Il enchaîne les interviews, se risque sur Twitter et tombe même la veste sur Tumblr : pour lancer L’Opinion, son journal mi-papier, mi-Internet, Nicolas Beytout est partout. Mais il reste étrangement muet sur les investisseurs qui financent ce projet audacieux.
« Le pari fou d’un nouveau média », résume Nicolas Beytout à la une du numéro zéro , distribué gratuitement dans les kiosques ce mardi. L’Opinion s’exprimera simultanément sur deux supports :
un site internet , qui ouvrira ce mardi à 18 heures : il sera alimenté toute la journée en textes et en vidéos, notamment avec un JT fait maison ;
un quotidien de huit à douze pages, lancé mercredi : il sera vendu 1,50 euro en kiosque, et l’abonnement couplé papier-numérique sera proposé à 21 euros.
Sur Internet, le modèle gratuit reste dominant. Et sur le marché des quotidiens payants, aucun nouveau titre n’a survécu depuis le lancement de Libération, en 1973. Pourtant, Nicolas Beytout prévoit d’atteindre l’équilibre en trois ans , avec un million de visiteurs uniques sur le site et 50 000 exemplaires vendus.
« Libérale, probusiness et proeuropéenne »
L’Opinion défendra une ligne clairement identifiée – « libérale, probusiness et proeuropéenne » . Elle ne parlera pas de tout (elle se concentrera sur la politique, l’économie et l’international), ni à tout le monde (elle visera lesCSP+ ). Et elle a débauché des journalistes expérimentés , chez Marianne, France Soir, Europe 1, Paris Match ou au Figaro.
Le pari peut réussir , mais il coûte cher. Sur ce point, Nicolas Beytout se montre moins bavard. Il ne souhaite pas dévoiler le montant des investissements et, encore moins, le nom des investisseurs. Ceux-ci craignent simplement que leurs noms fassent de l’ombre à L’Opinion, nous assure-t-il :
« Ces investisseurs considèrent que ce ne doit pas être le journal des actionnaires. Certains sont plus célèbres que d’autres, donc ce sujet-là était un sujet de préoccupation. »
« Une quinzaine » d’investisseurs participerait au projet, mais Nicolas Beytout refuse de confirmer – ou de démentir – les noms évoqués par la presse. Comme ceux de Bernard Arnault, Xavier Niel ou Claude Perdriel (propriétaire de Rue89 et du Nouvel Observateur). Ce dernier aurait, selon Le Monde , apporté « quelques centaines de milliers d’euros ».
« Actionnaire prépondérant, pas majoritaire »
Le fondateur de L’Opinion ne souhaite pas non plus révéler le montant de son investissement personnel, se contentant de préciser :
« J’avais conçu les choses de manière à être l’actionnaire prépondérant, mais pas forcément majoritaire. »
L’anonymat des investisseurs est également préservé dans les documents déposés par Nicolas Beytout au tribunal de commerce, dont le plus récent date de décembre.
Selon ces documents, Bey Médias, la holding contrôlant le journal et sa régie publicitaire, reste officiellement détenue à 100% par Nicolas Beytout et sa société personnelle, NS Island. En novembre, une augmentation de capital lui avait pourtant permis de déposer 12,2 millions d’euros à la banque.
A défaut de dévoiler des noms, ces documents confirment la subtilité du montage financier. Dans le capital de Bey Médias, NS Island se voit en effet réserver un stock d’actions « assorties du droit de nommer le rédacteur en chef du journal […] et de choisir la composition de l’équipe de rédaction ».
Une garantie de garder le contrôle
Même minoritaire au capital, Nicolas Beytout gardera donc le contrôle de la rédaction de L’Opinion. Une garantie réclamée par… les actionnaires eux-mêmes, nous assure-t-il :
« L’idée est venue de mes conversations avec différents investisseurs et avec ceux que j’avais contactés pour rentrer dans le capital. Tous me disaient que le principe était intéressant, mais qu’ils voulaient être sûrs que ce n’était pas le projet d’un investisseur, mais d’un journaliste. »
Voilà qui le changera. Directeur de la rédaction du Figaro, Nicolas Beytout avait dû composer avec l’interventionnisme de Serge Dassault . Lorsqu’il avait été nommé à la tête de la filiale médias de LVMH, ce sont cette fois les interventions de Nicolas Beytout qui avaient suscité un malaise chez les journalistes , sans lui éviter d’être finalement remercié par Bernard Arnault.
