Jean Dubuffet Il Ya, Portfolio, Fata Morgana Monpellier, 1979
Exposition. Fata Morgana au Musée Paul Valéry de Sète du 7 mars au 24 mai.
L’amour du livre et celui des arts plastiques se conjuguent de longue date aux éditions Fata Morgana. La maison héraultaise, dirigée par David Massabuau et Bruno Roy, cultive depuis un demi siècle une exigence qualitative aux antipodes des lois du marché et des étals où s’entassent les best-sellers avant de disparaître dans l’oubli.
Par son approche soignée et raffinée, Fata Morgana fait le bonheur des bibliophiles. Ces livres, environ 1 500 ouvrages édités depuis 1965, résultent de cette recherche incessante de rareté qui amène à une communion de l’ensemble des sens…
Des livres d’artistes aux tirages limités, à la Petite collection hôtel du grand miroir qui laisse place à la photo, en passant par la Poésie nouvelle, le fonds Morgana regorge de pépites en papier. Dans la belle collection Biliothèque artistique et littéraire consacrée au patrimoine littéraire, on trouve le poème de jeunesse en prose de Valéry Une chambre conjecturale. Un lien supplémentaire avec l’exposition Fata Morgana un goût de livre qui s’ouvrira du 7 mars au 24 mai au musée Paul-Valéry de Sète.
Cette exposition alliera à la littérature la bibliophilie et les Arts plastiques en mettant en lumière le fil vivant d’un dialogue à trois entre artiste, écrivain et éditeur qui fait la singularité de Fata Morgana. Plus de 250 exemplaires seront présentés aux côtés de manuscrits et de nombreuses œuvres des quelque 90 artistes (Dubuffet, Jarry, Soulage, Jaccottet…) qui ont collaboré à ces publications. Le Musée de Sète trouve une nouvelle occasion de souligner son attachement au monde des lettres.
Heta-Uma un univers en rebellion contre la perfection et l’esthétisme glacé de la culture japonaise. Dr
Expositions. Dans les années 60, les artistes japonais alternatifs brisent les carcans de la bienséance pour libérer leur créativité. Le mouvement vit toujours à découvrir au Miam à Sète jusqu’au 1er mars 2015.
A propos de la culture graphique japonaise, il paraît aujourd’hui difficile d’échapper au pouvoir des Pokemons ou à la poésie de l’œuvre de Miyazaki. Pourtant c’est possible. C’est ce que révèle l’exposition Mangaro/Heta-Uma, une collaboration inédite entre le Musée international des arts modestes (Miam) à Sète et le Cartel de la Friche la Belle de Mai à Marseille, qui se décline en deux volets.
Marseille à la Belle de Mai
Dans la cité phocéenne à l’initiative de l’artiste et responsable des éditions Le dernier cri, Pakito Bolino, et de la libraire japonaise Ayumi Nakayama, l’expo Mangaro regroupe les éditeurs japonais et français qui revendiquent l’héritage de la revue culte Garo. Un support d’édition alternative de BD japonaises né en 1964 qui bouscule les codes établis en alternant art abstrait, drames sociaux et autobiographiques. Garo choque une partie de la société japonaise et séduit un public étudiant tout en ouvrant la porte des mangas aux adultes.
« On peut comparer l’émergence de Garo au journal Hara-kiri pour son côté bête et méchant mais aussi politique puisque la revue était proche des milieux de l’extrême gauche japonaise », explique Pakito. Les nombreux artistes qui y travaillent en profitent pour explorer de nouveaux champs de création.
Dans les années 60 Garo rencontre un véritable succès populaire. Au début des années 70, le tirage du magazine atteint 80 000 exemplaires. Du jamais vu pour une revue underground libre de toutes contraintes. L’année 2002 marque la fin de Garo. Le magazine Axe prend le relais et trouve une continuité dans l’hexagone avec les éditions du Lézard noir qui assurent une traduction française de certains de ses auteurs.
Sète au Miam
A Sète, l’expo Heta-Uma, littéralement l’art du mal fait bien fait, retrace 40 ans de cette histoire méconnue. On découvre ce style volontairement maladroit né sous l’impulsion de King Terry Yumura à travers les déclinaisons inventives de 80 artistes. La période Heta-Uma qui émerge dans les années 80 se révèle plus graphique avec un dessin sale un peu à la Reiser qui emprunte à la BD underground américaine. Trois générations d’artistes japonais sont réunies dans le cadre de l’expo, du jamais vu.
