FG Ossang : un cinéaste vampire qui vide le temps…

FJ Ossang : « C’est la phase terminale d’une époque… » Photo Rédouane Anfoussi

Festival 100%. Hommage au cinéma de FG Ossang, qui considère le cinéma  » comme un psychotrope « . Trois films à découvrir jusqu’au 11 février.

L’enfant est né en 1956. Une légende dit que quelques fées du rock qui passaient par là se seraient penchées sur le berceau de FG Ossang pour y vomir après une nuit trop arrosée. Le mystère plane toujours sur ce qu’elles avaient mangé la veille. Bref le pauvre gosse, qui a grandi depuis, est atteint par cette incurable maladie nommée créativité débordante. Celles qui ébranlent la société dans ses certitudes. Les symptômes témoignent d’un attachement profond aux grands espaces, à la nature et aux spiritualités diverses, chamaniques, incas, tibétaines… dans lesquelles l’homme est partie intégrante du Cosmos.

Invité par le festival 100% dans le cadre d’un hommage à son travail cinématographique, l’artiste était à Montpellier pour évoquer son dernier film Dharma Guns (2011). L’opus nous propulse dans un univers d’entre-mondes qui nous fait plonger dans la noirceur des âmes. Ossang brode sur le motif récurrent de la perdition :  » Je voulais revenir à une enfance de l’art. Le film procède par stratification. C’est une attaque par les périphéries qui parle du monde vampire, des machines qui aspirent tout. On ne peut plus faire d’alchimie. C’est la phase terminale d’une époque… » (rire).

Poète et écrivain halluciné, qui prend son petit déj’ chez Burroughs, son plat du jour avec Céline et son dîner chez Vaché et Artaud, Ossang donne aussi de la voix dans les groupes MKB et Trobbing Gristtle entre punk et indus.  » C’est un type à part. En tant qu’artiste il incarne vraiment la modernité. Il est écrivain, musicien et cinéaste et il associe complètement les différentes formes d’écriture dans son travail « , commente un organisateur conquis. On le sent bien dans Dharma Guns, où chaque forme d’écriture est exploité indépendamment comme pour répondre à la formule de Cocteau  » Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité.  » Dans cette mise en abyme du jeu de la représentation, les plans (en noir et blanc) sont très travaillés  » C’est étonnant que le monde soit si bête. Il ne faut pas être sérieux au cinéma, mais c’est quand même important dit Ossang qui joue avec la force omniprésente de l’accidentel.  » Le cinéma, c’est quelque chose de sauvage. Il est né dans les cirques et les bordels. Le cinéma c’est la commotion… « 

Ses films lui collent à la peau comme la profondeur de son regard sur un monde qu’il voit s’effondrer.  » Bientôt il n’y aura plus qu’à découvrir les films de série Z tellement le cinéma se rétrécit. On apprécie la puissance du cinéma dans des périodes qui correspondent à des académismes de courte durée.  » En attendant il rappelle la faculté du cinéma à s’émanciper de tout carcan formel pour reprendre sa liberté.

Jean-Marie Dinh

 

Voir aussi : Rubrique Cinéma, rubrique Musique, rubrique Festival, rubrique Littérature,

 Encore à l’affiche aux Cinémas Diagonal, Le trésor des îles chiennes et Docteur Chance, jusqu’à samedi.

Montpellier Retro 2011: La culture au cœur du politique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Jean-Marie Dinh

Ecouter, regarder, découvrir, ce qui restent de l’année 2011. Retour sur les moments forts de la vie artistique montpelliéraine ouverte, riche, diversifiée, et impertinente, preuve que si la culture peut distraire, elle demeure surtout au cœur du politique. Quelques coups d’œil dans le rétro …

Janvier

Théâtre. Un choix judicieux pour débuter l’année opéré  par Toni Cafiero, en résidence à Lattes, il monte En attendant le Révisor au Théâtre Jacques Cœur. La pièce s’inspire d’une comédie de Gogol. L’action prend cœur dans une petite ville de province russe. Elle dépeint sur le ton comique les viles pratiques et les arrangements  « entre amis » des notables locaux.

Février

Théâtre. Le Carré Rondelet relève le défi lancé à la représentation par Sarah Kane qui a toujours fui la théâtralité. Sébastien Malmendier adapte, 4.48  Psychose. La jeune comédienne Poline Marion, incarne une belle impossibilité de vivre.

Mars

Poésie. L’association dirigée par Annie Estèves – la Maison de la poésie – trouve une juste reconnaissance auprès de la Ville de Montpellier. Elle dispose désormais d’un local et d’un soutien au fonctionnement. A l’occasion du 13e Printemps des poètes, elle programme plus d’une vingtaine de rencontres gratuites dans toute la ville.

