Deux manifestants ont été tués lors de heurts avec la police mardi à Suez (nord de l’Egypte), et un policier est mort des suites de blessures au Caire, selon des sources médicales et sécuritaires. Les deux manifestants de Suez sont décédés après heurts marqués par des jets de pierres contre la police, qui a répliqué avec de tirs de gaz lacrymogènes, selon des sources médicales et de sécurité.
Le policier au Caire a succombé après avoir été battu par des manifestants lors d’un rassemblement dans le centre ville, selon la sécurité égyptienne. Des milliers de personnes ont défilé mardi à travers toute l’Egypte pour demander le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trois décennies, prenant exemple sur les manifestations tunisiennes qui ont provoqué le départ précipité du président Zine El Abidine Ben Ali.
«Moubarak dégage», ont scandé sans précaution de langage des milliers d’Egyptiens venus exprimer leur ras-le-bol d’un régime devenu pour eux synonyme de pauvreté et de répression. Parmi la foule sur la grande place Tahrir, au centre du Caire, Ibrahim, un juriste de 21 ans, ne mâche pas ses mots: «nous avons un régime corrompu qui veut poursuivre l’oppression sans fin».
Ahmed, un avocat de 28 ans, a lui aussi suivi avec passion la fuite sous la pression populaire du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, après 23 ans de pouvoir, contre presque 30 pour Hosni Moubarak. «Nous devons aujourd’hui nous tenir debout comme des hommes, enfin», affirme-t-il. Mohamed, un technicien informatique, renchérit; «moi aussi, je suis venu parce qu’il faut renverser ce régime», assure-t-il.
«Moubarak dégage, tu es injuste, tu nous affames, tu nous tortures dans tes commissariats, tu es un agent des Américains», lançait une mère de famille venue manifester dans le quartier de Mohandessine, dans l’ouest du Caire, un drapeau égyptien à la main. D’autres manifestants prenaient d’assaut les caméras des télévisions étrangères avec le même mot à la bouche ou sur des pancartes: «dégage». Ailleurs, ce sont les slogans tunisiens qui ont fait mouche, comme «Pain, Liberté, Dignité».
Le départ de Ben Ali alimente aussi les «nokta», les blagues politiques dont les Egyptiens sont friands, du genre: Ben Ali appelle Moubarak depuis l’avion à bord duquel il part en exil pour Djeddah, en Arabie saoudite: «Allo Hosni, regarde ce qu’ils m’ont fait. Tu peux m’héberger cette nuit»? Moubarak répond: «Bien sûr que non. Tu es cinglé? Regarde dans quel pétrin tu nous a tous mis. Vas en Arabie Saoudite, et dis-leur que je pourrais bien faire un pèlerinage anticipé cette année».
Environ 15.000 personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers du Caire, notamment aux abords des bâtiments officiels du centre-ville, selon les services de sécurité. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour tenter de disperser les manifestants. Selon des spécialistes, ces manifestations anti-gouvernementales sont les plus importantes depuis les émeutes de 1977 provoquées par une hausse du prix du pain.
Pavé. En partenariat avec la librairie le Grain des mots, Les Amis du monde Diplomatique ont invité Lounis Aggoun pour son livre accablant sur l’Algérie : La colonie Française en Algérie, 200 ans d’inavouable.
Le livre très documenté du journaliste indépendant Lounis Aggoun La colonie Française en Algérie, 200 ans d’inavouable a donné lieu jeudi à un échange édifiant sur une histoire de l’Algérie qui ne fait pas débat. L’auteur s’explique d’entrée sur son « forfait ». Il a voulu se confronter à la vérité sur l’histoire de l’Algérie. D’où ce pavé de 600 pages dont les faits ne prêtent pas à l’interrogation. « Ce qui s’est passé est reconnu. Je me suis contenté de réunir bout à bout des documents éparses et des travaux de différents historiens pour reconstituer un puzzle. A partir de là j’en ai tiré les conclusions…«
Si les rapports entre la France et l’Algérie ont souvent été qualifiés d’exécrables, depuis 62 la seule ligne qui n’a jamais été rompue est celle des services secrets français avec leurs homologues algériens. Il reste à ouvrir bien des archives pour que l’on en sache davantage. Mais celles-ci demeurent toujours fermées.
