Carte présentant les aires de colonisation scandinave jusqu’au Xe siècle. NB : La coloration jaune (XIe siècle) du sud de l’Angleterre et de l’Italie résulte d’une confusion Vikings / Normands de Normandie
Carte de la Scandinavie et des pays de la Baltique.
On donne au terme de Scandinavie plusieurs significations : politiquement, historiquement, c’est l’ensemble des quatre pays de langue scandinave, la Suède, la Norvège, le Danemark et l’Islande (jusqu’en 1809, date de son annexion par la Russie, la Finlande faisait partie de ce domaine); du point de vue géographique, il faut en extraire le Danemark et l’Islande. Restent donc, pour la Scandinavie propre ou Péninsule scandinave (à laquelle est consacré cet article), la Suède et la Norvège.
La Péninsule scandinave est une région d’Europe située au Nord-Ouest du continent, vaste péninsule que l’océan Glacial baigne au Nord, l’océan Atlantique à l’Ouest, les détroits danois (Skagerrak, Kattegat et Sund) au Sud et au Sud-Est, la mer Baltique à l’Est. Elle a une superficie de 770.166 km².
Elle s’étend entre 71° 71’42 » et 55° 20′ 18″ de latitude Nord, les points extrêmes étant au Nord le promontoire de Knivskjaelodden sur l’île de Mageroe, et au Sud le Smyge-Heck. Reliée à la Russie du Nord par l’isthme très bas qui s’étend du fond du golfe de Botnie au Varangerford, cette vaste péninsule se trouve, de plus, intimement rattachée aux autres pays voisins par un plateau sous-marin qui supporte les dépressions sans profondeur des détroits danois et de la Baltique en rétablissant sous une tranche d’eau de moins de 200 m sa continuité avec le continent. Dans ces conditions, on ne peut méconnaître qu’un simple gauchissement du terrain, combiné avec des effets subséquents d’érosion marine, a suffi pour déterminer son isolement.
Les pays de la péninsule. La péninsule scandinave est en général un pays pittoresque, très beau, couvert de montagnes, de rochers, d’immenses forêts de pins, de sapins et de bouleaux, de lacs, de marais et de rivières. Le versant oriental de cette péninsule est occupé par la Suède (Sverige); la Norvège (Norge) occupe le versant occidental. On doit aussi nommer la Laponie, à cheval sur tout le nord de ces deux Etats et débordant, à l’Est, en Finlande et même en Russie, c’est-à-dire au-delà de la Scandinavie proprement dite.
La Suède. La Suède forme une figure, à peu près régulière avec une longueur (1600 km), quadruple de la largeur maxima (400 km), et est entourée de mers à l’Est, au Sud et en partie à l’Ouest (golfe de Botnie, Baltique, Sund, Kattegat et Skagerrak); la Suède possède des frontières terrestres du côté de la Finlande au Nord-Est ou la frontière est formée depuis 1809 par les fleuves de Muonio et Tornea, et du côté de la Norvège à l’Ouest où elle consiste dans la ligne de partage des eaux qui sépare au Nord les affluents de la Baltique et de l’Atlantique, et au Sud les tributaires du Kattegat et du Skagerrak.
Le périmètre de la Suède est évalué à 5451 km (3218 km de côtes, 614 km de frontière finlandaise, 1619 km de frontière norvégienne). La superficie de la Suède est de 449.964 km².
Toutes les provinces de la Suède ont un caractère particulier et une physionomie différente. La Botnie est plate, cultivée et fertile le long de la mer; à l’Ouest, il n’y a que des forêts ou des marais. L’lemptie; la Herjédalie, la Médelpadie, l’Helsingie, la Dalécarlie, la Gestricie et l’Angermanie sont des contrées pittoresques et très belles, montueuses à l’Ouest, plates à l’Est, partout couvertes de forêts, de beaux lacs et de rivières. En hiver, l’aspect de ces provinces est fort différent ; lorsque tout est gelé et couvert de neige, terre, lacs, rivières et rivage de la mer, il n’y a plus qu’une immense plaine blanche, sur laquelle les forêts de sapins forment comme de grandes taches noires.
L’Uplande, la terre classique de la Suède, le siège de la primitive histoire du pays, est une belle et fertile plaine, bien cultivée; l’agriculture y a pris d’assez grands développements. Au Sud de l’Uplande, la Suède change d’aspect; le pays devient plat et uni; les grandes forêts disparaissent et sont remplacées par des champs de blé ; le sol prend les caractères et l’aspect de l’Allemagne du Nord.
La Sudermanie, l’Ostrogothie et la Westrogothie sont de belles contrées, dont les lacs et les montagnes offrent partout les plus beaux aspects; ce sont aussi de riches pays, couverts de belles fermes, de terres à blé, d’arbres à forets, de pâturages et ça et là de bois.
Le Halland et le Smaland ont au contraire un aspect triste et gris, ne sont couverts que de rochers de gneiss et de landes arides où croissent des bruyères et quelques sapins chétifs; on y voit partout d’énormes blocs de granite (blocs erratiques), renversés les uns sur les autres; la population est rare, pauvre et vit dans de misérables cabanes, qui remplacent ici les jolies maisons rouges que l’on voit dans tout le reste de la Suède.
La Blékingie et la Scanie sont formées de plaines riches et fertiles, peu boisées, produisant beaucoup de blé et présentant çà et là quelques landes; ces deux provinces ressemblent tout à fait au Nord de l’Allemagne.
La Norvège. La Norvège, qui s’allonge en bordure de l’Atlantique, est une terre étroite, très escarpée, plongeant dans le Nord vers l’océan Glacial Arctique, échancrée dans le Sud par le Skager Rak, baignée dans l’Ouest par les eaux de l’Atlantique septentrional. La superficie du pays est évaluée à 324.220 km² (dont 16.30 km² de lacs).
Les frontières continentales de la Norvège (2251 km) à l’Est sont limitrophes de la Suède (sur 1619 km), de la Finlande (sur 736 km) et de la Russie (sur 196 km).
La Norvège est une haute terre montagneuse, très accidentée, pittoresque, rocheuse ou boisée, habitée et cultivée sur les rives des fjords, et presque déserte dans l’intérieur. La population y est disséminée dans des gaard, espèce de fermes où vit une petite colonie de laboureurs et d’ouvriers. On sait que la redoutable piraterie des Vikings avait son principal siège dans les fjord de la Norvège et du Danemark.
La Laponie. La Laponie, en suédois Lappland, en lapon Saméanda, est une contrée contigue à l’océan Glacial Arctique. Elle est divisée en quatre parties : la Laponie norvégienne, au Nord, comprise dans le Finmark; la Laponie suédoise, au Nord d’Umea, la Laponie finlandaise, qui occupe tout le Nord de la Finlande et la Laponie Russe, dans la partie Nord-Ouest de la péninsule de Kola.