Bonne nouvelle

Danse. Matthieu Hocquemiller présente Bonne nouvelle au CCN. Une création qui porte l’idée que la recherche identitaire fait diversion pour échapper à la question sociale.

Jazz. Le Jam sacre son 10e  printemps du 12 mars au 1er  avril. Jazz, soul et musiques du monde se croisent dans un cocktail hyper explosif.

Avril

Poésie. Invité par La Médiathèque Emile Zola, Yves Bonnefoy vient nous rappeler que la poésie conserve un devoir critique. Elle ne se situe pas du côté de ceux qui réussissent. Il faut savoir prendre le contre-sens de la médiation par l’image pour percevoir l’œuvre de Rimbaud et la replacer intuitivement dans notre paysage contemporain, nous dit ce grand poète français.

Théâtre. Aux 13 Vents, la mise en scène de Nicomède par Brigitte Jacques-Wajeman nous conduit au cœur de l’intrigue. En cornélienne avertie, l’artiste restitue le cadre du rapport politique colonial à la lumière de notre époque.

Mai

Festival Arabesques. On y parle du vent de démocratie qui souffle sur l’autre rive et on accueille les artistes engagés qui le transmette du raï au rap en passant par le hip hop et les folksong. Les chansons contestatrices sont plus que jamais en prise avec le réel. L’édition 2011 met à l’honneur l’esprit andalou connu pour sa tolérance.

BD. Invité par la librairie Sauramps, Bilal présente Julia & Roem. Son dernier opus s’inscrit dans l’univers post-apocalyptique de Animal’Z, sorti  en 2009 et actuellement en cours d’adaptation cinématographique.

Jeune public Saperlipopette.

Isabelle Grison qui conduit le projet, évoque l’intérêt de s’éloigner de la télévision et peu de monde la contredit. La manifestation décentralisée rassemble 30 000 personnes.

Littérature Comédie du livre. Du 27 au 29 mai, Montpellier célèbre le cinquantenaire du jumelage avec Heidelberg en mettant à l’honneur les écrivains de langue allemande. Cette 27e édition marque un tournant avec un changement d’équipe et d’organisation. La direction relève désormais de l’association Cœur de Livres pilotée par la ville. Les rencontres sont resserrées. Un bémol pour les éditions jeunesse mal représentées mais des invités qui comptent  Paul Nizon, Christophe Hein, Judith Herman…

Juin

Printemps des Comédiens. Le nouveau directeur, Jean Varela, ouvre de nouvelles perspectives avec une exigence artistique  plurielle et populaire. Le festival propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Il est dédié à Gabriel Monnet. Dag  Jeanneret y signe la mise en scène  de Radio Clandestine d’Ascanio Celestini. Une tragédie qui emprunte sa forme à l’engagement civique et politique de Pasolini.

Festival Montpellier Danse

Le festival met Tel-Aviv à l’honneur, grâce à la présence de nombreux artistes venus de cette ville d’Israël mais travaillant dans le monde entier.

Juillet

Festival de Radio France du 11 au 28 juillet, la 26e édition offre un large panorama de manifestations. 173, le plus grand nombre de concerts proposés depuis sa création. 17 créations signalent et réaffirment l’appartenance du festival aux grands rendez-vous.

Août

Gérard Garouste au Carre st Anne

Peinture. Les œuvres de Gérard Garouste sont exposées au Carré Sainte-Anne. Les toiles de l’artiste nous introduisent dans un monde baroque fait de l’étoffe des mythes où se mêle une acuité toute contemporaine.

Septembre

Théâtre. Le CDN ouvre sa saison avec La Conférence d’après  le texte de Christophe Pellet qui a reçu le grand prix de littérature dramatique en 2009. La pièce met en scène un auteur français à bout (Stanislas Nordey) qui se lâche sur la médiocrité de l’institution théâtrale française.

Concerts. Internationales de la guitare. Classique, rock, jazz, flamenco, blues, musique tzigane, world… se côtoient du 24 sept au 15 oct. 24 grands concerts : Paco Ibanez, John Scolfield, Saul Williams, Al di Meola… et une myriade de manifestations associées.

Octobre

Cinéma au Cinemed 234 films, beaucoup vus nulle part ailleurs, le parcours étonnant d’Andréa Ferréol, les films du Catalan Ventura Pons, les facéties d’un Benoît Poelvoorde, une rétrospective Pietro Germi font les riches heures de l’édition 2011. Le Palestinien Sameh Zoabi remporte l’Antigone d’Or pour L’homme sans portable.

Rockstore 25 ans. On célèbre ses 25 piges du Rockstore durant tout un mois. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire en 2009 sans ôter de liberté au lieu mythique.

Novembre

Hip Hop L’événement culturel Battle of the year distingue à l’Aréna les meilleurs crews (équipes) de breakdance de la planète. C’est la France qui s’impose devant les Etats-Unis.