Le regard linéaire proposé par Lounis Aggoun sur la période qui fait suite à l’indépendance de 1962 fait resurgir une série d’épisodes chaotiques, qui laissent cruellement imaginer la souffrance d’un peuple. Peuple littéralement sacrifié par les intérêts d’un petit groupe de généraux algériens. La thèse principale que développe l’auteur entre en contradiction avec l’histoire officielle. Elle accrédite l’idée que le pouvoir n’a pas été rendu au peuple algérien en 62, mais a été accaparé par un groupe initialement choisi par De Gaulle pour protéger les intérêts de la France. Après une désertion organisée, le groupe d’officiers glissé auprès des résistants algériens pour noyauter le FLN apparaît au journaliste comme un acte fondateur qui va jeter les jalons de la dictature. Un demi siècle plus tard, celle-ci perdure après de multiples purges et manipulations dont celle des islamistes. Il apparaît que le groupe islamique armé (GIA) était une émanation de la Sécurité militaire algérienne. Tous les chapitres du livre sont passionnants notamment celui qui met en évidence le contrat passé entre Charles Pasqua et le pouvoir algérien. Un deal d’escrocs qui aboutit à l’arrêt des attentats contre le nettoyage des opposants au régime algérien en France. Un pacte diabolique qui s’inscrit à la suite de la vague d’attentats en France dans les années 85-86.
La vision réaliste qu’offre Lounis Aggoun est aussi celle d’un homme meurtri par le mensonge des usurpateurs et l’atroce condition dans laquelle se trouve son peuple. « Les Algériens souhaitaient la liberté; on les a plongés dans la dictature. Ils ont voulu imposer la démocratie en 1988; on les a plongés dans l’horreur. » Mais une nouvel ère s’ouvre peut-être au Maghreb pour le peuple algérien à genoux après la désertion de Ben Ali en Tunisie.
Jean-Marie Dinh
La colonie Française en Algérie 200 ans d’inavouable Editions Demi Lune 23 euros.
LE CONTEXTE — Après un mois de manifestations, et au moins 80 morts, le dictateur Ben Ali a quitté vendredi la Tunisie après 23 ans de pouvoir. Il a trouvé refuge en Arabie Saoudite.
17h45. Le porte-parole du gouvernement François Baroin a assuré qu’il n’avait «jamais été question d’une présence» de Ben Ali «sur le sol français», précisant qu’une telle demande n’avait «pas été formulée» et qu’elle «n’aurait pas été acceptée». Quant aux proches de l’ex-président présents sur le sol français — ils ont été vus dans un hôtel du parc Eurodisney — , ils n’ont «pas vocation à rester» et ils «vont le quitter».
17h30. «Le peuple est dans la rue. Il a donné son sang pour libérer la Tunisie». Reportage dans les rues de Toulouse, où 500 personnes exprimaient leur joie ce samedi après-midi. A lire sur LibéToulouse.
16h10. Ils étaient environ 800 à Lyon à manifester pour célébrer la chute de Ben Ali. Et plusieurs milliers (8000 selon l’AFP) dans les rues de Paris. Beaucoup de Tunisiens, mais aussi des Algériens, des Français, dont beaucoup de militants syndicaux et politiques. L’hymne tunisien est entonné sans cesse, les tunisiens sont en liesse, malgré les inquiétudes qui s’expriment quant aux violences qui se produisent toujours dans le pays.