La Laponie est un vaste plateau montueux qui appartient à la Norvège, à la Suède à la finlande et à la Russie; il a de 6 à 700 m d’altitude, est compris entre le 65° et le 71° latitude Nord et est accidenté par les derniers chaînons des monts Kjöllen, toujours couverts de neige et de glace.
Partout la Laponie présente des rochers nus, des marais tourbeux, des lacs et des rivières, des bouleaux nains, et des forêts de sapins dans les parties méridionales; partout aussi, principalement dans l’extrême Nord, le pays est couvert par l’herbe des rennes, mousse haute et touffue, qui forme comme un immense tapis blanc.
Si en hiver, la nuit dure deux mois et demi (15 novembre – 31 janvier), en revanche, pendant l’été, le soleil ne se couche pas de puis le milieu de mai jusqu’à la fin de juillet. La végétation est peu variée; cependant les mousses, les lichens, divers arbustes à, baies y procurent une nourriture tolérable; on cultive quelques céréales.
Le renne est la grande ressource des habitants du pays. En été, la chaleur est assez grande et les éleveurs de rennes sont obligés de conduire les bêtes sur les hautes montagnes de la Norvège pour les soustraire à la chaleur qui les tue. En hiver, quand la mousse est épuisée, ils conduisent leurs troupeaux en Suède, où abonde l’herbe des rennes.
Le littoral. Les côtes de la Suède sont élevées, découpées par une infinité de petites baies (viken ou viig) et bordées de rochers (skaeres) on de petites îles rocheuses et nues; nulle part on n’y voit de grèves, de sables ou de galets; partout ce sont de hautes falaises (150 à 300 m), plus hautes que la mer qui les baigne n’est profonde, car rarement sa profondeur est de plus de 25 m, et ordinairement elle n’est que de 13 à 16 mètres.
La Baltique forme au Nord, entre la Suède et la Finlande, le golfe de Botnie, qui est séparé de la Baltique par un groupe d’îles et de rochers, appelé l’archipel d’Aland. Le golfe de Botnie, dans toute sa longueur, qui est de 600 kilomètres, n’a pas plus de 180 à 220 km de large; entre Uméa et Wasa, il est encore plus étroit, n’a plus que 75 km, est encombré d’îles et de rochers, et forme un détroit qu’on appelle le Quarken. Le Quarken gèle en entier dans les hivers rudes; aussi en 1809, quelques détachements de soldats russes ont-ils traversé ce détroit, comme relui d’Aland, pour venir attaquer la Suède.
Au Sud du détroit d’Aland, dans la Baltique, la Suède possède les deux grandes îles de Gottland et d’Öland; cette dernière est séparée de la Suède par le détroit de Kalmar. Au Sud de la Suède est le cap Falsterbo, au delà duquel on entre dans le Sund, important détroit qui sépare la Suède de l’île danoise de Seeland; puis on arrive dans le Kattegat.
Les ports principaux sont : Haparanda, à l’embouchure de la Tornéa, Luléa, Pitéa, Uméa, Hernösand, Gefle, dans le golfe de Botnie; Stockholm, Nykoeping, Norrkoeping, Kalmar, Karlskrona, dans la Baltique; Malmö, Helsingborg, sur le Sund; Halmstad et Göteborg, sur le Kattegat.
Le littoral de la Norvège commence, sur le Skagerrack, au Swinesund, golfe étroit et profond, bordé de rochers élevés et couverts de sapins; peu après on arrive au golfe d’Oslo, puis au cap Lindesness, au delà duquel la côte se dirige du Sud au Nord, et se distingue par un caractère particulier; elle est découpée à l’infini par des fiord ou golfes étroits, qui pénètrent très avant dans l’intérieur des terres et sont bordés de hautes falaises couronnées de forêts de pins et de sapins, Tout ce littoral est parsemé de rochers, d’écueils et d’îlots peuplés d’aigles et de mouettes, et de grandes îles qui forment plusieurs archipels. Au Sud, il y a l’archipel de Bergen, au centre l’archipel de Trondheim, et au Nord, l’archipel de Lofoten et celui des Vesteraalen, dont les parages forment une des plus importantes régions de pêche de l’Europe; c’est un groupe d’îles élevées, sans bois, couvertes de pâturages et peu peuplées. Tous les détroits qui séparent entre elles les îles Lofoden s’appellent ström ( = courant); celui qui est entre les îles Vaeröe et Moskenesöe (au Sud de l’archipel) est Ie Mal-ström; il n’est dangereux que quand le vent du Nord-Ouest souffle en opposition avec le reflux, et il n’a pas dans le pays la célébrité qu’on lui a faite. Le Salten-ström, à l’entrée du Salten-fjord, est réellement dangereux et bien autrement redouté des marins norvégiens.
Au Nord de la Laponie, et à l’entrée du Porsanger-fjord, est l’lle Mageröe, terminée par le cap Nord, haute falaise de 400 m, surmontée d’un plateau étendu et couvert de lichens couleur de soufre.
Les principaux golfes de la côte de Norvège et de Laponie sont : le Bukke-fjord, à l’entrée duquel est Stavanger, le Bömmel-fjord, le Hardangerfjord, le Selbö-fjord, le Kors-fjord, le Sogne-fjord, le Storfjord, le Hals-fjord, le Trondheim-fjord, le Foldeu-fjord, le Rauenfiord, le Salten-fjord, à l’entrée duquel est Bodöe, le Folden-fjord, le West-fjord ( = Golfe Occidental) entre la Norvège et les îles Lofoten, et sur la côte septentrionale de la Laponie, le Porsanger fiord, le Luxe-fjord, le Tana-fjord et le Varanger-fjord.
Les fjord sont partout peuplés d’algues abondantes et très poissonneux; aussi, la pêche est-elle très active sur toute la côte norvégienne. Les parages des Lofoden sont surtout poissonneux. Le poisson aime ses eaux tranquilles, tièdes et à l’abri des tempêtes du large; aussi vient-il en masse de tous côtés pour frayer sur les bancs du golfe.
La pêche du hareng est également très importante, mais elle se fait dans les parages de Bergen. Les homards fourmillent dans les rochers du littoral norvégien, surtout entre Christiansand et le cap Lindesness.
