lors de la conférence.

La conférence va lancer « un appel à renforcer les sanctions de nature à faire plier le régime » syrien, avait pour sa part indiqué pour sa part Alain Juppé, en évoquant notamment un gel des avoirs de la banque centrale syrienne.

Le Conseil national syrien, « un représentant légitime »

Le groupe reconnaît le Conseil national syrien comme  » un représentant légitime des Syriens qui cherchent un changement démocratique pacifique » et l’encourage à former un groupe « représentatif » et incluant toutes les sensibilités. Il s’engage à fournir « un soutien effectif » à l’opposition, sans plus de précisions.

Proposition de création d’une « force arabe »

Le président tunisien Moncef Marzouki ainsi que le ministre qatari des Affaires étrangères Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani ont appelé de leurs vœux la création d’une force arabe. « La situation actuelle exige une intervention arabe dans le cadre de la Ligue arabe, une force arabe pour préserver la paix et la sécurité, et pour accompagner les efforts diplomatiques pour convaincre Bachar de partir », a déclaré Moncef Marzouki.

« Nous voulons que cette réunion soit le début de l’arrêt de la violence en Syrie et cela ne peut être fait que par la formation d’une force arabe internationale de maintien de la sécurité, l’ouverture de corridors humanitaires de sécurité pour apporter de l’aide au peuple syrien et à la mise en oeuvre des décisions de la Ligue Arabe », a ajouté le Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani lors de la conférence.

La proposition est pour l’instant accueillie avec précaution par les Occidentaux, et notamment par le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Sans exclure cette idée, le ministre des affaires étrangères français a indiqué que cette force devrait obtenir « le feu vert » du Conseil de sécurité de l’ONU. « Certains évoquent cette hypothèse. C’est au Conseil de sécurité de donner le feu vert à une telle opération », a déclaré Alain Juppé à la presse, indiquant que le sujet n’avait pas été évoqué lors des travaux à huis clos de la conférence internationale sur la Syrie.

Le communiqué final rendu public à l’issue de la réunion indique quant à lui que le groupe des 60 pays « prend note de la demande faite par la Ligue arabe au Conseil de sécurité de l’Onu de former une force conjointe arabe et des Nations unies de maintien de la paix (…) et a décidé de poursuivre les discussions sur les conditions du déploiement d’une telle force », selon le texte.

Le groupe des amis « réaffirme son attachement à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie » et souligne la nécessité d’une « solution politique » à la crise.

« Accès libre et sans entraves des agences humanitaires »

Le groupe de 60 pays demande par ailleurs au gouvernement syrien de « permettre l’accès libre et sans entraves des agences humanitaires » dans les régions les plus touchées par la répression, notamment dans la ville de Homs, pilonnée depuis trois semaines par l’armée syrienne.


Immunité judiciaire pour Assad ?

Le président tunisien Moncef Marzouki a demandé vendredi que soit accordée « l’immunité judiciaire » au président syrien Bachar al-Assad et sa famille, et évqué un éventuel refuge en Russie pour le dirigeant syrien. « Il faut chercher une solution politique », a fait valoir Moncef Marzouki à l’ouverture de la conférence sur la Syrie en Tunis.

Aude Laurriaux 25/02/12 (Le HuffPost et AFP)

Le sitcom syrien Just freedom remet en question la propagande officielle

Deux jeunes syriens sirotent leur thé en regardant dans le vague, assis dans un garage.

“Tu sais quoi ? J’aimerais y aller.”

“Aller où ?”

“Là bas, avec les manifestants, chanter avec eux” répond le premier.

“Tu es fou. Ils ne peuvent pas sortir juste comme ça, c’est impossible. Ils prennent sûrement un truc…”

“Ils prennent quoi ?”

À ce moment là, un vendeur de rue passe avec son charriot en criant:
“Des hallucinogènes ! Des pilules ! J’ai de tout ! Al Arabiya, Al Jazeera, France 24, BBC… Hallucinogènes !”

“Tu vois !” dit le second, alors qu’il jette un coup d’oeil au vendeur.