(A Paris, samedi après-midi/ Elodie Auffray)
«La police de Ben Ali pille actuellement le pays. ce n’est pas le peuple, clame une manifestante sur sa pancarte». «Il faut nous aider, ajoute Kamel, 50 ans. La mafia de Ben Ali est en train de tout brûler et de tout casser. Le peuple tunisien n’est pas tombé dans les pièges qui lui sont tendus. Cette révolution est magnifique, historique et on tient à ce que ça reste comme ça».
15h30. «Tous les Tunisiens sans exception et sans exclusive» seront associés au processus politique, a affirmé le président tunisien par intérim, Foued Mebazaa, dans une brève allocution après sa prestation de serment. Il a également annoncé que le Premier ministre sortant Mohammed Ghannouchi était toujours chargé de former un nouveau gouvernement, ajoutant que «l’intérêt supérieur du pays nécessite un gouvernement d’union nationale».
14h30. Communiqué du gouvernement égyptien: «L’Egypte affirme son respect des choix du peuple tunisien et est confiante que la sagesse des frères tunisiens les incitera à la retenue et empêchera le pays de plonger dans le chaos».
14h10. Conclusion de la réunion interministérielle à l’Elysée ce midi: Paris appelle «à l’apaisement et à la fin des violences» en Tunisie, et demande «des élections libres dans les meilleurs délais», lit-on dans un communiqué de Nicolas Sarkozy. Et aussi: la France apporte un «soutien déterminé» à «la volonté de démocratie» des Tunisiens.
«Tunisiens restez debout le monde est avec vous»
13h45. Rassemblement place de la République à Paris. Plus de mille personnes sont déjà réunies pour participer à la «manifestation de soutien aux luttes des peuples tunisiens et algériens». Concert de klaxons, hymne national chanté à tue-tête, drapeaux tunisiens sur les épaules… L’ambiance est plutôt festive. «Avec mon âme, avec mon sang, je te protège Tunisie», chantent aussi les manifestants qui ont envahi la chaussée, bloquant la circulation, les services d’ordre se mettent peu à peu en place.
Beaucoup de manifestants exigent le départ du Premier ministre Mohammed Ghannouchi qu’ils considèrent comme complice de Ben Ali. Sur les pancartes, on lit aussi: «c’est fini Ben Ali», «Ben Ali assassin, Sarkozy complice», «Tunisiens restez debout le monde est avec vous» Et encore: «Yes we can» au recto, «Yes we did» au verso. Notre reporter, Elodie Auffray, rapporte aussi ses propos d’une mère expliquant à sa fille: «On est là parce que les Tunisiens ont réussi à se libérer de leur dictateur. Mais, pour l’Algérie aussi ça va venir»
(Place de la République, samedi. / Elodie Auffray)
13h20. «Que va-ton faire à présent en Algérie, alors que Ben Ali est chassé du pouvoir par la rue?». La presse algérienne estime que la révolte des Tunisiens devrait constituer un exemple pour les autres pays arabes. Petite revue de presse ici.
Une prison incendiée, 42 morts
13 heures. Un grave incendie a ravagé une prison de Monastir, dans le centre-est de la Tunisie. Il y aurait au moins 42 morts selon un médecin.
12h32. Les opposants et exilés tunisiens sont libres de rentrer au pays, affirme le Premier ministre tunisien sortant, Mohammed Ghannouchi. «Ils peuvent rentrer quand ils veulent. C’est leur pays», a-t-il déclaré à Al-Jazira.
12h30. En France, Bruno Gollnisch, le vice-président du FN, y va de son petit commentaire. A peine arrivé au congrès du FN qui s’est ouvert à Tours, il juge «minable» que la France n’ait pas accordé l’asile à Ben Ali «avec lequel elle avait eu des relations extrêmement chaleureuses et suivies, au motif que l’on craindrait les réactions des Tunisiens en France». «Je trouve ça assez débectant, assez minable, quel qu’ait été le régime de M. Ben Ali».