On a constaté sur toute la côte de la Suède, et aussi sur celle de la Norvège, les plus remarquables changements dans le niveau de la mer. Des villes maritimes (Pitéa, Luléa, etc.) sont aujourd’hui dans l’intérieur des terres; des bras de mer ont actuellement desséchés et cultivés; çà et là, sur les falaises, à plusieurs mètres au-dessus du niveau actuel de la mer, on voit les berges de son ancien rivage. Toute la partie du littoral suédois baignée par le golfe de Botnie et sur la totalité du littoral norvégien, entre le cap Lindesness, au Sud, et le Varanger-fjord, au Nord, la côte parait s’élever peu à peu, tandis que sur tout le littoral méridional de la Norvège, et surtout sur celui de la Suède méridionale (en Scanie), on a constaté que la mer s’élevait, ou bien que le sol de la péninsule subissait, dans cette partie, une dépression. Sur quelques points, la différence entre les anciens niveaux et le niveau actuel est de 67 m; on a constaté que l’élévation moyenne du terrain, sur la côte sué doise du golfe de Botnie, est d’environ 1,30 m par siècle.
L’orographie. La péninsule scandinave est traversée dans toute sa longueur par une grande chaque désignée sous le nom général de monts Dofrines (altération du mot dovrefjeld) et qui couvre surtout la partie occidentale de la péninsule, c’est-à-dire la Norvège.
Les monts Dofrines commencent au Sud du Vranger-flord et se prolongent jusqu’au cap Lindesness, sur une étendue de 1800 kilomètres. Cette chaîne porte divers noms; dans l’extrême Nord, ce sont les montagnes de la Laponie; puis elle s’appelle, entre Suède et Norvège, les monts Kiöllen ; ensuite, vers le 62,5° de latitude., c’est le Dovrefjeld, presque tout entier situé en Norvège; enfin, le long de la côte occidentale, et en Norvège, on trouve le Langfjeld, le Sognefjeld et le Hardangerfjeld.
La structure des monts Dofrines présente plusieurs particularités; la première, c’est que la crête de ces montagnes ne consiste pas en sommets aigus, mais en un plateau (fjeld) ondulé, qui, dans la partie méridionale de la Norvège atteint quelquefois une largeur de 25 à 50 km. Sur le sommet de ces fjeld, il y a quelquefois des pics isolés, comme le Sneehaettan, qui s’élèvent à 1000 m au dessus du plateau sur lequel ils reposent. Les fjeld forment de hauts déserts dangereux à traverser, à cause du froid et des tempêtes qui y règnent.
Scandinavie les reliefs
La hauteur du système scandinave s’aug mente en allant du Nord au Sud. Dans la Laponie méridionale, les plateaux du Kjöllen ont une hauteur moyenne de 800 m; dans le Dovrefjeld, les plateaux s’élèvent à 975 m, et à 1460 m dans le Sognefjeld et le Hardangerfjeld. Les points culminants sont : dans les monts Kiöllen, le Sulitelma (1883 m); dans le Dovrefjeld, le Sneehaettan (2300 m); dans le Hardangerfjed, le Skaagestöltind (2485 m), qui est le plus haut sommet de la péninsule. Toutes les montagnes scandinaves sont pittoresques, escarpées, sauvages, coupées de gorges profondes, de ravins et de défilés difficiles et très dangereux ; elles sont couvertes de bois, de lacs et de marais, et le plus souvent inhabitées, excepté sur les rives des fjord et des cours d’eau; leurs sommets sont partout nus et neigeux. De nombreuses et belles chutes d’eau augmentent la beauté de ce pays montueux; une des plus remarquables est la Rinkand-fosss, haute de 300 m et située dans le Hardangerfeld.
La seconde particularité à observer dans ces montagnes, c’est la différence d’inclinaison à l’Est et à l’Ouest. Sur le versant oriental ou suédois, la pente est insensible jusqu’aux plateaux du sommet (fjeld) : elle est si douce, qu’on ne s’aperçoit de la différence de hauteur que par le changement du climat et de la végétation. Au contraire, le versant occidental ou norvégien est abrupt; après avoir traversé les plateaux du sommet, on arrive soudain sur le bord de la mer, où les montagnes plongent immédiatement par des falaises hautes au moins de 650 mètres.
Cette différence des pentes des deux versants a exercé une influence considérable sur le développement des cours d’eau. De nombreuses rivières coulent sur le versant suédois et se jettent dans le golfe de Botnie et dans le grand lac Väner, tandis qu’un seul fleuve, le Glommen, va finir dans la mer du Nord. Le versant occidental de la chaîne scandinave n’est arrosé que par de très petits cours d’eau; il est, au contraire, baigné, comme on l’a dit, par un grand nombre de fjords, golfes longs, étroits et sinueux, qui semblent occuper le fond des vallées.
Une particularité plus caractéristique de la chaîne scandinave consiste dans une jonction naturelle qui s’établit sur quelques points entre des systèmes hydrographiques opposés. C’est ainsi que la Tornéa se joint avec le Kalix par un bras appelé le Taerendö. Plus au Sud, entre le Dovrefjeld et le Langfjeld, le lac Laessöevand envoie deux cours d’eau, le Langena et le Romsdal, des deux côtés de la chaîne; ce phénomène est encore reproduit par le Glommen dans ses crues; car, près de Kongsvinger, quand il déborde, il envoie quelquefois une partie de ses eaux, par le Vrangs älv, dans le lac Väner.
L’hydrographie. On peut diviser la péninsule scandinave en quatre versants, qui sont ceux de l’océan Arctique, au Nord, de l’océan Atlantique et de la mer du Nord, à l’Ouest, du Skagerrak et du Kattegat, au Sud, et de la mer Baltique et du golfe de Botnie, à l’Est.
L’Océan Arctique reçoit : la Tana, qui sépare la Laponie russe de la Laponie norvégienne; l’Alten, qui arrose la Laponie norvégienne et finit à Altengard.
L’océan Atlantique n’a pour affluents que des cours d’eau sans importance qui se jettent dans les fjord.
Le Skagerrak reçoit : le Torrisdals, qui finit à Christiansand; le Laaven, qui passe à Kongsberg et finit à Frederickswaern; le Drammen, qui se jette dans le golfe d’Oslo à Drammen; le Glommen, le plus grand fleuve de la Norvège (550 km), qui sort du Dovrefjeld et, comme les précédents cours d’eau, coule dans une vallée étroite et encombrée de rochers et de cataractes; il a son embouchure à Frederickstad.
Le Kattegat reçoit la Gotha, qui arrose la Suède; elle sort du lac Väner à Vänersborg, coule à travers un pays hérissé de rochers, larme les chutes de Trollhaetta (37 m) et finit à Göteborg. Le lac Väner reçoit à Karlstad la Klara ou Klar älv (nommée Trysil älv en Norvège), grande rivière qui sort du lac Faemund et coule parallèlement au Glommen.
La Baltique reçoit la Motala, petite rivière qui sort du lac Vätter et finit à Norrköping.