Décembre

Danse Avec  Salves Maguy Marin affirme une prédilection pour le nocturne. Un langage s’invente. Il traduit l’ébranlement de la cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs.

Théâtre Alain Béhar signe son retour à la Vignette avec Até, un nouvel ovni. Que devient la figure mythologique Até à l’heure du tout numérique ? La déesse de la discorde renaît sous les traits d’un avatar.

opéra-bouffe
René Koering conclut par une Belle Hélène avec la complicité d’Hervé Niquet à la direction musicale et une mise en scène chocolatée de Shirley et Dino. Les 28 dec,  et 3 et  5  janvier 2012.

Politique culturelle : la carte de l’attractivité

Concert Place de l’Europe

Les collectivités tiennent les budgets. De nouveaux acteurs arrivent.

Suite au remaniement de l’équipe municipale en juin, Philippe Saurel devient délégué à la Culture. Il assure à ce poste la rentrée de septembre. Candidat socialiste déclaré à la mairie en 2014, il était en charge de l’Urbanisme qui revient à Michael Delafosse, son prédécesseur à la culture. La différence de sensibilité et de vision entre les deux hommes laisse certains acteurs culturels dubitatifs. Le projet des ZAT, forme artistique de l’exploration urbaine, recueille en avril, le soutien entier d’Hélène Mandroux. Six mois plus tard, il pourrait être remodelé après les critiques portées par le nouvel adjoint sur la troisième ZAT devant la nouvel mairie.

Au Domaine d’O, Jean Varela est nommé à la tête du Printemps des comédiens six mois avant la 25e édition en juin. Il est aussi directeur de sortieOuest créée à Béziers pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département. A 44 ans, il devient un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général. A ses côtés, le directeur du Domaine d’O, Christopher Crimes, poursuit sa  quête de nouveaux publics  en découvrant la richesse des créateurs héraultais.

Lors de la présentation de saison de l’Opéra, le président de région Christian Bourquin déclare que la valeur ajoutée d’une politique culturelle tient dans sa capacité de faire la différence. Fin novembre, la Région signe une convention avec l’Institut français, chargé de promouvoir  les actions d’échanges et la culture française à l’étranger.

Georges Frêche a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville comme de la région. En 2012, les collectivités territoriales devraient réaffirmer, la culture comme une priorité politique.

Photo : Lumière sur le Pavillon Populaire

Brassaï Greewich

Au top. Gilles Mora expose les pointures de la photo internationale.

Nommé à la direction artistique d’un navire d’images de 600 m2, Gilles Mora avait pour première mission la célébration du 55e anniversaire du jumelage de Montpellier avec Louisville. Il livre avec Les suds profonds de l’Amérique une exposition qui fait événement (20 000 visiteurs) et ouvre grand la porte de l’imaginaire américain. Les Montpelliérains découvrent notamment l’univers singulier de Ralph Eugene Meatyard.

Après l’Amérique, le printemps marque un retour en Europe avec l’exposition Aires de jeux champs de tensions dont le commissariat de l’exposition est confié à Monika Farber. La conservatrice en chef du Musée de l’Albertina à Vienne, propose des œuvres de trois grands artistes : Bogdan Dziworski, Michael Schmidt, Christ  Killip, tout en ouvrant l’espace à de nouveaux talents.

De Juin octobre l’expo Brassaï en Amérique confirme la nouvelle place de Montpellier dans le paysage de la photo d’art. Elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc jamais publiés par l’artiste français d’origine hongroise. L’expo s’inscrit comme une découverte  qui devrait faire date dans l’histoire de la photo.

Jusqu’au 12 février on peut aller voir Apocalypses, la disparition des villes. De Dresde à Detroit (1944-2010) où l’on découvre quelques icônes de l’historiographie des villes du monde en ruine. C’est la 3ème  exposition présentée dans le cadre de la programmation 2011 centrée sur la photographie urbaine. Le commissariat est assuré par Alain Sayag, ex conservateur pour la photographie au Centre Georges Pompidou.

Ouverte sur les espaces et sur les hommes, la nouvelle dynamique impulsée par Gilles Mora a pour ambition d’affirmer Montpellier comme un lieu qui compte pour la photographie d’art à l’échelle nationale et internationale. Et il est sur la bonne voie !

Classique Lyrique :Une partition un peu dissonante

Départ de Koering arrivée de Scarpitta et de Le Pavec.

Durant les travaux de l’Opéra Comédie les représentations se poursuivent au Corum. Suivez le feuilleton des travaux sur France 3 LR.