Heureusement qu’à L’Opinion, les actionnaires sont si bien intentionnés – et si discrets…
Le manifeste que nous publions a été rédigé par Albert Camus (1913-1960) près de trois mois après le début de la seconde guerre mondiale. Il a alors 26 ans. Non signé, le texte est authentifié. Il est aussi d’actualité. Il pourrait tenir lieu de bréviaire à tous les journalistes et patrons de journaux qui aspirent à maintenir la liberté d’expression dans un pays en guerre ou soumis à la dictature, là où le patriotisme verrouille l’information. « Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu’un esprit un peu propre accepte d’être malhonnête », écrit Camus, pour qui résister, c’est d’abord ne pas consentir au mensonge. Il ajoute : « Un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas. »
Cet article de Camus devait paraître le 25 novembre 1939 dans Le Soir républicain, une feuille d’information quotidienne vendue uniquement à Alger, dont Camus était le rédacteur en chef et quasiment l’unique collaborateur avec Pascal Pia. Mais l’article a été censuré. En Algérie, sa terre natale, qu’il n’a, à l’époque, jamais quittée hormis pour de brèves vacances, Camus jouit d’un petit renom. Il a déjà écrit L’Envers et l’Endroit (1937) et Noces (mai 1939). Il a milité au Parti communiste pour promouvoir l’égalité des droits entre Arabes et Européens, avant d’en être exclu à l’automne 1936 – il a consenti à cette exclusion, tant les reniements politiques du parti l’écoeuraient.
Secrétaire de la maison de la culture à Alger, il a monté la première compagnie de théâtre de la ville, adapté Le Temps du mépris, de Malraux, et joué des classiques. Sa première pièce, Révolte dans les Asturies, coécrite avec des amis, a été interdite par Augustin Rozis, le maire d’extrême droite d’Alger. Le jeune Camus, orphelin d’un père mort en 1914, fils d’une femme de ménage analphabète, fait de la littérature une reconnaissance de dette. Fidélité au milieu dont il vient, devoir de témoignage.
Pascal Pia, vieil ami d’André Malraux, l’a recruté en 1938 comme journaliste polyvalent pour Alger républicain, quotidien qui entendait défendre les valeurs du Front populaire. Ce journal tranchait avec les autres journaux d’Algérie, liés au pouvoir colonial et relais d’une idéologie réactionnaire. Ainsi Camus a publié dans Alger républicain une série d’enquêtes qui ont fait grand bruit, la plus connue étant « Misère de la Kabylie« .
Camus est pacifiste. Mais une fois la guerre déclarée, il veut s’engager. La tuberculose dont il est atteint depuis ses 17 ans le prive des armes. Alors il écrit avec frénésie. Dans Alger républicain puis dans Le Soir républicain, qu’il lance le 15 septembre 1939, toujours avec Pascal Pia. Ces deux journaux, comme tous ceux de France, sont soumis à la censure, décrétée le 27 août. Par ses prises de position, son refus de verser dans la haine aveugle, Camus dérange. L’équipe, refusant de communiquer les articles avant la mise en page, préfère paraître en laissant visibles, par des blancs, les textes amputés par la censure. Au point que certains jours, Alger républicain et surtout Le Soir républicain sortent avec des colonnes vierges.
Moins encore qu’en métropole, la censure ne fait pas dans la nuance. Elle biffe ici, rature là. Quoi ? Des commentaires politiques, de longs articles rédigés par Camus pour la rubrique qu’il a inventée, « Sous les éclairages de guerre », destinée à mettre en perspective le conflit qui vient d’éclater, des citations de grands auteurs (Corneille, Diderot, Voltaire, Hugo), des communiqués officiels que n’importe qui pouvait pourtant entendre à la radio, des extraits d’articles publiés dans des journaux de la métropole (Le Pays socialiste, La Bourgogne républicaine, Le Petit Parisien, le Petit Bleu, L’Aube)…
Ce n’est jamais assez pour le chef des censeurs, le capitaine Lorit, qui ajoute d’acerbes remarques sur le travail de ses subalternes lorsqu’ils laissent passer des propos jugés inadmissibles. Comme cet article du 18 octobre, titré « Hitler et Staline« .« Il y a là un manque de discernement très regrettable », écrit le capitaine. Ironie, trois jours plus tard, à Radio-Londres (en langue française), les auditeurs peuvent entendre ceci : « La suppression de la vérité, dans toutes les nouvelles allemandes, est le signe caractéristique du régime nazi. »
Le 24 novembre, Camus écrit ces lignes, qui seront censurées : « Un journaliste anglais, aujourd’hui, peut encore être fier de son métier, on le voit. Un journaliste français, même indépendant, ne peut pas ne pas se sentir solidaire de la honte où l’on maintient la presse française. A quand la bataille de l’Information en France ? » Même chose pour cet article fustigeant le sentiment de capitulation : « Des gens croient qu’à certains moments les événements politiques revêtent un caractère fatal, et suivent un cours irrésistible. Cette conception du déterminisme social est excessive. Elle méconnaît ce point essentiel : les événements politiques et sociaux sont humains, et par conséquent, n’échappent pas au contrôle humain » (25 octobre).