Owni

Sur la Syrie de la propagande à longueur de commentaires

Sous ce titre, le Monde.fr souhaite prévenir ses lecteurs d’une menace en s’extrayant étrangement d’un processus dont il participe à sa manière. Comment expliquer sinon qu’un journal réputé de référence ne donne pas les clés pour comprendre les enjeux d’un conflit majeur assimilé un peu vite à une guerre civile ?

« Après les attaques lancées par les robots spammeurs de « l’armée électronique syrienne », nos réseaux sociaux sont désormais la cible d’autres commentaires de lecteurs. Les nuances sont plus difficiles à cerner que lorsqu’il s’agissait de textes automatiquement postés une vingtaine de fois, à la gloire de Bachar Al-Assad. S’alarme le Monde.fr.

En Une, le site renvoie sur le blog du social média editor et du community manager  qui montent sur le plus beau pied d’estale  de la déontologie journalistique  pour ramener le lecteur furtif à la bergerie : « L’objectif est le même : verser à nouveau dans la propagande, en semant la confusion quant à la réalité des faits et des enjeux dans la guerre larvée en cours depuis des mois, à Homs et dans tout le pays.« 

Evidemment la réalité des faits évoqués ici, ne décolle pas d’une approche strictement factuelle et qui plus est inaccessible : « Le Monde, de même que tous les autres médias, éprouve certes des difficultés à couvrir la situation sur place. »  En somme, on nous dit : nous ne parvenons pas à faire notre travail mais ne prenez pas en compte les autres sources. Comme si la minorité de citoyens qui lit encore Le Monde, ne pouvait se prémunir d’une propagande aussi grossière.

La supplique du community manager, qui arbitre l’opinion des lecteurs de son bureau tourne à la parano  » De nombreuses réactions à nos articles affirment avec force que, quoi que nous disions sur le sujet, nous avons tout faux. Elles abondent notamment dans les théories du complot et accusations de manipulation » Et le community manager de dénoncer les instigateurs de cette manipulation comme le fondateur de Réseau Voltaire Thierry Meyssan dont la personnalité controversée et certaines de ses relations incitent à  faire le tri dans ses propos  (voir Mensonges et vérités sur la Syrie).

On objectera cependant que dans un contexte où la manipulation de l’opinion est omniprésente, le libre citoyens n’a pas à choisir un camp pour se forger son opinion. S’informer sur ce qui se passe en Syrie n’est pas aisé. Cela suppose d’avoir recours à des sources qui traitent le sujet en profondeur et à croiser de nombreux aspects liés à la problématique syrienne : politiques, géopolitique,  religieux, économique…  Seul un tel examen permet un regard averti sur la propagande, subtile ou grossière, émanant des nombreux protagonistes impliqués  dans ce conflit. La vision répandue dans les médias français d’une guerre civile entre un peuple opprimé et les partisans d’un dictateur sanguinaire apparaît particulièrement simpliste.

Reçamment, les services syriens spécialisés ont affirmé avoir arrêté un bataillon français de transmission composée de 120 militaires, à Zabadani en ajoutant que « cette nouvelle explique le changement de ton de Paris, qui fait désormais profil bas, de peur que cette affaire n’affecte la campagne de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé a été chargé de négocier avec son homologue russe Sergueï Lavrov pour trouver une solution et libérer les 120 militaires Français ».

Cette information a été démentie par Le Réseau Voltaire : Nous n’avons pas trouvé d’éléments permettant de confirmer les imputations selon lesquelles 120 Français auraient été faits prisonniers à Zabadani. Cette rumeur semble être une exagération de nos informations et paraît sans fondement. Lors de la prise du bastion insurgé dans le quartier de Bab Amr, à Homs, l’armée syrienne a fait plus de 1 500 prisonniers, dont une majorité d’étrangers. Parmi ceux-ci, une douzaine de Français ont requis le statut de prisonnier de guerre en déclinant leur identité, leur grade et leur unité d’affectation. L’un d’entre eux est colonel du service de transmission de la DGSE. »

En revanche, les envoyés spéciaux des grands médias occidentaux sur place ont préféré mettre le couvercle sur cette info*, laissant ainsi à Alain Juppé la possibilité de négocier en secret. La France aurait sollicité l’aide de la Fédération de Russie pour négocier avec la Syrie la libération des prisonniers de guerre.