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, René Koering tire sa révérence avec la 27e édition. Le 11 juillet, le concert d’ouverture illustre la dimension découverte  qui a fait l’identité du festival. La Magicienne de Halevy, donnée par l’Orchestre national de Montpellier dirigé par  Lawrence Foster. Le chef américain attitré de l’orchestre est lui aussi sur le départ avant la fin de son contrat.

Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre et de l’Opéra en décembre 2010, René Koering a quitté la direction du Festival le 28 juillet en laissant un bel héritage. Mais la transition ne s’est pas faite sereinement. Le surintendant de la musique dit avoir appris le nom de son successeur  à la tête du festival dans  la presse. Il s’agit de  Jean-Pierre Le Pavec nommé au début de l’année directeur de la Musique à Radio France. Jean-Paul Scarpitta préside désormais à la destinée artistique de l’Opéra et de l’Orchestre. De loin le plus important  financement culturelle de la région, le budget de la double structure avoisine les 25 M d’euros. Il est géré par l’association Euterp.

Jean-Paul Scarpitta a dévoilé en juin le contenu de la saison 2011-12. On attend en mars, une Electra de R. Srauss dans une mise en scène de Jean-Yves Courrègelongue. Le même mois suivra la première mondiale de l’opéra de Philip Glass Einstein on the Beach en présence des deux autres créateurs Robert Wilson et Lucinda. Une nouvelle production  des Noces de Figaro mise en scène par le directeur, avec des costumes de Jean-Paul Gaultier aura lieu en juin. Et la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi sera donnée sous la baguette de Riccardo Muti les 14 et 15 janvier pour le concert du nouvel an.

Les expos de l’année

L’agglo hisse ses toiles

L’agglomération de Montpellier s’implique fortement au Musée Fabre. En 2011, la qualité des expositions programmées en témoigne.  De juillet à Octobre, on redécouvre Odilon Redon avec l’expo Le prince du rêve repenser dans un parcours muséographique inédit après l’expo du Grand Palais. L’art de Redon  explore les méandres de la pensée, l’aspect sombre et ésotérique de l’âme humaine, empreint des mécanismes du rêve.

En octobre le patron Antoine Gallimard est à Montpellier à l’occasion du vernissage de  Gallimard un siècle d’édition. L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur y trouve des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe.

Depuis le 3 décembre, on peut apprécié Sujets de l’abstraction une grande expo sur la peinture non figurative de la seconde école de Paris. C’est le premier déplacement des chef-d’œuvres issus de la Fondation Gandur pour l’art après le Musée Rath, Genève. Le parcours permet de reconstituer l’histoire de la peinture non-figurative expressionniste entre 1940 et 1960 à travers les œuvres de Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Serge Poliakoff…

En novembre, la Drawing Room présentées au Carré St Anne a permis de se faire une autre idée. Celle de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui grâce à l’initiative de six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) ayant choisi le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain.

Voir aussi :

Rubrique Livre, BD,

Rubrique Théâtre

Rubrique Danse, Salves Maguy Marin

Rubrique Poésie, Quelques prévisions de veillées poétiques, Voix de la Méditerranée le contenu d’une union , L’espace des mots de Pierre Torreilles,

Rubrique Musique Saison Musique lyrique 2011/12,

Rubrique Expositions, Les chambres noires du Sud, Les sujets de l’abstraction, Cy Twombly tire un trait,

Rubrique Cinéma

Rubrique Photo,

Rubrique Politique culturelle, Le Conseil général de l’Hérault maintien les grands axes, Philippe Saurel,

Festival, Arabesque, Saperlipopette, Printemps des Comédiens , Internationales de la guitare, Montpellier Danse, Festival de Radio France, Festival des Arts Numériques,

Rubrique Rencontre Jean Joubert, René Koering,

Frederic Jacques Temple : « Les poèmes sont des notes marginales, comme des balises qui marquent la vie et le temps »

 

Frederic Jacques Temple, poète occitan évoque les lignes de force de son parcours et l’attachement indéfectible à ses racines culturelles.

Depuis son enfance montpelliéraine, Frédéric Jacques Temple a traversé le XXe siècle. Il est parti cueillir des éclats d’imaginaire à travers le monde pour les ramener près de son arbre. Il réside dans un petit village du Gard où il poursuit sobrement son œuvre de poète, avec un ton juste où l’émotion passe à fleur de mot.. Le personnage atypique et déterminé vient de léguer à la médiathèque centrale de l’agglomération de Montpellier un fonds où s’inscrivent les traces de son parcours. A 90 ans l’écrivain occitan revient sur quelques images de sa vie.

Avez-vous le souvenir d’une enfance heureuse ?

Entre la mer et le Larzac, mes parents sont de souche aveyronnaise, mon enfance ne fut pas tout à fait heureuse. Pour des raisons familiales, j’ai été placé en pensionnat très tôt, dès l’âge de sept ans. J’ai ainsi appris à vivre seul, même si l’enseignement particulier que j’ai reçu m’a permis de m’ouvrir au chant, à la musique et à l’histoire de l’art..

