Intermittents : Le gouvernement joue la montre

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Aujourd’hui, les intermittents manifestent à nouveau dans tout le pays contre la convention Unedic et une concertation aux objectifs de plus en plus flous.

Ils n’ont pas renoncé. Et ne sont dupes de rien. Après un été des festivals plus que mouvementé, les intermittents ne désarment pas. Vendredi dernier, ils ont empêché la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin, d’assister à la première de Liliom, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, appliquant ainsi « la charte des festivals », qui considère tous les membres du gouvernement persona non grata. Il faut dire que l’opération Valls, à quelques jours des festivals, en juin dernier, s’est révélée un tour de passe-passe dont plus grand monde aujourd’hui n’est dupe.

La concertation mise en place avec l’ensemble des partenaires sociaux et organisations professionnelles sous la houlette de «trois sages» (Jean-Patrick Gille, Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle) s’est réunie durant le mois de juillet et, après une «pause» en août – incompréhensible pour bon nombre des intéressés –, ne semble pas pressée de passer à la vitesse supérieure. Les élus membres du comité de suivi de la réforme de l’intermittence s’en sont vivement émus. Ils dénoncent d’une même voix une «concertation sur l’intermittence mise en place par le premier ministre qui n’a toujours pas commencé», regrettent «l’absence de méthode, de calendrier et de moyens», et constatent que «l’élaboration de solutions communes n’existe pas. Au-delà de la séance plénière du 2 octobre, aucun plan de travail n’a été fixé. L’aboutissement de cette concertation avant la fin de l’année semble irréaliste, le travail d’expertise n’ayant même pas commencé. (…) »

Le comité de suivi de la réforme de l’intermittence rappelle qu’il défend depuis dix ans le seul modèle alternatif au système en vigueur, «un contre-modèle juste et pérenne». Car c’est bien tout l’enjeu de cette concertation. Parvenir à une refondation pérenne du système. Or les dernières déclarations de guerre du Medef qui se révèlent une remise en cause inédite du contrat social français en s’attaquant systématiquement au Code du travail ne laissent rien présager de bon. La CFDT et FO, ses deux partenaires signataires, ne cessent de claironner que les annexes 8 et 10 coûtent trop cher. Et ce ne sont pas les dernières déclarations approximatives, voire maladroites, de Jean-Patrick Gille, l’autre matin sur France Inter (Service public du 26 septembre), sur le supposé « coût des intermittents » qui devraient rassurer tous ceux qui estiment qu’il faut réinventer un système juste et pérenne.

Détricotage par tous les bouts des droits collectifs

La prise en charge par l’État du différé d’indemnisation des intermittents, mesure annoncée par Valls en juin, était provisoire. Cette annonce de Matignon a validé, de fait, la proposition patronale qui rêve d’exfiltrer les annexes 8 et 10 de l’Unedic pour aller vers la création d’une caisse autonome. Fin d’un système mutualiste, détricotage par tous les bouts des droits collectifs. Le cas des intermittents, aussi spécifique soit-il, est au cœur de toute une réflexion sur l’emploi, le travail, la nature du contrat social, la sécurité sociale professionnelle chère à la CGT.

Un intermittent sur deux, comme l’ensemble des chômeurs toutes catégories professionnelles confondues, n’est pas indemnisé. Les propositions portées par le comité de suivi ouvrent de nouvelles pistes de réflexion sur le sujet, chiffres et expertises à l’appui, dans un marché de l’emploi où l’embauche en CDD devient la norme. Là où Gattaz exige du gouvernement des économies sur le dos des chômeurs (2 milliards), zéro droit pour les salariés, la fin des conventions collectives, les intermittents avancent des propositions alternatives pour tous ceux concernés par l’emploi discontinu qui font sacrément grincer des dents du côté du Medef. Un gouvernement remanié plus tard et une nouvelle ministre de la Culture depuis ne changent rien à l’affaire…

Marie-José Sirach
Source : L’Humanité 01/10/2014
Voir aussi : Rubrique Politique, Politique culturelle,

Intermittents précaires : Une pause dans l’action mais un préavis pour août

10458112_10203414127906920_4156938818515259355_nMobilisation. Premier bilan régional du mouvement des Intermittents et précaires en lutte depuis six mois. Mouvement parti, comme en 2003, de Montpellier où le Printemps des Comédiens a été annulé.