Midi.Des proches de Ben Ali à Disneyland… Ils auraient trouvé refuge dans un hôtel de Seine-et-Marne, dans l’un des quartiers VIP du Disneyland Hotel à Marne-la-Vallée, lit-on dans le Parisien. Ils seraient arrivés depuis quelques jours avant que Ben Ali ne quitte le pouvoir hier soir.
Retour sur le mois de contestation en Tunisie. En images et vidéos. C’est par ici…
11h30.Le président du Parlement, Foued Mebazaa, a été proclamé samedi président par intérim par le Conseil constitutionnel écartant ainsi la possibilité d’un retour à la tête de l’Etat de Ben Ali qui a fui en Arabie saoudite.
(Photo de Foued Mebazaa, datant de 2004 / Reuters)
11h15.Tous les aéroports tunisiens sont rouverts au trafic aérien (officiel).
10h30. Sarkozy convoque une réunion interministérielle à l’Elysée samedi à midi «sur l’évolution de la situation en Tunisie et sur celle des ressortissants français» dans ce pays. Sont convoqués le Premier ministre François Fillon et les ministres Alain Juppé (Défense), Michèle Alliot-Marie (Affaires étrangères), Brice Hortefeux (Intérieur) et François Baroin (Budget, porte-parole du gouvernement).
La fuite de Ben Ali passionne la presse française. Revue de presse à lire ici.
9 heures. Les Tunisiens le surnommaient «Benavie». Finalement, il a duré vingt-trois ans. A lire dans Libé d’aujourd’hui, le portrait de Ben Ali.
8h45. L’hypermarché Géant, à la sortie nord de Tunis, a été pillé, a constaté un photographe de l’AFP.
Ce samedi 15 janvier. (AFP)
8 heures. La police a commencé à isoler le cœur de Tunis en fermant les accès à l’avenue centrale Bourguiba. Des barrières métalliques ont été dressées au travers des rues débouchant sur l’avenue Bourguiba, interdisant le passage des rares voitures et piétons.
Ce dispositif de sécurité semble avoir été décidé en application de l’état d’urgence décrété vendredi avec interdiction de tout rassemblement, au lendemain d’une nuit de destruction et de pillages dans plusieurs banlieues de Tunis.
Dans les rues de Tunis, vendredi. (Zohra Bensemra/Reuters)
7 heures. Le centre de Tunis est désert après une nuit de destruction et pillages dans plusieurs quartiers périphériques. La confusion règne sur l’heure de levée du couvre-feu en raison d’informations contradictoires, certains parlant de 6 heures, d’autres de 7 heures.
Des destructions et des pillages ont menés par des bandes de personnes encagoulées, selon les témoignages d’habitants apeurés relayés par les télévisions locales durant la nuit.
2 heures. Communiqué officiel de l’Arabie saoudite: «Le gouvernement saoudien a accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume». Le détail, ici.
Hier soir: La compagnie Air France a annulé jusqu’à nouvel ordre tous ses vols à destination de Tunis.
L’émeute et le suicide sont devenus les modes d’expression privilégiés du malaise maghrébin. Depuis trois semaines, la Tunisie est en proie à une agitation multiforme, qui a débuté par le geste de colère et de désespoir d’un jeune diplômé chômeur, qui s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid, et affecte désormais tout le pays et plusieurs secteurs de la société : avocats, lycéens, qui ont violemment manifesté vendredi à Tala (ouest) et à Regueb (centre), où cinq manifestants auraient été blessés. En Algérie, c’est une brutale hausse des prix de plusieurs denrées de base qui a jeté la jeunesse dans la rue depuis le début de la semaine. Après une pause dans la matinée, les troubles ont redémarré vendredi après-midi à Alger, Oran (ouest) et Annaba (est), forçant le pouvoir à une réunion d’urgence samedi pour étudier les moyens de juguler l’inflation.
