Montpellier Retro 2011: La culture au cœur du politique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Jean-Marie Dinh

Ecouter, regarder, découvrir, ce qui restent de l’année 2011. Retour sur les moments forts de la vie artistique montpelliéraine ouverte, riche, diversifiée, et impertinente, preuve que si la culture peut distraire, elle demeure surtout au cœur du politique. Quelques coups d’œil dans le rétro …

Janvier

Théâtre. Un choix judicieux pour débuter l’année opéré  par Toni Cafiero, en résidence à Lattes, il monte En attendant le Révisor au Théâtre Jacques Cœur. La pièce s’inspire d’une comédie de Gogol. L’action prend cœur dans une petite ville de province russe. Elle dépeint sur le ton comique les viles pratiques et les arrangements  « entre amis » des notables locaux.

Février

Théâtre. Le Carré Rondelet relève le défi lancé à la représentation par Sarah Kane qui a toujours fui la théâtralité. Sébastien Malmendier adapte, 4.48  Psychose. La jeune comédienne Poline Marion, incarne une belle impossibilité de vivre.

Mars

Poésie. L’association dirigée par Annie Estèves – la Maison de la poésie – trouve une juste reconnaissance auprès de la Ville de Montpellier. Elle dispose désormais d’un local et d’un soutien au fonctionnement. A l’occasion du 13e Printemps des poètes, elle programme plus d’une vingtaine de rencontres gratuites dans toute la ville.

Bonne nouvelle

Danse. Matthieu Hocquemiller présente Bonne nouvelle au CCN. Une création qui porte l’idée que la recherche identitaire fait diversion pour échapper à la question sociale.

Jazz. Le Jam sacre son 10e  printemps du 12 mars au 1er  avril. Jazz, soul et musiques du monde se croisent dans un cocktail hyper explosif.

Avril

Poésie. Invité par La Médiathèque Emile Zola, Yves Bonnefoy vient nous rappeler que la poésie conserve un devoir critique. Elle ne se situe pas du côté de ceux qui réussissent. Il faut savoir prendre le contre-sens de la médiation par l’image pour percevoir l’œuvre de Rimbaud et la replacer intuitivement dans notre paysage contemporain, nous dit ce grand poète français.

Théâtre. Aux 13 Vents, la mise en scène de Nicomède par Brigitte Jacques-Wajeman nous conduit au cœur de l’intrigue. En cornélienne avertie, l’artiste restitue le cadre du rapport politique colonial à la lumière de notre époque.

Mai

Festival Arabesques. On y parle du vent de démocratie qui souffle sur l’autre rive et on accueille les artistes engagés qui le transmette du raï au rap en passant par le hip hop et les folksong. Les chansons contestatrices sont plus que jamais en prise avec le réel. L’édition 2011 met à l’honneur l’esprit andalou connu pour sa tolérance.

BD. Invité par la librairie Sauramps, Bilal présente Julia & Roem. Son dernier opus s’inscrit dans l’univers post-apocalyptique de Animal’Z, sorti  en 2009 et actuellement en cours d’adaptation cinématographique.

Jeune public Saperlipopette.

Isabelle Grison qui conduit le projet, évoque l’intérêt de s’éloigner de la télévision et peu de monde la contredit. La manifestation décentralisée rassemble 30 000 personnes.

Littérature Comédie du livre. Du 27 au 29 mai, Montpellier célèbre le cinquantenaire du jumelage avec Heidelberg en mettant à l’honneur les écrivains de langue allemande. Cette 27e édition marque un tournant avec un changement d’équipe et d’organisation. La direction relève désormais de l’association Cœur de Livres pilotée par la ville. Les rencontres sont resserrées. Un bémol pour les éditions jeunesse mal représentées mais des invités qui comptent  Paul Nizon, Christophe Hein, Judith Herman…

Juin

Printemps des Comédiens. Le nouveau directeur, Jean Varela, ouvre de nouvelles perspectives avec une exigence artistique  plurielle et populaire. Le festival propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Il est dédié à Gabriel Monnet. Dag  Jeanneret y signe la mise en scène  de Radio Clandestine d’Ascanio Celestini. Une tragédie qui emprunte sa forme à l’engagement civique et politique de Pasolini.