Etait-ce un établissement religieux ?

Oui, mais l’enclos Saint François de Montpellier jouissait d’une réputation particulière. Nous étions le grand rival de l’école Jésuite à laquelle nous nous opposions lors de mémorables matchs de football. Le père Prévost, qui avait fondé cet orphelinat en investissant une partie de sa fortune y accueillait aussi les élèves de bonne famille. Cette institution pratiquait une pédagogie très ouverte sur l’art. Jean Bioulès, le père de François et de Jacques est aussi passé par St François. Je me souviens d’un jour, où l’évêque était en visite, le père Prévost lui a dit : « Ici les âmes vous appartiennent, mais le reste me concerne. »

A quel moment étiez-vous en contact avec la nature qui vous est si chère ?

Pendant les vacances, à l’époque nous avions trois mois. Je m’en donnais à cœur joie sur le Larzac avec mon oncle archéologue. On partait pour fouiller les dolmens et piéger les lapins. Sur la côte, il y avait la mer sauvage. On pêchait les poissons à trois mètres de la plage, du côté de la Grande-Motte qui est devenu plus tard la mer de béton. Près des étangs, j’ai passé des nuits à essayer de surprendre les canards. Je vivais des moments fantastiques tels qu’on peut les trouver dans les romans de Mark Twain ou de Jack London. Les livres ont nourri mon goût pour les grands espaces. Mon grand désir, c’était de voir si mes lectures ne m’avaient pas menti.

Sans quitter la Méditerranée vous passez sur l’autre rive en 1942 pour suivre votre père nommé préfet d’Alger…

Ma mère avait prévu que nous irions le rejoindre plus tard, mais mon père savait que le débarquement était en cours. Il a insisté pour que nous partions ensemble. Dès mon arrivée à Alger, je suis allé rencontrer Max-Pol Fouchet qui dirigeait la revue poétique Fontaine. Il m’a présenté Edmond Charlot (1), Marcel Sauvage, Emmanuel Roblès…

C’est l’époque où Alger est l’épicentre de la résistance intellectuelle française, quelle était la teneur des débats, la question de l’indépendance en faisait-elle partie ?

Après le débarquement, de nombreux artistes et écrivains arrivent à Alger. Charlot qui avait publié les premiers textes de Camus dans sa collection Méditerranéennes, devient l’éditeur de la France libre. Il reçoit clandestinement le manuscrit de Vercors, Le silence de la mer. Moi, je me trouvais dans le bain de ces jeunes écrivains. Je m’imprégnais de tout cela. Je fréquentais la casbah et les cafés maures. Cela n’a duré que quelques mois car j’ai été mobilisé dès le débarquement. J’ai choisi de partir avec un régiment composé de 90% d’indigènes. Je raconte cet épisode et l’histoire des hommes de l’armée d’Afrique dans mon roman La route de San Romano (2). Ben Bella a été décoré de la Médaille Militaire pour avoir combattu avec les troupes françaises sur le front italien. Puis tout cela a dégénéré. Les hommes politiques ont pris le mauvais chemin. On aurait pu régler ces affaires sans tirer un coup de fusil. C’était très possible.

Quelle place accordez-vous à la conscience politique dans votre œuvre ?

C’est à ceux qui lisent mes livres d’en tirer les conclusions. Ce qui m’intéresse, ce sont les hommes, les idées, ce ne sont pas les doctrines. A mon sens le seul homme politique digne de ce nom, c’est Pierre Mendés France.

Etes-vous croyant ?

J’ai reçu une éducation religieuse. Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’admiration pour le Christ… beaucoup moins pour Dieu le père. Ma foi, si je peux employer ce gros mot, se compose davantage d’espérance que de certitude…

Pour revenir à votre œuvre, et aux différentes formes d’expressions qui la constituent, comment s’opère la distribution entre poèmes, romans, récits, essais …

Je ne suis pas du tout un romancier. Je suis incapable d’inventer des dialogues, de créer et de faire évoluer des personnages. J’écris à partir d’expériences biographiques revues par l’écriture. C’est une forme d’autofiction. Les poèmes sont des notes marginales, comme des balises qui marquent la vie et le temps. Je n’érige pas de frontières imperméables entre la prose et la poésie. La littérature qui m’intéresse, c’est le résultat de la vie. On ne peut pas faire du pain si on n’a pas semé le grain.