1983 en Tunisie, 1988 en Algérie : les émeutes du pain avaient déstabilisé les pouvoirs en place, entraînant, en Tunisie, un «coup d’Etat médical» de Ben Ali contre Bourguiba quatre ans plus tard, et en Algérie, une démocratisation mal maîtrisée, qui a mené les islamistes du FIS aux portes du pouvoir et le pays à la guerre civile. Ces deux nations, dont la taille, l’histoire et les économies ne sont pas comparables, partagent pourtant deux points communs de taille : des systèmes politiques autoritaires et sclérosés et une jeunesse pléthorique et sans espoir. C’est aussi le cas du Maroc et de l’Egypte et de telles explosions sociales y sont tout à fait possibles, voire probables. Paralysées, l’Europe et la France, sont restées quasiment muettes depuis le début de cette crise. Seuls les Etats-Unis ont convoqué, vendredi, l’ambassadeur tunisien pour lui faire part de leur «préoccupation» et lui demander que soit respectée la «liberté de rassemblement».
Les raisons de la colère
En Tunisie, c’est le geste de Mohamed Bouazizi qui a mis le feu aux poudres. Ce diplômé chômeur de 26 ans, dont la famille est étranglée par les emprunts, s’est immolé par le feu, le 17 décembre, devant la préfecture de Sidi Bouzid après la confiscation de la marchandise qu’il vendait à la sauvette. Grièvement brûlé, il est mort mardi. Chômage, absence d’emploi et de perspective d’avenir, mépris des autorités qui ont refusé de le recevoir : le cas Bouazizi a ému les habitants de Sidi Bouzid et fait des émules. La violence de la répression policière a alimenté la colère de la jeunesse : une semaine plus tard, la police tuait deux manifestants à Menzel Bouzaiane (dans le centre du pays). Des avocats qui entendaient manifester leur solidarité ont été violemment battus le 28 décembre. D’où la grève générale de la profession observée jeudi. Depuis une semaine, ce sont surtout les lycéens qui entretiennent la flamme de la contestation.
En Algérie, une hausse brutale des prix des denrées de première nécessité (23% pour les produits sucrés, 13% pour les oléagineux, 58% en un an pour la sardine) a entraîné des troubles à Oran, puis en Kabylie et à Alger. Le rituel de l’émeute sociale n’est pas nouveau en Algérie, mais ce qui l’est, c’est la simultanéité et l’ampleur des troubles.
Qui se soulève ?
En Algérie, comme dans le reste du Maghreb, ils sont ceux qu’on appelle «les diplômés chômeurs». En Tunisie, le taux de chômage des jeunes diplômés, officiellement de 23,4%, frôlerait en réalité les 35%. En Algérie, le même indicateur toucherait plus de 20% des jeunes diplômés, très loin des 10% officiels. Au Maroc, où le mouvement des diplômés chômeurs est institutionnalisé depuis plus d’une décennie, six d’entre eux ont d’ailleurs tenté de s’immoler devant le ministère du Travail, à Rabat, dans les jours qui ont suivi l’affaire de Sidi Bouzid. L’effet de miroir et de contagion est désormais facilité par Al-Jezira, la chaîne arabe d’information qui a supplanté les chaînes françaises.
Entre les lycéens tunisiens, qui sont devenus le moteur de la mobilisation, et la jeunesse pauvre d’Alger s’attaquant à une bijouterie dans le quartier chic d’el-Biar, ce sont, en fait, tous les jeunes qui sont en ébullition. Pas étonnant dans des pays où les moins de 20 ans représentent près de 50% de la population, alors qu’ils sont dirigés (à l’exception du Maroc) par des hommes nés entre les deux guerres.
Spécificité tunisienne, la révolte a touché d’autres couches comme les avocats, au nom de la défense des libertés publiques. C’est dans ce pays que la liberté d’expression a été la plus caricaturalement réprimée, ajoutant au sentiment d’étouffement de toute la société.