Festival Montpellier Danse

Le festival met Tel-Aviv à l’honneur, grâce à la présence de nombreux artistes venus de cette ville d’Israël mais travaillant dans le monde entier.

Juillet

Festival de Radio France du 11 au 28 juillet, la 26e édition offre un large panorama de manifestations. 173, le plus grand nombre de concerts proposés depuis sa création. 17 créations signalent et réaffirment l’appartenance du festival aux grands rendez-vous.

Août

Gérard Garouste au Carre st Anne

Peinture. Les œuvres de Gérard Garouste sont exposées au Carré Sainte-Anne. Les toiles de l’artiste nous introduisent dans un monde baroque fait de l’étoffe des mythes où se mêle une acuité toute contemporaine.

Septembre

Théâtre. Le CDN ouvre sa saison avec La Conférence d’après  le texte de Christophe Pellet qui a reçu le grand prix de littérature dramatique en 2009. La pièce met en scène un auteur français à bout (Stanislas Nordey) qui se lâche sur la médiocrité de l’institution théâtrale française.

Concerts. Internationales de la guitare. Classique, rock, jazz, flamenco, blues, musique tzigane, world… se côtoient du 24 sept au 15 oct. 24 grands concerts : Paco Ibanez, John Scolfield, Saul Williams, Al di Meola… et une myriade de manifestations associées.

Octobre

Cinéma au Cinemed 234 films, beaucoup vus nulle part ailleurs, le parcours étonnant d’Andréa Ferréol, les films du Catalan Ventura Pons, les facéties d’un Benoît Poelvoorde, une rétrospective Pietro Germi font les riches heures de l’édition 2011. Le Palestinien Sameh Zoabi remporte l’Antigone d’Or pour L’homme sans portable.

Rockstore 25 ans. On célèbre ses 25 piges du Rockstore durant tout un mois. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire en 2009 sans ôter de liberté au lieu mythique.

Novembre

Hip Hop L’événement culturel Battle of the year distingue à l’Aréna les meilleurs crews (équipes) de breakdance de la planète. C’est la France qui s’impose devant les Etats-Unis.

Décembre

Danse Avec  Salves Maguy Marin affirme une prédilection pour le nocturne. Un langage s’invente. Il traduit l’ébranlement de la cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs.

Théâtre Alain Béhar signe son retour à la Vignette avec Até, un nouvel ovni. Que devient la figure mythologique Até à l’heure du tout numérique ? La déesse de la discorde renaît sous les traits d’un avatar.

opéra-bouffe
René Koering conclut par une Belle Hélène avec la complicité d’Hervé Niquet à la direction musicale et une mise en scène chocolatée de Shirley et Dino. Les 28 dec,  et 3 et  5  janvier 2012.

Politique culturelle : la carte de l’attractivité

Concert Place de l’Europe

Les collectivités tiennent les budgets. De nouveaux acteurs arrivent.

Suite au remaniement de l’équipe municipale en juin, Philippe Saurel devient délégué à la Culture. Il assure à ce poste la rentrée de septembre. Candidat socialiste déclaré à la mairie en 2014, il était en charge de l’Urbanisme qui revient à Michael Delafosse, son prédécesseur à la culture. La différence de sensibilité et de vision entre les deux hommes laisse certains acteurs culturels dubitatifs. Le projet des ZAT, forme artistique de l’exploration urbaine, recueille en avril, le soutien entier d’Hélène Mandroux. Six mois plus tard, il pourrait être remodelé après les critiques portées par le nouvel adjoint sur la troisième ZAT devant la nouvel mairie.