« Avec le concours de Ayumi Nakayama de la librairie Taco Ché à Tokyo, nous avons réussi à réunir un panel d’artistes complet et représentatif, indique Pakito Bolino ce qui aurait été impossible au Japon en raison des cloisonnements sociaux et générationnels. Nous tirons satisfaction d’avoir permis ces échanges, ainsi que de la mise en relation entre les éditeurs et les artiste français et japonais qui pourrait déboucher sur une expo au Japon. »
Une quinzaine d’artistes japonais étaient présents lors du vernissage qui a donné lieu à des créations d’œuvres in situ. Beaucoup appartiennent à la troisième génération du mouvement alternatif. Leur travail s’inspire de l’univers psychédélique des années 60 et du pop art américain avec des références culturelles spécifiquement nippones comme le bondage, l’esprit samouraï, la présence forte de la faune et de la flore, ou des esprits liés au shintoïsme. Certains créateurs sont aussi musiciens ce qui participe au télescopage entre création plastique et univers musical très couru dans le milieu de la noise japonaise.
La scénographie immerge le visiteur dans une rue sublimée de Tokyo où la surabondance de l’information est saisissante. Peintures, dessins mal faits, vidéo, musique collection de jouets transportent dans un ailleurs où l’avant-garde côtoie volontiers la décadence.
Le Miam s’abandonne à une puissance créative qui surpasse l’imagination et ne cherche pas à être contrôlable et encore moins contrôlée ce qui rend la visite très stimulante.
Jean-Marie Dinh
Jusqu’au 1er mars 2015
Edition. Le dernier Cri structure éditoriale indépendante
Pakito Bolino
Le dernier cri est une maison d’édition associative publiant tour à tour des livres des affiches, des cartes à jouer, des pochettes de disques et des vidéos, au sein de l’atelier sérigraphique de Pakito Bolino. La structure éditoriale indépendante, installée au sein de la Friche la Belle de Mai à Marseille, s’attache depuis vingt ans à promouvoir une forme d’expression décalée à l’interface de l’art brut et de la bande dessinée hors cadre et du graphisme déviant. Dans la lignée du mouvement intergraphique, Le dernier cri organise et participe à de nombreuses manifestations.
La maison d’édition s’attache depuis le début des années 90 à promouvoir les travaux d’auteurs évoluant de manière atypique. Dans la lignée de leurs aînés Hara-Kiri, Bazooka et Raw, le Dernier Cri entretient un penchant pour l’image torve qu’il cultive avec jubilation. Sans se départir de ses fondements éditoriaux, son catalogue, qui compte aujourd’hui plus de 300 titres, s’ouvre à des graphismes et des modes narratifs toujours plus innovants. Ce mélange de styles fait du Dernier Cri un véritable laboratoire d’une édition inventive, toujours grinçante mais néanmoins en prise avec les préoccupations de la société.
Atelier d’édition dédié aux innovations graphiques et aux nouvelles formes de métissage de l’outil multimédia, le Dernier Cri crée un lien entre les acteurs français et internationaux de la création SUB-graphique.
Source : La Marseillaise, L’Hérault du Jour, 25/10/2015
On commettrait une erreur de jugement en ne voyant en Simon Leys qu’un grand sinologue. Ou uniquement l’expert qui a pourfendu les illusions meurtrières des maoïstes occidentaux. Ou le lanceur d’alertes des China watchers. Celui qui vient de disparaître à l’âge de 78 ans des suites d’un cancer était tout cela, bien sûr, mais c’est celui qu’il était en sus et au-delà de ces qualités de spécialiste qui nous manquera. Entendez : un intellectuel d’une remarquable tenue intellectuelle et d’une rare exigence morale. De ceux qui mettent leurs actes en accord avec leurs idées, espèce en voie de disparition. Quelque chose de voltairien en lui dans l’ironie, la causticité, la férocité parfois, la curiosité toujours. Ses prises de position, appuyées sur une connaissance tant des textes que du terrain jamais prise en défaut, étaient gouvernées non par l’idéologie mais par sa conscience d’intellectuel, d’une rectitude parfois métallique.