Le golfe de Botnie a pour affluents : le Dal, grand cours d’eau qui arrose la Dalécarlie et est formé par la réunion du Vätter-Dal et du l’Öster-Dal; le Liusne; le Liungan; l’Indals; l’Angerman, grossi du Vangel et du Faxe et qui finit à Hernösand; c’est le seul cours d’eau de la péninsule qui soit na vigable jusqu’à une certaine distance de son embouchure; l’Uméa, le Skelleftea, la Pitea, la Luléa, le Kalix; le Tornéa et son affluent le Muonio, qui servent de limite entre la Suède et la Finlande. Toutes ces rivières (älv) coulent parallèlement entre elles; elles traversent, ainsi que leurs affluents, des lacs longs et étroits (söe, vand) ; elles coulent, dans leur partie supérieure, dans des vallées étroites et rocheuses, et, dans leur partie intérieure, au milieu de bois et de marais ou de prairies; leur lit est encombré de rochers, d’îles et de cataractes (foss), et leur cours est généralement rapide, fougueux et non navigable.
Les canaux. Le principal canal de la Suède est le canal de Gothie, qui établit une grande ligne navigable entre Göteborg, sur le Kattegat, et Söderköping, sur la Baltique. Elle se compose : 1° du cours de la Gotha, en partie canalisée pour éviter les chutes de Trollhaetta; 2° du lac Väner; 3° d’un canal entre les lacs Väner et Vätter ; 4° d’un canal qui va de Motala, sur le lac Vätter, à Söderköping, en suivant une partie du cours de la Motala. Le canal de Gothie est praticable à de petits bâtiments de commerce et est d’une exécution remarquable, surtout aux écluses de Trollhaetta; il a été exécuté par l’armée.
Les lacs. La Scandinavie renferme beaucoup de lacs, situés surtout au pied des montagnes, sur le versant oriental ou suédois ; il y en a aussi beaucoup sur les plateaux du sommet; le Miösvandet est à 878 mètres. Il y a encore, dans la Suède méridionale, entre le 58° et le 59° latitude, une rangée de grands et beaux lacs, allant de l’Ouest à l’Est, qui peuvent être considérés comme la limite méridionale extrême de la chaîne dans la partie orientale de la péninsule scandinave. Ces lacs sont : le lac Wäner (5203 km²), le lac Wetter (1849 km²), qui est soumis à de terribles tempêtes, le lac Hielmar (484 km²) et le lac Maelar (1220 km²), dont les bords sont extrêmement pittoresques. Cette rangée de lacs constitue dans le sol de la Suède une dépression qui va d’une mer à l’autre et qui a permis d’établir une ligne de navigation artificielle par le canal de Gothie. Au Sud de cette dépression, la Suède méridionale (Gothie) se relève et forme un plateau, dont le point culminant est le Taberge (338 m), près de Jonköping. Tout ce plateau est couvert de petits lacs et de rivières.
Les ressources minérales. La péninsule scandinave consiste presque entièrement en une masse de gneiss et de micachiste, mêlée çà et là à quelques parties porphyriques ou syénitiques. De là vient que le sol manque souvent de la terre végétale qui produit les riches moissons; en effet, formé d’un gravier provenant de la décomposition du terrain primitif, le sol n’est recouvert que par places d’une mince couche de terre végétale, et demande, pour être cultivé, des efforts qui, sans compter la dureté du climat, surpassent beaucoup ce que les habitants des autres pays de l’Europe ont à faire. En revanche, ce sol contient d’abondantes richesses minérales.
Le fer est la grande richesse de la péninsule scandinave; on l’y trouve partout en importants gisements et le minerai donne des fers excellents, surtout pour la fabrication des aciers fins. Les principales mines de fer s’exploitent à Kiruna, à Gellivara, en Laponie, à Danemora, en Suède, et sur le pourtour des golfes d’Oslo et de Trondheim, en Norvège.
Le cuivre est exploité à Falun en Suède, à Röraas et Kaafjord, en Norvège. Le cobalt est exploité sur divers points de la Suède et à Modum, en Norvège. L’argent est exploité à Kongsberg, en Norvège. L’alun, le soufre, le nickel et le chrome sont aussi au nombre des productions minérales de la péninsule.
Les mines de la Suède se trouvent presque toutes au centre.
Le climat. Le climat de la péninsule scandinave, qui est comprise entre le 50° et le 71° de latitude Nord, et qui en outre est traversée par une haute chaîne, est très varié; en effet, dans le Sud de la Suède, la température moyenne de l’année est de + 9°C à 10° C, tandis qu’au cap Nord elle ne s’élève que fort peu au-dessus de 0 °C.
Quoique froid, le climat de la péninsule l’est beaucoup moins que celui de toute autre contrée située sous les mêmes latitudes. Les causes de cette douceur relative sont le voisinage de la mer, le caractère marin du climat et surtout l’action très influente du Gulf Stream, le grand courant d’eau chaude qui baigne toute la côte norvégienne jusqu’au delà du Varanger fjord.
En Norvège, l’hiver est long; la neige couvre la terre depuis novembre jusqu’en avril ; la température est ordinairement de – 10° C, et quelquefois de -35 °C et au delà. L’été ne dure que quatre mois (juin, juillet, août et septembre), mais il est chaud et les jours sont très longs ; aussi suffit-il à mûrir les céréales. Cependant, comme en Russie, les gelées prématurées ou tardives détruisent souvent les récoltes, surtout pendant les nuits de la mi-août, appelées ici « nuits de fer ». Le climat du littoral et des fjord norvégiens est extrê mement humide et naturellement plus chaud que celui de l’intérieur et des fjeld.
En Suède, l’hiver, généralement sec, dure cinq ou six mois. Le plus grand froid observé à Stockholm a été de – 40 °C. L’été y est court et chaud; on a eu à Stockholm des chaleurs de 45 °C. L’automnne est pluvieux et nébuleux. Le climat de la Suède est très humide, quoiqu’à un moindre degré qu’en Norvège.
Dans la Laponie, l’hiver est très long et très froid ; la température moyenne de cette saison est de -18 °C ; l’été est très court, mais assez chaud, et le thermomètre s’y élève à 26° C et 27 °C. Cette partie de la péninsule est convent dévastée par des ouragans terribles, qui durent plusieurs jours et dont la violence est bien plus redoutée que les rigueurs de l’hiver.
Les vents qui dominent dans la Scandinavie sont ceux du Sud-Ouest. Ils constituent en Norvège les vents de pluie, tandis que c’est le vent d’Est qui est le vent de pluie en Suède. La côte occidentale de la péninsule est la contrée de l’Europe, après les hautes régions des Alpes, où il pleut davantage. L’époque de ces grandes pluies est de septembre à novembre.
La limite des neiges perpétuelles dans les montagnes scandinaves varie suivant les latitudes. (L. Dussieux / Ph. B.).