Ailleurs, sous le titre « Les marchands de mort », il pointe la responsabilité des fabricants d’armes et l’intérêt économique qu’ils tirent des conflits. Il préconise « la nationalisation complète del’industrie des armes » qui « libérerait les gouvernements de l’influence de capitalistes spécialement irresponsables, préoccupés uniquement de réaliser de gros bénéfices » (21 novembre). Il n’oublie pas le sort des peuples colonisés en temps de guerre, dénonçant la « brutalisation » des minorités et les gouvernements qui « persistent obstinément à opprimer ceux de leurs malheureux sujets qui ont le nez comme il ne faut point l’avoir, ou qui parlent une langue qu’il ne faut point parler ».
Bien que les menaces de suspension de leur journal se précisent, Albert Camus et Pascal Pia ne plient pas. Mieux, ils se révoltent. Pascal Pia adresse une lettre à M. Lorit où il se désole que Le Soir républicain soit traité comme « hors la loi » alors qu’il n’a fait l’objet d’aucun décret en ce sens. Parfois le tandem s’amuse des coups de ciseaux. Pascal Pia racontera que Camus, avec malice, fit remarquer à l’officier de réserve qui venait de caviarder un passage de La Guerre de Troie n’aura pas lieu qu’il était irrespectueux de faire taire Jean Giraudoux, commissaire à l’information du gouvernement français…
Le Soir républicain est interdit le 10 janvier 1940, après 117 numéros, sur ordre du gouverneur d’Alger. Camus est au chômage. Les éventuels employeurs sont dissuadés de l’embaucher à la suite de pressions politiques. Tricard, le journaliste décide de gagner Paris, où Pascal Pia lui a trouvé un poste de secrétaire de rédaction à Paris Soir. La veille de son départ, en mars 1940, il est convoqué par un commissaire de police, qui le morigène et énumère les griefs accumulés contre lui.
L’article que nous publions, ainsi que les extraits cités ci-dessus, ont été exhumés aux Archives d’outre-mer, à Aix-en-Provence. Ces écrits, datant de 1939 et 1940, ont été censurés par les autorités coloniales. Ils n’ont pas été mis au jour par les spécialistes qui se sont penchés sur l’oeuvre de Camus. Notamment Olivier Todd, à qui on doit la biographie Albert Camus, une vie (Gallimard 1996). Ni dans Fragments d’un combat 1938-1940 (Gallimard, « Cahiers Albert Camus » n° 3, 1978), de Jacqueline Lévy-Valensi et André Abbou, qui réunit des articles publiés par Camus alors qu’il habitait en Algérie.
C’est en dépouillant carton par carton que nous avons découvert les articles manquants d’Alger républicain et du Soir républicain dans les rapports de censure. Car cette dernière a pour qualité d’être une greffière rigoureuse. De même que les services des renseignements généraux, qui notent tous les faits et gestes des individus qu’ils surveillent – ce fut le cas d’Albert Camus en Algérie. C’est ainsi qu’ont surgi, sous nos yeux, les mots, les phrases, les passages et même les articles entiers qui n’avaient pas l’heur de plaire aux officiers chargés d’examiner les morasses des pages des journaux.
« Ces archives-là n’ont pas été utilisées », confirme le spécialiste Jeanyves Guérin, qui a dirigé le Dictionnaire Albert Camus (Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2009). Même confirmation d’Agnès Spiquel, présidente de la Société des études camusiennes.
Dans l’inédit publié ici, Camus considère que « la vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie « . Dans L’Homme révolté, il ne dit pas autre chose, estimant que la révolte, « c’est l’effort pour imposer l’Homme en face de ce qui le nie ».