En cette période de grande confusion, il importe de se rappeler que l’info factuelle doit être mise en perspective. Les Syriens, les Russes et les Chinois n’ont pas le monopole de la propagande. On se souvient de cette jeune femme, témoignant en 1990, les larmes aux yeux, devant le Congrès américain, qu’elle a assisté à des atrocités au Koweit, et notamment qu’elle a vu les soldats irakiens tirer sur des bébés et leur enlever les couveuses. L’identité de la femme est gardée secrète au motif de sa protection. On donna un nombre de centaines de bébés. En fait, l’histoire fut inventée. Mais elle fut répétée par George H. W. Bush et servit à justifier l’entrée en guerre contre l’Irak. La jeune femme était la fille de l’ambassadeur du Koweit à Washington.

Jean-Marie Dinh

*Capturer des ennemis avant qu’une guerre soit déclarée facilite la démonstration qu’il s’agit d’une guerre offensive.

Voir aussi : Rubrique Syrie, rubrique Iran, rubrique Irak, rubrique Afghanistan, rubrique Israël, rubrique Médias, Tunisie les éditocrates repartent en guerre, Le postulat de la presse libre revue et corrigé, On Line, A. Gresh à propos de la Syrie,

Le pouls de la Paillade

Le producteur radiophonique Stéphane Bonnefoi, évoque son reportage sur La Paillade à l’IRTS.

Le documentaire trouve de moins en moins de place sur les ondes de Radio France. Mais sur France Culture on peut encore prendre le temps de l’écoute. Au début de la campagne des régionales 2009, le journaliste Stéphane Bonnefoi passe deux mois hébergé chez les habitants de la Paillade. Suite à son immersion dans le quartier, il réalise quatre documentaires d’une heure diffusés dans l’émission Sur les docks. Il est revenu à Montpellier pour évoquer son travail devant les étudiants de l’IRTS.

Un beau sujet de réflexion pour les futurs travailleurs sociaux que celui du traitement médiatique des quartiers populaires… Faut-il considérer que la durée consacrée au travail pour prendre le pouls d’un quartier populaire relève d’une forme d’engagement ? Dans le nouveau mode de production des rédactions force est de reconnaître que cet exercice figure au rayon des pratiques révolues. Creuser son sujet, s’oppose à la thèse qui définit la dépolitisation des esprits comme le mode achevé de la modernité .

« France Culture ne m’a pas payé deux mois pour 4 heures d’émission. Outre les implications financières, cela m’a demandé une énergie incroyable, précise le producteur. Mais au final le travail  a eu un bon retentissement ». Il se distingue en effet du traitement médiatique habituel des banlieues qui privilégie les raccourcis sans s’assurer des correspondances avec le sens.

« La plupart du temps, les représentations que l’on a de ces quartiers nous viennent des médias ou de personnes victimes d’un vol ou d’une agression. Ce ne sont pas des représentations personnelles. Je voulais m’inscrire dans les pas de l’écrivain prolétarien Marc Bernard* prix Goncourt en 1942, auteur d’un reportage au long cours sur la ville nouvelle de Sarcelle (en 1963). » Un demi siècle plus tard, Stéphane Bonnefoi choisit le quartier de La Paillade pour reconduire cette expérience. « J’aurais pu faire de la poésie, mais je suis resté dans un esprit d’investigation. Je ne voulais pas réinventer. »