Elevé au sein d’une grande famille belge, fils d’un sénateur et échevin, neveu d’un spécialiste d’épigraphie arabique, orné en droit et en histoire de l’art à l’Université catholique de Louvain, Pierre Ryckmans, son identité à la ville, avait découvert la Chine à 19 ans lors d’un voyage d’étudiants belges en délégation durant un mois. Quelques années après, il se mit à les étudier, langue, littérature, art et civilisation, au cours de longs séjours à Singapour, Taiwan et Hong-Kong. Pour n’être pas blacklisté en Chine, et espérer y retourner aussi souvent que possible afin d’y étudier « sur le motif », il avait, dès son premier essai sur Les habits neufs du président Mao publié en 1971 à l’instigation des situationnistes de Champ libre, adopté le pseudonyme de Simon (comme l’apôtre Pierre à l’origine) Leys (comme le personnage de Victor Segalen, mais aussi en hommage à un peintre anversois, comme le révèle Philippe Paquet dans sa nécrologie de la Libre Belgique, la plus complète qui lui ait été consacrée).
Las ! Il s’en trouva parmi les intellectuels maolâtres (la bande de la revue Tel Quel), dont il avait dénoncé l’aveuglement dans un pamphlet, pour le dénoncer, lui, mais autrement, dans un registre plus policier, en diffusant sa véritable identité. L’intelligentsia, à l’époque largement dominée par une gauche qui avait encore du mal à juger les totalitarismes communistes, ne lui pardonnait pas son entreprise de démythification de la Révolution culturelle, ne pouvant s’empêcher d’y voir la main de la CIA. Aux intellectuels occidentaux qui se laissaient berner par la propagande chinoise, convaincus de sa qualité de révolutionnaire et de culturelle, il martelait qu’en réalité ce n’était qu’ « une lutte pour le pouvoir, menée au sommet entre une poignée d’individus, derrière le rideau de fumée d’un fictif mouvement de masses”. Leur aveuglement le stupéfiait. Ce qui ne fit qu’augmenter l’ire de ses détracteurs. Cela avait plutôt pour effet de dynamiser son esprit iconoclaste, d’autant que, dans ces moments-là, rien ne lui importait comme une certaine idée du primat du politique, puisé dans sa lecture passionnée de l’oeuvre de George Orwell.
Piqué au vif, il poursuivit dans la même veine avec Ombres chinoises (1974) et Images brisées (1976), n’hésitant pas à croiser le fer aussi souvent que nécessaire. Traîné dans la boue par une certaine presse de gauche, notamment par Le Monde, il fut soutenu dès le début par des intellectuels tels que Etiemble et Jean-François Revel, lequel préfaça par la suite la réédition d’un volume de ses grands essais chez Bouquins/ Laffont. Le grand public découvrit la vigueur de son esprit critique lors d’un « Apostrophes » d’anthologie au cours duquel, faits, dates, noms, chiffres, arguments à l’appui, mais sans cuistrerie, il étrilla calmement mais implacablement la communiste italienne Maria-Antonietta Macciocchi dont le livre De la Chine s’écroula dès le lendemain en librairie, et dont la réputation ne se remit jamais de cette exécution en direct :
« De la Chine, c’est … ce qu’on peut dire de plus charitable, c’est que c’est d’une stupidité totale, parce que si on ne l’accusait pas d’être stupide, il faudrait dire que c’est une escroquerie”
Puis il revint à ses chères études, toutes d’érudition, sur la poésie chinoise notamment qu’il connaissait de l’intérieur pour la pratiquer. Il y a deux ans toutefois, dans le Studio de l’inutilité, le pamphlétaire se souvint de ce phénomène dont il ne se lassait pas de s’étonner, à savoir la cécité des Sartre, Foucault, Barthes, Kristeva, Sollers, alors qu’une partie d’entre eux avaient séjourné en délégation d’intellectuels invités en Chine en 1974 tandis qu’une purge sanglante s’y déroulait. « Une erreur de jeunesse » commentera Sollers plus tard en espérant n’avoir plus à y revenir.