Au Domaine d’O, Jean Varela est nommé à la tête du Printemps des comédiens six mois avant la 25e édition en juin. Il est aussi directeur de sortieOuest créée à Béziers pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département. A 44 ans, il devient un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général. A ses côtés, le directeur du Domaine d’O, Christopher Crimes, poursuit sa  quête de nouveaux publics  en découvrant la richesse des créateurs héraultais.

Lors de la présentation de saison de l’Opéra, le président de région Christian Bourquin déclare que la valeur ajoutée d’une politique culturelle tient dans sa capacité de faire la différence. Fin novembre, la Région signe une convention avec l’Institut français, chargé de promouvoir  les actions d’échanges et la culture française à l’étranger.

Georges Frêche a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville comme de la région. En 2012, les collectivités territoriales devraient réaffirmer, la culture comme une priorité politique.

Photo : Lumière sur le Pavillon Populaire

Brassaï Greewich

Au top. Gilles Mora expose les pointures de la photo internationale.

Nommé à la direction artistique d’un navire d’images de 600 m2, Gilles Mora avait pour première mission la célébration du 55e anniversaire du jumelage de Montpellier avec Louisville. Il livre avec Les suds profonds de l’Amérique une exposition qui fait événement (20 000 visiteurs) et ouvre grand la porte de l’imaginaire américain. Les Montpelliérains découvrent notamment l’univers singulier de Ralph Eugene Meatyard.

Après l’Amérique, le printemps marque un retour en Europe avec l’exposition Aires de jeux champs de tensions dont le commissariat de l’exposition est confié à Monika Farber. La conservatrice en chef du Musée de l’Albertina à Vienne, propose des œuvres de trois grands artistes : Bogdan Dziworski, Michael Schmidt, Christ  Killip, tout en ouvrant l’espace à de nouveaux talents.

De Juin octobre l’expo Brassaï en Amérique confirme la nouvelle place de Montpellier dans le paysage de la photo d’art. Elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc jamais publiés par l’artiste français d’origine hongroise. L’expo s’inscrit comme une découverte  qui devrait faire date dans l’histoire de la photo.

Jusqu’au 12 février on peut aller voir Apocalypses, la disparition des villes. De Dresde à Detroit (1944-2010) où l’on découvre quelques icônes de l’historiographie des villes du monde en ruine. C’est la 3ème  exposition présentée dans le cadre de la programmation 2011 centrée sur la photographie urbaine. Le commissariat est assuré par Alain Sayag, ex conservateur pour la photographie au Centre Georges Pompidou.

Ouverte sur les espaces et sur les hommes, la nouvelle dynamique impulsée par Gilles Mora a pour ambition d’affirmer Montpellier comme un lieu qui compte pour la photographie d’art à l’échelle nationale et internationale. Et il est sur la bonne voie !

Classique Lyrique :Une partition un peu dissonante

Départ de Koering arrivée de Scarpitta et de Le Pavec.

Durant les travaux de l’Opéra Comédie les représentations se poursuivent au Corum. Suivez le feuilleton des travaux sur France 3 LR.

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, René Koering tire sa révérence avec la 27e édition. Le 11 juillet, le concert d’ouverture illustre la dimension découverte  qui a fait l’identité du festival. La Magicienne de Halevy, donnée par l’Orchestre national de Montpellier dirigé par  Lawrence Foster. Le chef américain attitré de l’orchestre est lui aussi sur le départ avant la fin de son contrat.

Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre et de l’Opéra en décembre 2010, René Koering a quitté la direction du Festival le 28 juillet en laissant un bel héritage. Mais la transition ne s’est pas faite sereinement. Le surintendant de la musique dit avoir appris le nom de son successeur  à la tête du festival dans  la presse. Il s’agit de  Jean-Pierre Le Pavec nommé au début de l’année directeur de la Musique à Radio France. Jean-Paul Scarpitta préside désormais à la destinée artistique de l’Opéra et de l’Orchestre. De loin le plus important  financement culturelle de la région, le budget de la double structure avoisine les 25 M d’euros. Il est géré par l’association Euterp.