En vous rendant outre-Atlantique, avez-vous confirmé votre goût pour la littérature et les grands espaces américains

J’ai suivi le conseil de mes lectures. Je ne suis pas allé voir les usines de General Motors. Je suis allé vers la grande prairie, vers les Indiens. A Santa Fé, je me suis fait adopter par une famille indienne. L’Occitan que je suis a retrouvé les mêmes problématiques de colonisation que dans le Sud. A tel point que j’ai failli rester là-bas. Mais mes amis indiens m’ont dit : « Tu es ici chez toi, mais il faut que tu ailles vivre parmi tes morts, même si ton pays est une réserve ».

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Littérature française, Poésie, rubrique Rencontre, Vincent Bioulès, rubrique Culture d’Oc, Temple les forces élémentaires d’un homme du sud,

Entretien avec Véronique Ovaldé : L’élan du coeur

Dans Des Vie d’oiseaux, Véronique Ovaldé repousse les limites de l’imagination à travers le destin de quatre personnages en prise directe avec une réalité en crise. L’écrivain évoque la force de l’amour qui pousse à éprouver sa propre liberté. Entretien autour de ce roman ardent et subtil.

Être à l’affût de l’ordinaire nous permet d’en sortir, pourrait-on se dire en suivant les personnages du dernier roman de Véronique Ovaldé. Dans un pays imaginaire d’Amérique latine, Vida Izzara part à la recherche de Paloma qui a déserté l’étouffant et confortable nid familial, en compagnie du jeune jardinier Adolpho. Cherchant à s’expliquer le comportement de sa fille, la mère croit déceler chez Paloma une volonté d’échapper au quotidien banal et réducteur offert par la bonne société de Villanueva. L’enquête qu’elle entreprend au côté du rassurant lieutenant Taïbo, éclaire le comportement de sa fille, et pousse Vida à poursuivre sur une voie plus incertaine dont elle n’osait jusqu’ici soupçonner l’existence. Véronique Ovaldé tient ces quatre personnages dans une main, avec l’autre, elle jette les dés de leur destin sur le tapis des inconsolables amoureux de la vie.

 

Par quelle porte s’est ouvert le récit ?

J’ai commencé par écrire l’histoire de la chasse au bison. C’est un passage qui se passe entre Adolpho et son père. En plein hiver, le père réveille son fils le jour de ses quatorze ans. Sous le prétexte d’en faire un homme, il va l’entraîner dans une expérience terrifiante.

Dans le livre, Paloma et sa mère Vida sont toutes deux portées par une force émancipatrice qui les pousse sur le chemin de leur liberté, mais, à mon sens, cette quête ne se résume pas aux personnages féminins.

Je crois bien que les liens profonds et douloureux qui se révèlent entre le père et son fils dans la scène du bison ont imprégné le récit et se sont déployés à travers les quatre principaux personnages. Chacun d’entre eux est entravé par lui-même et doit s’affranchir de ses propres chaînes.

Vous jouez sur la dualité des atmosphères entre légèreté et intensité onirique, entre Villanueva, le quartier ennuyeux des gens biens, et l’Iligoy où ils vivent comme des chiens…

Les disparités géographiques correspondent souvent à des disparités sociales. Dans le livre, des scènes violentes entrecroisent des scènes d’amour pleines de douceur. Mes textes sont en prise avec cela, c’est-à-dire quand il y a matière au mélange entre le tragique et le burlesque.

J’aime me plonger dans un contexte pour observer les gens dans leur tiraillement. Parfois le fil se casse. Ce moment m’intéresse.

On a l’impression que vous puisez dans votre trésor intime de souvenirs et d’images. Est-ce une façon d’être qui vous habite en permanence ou correspond-elle à des moments précis dans votre travail ?

Je crois qu’en tant qu’auteur on vit en regardant en même temps ce que l’on est en train de vivre.

On traficote avec le langage pour mettre des mots sur ce qui se passe. Nous sommes des êtres de langage. Quand j’étais enfant, je me regardais et j’entendais la petite voix en moi. Aujourd’hui j’habite toujours mon langage, c’est quasiment un état permanent.

Vous flirtez avec le roman noir en empruntant quelques ingrédients au genre…

On le décèle surtout dans le démarrage. Je crois que ce rapport au noir tient davantage à mon propre système de déchiffrement qu’aux modalités spécifiques du genre. Chacun de mes livres me conduit à cerner les personnages, à suivre les traces pour aller vers l’énergie des êtres.

Finalement pour moi un livre est une forme d’enquête. J’opère en faisant des liens. Je me crée mon propre petit suspens qui me pousse à chercher ce qui se cache derrière les apparences.

A quoi tient ce découpage original du roman en trois parties ?

J’ai écrit une première version du livre dans laquelle chacun des personnages racontait l’histoire à partir de son point de vue. Ce type de structure demande beaucoup de subtilité. Pour ne pas que cela soit trop artificiel, je suis entrée dans leur peau.