Simon Leys en 1994 photo William West
Il enseignait la pensée chinoise dans des universités australiennes depuis les années 70 sans se limiter à la production de pamphlets politiques ; son œuvre de traducteur, non professionnel mais assidu, témoigne d’une authentique vocation de passeur avec ce que cela suppose de générosité ; Les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère de Shitao, penseur du pinceau et disciple de la grande pureté, lettré du XVIIème siècle auquel il consacra sa thèse, que Pierre Bérès avait tenu à publier chez Hermann en 1984, demeurent un souvenir puissant dans la mémoire de ses lecteurs d’alors. Maissa curiosité dépassait son univers de prédilection, sa passion de la mer lui ayant permis par exemple d’exhumer, tout aussi inoubliable quoique de portée plus modeste, Deux années sur le gaillard d’avant (1990) de Richard Henry Dana. Grand lecteur tous azimuts, critique littéraire sans concession d’autant qu’il vivait loin de tous les milieux littéraires possibles, il assurait n’avoir jamais aussi bien lu qu’en Australie, même s’il enseignait à l’université, car là-bas, disait-il, il avait le temps. Quand il s’emparait d’un classique, comme il le fit du Quichotte, c’était pour le revisiter de fond en comble et lui consacrer cinquante pages dans l’espoir d’enrichir notre intelligence de l’oeuvre. Cette mise à distance encourageait également un humour et une ironie qui lui faisaient souvent tourner en dérision non le sérieux mais l’esprit de sérieux.
Un jour, il y a longtemps, de passage à Paris, il avait demandé à un ami commun à me rencontrer. J’en étais flatté en me demandant bien ce que je pouvais lui apporter. Peut-être par rapport à la biographie de tel marchand de tableaux car je savais qu’il avait rêvé d’être peintre et qu’il refoula cette vocation. Dès le début du dîner, nous évoquâmes son compatriote Simenon, sur qui je n’avais encore rien écrit, et à l’œuvre duquel il vouait une admiration sévère et critique, comme en témoignera son discours devant l’Académie royale de Belgique lorsqu’il fut élu au fauteuil du romancier. Mais tel n’était pas son objet.
Il avait écouté toute une semaine sur France-Culture un « A voix nue » que j’avais fait avec Antoine Blondin et voulait partager sa passion pour cette prose lumineuse et généreuse, ses éclairs de joie enivrée et ses mélancolies les plus sombres. Il était ravi de trouver quelqu’un avec qui s’enchantait toute une soirée de Monsieur Jadis et de Un singe en hiver, romans dont il pouvait réciter des pages avec un rare bonheur dans le regard et une passion intacte pour la langue française dès lors que sa littérature faisait chanter la poésie en elle. Alors Simon Leys redevenait Pierre Ryckmans sans que jamais l’un n’ait porté ombrage à l’autre.
Rodez – Le maire de Rodez, Christian Teyssèdre (PS), a déploré jeudi « l’absence totale » d’aide de l’Etat au fonctionnement du musée Soulages, labellisé « musée de France », que le président Hollande inaugurera vendredi.
L’Etat ne donne pas un centime pour le fonctionnement des trois musées de notre ville auxquels il a accordé le label +musées de France+« , a expliqué à l’AFP M. Teyssèdre, évoquant le musée Soulages, le musée des beaux-arts Denys-Puech et le musée d’histoire et d’archéologie Fenaille abritant une collection unique de statues-menhirs.
Le maire a pointé « des inégalités territoriales« en disant: « Ici, à Rodez, les +musées de France+ sont financés à 100% par le contribuable local (pour leur fonctionnement, ndlr), tandis que ceux qui ont ce statut à Paris sont financés par l’Etat. » Alors M. Teyssèdre prévoit de dire au chef de l’Etat qu’il ne comprend pas « pourquoi on aide les +musées de France+ dans la capitale et pas dans nos territoires ruraux« .
L’élu socialiste reproche aussi à l’Etat d’avoir « piqué » à sa ville « 6% de dotation globale de fonctionnement » pour 2014, en application de la loi de finances. « Je dirai à François Hollande qu’on veut bien participer à l’effort de redressement national mais qu’une telle baisse d’un coup, c’est trop! Les frais de personnel augmentent et les attentes sont importantes parce qu’il y a une augmentation de la pauvreté et de la précarité.«
Le projet du musée Soulages – d’un coût de 25 millions d’euros TTC – a été principalement porté par la communauté d’agglomération du Grand Rodez. L’Etat a apporté 4 millions, de même que la Région Midi-Pyrénées, tandis que le département de l’Aveyron a donné 2 millions.