« Les quatre commandements du journaliste libre », à savoir la lucidité, l’ironie, le refus et l’obstination, sont les thèmes majeurs qui traversent son oeuvre romanesque, autant qu’ils structurent sa réflexion philosophique. Comme le football puis le théâtre, le journalisme a été pour Camus une communauté humaine où il s’épanouissait, une école de vie et de morale. Il y voyait de la noblesse. Il fut d’ailleurs une des plus belles voix de cette profession, contribuant à dessiner les contours d’une rigoureuse déontologie.
C’est aux lecteurs algériens que Camus a d’abord expliqué les devoirs de clairvoyance et de prudence qui incombent au journaliste, contre la propagande et le « bourrage de crâne ». A Combat, où Pascal Pia, son mentor dans le métier, fait appel à lui en 1944, Camus poursuit sa charte de l’information, garante de la démocratie pour peu qu’elle soit « libérée » de l’argent : « Informer bien au lieu d’informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire approprié, instaurer un journalisme critique et, en toutes choses, ne pas admettre que la politique l’emporte sur la morale ni que celle-ci tombe dans le moralisme. »
En 1951, il laisse percer sa déception dans un entretien donné à Caliban, la revue de Jean Daniel : « Une société qui supporte d’être distraite par une presse déshonorée et par un millier d’amuseurs cyniques (…) court à l’esclavage malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation. »
L’INA a calculé le poids de l’information internationale dans les JT en 2011, une année propice.
Révolutions arabes, catastrophe de Fukushima, guerre en Libye… Il y avait amplement de quoi remplir les JT d’information sur la planète en 2011. Selon l’INA, le poids de l’étranger a été de 45,5 % dans les journaux télévisés, dont 13 % sur la zone Europe. Arte demeure la chaîne la plus ouverte sur le monde avec 82 % des sujets tournés vers l’étranger (dont 30 % sur l’Europe). Canal+ la suit avec 58,7 % de reportages sur les pays étrangers, dont 15,7 % sur la zone européenne. Naturellement, ces deux chaînes sont les moins accros à l’audience.
TF1 et France 2 ne se distinguent pas vraiment l’une de l’autre : 57,8 % pour la Une et 58 % sur France 2 de l’offre d’information concernent uniquement la France. La part de l’Europe est de 8,8 % sur TF1 et de 12,2 % sur France 2. L’information internationale hors l’Europe est de 33,3 % sur TF1 et de 29,6 % sur France 2. France 3, plus marquée vers sa vocation régionale, est davantage tournée vers la France avec 65,8 % des sujets. M6 conserve la première place des JT franco-français : 67,6 %.
Dans le top 20 des pays traités en 2011, toutes chaînes confondues, les États-Unis s’imposent largement en tête avec 2 141 sujets, devant la Libye (1 522 sujets), le Japon (876 sujets). L’Égypte, premier pays des révolutions arabes, se classe en quatrième position avec 825 sujets. La Tunisie arrive seulement à la septième place (613 sujets). L’Afghanistan, où les soldats français sont tombés, a suscité 774 sujets (cinquième pays). Notre partenaire allemand se hisse à la sixième place avec 732 sujets. La Grèce, pourtant à l’origine d’une crise financière majeure, n’apparaît qu’assez loin : douzième place avec 360 sujets. Dans l’Europe des 27, la Lettonie est le seul pays à n’avoir suscité aucun reportage en 2011.
Vendredi soir, Nicolas Sarkozy était invité du « Grand Journal » de Canal + pendant deux heures. Aucune critique politique sérieuse ne lui a été adressée. Face à ses mensonges avérés, ses erreurs factuelles, face à sa propagande, le Grand Journal lui a servi la soupe. Face à Sarkozy, Canal + a choisi l’entertainment et non pas la politique. Le people et non pas le peuple.
Le « Petit Journal », lui-même, est devenu tout gentil. Simple faire-valoir de l’émission, l’écrivain congolais Alain Mabanckou n’a même pas su critiquer le discours de Dakar de Sarkozy sur l’Afrique ! Quant à Carla Bruni, aucune mention de l’affaire qui plombe son image, ni sur sa nouvelle communication bébête de fan de Plus Belle la vie. On a ri avec Sarkozy sur le petit Louis et sur ces journalistes « Pinocchio ».
Quant aux chroniqueurs du Grand Journal, en principe très mordants, ils sont restés paralysés, presque silencieux. A part quelques tentatives inabouties de Jean-Michel Apathie, l’émission a passé la brosse, dans le sens du poil, au président-sortant d’une manière inattendue.
Renaud Le Van Kim est le producteur du Grand Journal : il a fait les meetings de Sarkozy.