Jean-Paul Scarpitta a dévoilé en juin le contenu de la saison 2011-12. On attend en mars, une Electra de R. Srauss dans une mise en scène de Jean-Yves Courrègelongue. Le même mois suivra la première mondiale de l’opéra de Philip Glass Einstein on the Beach en présence des deux autres créateurs Robert Wilson et Lucinda. Une nouvelle production  des Noces de Figaro mise en scène par le directeur, avec des costumes de Jean-Paul Gaultier aura lieu en juin. Et la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi sera donnée sous la baguette de Riccardo Muti les 14 et 15 janvier pour le concert du nouvel an.

Les expos de l’année

L’agglo hisse ses toiles

L’agglomération de Montpellier s’implique fortement au Musée Fabre. En 2011, la qualité des expositions programmées en témoigne.  De juillet à Octobre, on redécouvre Odilon Redon avec l’expo Le prince du rêve repenser dans un parcours muséographique inédit après l’expo du Grand Palais. L’art de Redon  explore les méandres de la pensée, l’aspect sombre et ésotérique de l’âme humaine, empreint des mécanismes du rêve.

En octobre le patron Antoine Gallimard est à Montpellier à l’occasion du vernissage de  Gallimard un siècle d’édition. L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur y trouve des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe.

Depuis le 3 décembre, on peut apprécié Sujets de l’abstraction une grande expo sur la peinture non figurative de la seconde école de Paris. C’est le premier déplacement des chef-d’œuvres issus de la Fondation Gandur pour l’art après le Musée Rath, Genève. Le parcours permet de reconstituer l’histoire de la peinture non-figurative expressionniste entre 1940 et 1960 à travers les œuvres de Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Serge Poliakoff…

En novembre, la Drawing Room présentées au Carré St Anne a permis de se faire une autre idée. Celle de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui grâce à l’initiative de six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) ayant choisi le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain.

Voir aussi :

Rubrique Livre, BD,

Rubrique Théâtre

Rubrique Danse, Salves Maguy Marin

Rubrique Poésie, Quelques prévisions de veillées poétiques, Voix de la Méditerranée le contenu d’une union , L’espace des mots de Pierre Torreilles,

Rubrique Musique Saison Musique lyrique 2011/12,

Rubrique Expositions, Les chambres noires du Sud, Les sujets de l’abstraction, Cy Twombly tire un trait,

Rubrique Cinéma

Rubrique Photo,

Rubrique Politique culturelle, Le Conseil général de l’Hérault maintien les grands axes, Philippe Saurel,

Festival, Arabesque, Saperlipopette, Printemps des Comédiens , Internationales de la guitare, Montpellier Danse, Festival de Radio France, Festival des Arts Numériques,

Rubrique Rencontre Jean Joubert, René Koering,

Le dessin dans le champ de l’art actuel

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels. Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière.

L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

Jean-Marie Dinh

Samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Voir aussi : Rubrique Art, rubrique Exposition,

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels.

Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière. L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

JMDH

y le samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Visa pour l’Image : Le plus grand magazine du monde

Guatemala : Une Paix bien plus violente que la guerre. Rodrigo ABD, Associated Press

Festival. Visa pour l’Image est aujourd’hui le lieu de rassemblement majeur des acteurs internationaux de la presse et du photojournalisme. Quelques raisons de ce succès.

Après La gare de Dali, Visa pour l’Image fait de Perpignan le centre du monde à la différence,  que depuis 23 ans, on est passé en mode réaliste. Pendant deux semaines jusqu’au 11 septembre, le festival revient sur « l’actu » de l’année. Les visiteurs* se succèdent continuellement pour découvrir les 28 expositions gratuites de la manifestation. Nombre de regards traduisent un intérêt acéré. Au-delà de l’esthétisme qui demeure au rendez-vous, ils décryptent l’écriture photographique comme une expérience signifiante qui s’offre à leurs yeux.