Alors qu’il est quotidiennement question des pays dits «émergents», cette édition 2014, se concentre sur la notion de puissance. Contrairement à bien des prévisions, la victoire de l’occident dans la guerre froide n’a pas débouché sur une longue période de domination américaine. Si les États-Unis restent à bien des égards le pivot des équilibres géopolitiques mondiaux, la puissance américaine est confrontée à des concurrences nouvelles. Un constat qui s’applique également aux autres puissances occidentales, en particulier européennes, profondément secouées par la crise économique. Alors que la mondialisation, les mutations économiques et les révolutions numériques transforment notre quotidien, ne faut-il pas sortir des cadres anciens pour penser la puissance ?
Cette évolution structurelle s’accompagne de la montée en puissance de nouveaux mouvements sociaux qui bouleversent directement ou indirectement les fondements de l’ordre international hérité de l’après-guerre froide.
La Chine, l’Inde, le Brésil et, dans une moindre mesure, l’Afrique du Sud et la Russie, se dotent à leur tour des atouts politiques, économiques mais aussi culturels et technologiques de la puissance. Quant aux mouvements révolutionnaires ou contestataires qui se multiplient à travers le monde, ils ont déjà des conséquences sur le modelage en cours de la nouvelle architecture mondiale.
L’état du monde 2014 évalue et questionne cette remise en cause de l’hégémonie occidentale par des puissances émergentes et par les « sociétés civiles » dans les deux premières parties. La troisième partie est composée d’articles «régionaux» qui mettent en lumière les tensions stratégiques et diplomatiques majeures, illustrant l’évolution des conflits en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine.
Véritable «roman de l’actualité mondiale», L’état du monde révèle, au-delà de l’immédiateté de l’événement, la tonalité des changements à l’oeuvre sur la planète.
L’Etat du monde 2014 sous la dir de Bertrand Badie et Dominique Vidal édition La découverte 18 euros.
Source : La Marseillaise 26/12/13
François Gèze, patron désormais retraité des éditions de La Découverte, dresse le bilan pour les 30 ans de la maison
Le trentième anniversaire des éditions de La Découverte est marqué par le départ à la retraite de son président, François Gèze. En effet, cette figure emblématique de l’édition en sciences humaines a annoncé le 12 décembre dernier, sa décision de laisser la main à Hugues Jallon, ancien directeur éditorial de la maison, et directeur éditorial des sciences humaines et des documents pour le Seuil depuis 2011. C’est « par souci d’assurer dans les années qui viennent la pérennité de la maison, de son catalogue et des services qu’elle entend apporter à ses auteurs », que ce changement de direction prendra acte en février prochain. François Gèze gardera toutefois le rôle de directeur de collection, ainsi que certaines responsabilités interprofessionnelles.
Ce départ est l’occasion, pour Nonfiction, d’interroger celui qui a marqué, pendant trente ans, le paysage intellectuel et éditorial français.
Nonfiction – Quels auteurs vous ont le plus marqué durant votre carrière à La Découverte ?
F. G – Difficile de répondre à une telle question quand on a croisé le chemin de centaines d’auteurs… Mais je dirais que c’est certainement l’historien Pierre Vidal-Naquet qui m’a le plus marqué : j’ai beaucoup appris auprès de lui, à travers ses livres comme à travers ses engagements. Jusqu’à sa disparition en 2006, son soutien à la maison a été constant et décisif. Bien d’autres m’ont également beaucoup apporté, comme Yves Lacoste, le fondateur de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote ; les philosophes Bruno Latour et Isabelle Stengers ; Pierre Lévy et Philippe Breton, pionniers pour la compréhension des nouvelles technologies de communication ; Armand Mattelart, précieux historien et analyste des médias ; Yves Benot, Benjamin Stora et Pascal Blanchard, défricheurs de notre histoire coloniale ; les psychanalystes Gérard Mendel et Miguel Benasayag ; Georges Corm, remarquable spécialiste du Proche-Orient et économiste ; l’historien des idées François Dosse ; les économistes Robert Boyer, Pierre Salama, Alain Lipietz et Immanuel Wallerstein ; les journalistes Jean Guisnel, Marie-Monique Robin et Jean-Baptiste Rivoire, etc.
Conseillerez-vous La Découverte sur les choix de modèle économique à adopter face au changement qu’opère le numérique dans le monde de l’édition ?
Si Hugues Jallon le juge utile, pourquoi pas ? Je continuerai en tout cas à m’intéresser à ces questions, puisque je conserve la présidence de la société Cairn.info, portail de revues et d’ouvrages de sciences humaines et sociales, que nous avons créé en 2005 avec d’autres éditeurs.
Quelles qualités d’Hugues Jallon vous ont amené à le conseiller à Editis pour vous succéder à La Découverte ?
D’abord, son talent d’éditeur, découvreur de nouveaux auteurs et toujours curieux de découvrir de nouveaux réseaux intellectuels et politiques, comme il l’a prouvé quand il était éditeur à La Découverte – dont il connaît de ce fait parfaitement le catalogue et les orientations, ce qui est évidemment un atout décisif. Mais aussi ses compétences gestionnaires, dont il a toujours eu le souci et qui sont évidemment indispensables pour diriger une entreprise. Et je ne doute pas que son expérience au Seuil lui sera également très utile.
Par Pierre RAZOUX, Pierre VERLUISE, le 17 novembre 2013
L’Iran n’accepte un compromis que dans trois cas : s’il est convaincu que c’est son intérêt, si les caisses de l’Etat sont vides et s’il est convaincu qu’il est sous la menace imminente d’une intervention militaire étrangère.
Pierre Razoux vient de publier « La guerre Iran Irak. Première guerre du Golfe 1980-1988 » chez Perrin. Il répond aux questions de Pierre Verluise pour éclairer à la fois l’actualité et cette page d’histoire méconnue.
P. Verluise : Que vous a appris votre recherche sur le mode de fonctionnement du pouvoir iranien ? Aujourd’hui, cette guerre marque-t-elle encore les représentations mentales, les comportements et le jeu diplomatique de l’Iran ?
Pierre Razoux : La guerre Iran-Irak (1980-1988) a tout autant marqué les représentations mentales des Iraniens et des Irakiens que la Première Guerre mondiale a frappé l’imaginaire collectif des Européens. Elle constitue la matrice de la donne géopolitique qui continue de prévaloir aujourd’hui dans le Golfe. Elle permet de comprendre comment fonctionne le régime iranien, qui, quoique l’on en dise, est totalement rationnel et comprend parfaitement les notions de dissuasion et de rapport de forces. Elle démontre aussi que le régime iranien n’hésite pas à frapper le premier et à pratiquer la guerre asymétrique (attentats, kidnapping) s’il estime que c’est son intérêt. Avant de s’engager dans un processus de confrontation directe ou indirecte avec le régime iranien, que ce soit en Syrie, au Liban, en Iran (en cas de frappes contre le programme nucléaire) ou ailleurs, l’expérience montre qu’il convient d’analyser très soigneusement la portée de ses actes. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas agir ; cela signifie simplement qu’il faut être conscient de toutes les répercussions qui risquent d’en découler et qu’il faut être prêt à y faire face avec des moyens adaptés.