Le projet avait été lancé il y a dix ans par le précédent maire, Marc Censi (UMP). M. Teyssèdre l’avait repris à son arrivée à la mairie, en 2008.
« Tout le monde nous dit +c’est un beau musée+. Mais on l’avait lancé quand il n’y avait pas la crise et on se retrouve à devoir le faire fonctionner en temps de crise: il faut qu’on assume et qu’on ne compte que sur nous« , a dit le maire, estimant à « 1,2 million d’euros le coût de fonctionnement » annuel de l’établissement.
Dans l’Aveyron – seul département de Midi-Pyrénées présidé par un élu de droite – M. Teyssèdre avait été largement réélu à la mairie de Rodez en mars, alors que la gauche perdait Millau et Decazeville.
Le conseiller municipal de Rodez Jean-Louis Chauzy (PS), président du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), a publié de son côté une tribune appelant à « créer une vraie solidarité entre les collectivités » pour ne pas laisser Grand Rodez (54.000 habitants) payer seule la facture du fonctionnement du musée Soulages.
Source : AFP 29/05/2014
Lettre Ouverte
Je faisais partie des quelques personnes qui souhaitaient venir à votre rencontre lors de votre venue à Rodez pour inaugurer le Musée Soulages le vendredi 30 mai. Je vous écris parce que je suis persuadé que vous n’avez pu ni voir ni entendre ni sentir ce qui se passait à une centaine de mètres d’où vous vous trouviez. Tant de personnes vous entourent dans ces circonstances que vous apparaissez comme « coupé » du citoyen.
Les agents de la force publique, armés, que vous avez placé par centaines dans la ville m’ont empêché de m’approcher du lieu de votre passage. Des personnes qui voulaient aller dans la direction du musée sont passés. Ils ont pu le faire. Mais d’autres, dont je faisais partie, n’ont pas pu passer.
Les forces de l’ordre m’ont tout d’abord arraché mes lunettes. Puis frappé le crâne à coups de poing. Puis, au moins cinq ou six de vos agents ont, à bout portant, déchargé des vaporisateurs de produits poivrés dans les yeux et ceux de mes amis avec qui je me trouvais. Le tout sans avertissement. Par la suite, pensant peut être que nous étions encore trop près de vous, vos fonctionnaires ont lancé des grenades lacrymogènes en direction des quelques personnes que nous étions. Une petite centaine d’après les renseignements publiés par vos fonctionnaires. Notez au passage, et c’est important, que lorsqu’on détient la force, comme vos agents, lorsque l’on est armé comme le sont vos gens, il n’est pas très glorieux de lancer des grenades sur des gens désarmés, sur des personnes âgées, sur des enfants présents dans la rue à ce moment … Malheureusement, on peut penser que c’est sur vos ordres qu »ils ont agit ainsi.
Je suis, pour ma part, père de 5 enfants, plusieurs fois grand père, amoureux de la culture maraîchère. Si je me trouvais là c’est parce que je ne comprends pas que votre gouvernement s’apprête à agréer un texte voulu entre autres par le Medef et la CFDT qui, manifestement, va accentuer la précarité des chômeurs les plus précaires. C’est à dire des plus précaires d’entre les citoyens. J’aurais voulu pouvoir vous le dire. Je peux vous assurer que j’ai bien d’autres courgettes et tomates à planter en ces jours de printemps plutôt que d’aller me faire frapper un vendredi de mai en pays ruthénois …
Nous, nous n’étions pas armés.
Tout juste avions nous un immense drapeau rouge pour bannière. Je ne vous fais pas l’injure de penser que vous ne connaissez pas la symbolique du drapeau rouge, bien avant qu’il ne soit repris à juste titre par des partis politiques contemporains …
Avez-vous peur à ce point que vous en veniez à vous déplacer avec un tel service de sécurité ? Cela fait penser à votre prédécesseur qui mettait les villes en quasi état de siège pour venir les visiter. Vous qui parliez, en début de mandat que, président normal vous feriez vos visites dans notre pays en vous déplaçant en train sur le réseau Sncf au milieu de vos concitoyens.