C’est peu dire que cette forme d’expression n’a rien de commun avec la télévision et les autres médias tant la puissance des reportages sélectionnés emporte. La vision d’actualité du photojournalisme défendue par le fondateur du festival, Jean-François Leroy, refuse la course médiatique pour rester en phase avec ce qui se passe. Une qualité d’exigence rare qui se heurte aux pratiques d’aujourd’hui. Celles qui bradent les valeurs professionnelles, comme la rigueur, l’engagement pour un sujet, et la crédibilité de l’information sous couvert de l’évolution technologique. Comme si rapidité et rentabilité rimaient avec authenticité. Ce sujet  reste au cœur du débat des rencontres professionnelles.

Kesennuma : The man with a dog 22 mars 2011, Issey Kato Reuter

A travers plusieurs séquences, le festival revient sur les événements qui ont mobilisé les grands médias, comme la manifestation sismique au Japon ou la vague du printemps arabe, mais il ouvre surtout sur le hors champ. Des reportages comme celui de Valerio Bispuri qui a sillonné pendant dix ans les prisons d’Amérique Latine, ou de d’Alvaro Ybarra Zavala sur la guerre civile en Colombie témoignent de l’engagement de ce métier. La moisson mondiale des crises écologiques, économiques, démocratiques, et sociales de l’année écoulée a le goût du sang et de l’abandon. Elle suscite aussi de l’espoir à travers la nécessité absolue qui s’impose pour trouver des limites.

* 190 000 visiteurs en  2010

Lima, Pérou, décembre 2006. Détenus dansant dans la cour de la prison. Valéro Bispuri.

A Perpignan le versant Occident n’est pas épargné

A Perpignan l’hémisphère Sud apparaît en première ligne mais  Visa pour l’Image ne fait pas l’impasse sur les dérives sociétales de l’Occident. Shaul Schwarz signe un symptomatique reportage sur la culture narco qui se propage au sein de la communauté latino américaine aux Etats-Unis. Les film narco et les clubs narcocorridos y font fureur sur la côte Ouest, comme les chansons composées à la gloire des trafiquants. « C’est l’expression d’un mode de vie qui s’oppose à la société », explique le photographe américain.

Construction de tombes monumentales au cimetière Jardine del Humaya, Mexique juillet 2009.

 

Une mode  en forme de bras d’honneur à la mort et à la guerre de la drogue qui emporte 35 000 vies par an. Le reportage donne un nouveau visage à la drogue comme instrument de contrôle social. Les images pimpantes du luxe narco sont à rapprocher de celles tout aussi réelles qu’a ramenées Alvaro Ybarra Zavala de Colombie.

Tumaco, Colombie,  2009. La police interroge les occupants d’un bar. Alvaro Ybarra Zavala / Getty Images

 

Avec son travail sur les classes sociales défavorisées en Israël, Pierre Terdjman lutte également contre les idées reçues en touchant du doigt une réalité oubliée. A Lod, dans la banlieue de Tel Aviv, on ne lutte pas contre les « terroristes » mais pour survivre, manger, se soigner, où se payer sa dose dans l’indifférence totale de L’Etat.

Made in England

L’édition 2011 propose aussi deux reportages Made in England, dont l’un des mérites est de faire un peu baisser la tension. Avec « Angleterre version non censurée », Peter Dench porte un regard sans complaisance sur le monde ordinaire de ses compatriotes. « Accoutrements grotesques, mal bouffe et manque de savoir vivre : beaucoup d’Anglais s’obstinent à se rendre ridicules » observe le photographe. Il démontre ses dires à travers un voyage convivial et humoristique où l’alcool, mais peut-être pas seulement, semble tenir un rôle prépondérant.