Inattendue ? Le producteur du grand journal est Renaud Le Van Kim. En 2004, un proche de Nicolas Sarkozy, le publicitaire Christophe Lambert est allé le chercher pour réaliser les images du grand meeting de l’UMP, et ce fut le couronnement de Sarkozy, qui venait de prendre la tête du parti de droite. C’est donc Le Van Kim qui est devenu le réalisateur préféré du président et le grand manitou de ses images. Avec sa grammaire visuelle fluide, sa passion pour les ballets de caméras qui s’envolent dans un mouvement perpétuel et, disons-le, son génie de la mise en scène, Le Van Kim allait dès lors jouer un rôle dans la guerre des images lancée par Sarkozy. En 2007. Mais aussi en 2012.
Car depuis, ce surdoué du petit écran, d’origine vietnamienne, est rarement loin des caméras lorsque Sarkozy fait un show télévisé. Tout à la fois producteur en vogue (du « Grand Journal » de Canal+ donc) et réalisateur de talent (il filme les soirées des Césars, les cérémonies de la Palme d’or à Cannes, les concerts de Johnny Hallyday ou la « Nouvelle Star »), il est régulièrement sollicité par le chef de l’Etat.
Sarkozy veut être certain que les images soient contrôlées par un « grand professionnel » (comme le qualifie Lambert). Et récemment, en octobre dernier, Le Van Kim a signé la réalisation de l’interview simultanée du chef de l’E?tat sur TF1 et sur France 2 : Sarkozy l’a choisi, tout comme il a choisi les journalistes qui l’interviewaient (dont Jean-Pierre Pernaut). L’émission, d’ailleurs, a été produite par une société privée (Maximal Productions, dirigée par Jérôme Bellay, directeur de la rédaction du JDD, et filiale à 100 % d’Europe 1), fournie clé en main – et facturée – aux chaînes.
Le Van Kim fut aussi conseiller spécial du P-DG de TF1 mais il assure aujourd’hui avoir mis un terme à cette collaboration.
Vincent Glad, benoîtement silencieux
Un autre fait a étonné ce vendredi. Le rôle étrange de Vincent Glad. Le très jeune chroniqueur numérique du Grand Journal a servi, lui aussi, la soupe au président – par ses silences. Pas une critique sur Hadopi ! Pas un mot sur Acta ! Pas une phrase sur l’Internet civilisé ! Il y a quelques semaines, il avait critiqué violemment le PS sur le numérique. A un autre moment, il a expliqué – se ridiculisant – que n’importe quel internaute pouvait faire la même Timeline que Sarkozy, preuve que le candidat UMP n’avait pas bénéficié des conseils de FaceBook, en dépit des preuves de l’Express. En général, Glad sait taper dur et critiquer fort : ce vendredi, il a passé l’émission à sourire devant Sarkozy, sans même s’essayer à la moindre critique contre le président qu’il semblait admirer benoîtement. Un idiot utile du sarkozysme ?
On verra lundi soir, lorsque François Hollande sera l’invité, à son tour, du Grand Journal, si les sourires, les silences et le cirage de pompe seront également de mise.
Sarkozisme culturel : Pour suivre ce blog chaque jour voir sa page FaceBook ainsi que, pour plus d’informations et pour ses sources, voir le site www.fredericmartel.com ? Le livre de F. Martel, J’aime pas le sarkozysme culturel vient de paraître chez Flammarion. Voir l’extrait de France 3 où Carla Bruni-Sarkozy dénonce « un livre contre son mari » (voir la vidéo) .
Evi Tsirigotaki : « J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes ». Photo Rédouane Anfoussi.
Expo. Collective éphémère et solidaire, Greeting From Greece. 20 artistes nous ouvrent les rues d’Athènes.
La Grèce fait la Une cette semaine. Dans une conciliante logique avec celle du couple Merkel-Sarko les médias français et allemands annoncent que le scénario catastrophe est évité, grâce à l’heureuse conduite des créanciers privés disposés à effacer une partie de l’ardoise grecque. Mais étrangement, on ne trouve que les comptables de l’addition pour s’en réjouir. On en sera un peu plus sur ce qu’en pensent, les Grecs et le peuple européen privés de banquet, en se rendant au bien nommé Luthier Gourmand* qui a ouvert, depuis hier, ses fenêtres sur Athènes.