Avez vous peur à ce point que vous ne pouvez plus rencontrer ce peuple de gauche qui vous a élu et qui ne comprend pas votre politique sociale qui semble résonner au son du Medef et du CAC 40 ?
Enfin, quelques mots sur une situation ubuesque : un de mes amis qui présent lors de ce rassemblement à était littéralement happé par vos policiers et emmené, menotté, arrêté, détenu en garde à vue et enfin, convoqué en correctionnelle au motif de violence à agent. Il est accusé d’avoir frappé non pas un mais deux CRS ! Un détail dans cette histoire qui vous semblera banale : cet ami a 22 ans et doit faire aux alentours de 50 kg. Il est d’un tempérament plutôt calme et bon enfant. Alors, croire et faire croire qu’il a pu « frapper » deux de vos gardes d’un gabarit de 90 kg, casqués, harnachés de jambières, genouillères et rangers est simplement ahurissant ! Lors de son passage au tribunal, il ne manquera pas de témoins de la scène prêt à établir la réalité.
L’histoire ne retiendra rien de cet événement. En revanche, soyez assuré qu’il procédera au renforcement du sentiment d’abandon, de démission à la cause de la classe dont nous sommes issus. Cela ne peut qu’ajouter à la sensation d’injustice et au constat de distance qui s’installe entre dirigeants se réclamant de la gauche et le peuple que nous sommes. Je n’ose employer le mot de trahison, bien qu’il soit sur beaucoup de lèvres. Devons nous être assurés que vous voulez abdiquer devant les forces du grand capital ? Souvenez vous du « camp » duquel vous venez. Vous avez revendiqué l’héritage de Jaurès. Pensez vous que Jaurès aurait envoyé des gardes armés sur les ouvriers, les paysans, les artistes, leurs techniciens, les salariés, les fonctionnaires, les chômeurs et autres précaires qu’il l’aurait élu ?
Tout comme vous, nous ne nous résignons pas à voir notre société envahie par l’injustice et l’arbitraire. C’est bien la raison pour laquelle nous voulons faire entendre notre voix. L’entendez vous ? Nous, nous ne renoncerons pas. Nous ne capitulerons pas. Soyez assurés de notre détermination si vous avez besoin de compter sur les forces de ce pays. Nous en sommes ! Allez affronter les forces de la finance internationale avec notre force à nous puisque vous avez reçu mandat aussi en ce sens après votre discours du Bourget.
Pour finir, j’en appelle à la conscience de vos camarades de parti. Et je leur pose la question : la fumée, les détonations, les CRS et gardes mobiles par centaines dans les rues de Rodez pour une visite d’un président issu de vos rangs : était-ce vraiment ce que vous vouliez ?
Souhaitiez-vous voir frapper par les CRS, en votre nom, celles et ceux qui se sentent victimes d’accords négociés par le Medef dans ses locaux ?
Est-ce cela que vous voulez ?
Nous vous donnons rendez vous avec l’histoire. Quelle part voulez vous prendre ? Accompagner la dérive financière ou contrer la dérive financière du grand capital qui dicte toujours plus sa loi ? La loi de ces grands groupes qui inondent le monde d’injustice et de désespoir. Qui apportent la désolation, celle qui crée la peur et engendre la violence.
Recevez mes salutations.
Alain Bellebouche
PS : pouvez vous me faire parvenir la liste des composants des produits aérosols gaz poivre que vous commandez, faites fabriquer et distribuez à vos agents de sécurité ?
Comédie du Livre. La 29ème édition débute ce soir. Tandis que l’on s’apprête à découvrir les passionnantes lettres du Nord, des interrogations planent sur la 30ème édition.
Grand événement culturel montpelliérain autour des livres et des pensées, légères ou profondes, qu’ils génèrent, La Comédie du livre débute ce soir avec une soirée d’ouverture* consacrée à l’écrivain islandais Arnaldur Indridason. Auteur emblématique des littératures nordiques invitées de cette 29 édition, Indridason donne dans le roman policier. Il est traduit dans trente-sept pays et édité aux éditions Métailié qui fêtent cette année leurs 35 ans à Montpellier. Mais surtout, Indridason a construit son œuvre en l’imbriquant intimement dans le tissu de la réalité de son pays, comme la majeure partie de ses homologues nordiques invités à Montpellier.