Jocelyn Bain Hogg s’est lui replongé dans le milieu pour suivre la vie intime des mafieux britanniques. Ce photographe très british a commencé son travail sur la pègre en 2001 avec un reportage intitulé  « The Firm ». Sept ans plus tard il y retourne en axant son sujet sur la famille. « Ce choix m’a permis d’être validé, confit-il, car depuis mes premières visites une bonne part de mes anciens contacts avaient passé l’arme à gauche. » « The Family » débute par une série de portraits tout droit sortis d’un film de Scorsese. Quand on lui demande s’il n’a pas forcé un peu le trait pour que la réalité rejoigne le mythe, Jocelyn Bain Hogg trouve la réponse qui tue : « Ils ont des têtes de gangsters parce qu’ils sont gangsters. On peut penser au cinéma, mais qui était là les premiers: les films ou les gangsters ? »

Ici, on n’est pas dans un film, mais à l’enterrement du père de Teddy Bambam. Jocelyn Bain Hogg VII Network

Le parcours en noir et blanc nous entraîne dans les salles de combats de boxe clandestins que la famille utilise comme autant de business center pour parler affaires, drogue et prostitution… Les expressions de la famille Pyle expriment un mélange de machisme et de violence teinté de culpabilité. On suit Joe, Mitch, Mick, qui font faire leur première communion à leur fils Cassis et Sonny : « Malgré leurs mauvais côtés, ceux sont des êtres humains qui aiment et sont croyants », commente Jocelyn Bain Hogg qui brosse le portrait d’un milieu en perdition détrôné par les mafias de l’Est qui règnent désormais en Angleterre.

Jean-Marie Dinh (La Marseillaise)

Voir aussi : Rubrique Photo, rubrique Médias, rubrique Festival, Visa pour l’Image Cédric Gerbehaye: un regard engagé,

Montpellier : Les grandes expos à ne pas manquer en ville

Richard Peter, Dresde 1945.Arts. Redon, Garouste, Brassaï, trois grandes pointures illuminent l’été 2011 de Montpellier proposant un itinéraire artistique de choix

Gérard Garouste bat tous les records au Carré St Anne avec plus de 30 000 visiteurs. Attirés par une programmation d’été exceptionnelle, les amateurs d’art (re)découvrent, l’œuvre majeure du peintre français contemporain dont l’une des toiles orne le plafond de l’Elysée. Le Carré St Anne propose notamment  La Dive Bacbuc, une arène fermée de 6 mètres de diamètre. L’installation qui s’inspire de Rabelais renferme des secrets pour sortir des dogmes. En parallèle, à l’œuvre de Garouste, il faut se rendre à la Galerie St Ravy qui expose les travaux de La Source. Une fondation créée par l’artiste pour sensibiliser les enfants issus de milieux sociaux défavorisés à l’art avec le concours d’artistes reconnus. La ville prolonge les deux expos jusqu’au 23 octobre.

Redon « Le Prince du rêve »
L’artiste du mystère et du subconscient Odilon Redon fut surnommé « Le prince du rêve ». L’image sied si bien au peintre symboliste qu’elle donne aussi  le titre à  la grande expo que lui consacre le Musée Fabre, en décentralisant celle du Grand Palais. Cette redécouverte éclaire d’une lumière nouvelle l’œuvre très riche de l’artiste charnière. Plusieurs conférences permettent d’affiner son approche jusqu’au 16 octobre. La prochaine tournera autour de l’usage que fait Redon du pastel (1). L’exposition offre une occasion rarissime d’admirer sa technique.

Le 6 octobre prochain le Musée Fabre poursuit ce passionnant rapprochement entre arts et littérature en accueillant l’exposition : Gallimard, 1911-2011 : un siècle d’édition, qui a quitté la BnF début juillet.