L’étude de la guerre Iran-Irak, comme celle de la période qui a suivi, montre que l’Iran n’accepte un compromis que dans trois cas : s’il est convaincu que c’est son intérêt, si les caisses de l’Etat sont vides et s’il est convaincu qu’il est sous la menace imminente d’une intervention militaire étrangère. Le Guide Ali Khamenei n’a pas oublié l’épisode douloureux de la fin de la guerre, lorsque l’ayatollah Khomeiny ne s’était résolu à mettre un terme à sa croisade contre Saddam Hussein que lorsque les caisses de la République islamique étaient vides et que les Etats-Unis se préparaient à intervenir directement contre l’Iran. La marge de négociation du pouvoir iranien avait été alors nulle et l’économie iranienne avait mis dix ans à s’en relever. En novembre 2013, à Téhéran, chacun semble comprendre que le temps joue désormais contre l’Iran, que les sanctions économiques sont efficaces, tout comme les actions clandestines visant le programme nucléaire, et qu’il est urgent de sortir le pays de l’isolement et d’attirer massivement les capitaux étrangers pour mettre en valeur ses importantes réserves gazières et pétrolières. Les trois conditions sont donc réunies : le pouvoir est conscient qu’il a intérêt à négocier, que la fenêtre d’opportunité ne durera pas indéfiniment, que les caisses sont en train de se vider et que l’option militaire, même si elle paraît s’éloigner, reste toujours sur la table. Plusieurs experts reconnus de l’Iran font valoir qu’au crépuscule de sa vie, Ali Khamenei souhaiterait laisser sa trace dans l’histoire non pas comme celui qui aurait précipité l’asphyxie du peuple iranien, mais comme celui qui aurait permis la normalisation avec l’ennemi d’hier, fort de sa stature de résistant historique à l’oppression extérieure. Il ne s’agirait nullement d’instituer des liens amicaux avec Washington, mais seulement des liens fonctionnels qui permettraient de rétablir les relations diplomatiques, de lever les sanctions économiques, de stopper les actions clandestines, d’obtenir des garanties de sécurité (notamment pour la communauté chiite au Liban) et d’attirer les capitaux étrangers. Bien sûr, une telle normalisation impliquerait un grand marchandage portant notamment sur la mise sous contrôle international du programme nucléaire iranien. Pour les mollahs les plus réalistes du régime, l’adversaire, ce n’est plus les Etats-Unis, ni même Israël, mais plutôt l’Arabie saoudite.
P. V : En quoi la guerre Iran-Irak a-t-elle brouillé les cartes géopolitiques ?
P. R : Le déclenchement de la guerre en septembre 1980 surprend et inquiète considérablement la plupart des acteurs du jeu moyen-oriental à l’exception d’Israël qui est ravi de voir deux de ses adversaires potentiels s’entredéchirer, et la Chine pas mécontente de constater la gêne de l’URSS et des Etats-Unis d’Amérique. Ce conflit n’a en effet rien à voir avec l’affrontement Est-Ouest. Il n’a rien à voir non plus avec la guerre israélo-arabe, qui aurait permis aux Arabes de s’unir derrière une même bannière. Il n’a rien de commun avec les conflits de décolonisation, puisque les régimes irakien et iranien se revendiquent tous deux comme anticolonialistes, nationalistes et tiers-mondistes. Il oppose enfin deux nations musulmanes. Difficile donc pour les dirigeants arabes de définir une ligne idéologique qui permettrait de guider un choix d’autant plus délicat que le monde arabe est profondément divisé par plusieurs lignes de fracture : monarchies « conservatrices » contre républiques « progressistes » ; régimes laïques contre régimes islamiques ; Etats pro-occidentaux contre états prosoviétiques ; Etats acceptant de discuter avec Israël contre ceux appartenant au Front du refus ; Etats rentiers contre pays pauvres. Face à cette guerre qui transcende ces lignes de fracture, les dirigeants arabes, tout comme leurs homologues occidentaux, se positionnent donc en fonction de leurs intérêts et de la nature de leurs relations bilatérales avec Bagdad ou Téhéran. Les dirigeants arabes se positionnent également en fonction de leurs rivalités, car plusieurs d’entre eux ambitionnent d’imposer leur leadership sur l’espace arabophone. Tous sont cependant d’accord sur un point : tout doit être mis en œuvre pour éviter que ce conflit ne se transforme en une guerre régionale susceptible de dégénérer en un affrontement militaire entre Américains et Soviétiques, dont les Arabes feraient impitoyablement les frais. Le pragmatisme l’emporte donc sur toutes considérations historiques, ethniques ou religieuses. Les Américains ne soutiendront l’Irak qu’à partir de 1983. Contrairement à une idée reçue, ils n’ont absolument pas poussé Saddam Hussein au crime en l’encourageant à attaquer l’Iran. Je le démontre en détail dans mon ouvrage. Quant aux Soviétiques, ils ne cesseront de changer leur fusil d’épaule, courtisant et soutenant tour à tour l’Irak, l’Iran, puis de nouveau l’Irak avant de se tourner durablement vers l’Iran. Les Chinois prendront pour leur part systématiquement le contre-pied de la position soviétique !
P. V : Comment la France a-t-elle été concernée par cette guerre ?
P. R :Paris est le seul Etat européen à avoir pris fait et cause pour Bagdad dès le début des hostilités. Les autres se sont contentés d’une attitude à la fois neutre et prudente, ne serait-ce que pour préserver leurs intérêts économiques en Irak et en Iran.
A l’époque, l’Irak était perçu par les gouvernements français successifs comme un eldorado pour les industriels du pétrole, de l’armement, de l’agroalimentaire, mais aussi du BTP et du nucléaire. Pour la classe politique et les élites médiatiques françaises, le régime irakien « laïque » de Saddam Hussein constituait un bouclier commode face au prosélytisme révolutionnaire des mollahs iraniens, même s’ils ne se faisaient aucune illusion sur son caractère autocratique. D’autant plus que plusieurs contentieux « lourds » opposaient alors la France à l’Iran : l’affaire EURODIF, l’affaire Naccache, la présence en France de l’ancien président Bani Sadr et de Mohammed Radjavi (le chef des Moudjahidin du Peuple), pour ne rien dire des ventes d’armes françaises à Bagdad (121 Mirage F-1, 56 hélicoptères de combat, 300 véhicules blindés, 80 canons automoteurs, du matériel antiaérien et antichar de dernière génération, des milliers de missiles et des millions d’obus et munitions diverses).