Ce sont ces réalités, historiques, économiques, politiques, sociales culturelles et environnementales que vont nous donner à sentir et à lire, plus de trente écrivains venus de la Norvège, d’Islande, de Suède, de la Finlande ou du Danemark. A noter que ce lien étroit entre littérature et réalité, propre aux écrivains du nord, n’est pas l’apanage du roman noir qui reste brillamment représenté. A commencer par Maj Sjöwall qui en a fait dès 1965 une arme politique en dessinant une virulente critique de la société suédoise.
Katja Kettu
Les orfèvres de la blanche
La littérature dite blanche ne se trouve pas en reste pour faire voler en éclat le fameux modèle social scandinave. On se délectera avec l’écriture des Finlandaises Johanna Sinisalo, qui mêle adroitement drame intime et catastrophe écologique, et Katja Kettu dont la voix éclatante nous plonge en pleine guerre de Laponie dans La Sage-femme. De même que la nature, l’histoire est souvent présente, dans les récits scandinaves. La suédoise Katarina Mazetti en donne une brillante illustration. Le monde entier peut s’effondrer, le grand arbre du monde résiste décrit la prophétesse. Depuis les lointaines sagas, l’univers surnaturel traverse les littératures du nord. Jusqu’au réalisme magique de Sjon, qui incarne la nouvelle génération d’auteur islandais. Parolier de Björk, il est aussi dramaturge. Il ne faudra pas manquer l’illustrateur suédois Lars Sjunnesson, devenu l’emblème de la communauté punk pour sa très irrévérencieuse manière de défier l’autorité et la bourgeoisie. Dans un autre registre on plongera au cœur de l’histoire norvégienne avec les six volumes du Roman de Bergen de Gunnar Staalesen qui nous immerge dans cette ville de 250 000 habitants en explorant toutes les composantes historiques, sociales et politiques, sur plus d’un siècle. Arni Thorarinsson dissèque, lui, la société actuelle islandaise et la crise qui l’ébranle. L’occasion nous est offerte de fréquenter ces littératures et de découvrir la place prépondérante qu’elles occupent aujourd’hui.
Changements en perspective…
Depuis 2011, année où la direction de l’événement a été confiée à l’association Cœur de Livres composée de libraires, la Ville de Montpellier, via la direction des affaires culturelles, a recentré la manifestation autour de la littérature des pays invités. Voyant là un moyen de palier à la dispersion des propositions et d’approfondir le contenu littéraire. En quatre ans, la solidarité et l’organisation entre les libraires se sont renforcées et la manifestation a gagné en qualité, mais la situation économique des libraires, historiquement à l’origine de l’événement, s’est tendue. Chaque année un lot de libraires disparaissent en France, et Montpellier qui demeure une ville de grands lecteurs n’est pas épargnée. La crise on le sait, ne ménage pas non plus les fonds publics.
Le nouveau maire Philippe Saurel qui avait pris soin de ne pas s’engager sur la question en tant qu’adjoint à la culture, s’est fixé comme objectif d’étendre la manifestation à l’ensemble des quartiers de la ville. Lors de la présentation, il a insisté sur le coût actuel de la manifestation (500 000 euros) et sommé l’association Cœur de livres de trouver un(e) président(e). Cédric de Saint Jouan, l’adjoint à la culture de Montpellier a quant à lui pris son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de tous les libraires. Pour la trentième édition, on s’attend à une redistribution des cartes. Dans quelle mesure les changements vont s’opérer, et quelles en seront les conséquences ? Difficile de le dire.
Le maire a rappelé à tous les acteurs la relation unissant la littérature au réel. Mais ce n’est pas une relation à sens unique. Le réel est aussi tributaire de la littérature. En attendant, les Montpelliérains ont ancré le rendez-vous sur leurs tablettes et personne ne songe un instant à leur couper l’accès aux livres. Ils vont découvrir avec bonheur la cohorte des écrivains nordiques et leur sens de la collectivité, ce qui pourrait leur donner l’envie d’écrire…
Jean-Marie Dinh
L’Hérault du Jour 22/05/2014
* A 19h Centre Rabelais.
Les éditions Gaïa : la connexion Landes-Grand Nord qui fait mouche
Herbjorg Wassno
Vingt ans après la publication de La Vierge froide et autres racontars de Jorn Riel, Gaïa compte plus de 200 auteurs dans son catalogue. La majorité d’entre eux est originaire de l’Europe septentrionale mais la maison d’édition s’est ouverte à d’autres régions du globe en accueillant des auteurs des Balkans ou d’Allemagne.