Territoire, religions, singularités marocaines et gitanes, situation sociale, le journaliste pousse les portes et ouvre des dialogues qui révèlent un mode de vie propre en marge de la ville centre. «  Je ne prétends pas rendre compte de La Paillade telle qu’elle est en quatre heures. Et d’ailleurs qu’est-ce que La Paillade si ce n’est la multitude des gens qui y vivent ?  La manière dont les médias évoquent ce qui s’y passe, n’est pas à la hauteur de la richesse de ces quartiers. » Un constat qui n’élude pas les problématiques. L’auteur évoque toutes les questions : mixité sociale, pressions religieuses et politiques, précarité grandissante, réseaux économiques opportunistes…   « Le changement radical avec les années 70 et 80, c’est le recul de la vie politique, intellectuelle et sociale, faute d’acteurs et de moyens au profit des politiques clientélistes, et des associations communautaires.» La richesse vient de la multitude des voix recueillies. Des habitants et des acteurs sociaux témoignent de la difficulté à préserver leurs valeurs face à l’instrumentalisation. De quoi donner du grain à moudre…

Jean-Marie Dinh

* Stéphane Bonnefoi a préfacé le livre de Marc Bernard Sarcellopolis réédité aux éditions Finitude.

Voir aussi : Rubrique Médias, Médias banlieue et représentations, rubrique Société, L’enjeu politique des quartiers populaires, Justice Les rois du Petit bard, Délinquance en col Blanc, rubrique Montpellier, Politique locale , Petit-bard: les réfugiés du Bat A,

Roland Gori « La dignité face à la censure »

« Chaque société tend à privilégier les discours en affinité élective avec ses valeurs »

Roland Gori. L’initiateur de l’Appel des appels sera à Montpellier le 22 février pour évoquer son dernier livre. Il est professeur émérite de psychopathologie clinique à l’université d’Aix-Marseille et psychanalyste. Entretien.

Face aux nouvelles formes de la censure sociale, vous exprimez dans votre dernier livre la nécessité de dire et de partager notre expérience, mais cette censure sociale s’appuie sur une insécurité sociale en pleine croissance…

A l’heure actuelle nous nous trouvons face à une nouvelle étape du capitalisme qui « financiarise » les activités sociales et culturelles. L’Appel des appels montre à travers l’exemple des praticiens dans l’éducation, le soin, la justice, ou le journalisme, comment ces professionnels sont victimes d’une double violence. La violence économique matérielle : celle qui réduit les conditions d’existences sociales en insufflant toujours davantage de précarité et qui contribue au recul de leur statut, économiquement parlant. Et celle de la violence économique symbolique, au sens de Bourdieu, qui s’attaque à leur capital symbolique.

L’hégémonie économique, celle des marchés, s’exerce aussi sur la sphère politique en imposant une idéologie unique qui piétine les valeurs humaines. Au-delà de l’indignation, comment appliquer la réaffirmation subjective, que vous appelez de vos vœux, de manière collective ?

La question de la dignité se confronte aux nouvelles certitudes de l’évaluation. C’est une nouvelle forme de censure qui ne s’exerce plus sur les contenus mais sur les canaux de transmission. Aujourd’hui se sont les systèmes informatiques qui coordonnent la confiscation de la pensée au profit du numérique. Les classes moyennes se retrouvent prolétarisées au sens marxiste du terme. Le collectif n’est rien d’autre que le sujet de l’individu. C’est la même matrice qui contrôle la gestion des finances de l’Etat et l’évaluation des individus qui commence maintenant dès la gestation pour finir à la tombe. On pense en terme de prime d’assurance et cela concerne aussi bien les individus que le collectif. Il faut se réapproprier une certaine indépendance du politique par rapport à la logique du marché qui a colonisé les champs sociaux, politiques et culturels.

L’espace démocratique vous paraît-il menacé par le mécanisme européen de stabilité que le gouvernement s’apprête à constitutionaliser ?

Cela me paraît un enjeu extrêmement important face à la crise d’autorité du politique. Le mécanisme européen de stabilité et la règle d’or instaurent un dispositif de contrôle au nom d’une l’idéologie économique, que j’estime, par ailleurs, pas rentable. Si on inscrit cette règle comptable dans la constitution, on ne pourra plus réfléchir à ce que l’on fait. C’est le renversement entre la fin et les moyens. Dans cette configuration, les moyens sont leur propre fin. La démocratie fondée sur la distribution de la parole a évolué vers une démocratie d’expertise de l’opinion qui dépossède le citoyen de sa participation politique. Avec le contrôle et/ou la complicité des médias, on met en scène des faits divers pour adopter des lois en faisant croire que ces décisions sont exemptes de parti pris politique ».

