Il enchaîne les interviews, se risque sur Twitter et tombe même la veste sur Tumblr : pour lancer L’Opinion, son journal mi-papier, mi-Internet, Nicolas Beytout est partout. Mais il reste étrangement muet sur les investisseurs qui financent ce projet audacieux.
« Le pari fou d’un nouveau média », résume Nicolas Beytout à la une du numéro zéro , distribué gratuitement dans les kiosques ce mardi. L’Opinion s’exprimera simultanément sur deux supports :
- un site internet , qui ouvrira ce mardi à 18 heures : il sera alimenté toute la journée en textes et en vidéos, notamment avec un JT fait maison ;
- un quotidien de huit à douze pages, lancé mercredi : il sera vendu 1,50 euro en kiosque, et l’abonnement couplé papier-numérique sera proposé à 21 euros.
Sur Internet, le modèle gratuit reste dominant. Et sur le marché des quotidiens payants, aucun nouveau titre n’a survécu depuis le lancement de Libération, en 1973. Pourtant, Nicolas Beytout prévoit d’atteindre l’équilibre en trois ans , avec un million de visiteurs uniques sur le site et 50 000 exemplaires vendus.
« Libérale, probusiness et proeuropéenne »
L’Opinion défendra une ligne clairement identifiée – « libérale, probusiness et proeuropéenne » . Elle ne parlera pas de tout (elle se concentrera sur la politique, l’économie et l’international), ni à tout le monde (elle visera lesCSP+ ). Et elle a débauché des journalistes expérimentés , chez Marianne, France Soir, Europe 1, Paris Match ou au Figaro.
Le pari peut réussir , mais il coûte cher. Sur ce point, Nicolas Beytout se montre moins bavard. Il ne souhaite pas dévoiler le montant des investissements et, encore moins, le nom des investisseurs. Ceux-ci craignent simplement que leurs noms fassent de l’ombre à L’Opinion, nous assure-t-il :
« Ces investisseurs considèrent que ce ne doit pas être le journal des actionnaires. Certains sont plus célèbres que d’autres, donc ce sujet-là était un sujet de préoccupation. »
« Une quinzaine » d’investisseurs participerait au projet, mais Nicolas Beytout refuse de confirmer – ou de démentir – les noms évoqués par la presse. Comme ceux de Bernard Arnault, Xavier Niel ou Claude Perdriel (propriétaire de Rue89 et du Nouvel Observateur). Ce dernier aurait, selon Le Monde , apporté « quelques centaines de milliers d’euros ».
« Actionnaire prépondérant, pas majoritaire »
Le fondateur de L’Opinion ne souhaite pas non plus révéler le montant de son investissement personnel, se contentant de préciser :
« J’avais conçu les choses de manière à être l’actionnaire prépondérant, mais pas forcément majoritaire. »
L’anonymat des investisseurs est également préservé dans les documents déposés par Nicolas Beytout au tribunal de commerce, dont le plus récent date de décembre.
Selon ces documents, Bey Médias, la holding contrôlant le journal et sa régie publicitaire, reste officiellement détenue à 100% par Nicolas Beytout et sa société personnelle, NS Island. En novembre, une augmentation de capital lui avait pourtant permis de déposer 12,2 millions d’euros à la banque.
A défaut de dévoiler des noms, ces documents confirment la subtilité du montage financier. Dans le capital de Bey Médias, NS Island se voit en effet réserver un stock d’actions « assorties du droit de nommer le rédacteur en chef du journal […] et de choisir la composition de l’équipe de rédaction ».
Une garantie de garder le contrôle
Même minoritaire au capital, Nicolas Beytout gardera donc le contrôle de la rédaction de L’Opinion. Une garantie réclamée par… les actionnaires eux-mêmes, nous assure-t-il :
« L’idée est venue de mes conversations avec différents investisseurs et avec ceux que j’avais contactés pour rentrer dans le capital. Tous me disaient que le principe était intéressant, mais qu’ils voulaient être sûrs que ce n’était pas le projet d’un investisseur, mais d’un journaliste. »
Voilà qui le changera. Directeur de la rédaction du Figaro, Nicolas Beytout avait dû composer avec l’interventionnisme de Serge Dassault . Lorsqu’il avait été nommé à la tête de la filiale médias de LVMH, ce sont cette fois les interventions de Nicolas Beytout qui avaient suscité un malaise chez les journalistes , sans lui éviter d’être finalement remercié par Bernard Arnault.
Heureusement qu’à L’Opinion, les actionnaires sont si bien intentionnés – et si discrets…
Source : Rue 89 14/05/13
Voir aussi : Rubrique Médias, Communiqué du SNJ-CGT,