Dans la foule de Brassaï

L’exposition Brassaï en Amérique, 1957 inaugurée le 16 juin au Pavillon Populaire, a déjà suscité l’intérêt de 23 560 visiteurs. C’est une première mondiale, placée sous le commissariat d’Agnès De Gouvion Saint-Cyr. Elle rend compte du travail effectué par le photographe Brassaï lors de son séjour en Amérique en 1957. Aucune de ces images n’a été exploitée du vivant de l’artiste. Une véritable découverte à faire à Montpellier avant que l’expo ne parte courir le monde. Gratuite, elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc.

Apocalypse urbain
Après Brassaï en Amérique, 1957, le Pavillon Populaire accueillera du 11 novembre 2011 au 12 février 2012, l’exposition « Apocalypses, la disparition des villes, de Dresde à Detroit (1944-2010) ». Cette exposition sera inaugurée le jeudi 10 novembre 2011 à 19h. C’est Alain Sayag qui a été choisi par Gilles Mora pour être le commissaire invité de cette 3ème exposition présentée dans le cadre de la programmation 2011 centrée sur la photographie urbaine. « Nos villes, emblèmes de la modernité, sont des organismes fragiles, elles sont mortelles mais ce sont les hommes plus souvent que la nature qui les ont détruites au cours de l’Histoire. La photographie, depuis sa naissance à enregistré ces tragédies. »

Si Montpellier n’a jamais brillé pour ses propositions en matière d’arts plastiques, la ville mène depuis ces dernières années une politique ambitieuse qui commence à porter ses fruits. Espérons que ce travail se poursuive pour le plus grand plaisir des visiteurs et de la population.

Jean-Marie Dinh

(1) Redon et le Pastel, conférence animée par Jérôme Fanigoule, le 15 septembre prochain, à 18h au musée, entrée libre
(2) Alain Sayag a été conservateur pour la photographie au Centre Georges Pompidou durant plus de trente ans.
Richard Peter, Dresde (1945). A partir du 11 novembre au Pavillon Populaire

Voir aussi : Rubrique  Exposition, Rubrique Montpellier,

La poésie sensible et silencieuse de Juan Gris au Musée Paul Valéry

Le joueur de Guitare (1918)

L’exposition Juan Gris, « Rime de la forme et de la couleur », appelle une escale sétoise cet été.  A proximité du cimetière marin, le bleu azur inonde la partie haute de la ville. Tout là haut perché, le Musée Paul Valéry répond aux principes architecturaux peu esthétiques de Le Corbusier. Il lui permet cependant de disposer d’intéressants volumes intérieurs. Jusqu’au 31 octobre on peut y (re) découvrir l’œuvre rare de Juan Gris (1887/1927).

Le peindre espagnol est le moins connu des trois grandes figures du cubisme. Après avoir suivi la voie ouverte par ses aînés, Braque et Picasso, Gris a  indéniablement contribué au mouvement par son apport personnel. En France, la dernière exposition que lui a consacré le Musée Cantini de Marseille remonte à une quinzaine d’années. Plus récemment, la rétrospective du Musée national de la Reina Sofia à Madrid en 2005, fait référence au niveau international. L’exposition de Sète rassemble une cinquantaine d’œuvres provenant de nombreux musées tel le Minneapolis Institut off Art, le Musée néerlandais d’Art d’Otterlo, le Musée d’Arts moderne de Paris… Elle a également sollicité plusieurs collectionneurs particuliers. « L’exposition s’apparente à une mise en relation d’œuvres permettant de cerner le propos de Gris sur la poésie », indique la Directrice du Musée Paul Valéry, Maïthé Vallès Bled, qui assure le commissariat général de l’exposition.