Des régimes autoritaires et corrompus
Le produit intérieur brut algérien a triplé au cours des dix dernières années. Résultat : dès 2005, l’Algérie rattrapait la Tunisie en terme de PIB par habitant, dépassant même largement le voisin marocain. Mais la bonne fortune de cette performance ne tient qu’en un mot : hydrocarbures. Avec à la clé un énorme bémol sur ce qui pouvait ressembler à un rattrapage économique. Car quand un pays à du pétrole et du gaz à revendre, il ne cherche pas forcément à développer son tissu industriel. «Et c’est exactement ce qui s’est passé en Algérie, note un universitaire local sous couvert d’anonymat. Certes les émeutes peuvent s’expliquer par la hausse des prix des matières alimentaires de bases, mais le malaise de notre société a des racines bien plus profondes.» En effet, le pouvoir algérien a mené de 1992 à 1999 une «sale guerre» pour éradiquer l’islamisme dans laquelle ont péri 100 000 à 200 000 personnes. Mais la fin des Années de plomb ne s’est pas accompagnée d’une ouverture politique : au contraire, les élections sont truquées comme jamais ; la rue est gérée à la trique, et les islamistes – tant qu’ils désertent le champ politique – sont libres de dicter leurs vues à la société. Pendant ce temps, le pouvoir et la richesse nationale restent confisqués par la petite clique politico-militaire qui dirige le pays, comme l’a révélé le scandale de la Sonatrach, qui a éclaté il y a un an et a conduit à la démission du ministre du Pétrole, un proche de Bouteflika.
En Tunisie, les frasques et l’avidité de la belle-famille de Ben Ali font les délices des télégrammes américains – qui parlent d’un Etat «quasi-mafieux» – révélés par WikiLeaks. Elles amusent moins les Tunisiens, qui touchent du doigt les limites du «miracle» qu’on leur chante tous les jours dans les médias officiels. La presse indépendante n’existe plus, et les partis d’opposition ont été réduits à des clubs privés qui passent leur temps à tenter de se réunir. Désormais, le seul espace de liberté est Internet : c’est sur Facebook que se passe la mobilisation lycéenne, et c’est sur la Toile qu’une «cyberguérilla» – emmenée par un groupe nommé les Anonymes – attaque les sites gouvernementaux. D’où les arrestations de blogueurs (dont celles de Slim Amamou et El Aziz Amami) qui se multiplient depuis jeudi.
Même le Maroc, le pays où les libertés sont les plus importantes au Maghreb et celui où les partis ont un vague rapport avec la réalité, est en pleine régression démocratique. La vie politique est gérée depuis le palais, qui contrôle aussi l’essentiel du secteur privé.
Des pouvoirs sans projet
En Algérie, l’après-pétrole se fait toujours attendre. Craignant que les investisseurs étrangers ne fassent main base sur le tissu économique local, Alger a promulgué du jour au lendemain l’année dernière une nouvelle loi interdisant à tout étranger de posséder plus 49% d’une entreprise locale. «Du jour au lendemain nous avons assisté à un effondrement des investissements étrangers, comme si tout le monde craignait subitement un retour à une économie totalement administrée», explique un universitaire algérois.
La Tunisie, elle, souffre d’un excès de main-d’œuvre qualifiée, qui ne demande qu’une chose : un travail en relation avec sa formation, souvent au rabais. La Tunisie à certes réussi à développer des secteurs comme le tourisme ou encore le textile et la confection. Mais cette stratégie initiée pendant les années 70 est dans l’impasse. Elle révèle surtout à quel point le pays n’a pas su monter en gamme, pour rompre sa trop forte dépendance aux commandes européennes.
• 7000 av. J.C. : les premiers habitants de la Vallée du Nil s’installent.
• 3000 av. J.C. : les royaumes de la Haute-Egypte et de la Basse-Egypte s’unissent. Les dynasties qui s’en suivent voient abondance, commerce prospère et développement des grandes traditions culturelles. L’écriture, dont les hiéroglyphes, est largement utilisée. La construction des pyramides (vers 2500 av. J.C), où sont enterrés rois et pharaons morts, est un des véritables exploits d’ingénierie de l’histoire.