A l’initiative de la journaliste Evi Tsirigotaki, l’exposition éphémère Greeting From Greece permet de découvrir les travaux d’une vingtaine d’artistes grecs qui inventent un autre mode de vie depuis le chaos de la réalité. « J’en ai marre de voir des images de violence sur mon pays. J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes, explique Evi. Beaucoup d’entre eux s’expriment actuellement en renouant avec le street art dans les rues d’Athènes ou à travers les collectifs qui se montent pour soutenir les victimes sociales de la crise. L’usage des nouvelles technologies permet de faire circuler des regards en contrepoint à la litanie des médias dominants. » A l’instar du patron du lieu d’accueil qui affirme avec simplicité « Je me suis senti concerné. On est tous Grec », l’initiative non subventionnée a rencontré un élan spontané très participatif.
Artistes et sphère publique
Documentaires, vidéos, photos, Djset, et concerts se succèdent jusqu’à 22h dans un lieu artistiquement désacralisé. Le temps semble en effet venu de porter un autre regard sur les créateurs grecs. L’annonce de la disparition, en janvier, du plus connu d’entre eux, le réalisateur Theo Angelopoulos décédé en raison du mauvais fonctionnement des services ambulanciers de la ville, invite à tourner la page. Comme le dit à sa manière, radicalement minimaliste, l’artiste Diohandi qui a emballé le pavillon grec de la dernière biennale de Venise dans une caisse en bois en portant à son entrée l’inscription « Sold Out », tout semble à reconstruire dans le berceau de la démocratie.
Cette expo offre l’occasion de découvrir une nouvelle génération en prise avec le vide postmodernisme, pense le metteur en scène Théodoros Terzopoulos auquel est consacré un documentaire. « Si les artistes institutionnels restent très silencieux, les jeunes sont débarrassés du décorum. Ce qui leur permet d’exprimer des commentaires politiques, de la colère. Beaucoup ont recours à l’humour noir. On assiste a un vrai renouveau, indique Evi Tsirigotaki, la photographe Stefania Mizara montre dans un Webdoc, comment les Athéniens sont sortis dans la rue qu’ils ont occupée pendant des mois pour réagir contre les mesures d’austérité. Le salaire minimum à baissé de 40% en deux ans. Les créateurs qui s’expriment ici sont en contact avec le mouvement social. »
Les artistes participants à Greeting From Greece reflètent un état de la société. Ils ne sont pas les seuls à vouloir renouveler l’écriture de leur destin…
Jean-Marie Dinh
* Place St Anne à Montpellier, rens : 06 42 61 73 46.
Christos Chryssopoulos : l’intelligence par le vide
Roman. La Destruction du Parthénon de Christos Chryssopoulos.
Un livre vivement conseillé à tous ceux que l’odieuse version des faits qui nous est donnée de la crise obsède. La lecture de La Destruction du Parthénon, dernier ouvrage du jeune et talentueux écrivain grec Christos Chryssopoulos, apaisera certainement les esprits contrariés, mais peut-être pas tous… C’est un court roman d’anticipation pourrait-on dire, si l’on se réfère à la prévisible et hallucinante exigence de Berlin de démolir le Parthénon au motif non moins attendu que le coût de l’entretien du site serait trop élevé et menacerait l’équilibre des finances publiques grecques.
Christos Chryssopoulos pose lui aussi comme nécessité vitale de s’attaquer au symbole de marbre vieux de vingt-cinq siècles, en situant l’action libératrice de son principal protagoniste dans la ligné du cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos. Ceux là même qui dès 1944, appelaient à faire sauter l’Acropole ! Un slogan choc et provocateur relayé à Athènes au début des années 50 par un groupe d’intellectuels affiliés au Mouvement des irresponsables.
L’action du livre a lieu soixante ans plus tard. Le jeune héros de Christos Chryssopoulos vient de passer à l’acte. Il a ruminé sur sa ville, son fonctionnement, la béatitude de ses habitants. L’absurdité de la situation lui a donné l’énergie d’agir. Il a pulvérisé le Parthénon. La ville est orpheline. Est-elle encore elle-même ?
A Athènes, c’est la consternation. L’enquête s’ouvre. On recherche le terroriste, son mobile… Sur ce point, le probable monologue de l’auteur des faits, livre quelques pistes : « Quand je me suis lancé, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je devais m’y prendre. Je n’avais pas de plan. Je n’avais aucun idéal. Le point de départ à été une impulsion, un élan qui m’a poussé à en arriver là. Cela aurait tout aussi bien pu m’emporter je ne sais où. »
Quel avenir, pour le pays amputé de son miroir déformant ? La beauté serait désormais à chercher dans chacun de ses habitants.
JMDH
La destruction du Parthénon, 12 euros, éditions Actes-Sud