Fin du culte de la nature

Le parcours propose quelques œuvres de jeunesse, époque où l’artiste se trouve un atelier au Bateau Lavoir sur la butte Montmartre qu’il a rejoint en 1906.  A Paris, pour gagner sa vie, Juan Gris réalise des dessins humoristiques qu’il place dans les journaux illustrés comme L’assiette au beurre ou Le cri de Paris. Avec Picasso dans son voisinage, le jeune homme qui a suivi une formation d’ingénieur, s’imprègne  des procédés cubistes tel le renversement des plans, ou la variation des angles de vue.

Dès 1907, dans la perspective de solidifier les formes ouvertes par Cézanne, Les Demoiselles d’Avignon (ou Bordel d’Avignon) opposent des volumes cubiques aux effets lumineux des impressionnistes. A partir de 1910, Picasso et Braque consomment la rupture avec la vision classique en vigueur ouvrant jusqu’en 1912 la seconde phase du cubisme dite analytique. Ils abandonnent définitivement l’unicité du point de vue de la perspective albertienne. Leur démarche reçoit le soutien d’Apollinaire qui associe à cette évolution picturale la fin du culte de la nature (celle du Dieu créateur terrestre), auquel il oppose la grandeur des formes métaphysiques, les deux artistes multiplient les angles de vision des objets pour en donner une nouvelle représentation. Ne cherchant pas à affirmer une esthétique personnelle, Juan Gris se distingue dès cette époque de ses initiateurs par une construction plus affirmée. Mais c’est vraiment dans la troisième phase du mouvement, le cubisme synthétique qui voit jour à partir de 1913, que la sensibilité de Gris s’illustre.

 

Verre et journal (1916)

Chemins oniriques

Désormais, la technique cubiste est explorée dans la capacité qu’elle offre de concevoir les rapports du sujet à l’objet. La majeure partie des œuvres de Gris présentées à Sète sont issues de la décennie 1916-1926. Une période où l’artiste est à la recherche d’un contenu spirituel. « Ce côté sensible et sensuel qui, je pense, doit exister toujours, je ne lui trouve pas de place dans mes tableaux » écrivait-il en 1915 à son marchand Daniel-Henry Kahnmeiler. Pourtant, une toile comme Verre et journal (1916), apparaît au visiteur fortement empreinte de la conscience de l’objet de celui qui le représente. De même, Le joueur de guitare (1918) dont la musique qui le traverse fait vibrer le corps et l’espace, démontre la sensibilité tactile et fantaisiste qui habitent l’artiste.

Gris n’a de cesse de trouver l’équilibre parfait entre la richesse du contenu spirituel et les nécessités architecturales. Il se distingue de ses illustres aînés dans l’usage de la couleur en poussant le regard par le jeu des contrastes. La vue sur la baie  (1921) offre une idée de son champ de recherches qui part d’une maîtrise pour s’ouvrir sur des chemins oniriques. Dans ce télescopage des espaces intérieur extérieur, on peut voir la liberté saisir l’âme des objets qui s’échappent. Sur la toile Mère et enfant, 1922, les personnages ne se donnent pas à l’image. Les lignes ondulantes et les masses rondes s’entrecroisent mettant en évidence l’intériorité fusionnelle de la relation par la lumière.

De l’intentionnalité

Le parcours propose également une captivante série de natures mortes réalisées entre 1924 et 1925 où l’on mesure l’interprétation qu’a pu faire Gris du phénoménologue Husserl notamment sur le rôle de l’intentionnalité dans la perception des objets quotidiens. On n’y trouve pas de coquillage même si Gris y développe une poésie silencieuse qui le rapproche du poète montpelliérain Francis Ponge. Il faut pousser la porte du Musée Paul Valéry pour découvrir l’intuition sensible de Gris qui prolonge la pensé cubiste et quelque part l’aboutit. Le mérite de « Rime de la forme et de la couleur » pourrait être de réconcilier certains amateurs d’art éloignés du cubisme par l’intransigeante rigueur de ses premiers pas.

Jean-Marie Dinh

« Rimes de la forme et de la couleur » Musée Paul Valéry, jusqu’au 31 octobre.

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