Basée dans les Landes, Gaïa fait partie des pionniers qui ont donné à voir le vrai visage des littératures du Nord. Des fictions qui ne signifient point frimas et âpreté, lieux communs longtemps véhiculés par l’imaginaire collectif, mais qui tend à disparaître depuis que l’excellente série Borgen a mis en lumière le dynamisme et la modernité de la démocratie danoise via le personnage fictif de Birgitte Byborg (qui n’est pas sans rappeler Helle Thorning-Schmidt), auprès du grand public.
Les lecteurs connaissent d’ailleurs plusieurs succès scandinaves publiés et remarquablement traduits sous l’œil avisé de Susanne Juul, la fondatrice de Gaïa. C’est probablement le cas du roman Le mec de la tombe d’à côté de Katarina Mazetti, qui sera présente à Montpellier. Quatre autres auteurs de la maison d’édition seront également de la partie comme Jorn Riel ou la très populaire spécialiste des sagas, Herbjorg Wassno, dont la trilogie Le Livre de Dina fut adaptée au cinéma. L’auteur de polar Gunnar Staalesen viendra avec sa célèbre fresque à suspens Varg Veum, dont le dernier tome intitulé Face à Face ouvre sur la découverte d’un mystérieux cadavre dans la salle d’attente pourtant pas si hospitalière du détective. Enfin, Leif Davidsen sera accompagné de son tout dernier roman, Le gardien de mon frère, qui mêle avec ambition intrigues et grande histoire.
Pour Marion Lasalle, ce rendez-vous était incontournable : «Nous sommes très contents d’avoir des auteurs invités à la Comédie du Livre car c’est un événement à rayonnement national. Nos auteurs ne sont pas aussi connus que les têtes d’affiche, mais c’est l’occasion pour le public de découvrir qui se cachent derrière des romans qui ont eu un succès honorable et qui ne se déplace que très rarement en France.»
Désireuse de suivre ses romanciers sur l’ensemble de leur œuvre plutôt que sur un seul livre, Gaïa défend une ligne éditoriale dont la cohérence repose sur la qualité plutôt que le marketing. «Nous comptons sur le bouche à oreille des libraires qui nous restent fidèles. En 2006, Le Mec de la tombe d’à côté démarrait très doucement en France et c’est leur engouement qui a fait décollé le roman. C’est pour cela que nous privilégions ce réseau, avant les ventes en ligne, même si on ne peut pas les négliger, souligne Marion Lasalle. Mais on se bat pour que les librairies indépendantes puissent nous représenter car, sans elles, une maison d’édition comme Gaïa n’existerait plus.»
Géraldine Pigault
Rencontre dimanche 25 mai 11h30 au Centre Rabelais
En bref Programme Modification et annulation
Changement d’horaires : la table ronde autour de la Fantasy aura lieu dimanche à 10h avec Jérôme Noirez et Laurent Kloetzer (toujours à l’auditorium du Musée Fabre). Annulation : les auteurs Étienne Klein, Valter Hudo Mae, Annie Pietri et Jean-Philippe Blondel ne pourront être présents.
Sélectionvendredi Anticipation et critique sociale
Avec Johanna Sinisalo , Rosa Montero et Thomas Day.Venue de Finlande, d’Espagne ou de France, les œuvres de ces trois écrivains illustrent la vitalité et la grande diversité du roman d’anticipation européen. Mais l’invention d’imaginaire ne doit pas occulter la dimension critique d’intrigues qui n’hésitent pas à mettre fortement en accusation les travers et dérives bien réelles de nos sociétés. Demain à 14h30 Centre Rabelais.
Grand Entretien avec Sjón
Sjón l’inclassable a récemment été qualifié de « Mage du Nord » par la grande romancière britannique A.S. Byatt. Considéré comme « le fer de lance du réalisme magique à l’islandaise », Sjón crée des fictions mêlant Histoire et surnaturel, légendes et souvenirs vécus, excelle dans l’art de la citation, multiplie les intrigues, avec pour seul principe le plaisir de raconter des histoires. À découvrir absolument. Demain à La Panacée à 11h30.