Le soutien de la France à l’Irak fut total jusqu’en 1983, tant que l’Irak était solvable et que les moyens de pression de l’Iran contre la France restaient très limités. Entre 1984 et 1987, ce soutien devient beaucoup plus modéré, car le régime irakien ne parvient plus à honorer ses dettes, mais aussi parce que l’Iran dispose alors de puissants leviers contre la France, à travers les otages français capturés à Beyrouth et les attentats commis en France et au Liban. Le gazage des Kurdes, au printemps 1988, sert de prétexte au gouvernement français pour prendre ses distances avec Bagdad, alors même qu’il vient de trouver une entente avec le régime iranien pour mettre un terme à la « guerre des ambassades » et normaliser ses relations avec Téhéran. Car entre temps, l’Iran a ouvert un nouveau front au Liban pour y affronter, par milices interposées, les Etats soutenant le plus l’Irak, dont la France. Ces tensions entre Paris et Téhéran culmineront à l’été 1987, lorsque le gouvernement français dépêchera un groupe aéronaval dans le Golfe, pour escorter les pétroliers français et faire pression sur le régime iranien.
Malgré les attentats (notamment celui du Drakkar, dont on vient de commémorer le 30e anniversaire) et les prises d’otages, certaines sociétés françaises n’hésitèrent pas à braver la ligne officielle du gouvernement pour alimenter les trafics en direction de l’Iran, se constituant par là même un trésor de guerre dans lequel certains partis politiques auraient pioché. C’est tout le sens de l’affaire Luchaire dévoilée dans les médias le 28 février 1986, quelques jours seulement avant les élections législatives qui amèneront le premier gouvernement de cohabitation en France. L’affaire prendra une tournure politique quand il apparaîtra qu’une partie des profits ainsi réalisés auraient alimenté une caisse noire gérée par d’anciens collaborateurs de Charles Hernu, très proches du parti socialiste. Mais il s’agit là de l’arbre qui cache la forêt, car d’autres sociétés ont fourni discrètement d’autres équipements à l’Iran. Je vous renvoie à mon ouvrage.
P. V : Puisque vous évoquez le gazage des Kurdes, que nous a appris la guerre Iran-Irak au sujet du positionnement des grands acteurs à propos des armes chimiques ?
P. R : Lorsqu’à l’été 1982, après dix-huit mois de guerre, l’Iran porte les hostilités en Irak, Saddam Hussein comprend qu’il lui faut une arme de destruction massive pour dissuader les Iraniens de poursuivre la guerre. Il lance donc un programme « d’armes spéciales » grâce à l’appui technique des Soviétiques et de plusieurs sociétés industrielles occidentales. Les premières armes chimiques « basiques » sont prêtes en 1983 et utilisées massivement en 1984. Dès lors, l’armée irakienne ne va plus cesser d’y recourir jusqu’à la fin de la guerre pour repousser chaque offensive majeure des Iraniens. Cette utilisation des armes chimiques contre des combattants n’entraîne aucune réprimande majeure de la part de la communauté internationale qui craint plus que tout de voir l’Iran l’emporter. Il faut se rappeler qu’à l’époque, nous étions en pleine guerre froide ; les armées de l’OTAN ne pouvaient pas stigmatiser l’arme chimique, sachant très bien qu’elles auraient probablement du l’utiliser en cas d’invasion soviétique. Ce n’est qu’en 1988, lors de l’opération Anfal de punition des Kurdes irakiens suspectés d’avoir collaboré avec l’envahisseur iranien, que Saddam Hussein ordonne le bombardement chimique de la bourgade d’Halabja, afin de stopper une percée iranienne, causant près de 5 000 morts civils. C’est à partir de là que la communauté internationale va s’émouvoir et que les capitales occidentales vont prendre leur distance avec Bagdad. A ma connaissance, les Iraniens n’ont utilisé l’arme chimique qu’une fois, au début de l’été 1988, pour tenter de repousser la contre-offensive irakienne victorieuse au nord de Bassora. Quoi qu’il en soit, une fois la guerre Iran-Irak et la guerre froide terminées, le risque de prolifération des armes chimiques convainc les Nations unies d’adopter une convention internationale bannissant leur emploi, leur fabrication et leur stockage. Cette convention, adoptée le 13 janvier 1993, a entraîné la destruction des stocks, mis en place des mesures de vérification très intrusives et s’applique aujourd’hui à la quasi totalité des Etats, y compris aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C’est l’organisation internationale chargée de la mettre en œuvre, notamment en Syrie, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix.
P. V : La dimension économique a-t-elle joué un rôle important dans la conduite des hostilités ?
P. R : Oui, la guerre économique a joué un rôle absolument décisif ! A l’époque, on n’avait pas encore adopté le vocable politiquement correct de « sanctions économiques ». On parlait encore de guerre économique, mais cela revient au même. Contrairement aux idées reçues, la guerre des pétroliers entre l’Irak et l’Iran, qui a culminé en 1986 et 1987, n’a pas eu un impact déterminant pour ruiner les belligérants et les convaincre de cesser les hostilités. Ce sont en fait les armateurs européens qui ont le plus souffert, notamment par la multiplication par vingt des primes d’assurances ! Ce qui s’est avéré réellement déterminant, c’est la politique concertée entre Washington et Riyad d’effondrement conjoint des prix du pétrole et du dollar, à partir de l’été 1985. C’est à ce moment là que l’Arabie saouditea pris conscience qu’il lui fallait ouvrir en grand les vannes de ses oléoducs en triplant sa production pétrolière en six mois. Conjuguée à la baisse de 50 % du prix du dollar, l’effet a été radical pour l’économie iranienne, tout comme d’ailleurs pour l’économie soviétique qui était également visée. En l’espace d’une année, l’Iran et l’Irak ont vu leur PIB divisé par trois ! L’Irak a pu y faire face, car Saddam menait une guerre à crédit, grâce aux largesses des pays du Golfe, aux garanties bancaires des Etats-Unis et à la bonne volonté de ses fournisseurs européens et soviétiques. L’Iran, en revanche, s’est effondré économiquement et n’a plus eu les moyens de financer sa guerre. Car autant le régime des mollahs savait qu’il pouvait acheter des armes et des munitions un peu partout au prix fort, autant il savait qu’aucun Etat ne lui prêterait ou ne lui offrirait le moindre dollar. Cela reste d’ailleurs valable aujourd’hui !
P. V : Quels sont les principaux enseignements stratégiques de ce conflit ?
P. R : Cette guerre a isolé et marginalisé à la fois l’Irak et l’Iran sortis exsangues des hostilités, poussant le premier à envahir le Koweït en 1990 pour éponger ses dettes et occuper son armée pléthorique, et le second à se lancer résolument dans la voie d’un programme nucléaire devant lui permettre de se doter à terme d’une capacité nucléaire militaire, pour dissuader toute nouvelle agression extérieure et s’assurer qu’un tel traumatisme ne se reproduise plus. Cette guerre a permis également aux Occidentaux de s’implanter durablement le Golfe, notamment sur le plan militaire, et aux Russes d’y projeter leur influence.