J’ai pris leur langue. Je me suis appliquée à ce que chacun ait ses propres tics de langage. Quand j’ai relu, je me suis dit que mes personnages s’étaient trop isolés. En procédant de la sorte, j’avais perdu ma voix. Finalement j’ai tout repris pour retrouver la part de moi-même qui s’était égarée.

Du coup, j’ai redistribué la place des personnages dans le récit. J’ai supprimé beaucoup de choses. J’opérais les coupes avec une certaine jubilation.  J’en connais beaucoup plus sur mes personnages que ce que je restitue. Cette connaissance créé leur richesse et leur mystère, et donne un espace aux lecteurs, qui devinent tout cela.

Des vie d’oiseaux c’est aussi une histoire de transmission entre une mère et sa fille et réciproquement…

Je voulais aborder la façon dont on se perd de vue. Comment passe-t-on de l’amour exclusif d’une mère pour son enfant, une forme d’amour fou, à la nécessité que cela disparaisse.

Comment vivre cela ? Dans le livre Vida et Paloma n’arrivent plus à se parler. Elles sont prises dans un mille-f euilles de malentendus jusqu’à ce que l’une porte l’affranchissement de l’autre. Mais qui est le vrai déclencheur ?

La relation d’amour passe par la liberté…

Sans se l’avouer, Vida donne à sa fille la possibilité de sa liberté. On ne peut attendre de l’amour qu’il offre les garanties de son toaster. En partant à la recherche de sa fille, Madame Izarra qui remplissait jusqu’ici ses fonctions d’esclave conjugale, devient Vida. Elle quitte sa prison dorée pour répondre à ses aspirations profondes. Elle comprend où elle est et d’où elle vient ce qui lui permet de construire une vraie relation d’amour.

recueillis par Jean-Marie Dinh (César)

Voir aussi : Rubrique LivreLittérature française, rubrique Rencontre, Eric Pessan,

Des Vie D’oiseaux, Editions de l’Olivier 2011

Entretien Sorj Chalandon 2011 « J’ai voulu comprendre en cherchant le traître en moi. »

Sorj Chalandon. Photo Roberto Frankenberg.

Le dernier roman de Sorj Chalandon, Retour à Killibegs, vient d’obtenir le grand prix du Roman de l’Académie française. Il était également en lice dans la troisième sélection du prix Goncourt. Cela fait quelques années (1) que l’ancien grand reporter à Libération a transité par la fiction pour donner corps à son écriture.

Pour la seconde et dernière fois, prétend-il, il nous entraîne dans la lutte armée en Irlande du Nord sur les traces de son ami, Denis Donalson, un dirigeant de L’IRA passé agent au service des Britanniques. Une quête personnelle et intime qui a poussé l’auteur à plonger dans les profondeurs de son personnage, et à interroger l’authenticité de son engagement face à une vérité évanouie, faisant surgir une vraie démarche littéraire. Rencontre …

Dans Mon traître, vous abordiez le désarroi du trahi, avec Retour à Killibegs, il s’agit de celui du traître…

C’est sa vérité, son chemin de croix. Je me suis mis dans la peau de celui qui m’avait fait du mal. La nouvelle de sa trahison, nous a tous désespérée. Par rapport à sa famille, Je ne suis qu’une victime collatérale. Cela m’a pourtant bouleversé.

J’ai éprouvé le sentiment d’une femme qui découvre que son mari la trompe depuis des années. Mon traître exprimait un amour trahi. J’avais besoin d’écrire ce livre pour exprimer ma rancœur, mais cela n’a pas suffi. J’avais besoin d’aller plus loin. Avec Retour à Killibegs, je déboulonne la petite statue du Français trahi qui émerge dans Mon traître. J’ai voulu comprendre en cherchant le traître en moi.

Cette promiscuité devenue avec le temps une amitié que vous partagiez avec certains membres de l’IRA n’était-elle pas problématique dans le cadre de votre travail journalistique ?

J’ai été correspondant de guerre pendant plus de vingt ans en Irlande. J’ai aussi couvert le Libéria, l’Irak, le Liban, mais l’Irlande du Nord est le seul endroit où j’ai tissé des liens d’amitiés. Mes reportages en Irlande du Nord et sur le procès Barbie m’ont valu le prix Albert Londres ce qui signifie que mes pères ont estimé mon travail équilibré.

Dans mon métier de journaliste, j’ai toujours fait en sorte d’être à l’écoute des deux camps. Lorsque Libé m’a proposé d’être correspondant en Palestine, je leur ai demandé de m’envoyer d’abord en Galilée pour suivre la vie dans les kibboutz.