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Invité par la Librairie Sauramps Roland Gori donnera une conférence merc 22 février à 19h salle Pétrarque. Dernier ouvrage paru : La Dignité de penser, éditions LLL, 16 euros.

Voir aussi : Rubrique Essai, rubrique Débat, rubrique Politique, Société civile, rubrique Sciences humaines, Psychanalyse un douteux discrédit, rubrique Rencontre, Jacques Broda : la crise morale, Gori et l’insurrection des consciences

Jean-Marc Douillard : Liberté et indépendance

Il aimait partager avec les autres

Inoubliable. Le monde de la danse montpelliéraine est endeuillé après la disparition de Jean-Marc Douillard.

Notre confrère Jean-Marc Douillard s’est éteint soudainement samedi à Montpellier des suites d’une crise cardiaque à l’âge de 54 ans. Menant parallèlement une carrière de chercheur en chimie (au CNRS) et de syndicaliste, Jean-Marc avait le profil d’un homme engagé et ouvert. Il était membre du bureau national du SNCS-FSU (syndicat national des chercheurs scientifiques).

Sensible à la culture populaire, c’était un intellectuel qui ne pouvait se satisfaire de sa propre réflexion. Il aimait partager avec les autres, ce qu’il faisait avec beaucoup d’humilité et de discrétion sur sa vie personnelle. « Les gens reconnaissaient en lui quelqu’un qui défend ses opinions de manière calme, témoigne le secrétaire général et ami de longue date, Patrick Monfort. Il avait une forme d’ironie, une façon de prendre les choses à contre-pied qui faisait réfléchir les gens ».  Jean-Marc est devenu chercheur  à une période où on pouvait entrer dans la recherche en tant qu’intellectuel. « C’est sa boîte de petit chimiste qui l’a conduit sur ce chemin », confie son épouse. « Au sein du syndicat, il avait à cœur de défendre l’indépendance des chercheurs de plus en plus tuyautée par le système économique et politique » insiste Patrick Monfort.

Dans les colonnes culturelles de L’Hérault du jour, les lecteurs reconnaissaient sans peine sa plume indomesticable. Jean-Marc était un amoureux de la danse contemporaine qu’il a découverte à Montpellier en suivant les premiers pas d’un jeune chorégraphe français, un certain Dominique Bagouet. Ces instants magiques ressentis avec sa femme dès  1980 développeront chez lui une véritable fascination pour cet art.

A Montpellier, il n’est pas un chorégraphe qui ne connaisse son allure débonnaire et son œil alerte tant Jean-Marc a écumé les plateaux et lieux de répétition pour remonter le courant de la création chorégraphique. Proche des artistes, il s’intéressait à leur œuvre, et particulièrement aux phases de recherche, qu’il expérimentait lui-même dans un autre domaine.

Il consignait son vécu critique sur un blog d’actualité consacré à la danse*. Dans le difficile exercice de chroniquer un spectacle de danse, Jean-Marc a toujours privilégié la liberté de ton et le style.  Contractant les dimensions technique et descriptive pour laisser plus de place à l’émotion et à l’affirmation subjective d’un ressenti spontané.

Il laisse une femme et deux enfants. Son dernier article, consacré à la chorégraphe Jackie Taffanel, a été posté sur son blog vendredi. Il débute par deux mots qui le caractérisent bien : « Avec tact » et se termine par une référence au film de Terrence Malick La ligne rouge, « où le soldat égaré caresse les blés. »

JMDH

Voir aussi : Rubrique Danse,
*Danse à Montpellier
Nous nous joignons  à la tristesse de ses proches et de ses amis . La cérémonie se tient aujourd’hui à 15h au complexe funéraire de Grammont.