Fondamentalement, la Turquie et l’Arabie saoudite peuvent être considérés comme les deux grands « vainqueurs » de cette guerre. La Turquie parce que la guerre lui a permis de se refaire une santé économique en achetant du pétrole très bon marché aux deux belligérants et en commerçant massivement avec eux. L’Arabie saoudite en s’imposant comme un interlocuteur politique incontournable de la région.
Sur le plan militaire, les opérations aéronavales, à la fin de la guerre Iran-Irak, notamment celles conduites par l’US Navy, ont montré qu’il était impossible d’interdire durablement la navigation dans le détroit d’Ormuz, quels que soient les efforts déployés par l’Iran. Les marins occidentaux ont redécouvert à cette occasion la guerre des mines et l’escorte de convois, qu’ils avaient oubliés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ces leçons s’avèrent plus que jamais d’actualité, à l’heure où l’Iran pourrait être tenté de fermer ce détroit stratégique en cas d’intervention militaire contre son territoire.
P. V : Vous avez eu accès à de très nombreuses sources, dont les fameuses bandes sonores de S. Hussein. Que vous ont-elles appris et comment y accéder ? Existe-t-il d’autres documents de ce type qui gagneraient à être valorisés ?
P. R : J’ai en effet eu accès au fabuleux trésor que représentent pour les historiens les fameuses bandes audio de Saddam », saisies à Bagdad par l’armée américaine en 2003. Le dictateur irakien savait qu’il était un tribun, pas un écrivain. Conscient qu’il ne laisserait pas d’ouvrage à la postérité et souhaitant que son peuple se souvienne de lui, il avait systématiquement mis sur écoute les lieux de pouvoir et salles de réunions, afin que ses discours et interventions soient enregistrés. Le but était de laisser une trace permettant aux historiens irakiens de magnifier ses décisions majeures, après sa mort, mais également de surveiller ses adjoints et ses ministres.
es enregistrements retracent bien évidemment les discussions d’état-major entre Saddam Hussein et ses généraux, notamment pendant les phases cruciales de la guerre. J’ai eu la chance d’y avoir accès en allant à Washington à la National Defense University. Ce fut pour moi une expérience fascinante que d’éplucher les retranscriptions d’une partie de ces bandes, et d’assister par procuration à ces débats bien souvent téléguidés par le président irakien, mais pas toujours, car ce dernier savait faire preuve d’une étonnante capacité d’écoute.
En justifiant d’une recherche sérieuse, en étant réputé fiable et en remplissant un certain nombre de formulaires, il est possible de consulter ces archives sur place, en contactant le Conflict Records Research Center via l’adresse Internet CRRC [at ] ndu.edu. Ceux qui lisent le persan pourront également consulter les nombreux volumes « d’histoire officielle » que le régime iranien a commandités sur cette guerre. Enfin et lorsqu’elles seront déclassifiées, les archives diplomatiques françaises de la période 1980-1988 devraient apporter des informations très précieuses sur la perception que les diplomates français en poste à Bagdad et Téhéran se faisaient de ce conflit.
Copyright Novembre 2013-Razoux-Verluise/Diploweb.com
La guerre Iran-Irak aura marqué un tournant dans l’histoire du Moyen-Orient. On ne peut pas comprendre la situation qui prévaut aujourd’hui dans le Golfe, le dossier nucléaire iranien ou les crises politiques à Bagdad et Téhéran, sans saisir les frustrations et craintes persistantes qui découlent directement de cette guerre. Terriblement meurtrière, elle a frappé à jamais l’imaginaire des protagonistes mais aussi des Occidentaux : en mémoire, les images dramatiques d’enfants envoyés au combat, les villageois gazés, les villes en ruines, les pétroliers en feu ou les tranchées ensanglantées. Pour retracer cette histoire à la fois militaire et diplomatique, aux enjeux économiques certains, Pierre Razoux a eu accès à des sources inédites de première main, dont les fameuses bandes audio de Saddam Hussein. Il détaille ici les nombreuses affaires ? Irangate, Luchaire, Gordji, attentats en France, enlèvements au Liban ? toutes étroitement liées à ce conflit. Une histoire faite de rebondissements permanents au gré de l’attitude des pétromonarchies, de la Russie, de la Chine et des Etats-Unis, mais aussi caractérisée par la compromission de nombreuses nations, parmi lesquelles la France…
La République centrafricaine est « au bord du génocide », a déclaré jeudi sur la chaîne de télévision publique France 2 le chef de la diplomatie française Laurent Fabius plus de vingt jours après que l’ONU se soit déclaré préoccupé pour les mêmes raisons.
« Le pays est au bord du génocide (…). Aujourd’hui c’est le désordre absolu, vous avez sept chirurgiens pour 5 millions d’habitants, une mortalité infantile dans certains coins du pays de 25%, un million et demi de personnes qui n’ont rien, même pas à manger, et des bandes armées, des bandits, etc. », a indiqué M. Fabius.
Il faut agir vite, a-t-il ajouté, comme l’avait dit la veille le président François Hollande qui a dénoncé les exactions commises dans plusieurs régions du pays.
« La France, les pays autour, la communauté internationale s’en préoccupent. L’ONU va donner une permission d’intervenir aux forces africaines (des pays alentour), à l’Union africaine et également à la France », a affirmé le ministre des Affaires étrangères, annonçant une résolution du Conseil de sécurité pour début décembre. Mais, a-t-il dit, « ce ne sera pas du tout le même genre d’intervention qu’au Mali, ce ne sera pas aussi massif et aussi durable ».
La France, avec 420 hommes sur place, est « à l’appui des Africains », a-t-il ajouté. Laurent Fabius a estimé que « malheureusement », il y avait un risque que le pays devienne un sanctuaire terroriste.
« Il y a déjà beaucoup de brigands et si les choses ne sont pas remises en ordre, il y a un risque de dissémination à partir de foyers terroristes », a-t-il souligné.
A la tête d’une coalition rebelle, la Séléka, l’actuel chef d’Etat centrafricain Michel Djotodia a renversé le 24 mars le président François Bozizé.
La Séléka a depuis été dissoute mais les forces de sécurité sont impuissantes à neutraliser les ex-rebelles. Après une relative accalmie, les violences ont repris depuis début novembre à Bangui, avec des attaques à main armée et des meurtres.
Des exactions ont également été commises dans des provinces reculées. Les Etats-Unis ont parlé de situation « pré-génocidaire ». L’ONU a aussi mis en garde contre le risque de génocide.
Voir aussi : Rubrique Afrique, RCA, rubrique politique étrangère,