Dans le cas de la guerre civile irlandaise, la question ne se posait pas. Sur place, les choses s’imposaient naturellement à vous. Le sujet de Retour à Killibegs, est né du problème que j’ai rencontré avec l’un de mes amis. Sa trahison, ce n’est pas de l’info, cela touche autre chose. Je ne voulais surtout pas mettre un journaliste en scène. Je ne considère pas le journaliste comme un sujet mais un objet.

Le roman est inspiré de la vie du membre de l’IRA provisoire et du Sinn Féin, Denis Donalson, incarné dans le livre par Tyrone Meehan qui lui ressemble beaucoup…

Je me suis lancé sur ses traces pour suivre le processus du mensonge. En me mettant dans la peau de mon ami, je m’échappe un peu de l’histoire.  Denis Donalson est mort à 55 ans, pas à 81 ans comme dans le livre.

Il n’est pas né en Irlande du Sud mais à Belfast. Il n’a pas de fils mais une fille… On l’a tué pendant l’écriture du roman. L’épilogue lui rend un peu sa vraie mort. Tyrone Meehan est le seul personnage fictif du livre, tout le reste est rigoureusement fidèle à ce qui s’est passé.

Je voulais que l’on puisse retrouver la douille de chaque balle tirée, que tout concorde et que les historiens se disent : C’est marrant, je ne connais pas ce Tyrone Meehan. En même temps je n’avais pas la volonté de faire un livre historique ou un Que sais-je sur la guerre d’Irlande.

A travers l’histoire tragique de cet homme, c’est le climat destructeur de la guerre qui est restitué…

Le nationaliste irlandais Michael Collins qui mourut dans une embuscade tendue par ses anciens amis disait : « Je n’en veux pas à mes ennemis de défendre leur camp, je leur en veux d’avoir fait de moi un tueur ».

Denis Donalson abattu en 2006, n’a jamais répondu à l’IRA sur les raisons de sa trahison. Il ne m’a rien dit non plus, ni à moi, ni à sa famille. Il a gardé le silence jusque dans sa tombe. Ce silence douloureux m’a poussé à faire ce livre.

« Ton pays avait besoin d’être trahi comme tu avais besoin de le trahir » lui dit son ami d’enfance le père Byrne, dans un passage où la religion se manifeste de manière transcendantale, mais à d’autres endroits, elle intervient comme un paramètre important voire ambigu dans le conflit ?

Dans cet échange, il y a une résonance spirituelle entre les deux amis d’enfance. J’ai vu des prêtres s’adresser aux combattants en ces termes : « Donne-moi ta part de mort, on va la porter ensemble ». Mais finalement chacun restait à sa place. La question de la religion demeure complexe dans le cadre politique irlandais.

Les Loyalistes disaient que les Indépendantistes étaient soutenus par Rome, alors que les membres de L’IRA étaient poussés à l’excommunion. En 1981, les curés ont fermé les églises aux prisonniers catholiques – morts de la grève de la faim parce qu’ils souhaitaient obtenir le statut de prisonniers politiques – sous prétexte qu’ils s’étaient suicidés.

J’ai des moments forts en mémoire comme quand dans l’église, le prêtre dit : « Ne viennent communier que les hommes qui n’ont pas de sang sur les mains », et que tous les hommes sortent. Durant le conflit, ils étaient généralement plus opprimés par la police ou les paras militaires en tant que combattant qu’en tant que catholique.

L’histoire de Tyrone Meehan est celle d’un homme projeté malgré lui dans un conflit violent. Vous en tirez une méditation profonde sur la non résolution d’un problème politique qui se transforme en guerre civile…

La vraie question, tout le problème posé à la Grande-Bretagne, était de trouver une solution pour parvenir à la paix. Ce qu’elle a tardé à faire. Cette guerre fut l’expression d’une volonté politique. Les combattants d’hier sont ministres aujourd’hui.

Sans les armes, l’IRA ne serait pas parvenu à se faire entendre. Ils disent : « Dieu nous a fait cathos, les flingues nous ont rendu égaux ». C’était aussi une piqûre de rappel à nos portes au moment où nous manifestions contre l’apartheid. Je ne voulais pas éluder tout cela parce que mon personnage était fait de ça, de cet isolement, de cette impossibilité.

A travers lui, je voulais sentir le traître en moi. J’ai présenté récemment le livre à des lycéens et j’ai demandé à l’un d’entre eu ce qu’il aurait fait à la place de Tyrone. J’avais très peur de sa réponse. Et il a dit : « Je ne sais pas ». J’ai trouvé ça formidable.

Recueillis par Jean-Marie Dinh (Cesar)

(1) Retour à Killybegs, éditions Grasset. Sorj Chalandon a été journaliste au quotidien Libération de 1974 à 2007. Grand reporter puis rédacteur en chef adjoint. Auteur, il a aussi publié quatre romans chez Grasset dont Une promesse, Prix Médicis 2006, et Mon Traître, en 2008.

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