• 669 av. J.C. : les Assyriens de Mésopotamie conquièrent et dirigent l’Egypte ancienne.
• 525 av. J.C. : conquête des Perses.
• 332 av. J.C. : Alexandre le Grand, de l’ancienne Macédoine, conquiert l’Egypte et fonde Alexandrie. La dynastie macédonienne règne sur le pays et son histoire.
• 31 av. J.C. : l’Egypte est soumise aux Romains. La reine Cléopâtre se suicide après la défaite de ses forces face à l’armée d’Octave.
• 642 : les Arabes conquièrent l’Egypte.
• 969 : le Caire est établie comme capitale du pays.
• 1250-1517 : les Mameloukes (signifiant esclave soldat) règnent sur l’Egypte. Période d’histoire de l’Egypte prospère avec des institutions civiques bien établies.
• 1517 : l’Egypte est absorbée dans l’empire Ottoman.
• 1798 : les forces de Napoléon Bonaparte envahissent le pays, mais sont repoussées par les Britanniques et les Turcs en 1801. L’Egypte refait encore partie de l’empire Ottoman.
• 1859-69 : construction du Canal de Suez.
• 1882 : les Britanniques prennent le contrôle de l’Egypte.
• 1914 : l’Egypte est sous le protectorat de l’Angleterre.
• 1922 : Fouad I est proclamé Roi d’Egypte. Le pays gagne son indépendance, mais reste plus ou moins sous contrôle britannique.
• 1936 : Farouk succède à son père en tant que roi d’Egypte.
• 1948 : l’Egypte, l’Iraq, la Jordanie et la Syrie attaquent Israël.
• 1952 : Soulèvements contre la présence britannique. Gamal Abdel Nasser monte un coup d’état qui alors met en place Muhammad Najib comme Président et Premier Ministre de l’Egypte.
• 1953 : Najib déclare le pays comme République. Une première dans l’histoire de l’Egypte.
• 1954 : Nasser devient Premier Ministre ; et, en 1956, Président. Les dernières troupes anglaises quittent définitivement l’Egypte.
• 1956 : crise du Canal de Suez. A cause de la nationalisation du Canal, l’Angleterre, la France et Israël attaquent. Un cessé-le-feu est déclaré en Novembre.
• 1967 : la guerre des six jours. L’Egypte, la Jordanie et la Syrie se mettent en guerre contre Israël et sont défaits. Israël annexe alors le Sinaï, les hauteurs du Golan, la bande de Gaza, Jérusalem Est et la Banque Ouest.
• 1970 : Nasser meurt et est remplacé par son Vice-Président, Anouar el-Sadate.
• 1971 : la nouvelle constitution est introduite, et l’Egypte est renommée République arabe d’Egypte. Un traité est signé entre le pays et l’Union Soviétique. Le Haut Barrage d’Aswan est achevé, et aura de grandes répercussions sur l’irrigation, l’agriculture et l’industrie en Egypte.
• 1973 : l’Egypte et la Syrie vont en guerre contre Israel durant « Yom Kippour » pour reprendre les terres perdues en 1967. L’Egypte commence les négociations afin de récupérer le Sinaï.
• 1975 : le Canal de Suez ré-ouvre pour la première fois depuis sa fermeture en 1967.
• 1976 : fin de l’alliance avec l’Union Soviétique.
• 1978 : signature des accords de Camp David pour la paix avec Israël.
• 1979 : signature d’un traité de paix entre l’Egypte et Israël ; ce qui vaudra à l’Egypte d’être expulsé de la Ligue Arabe (qu’elle re-intègrera par la suite en 1989).
• 1981 : Sadate est assassiné. Hosni Moubarak est dorénavant le nouveau président égyptien.