Ce combat symbolique que mènent les intermittents et les précaires depuis près de six mois pourrait bien célébrer le divorce entre la gauche socialiste au pouvoir et le monde de la culture. C’est aussi un combat bien réel comme le contenu du protocole qui aggrave une situation déjà tendue pour beaucoup de professionnels du spectacle, surtout pour les plus jeunes et les plus précaires.

De fait, les mesures qui sont préconisées accroissent les inégalités. L’instauration d’un délai de carence supplémentaire touche directement les bas revenus avec un effet global de dumping social que le gouvernement tentera de masquer jusqu’au bout même s’il parvient à donner des gages acceptables pour les métiers de la culture.

Le vrai enjeu politique concerne le Pacte de responsabilité. En jouant la provocation pour faire passer la pilule le Medef ne s’attendait pas à une telle résistance. Retour sur un conflit parti de Montpellier qui reprendra à la rentrée.

Montée en puissance

« C’est un jeu de dupe qui se joue entre le Medef et le gouvernement et ce sont les salariés qui vont trinquer » prévenait la CGT Spectacle associée à la Coordination des intérimaires et précaires L-R (CIP) dans le cadre du mouvement unitaire L-R. Début mars, les manifestations et occupations se multiplient sans trouver beaucoup d’échos.

Le 2 juillet, l’AG de l’équipe technique du Printemps des Comédiens vote l’annulation des premiers spectacles. L’AG du mouvement unitaire du L-R embraye. La grève connaît alors un retentissement hexagonal. Dans la presse on relève des similitudes avec le mouvement de 2003 parti du même lieu qui avait abouti à l’annulation du Festival d’Avignon. La lutte fait tache d’huile dans l’hexagone et les nuages s’accumulent au-dessus de Matignon.

Lors de la cérémonie officielle des Molière, Nicolas Bouchaud cite la mobilisation à Montpellier et décerne au nom des intermittents un « Molière de la meilleure trahison à François Rebsamen ». L’onde de solidarité se propage.  Et le Printemps des Comédiens ne démarre pas. Le président du conseil général de l’Hérault André Vezinhet maintient l’inauguration. Il aurait souhaité un mouvement plus flexible et fait part de ses craintes sur l’avenir tout en demandant au gouvernement de reprendre les négociations.

Les insurgés, décident en AG, et reconduisent la grève tout en menant d’autres actions et occupations dans les théâtres et festivals de la région. Le manque à gagner pour le Printemps des Comédiens se chiffrerait entre 350 000 et 400 000 euros. Le 4 juin, 250 personnes occupent l’Opéra de Montpellier, malgré les prises de paroles de la directrice Valérie Chevallier et du maire Philippe Saurel leur assurant un entier soutien. Le collectif reste sur la scène. La première de La Traviata est annulée.

Petits pas de Valls

Le 19 juin l’inflexible Manuel Valls recule à petits pas en reportant la mise en application du différé d’indemnisation et en s’engageant à financer la différence. Il promet aussi le maintien des crédits du spectacle vivant en 2015, 2016 et 2017. la CGT-Spectacle, qualifie l’offre de « mesurette ».

Le 21 juin le mouvement unitaire-LR négocie un passage à l’antenne sur France 2 où le président de la République est interpellé en prime time. Dans le Gard, Uzès Danse vote l’annulation du festival. « La seule décision possible pour préserver une équipe, des artistes et le public. »

Pris dans la tourmente le Festival Montpellier Danse maintient sa programmation. Fortement perturbé au début, le festival parvient à maintenir 38 spectacles sur 48 programmés. Le mode blocage se transforme en d’autres formes pour faire passer le message au public. Même processus à Avignon qui focalisait l’attention du gouvernement en raison des enjeux économiques.

Les grèves des 4, 12 et 24 juillet entraînent douze annulations dans le In et beaucoup d’actions dans le Off. A Montpellier le concert d’ouverture du Festival de Radio France, est annulé mais le reste des concerts a lieu.

Jeudi dernier s’est tenue la 4e réunion de concertation qui marque une pause avant de reprendre en septembre. Sur le thème des rémunérations, Jean-Patrick Gille un des membres missionné par le gouvernement a souligné « qu’il fallait trouver un système de discussions avec les intermittents et les employeurs du secteur. » Tandis que le secrétaire général de la CGT-Spectacle Denis Gravouil s’estime « au milieu du gué ».

Mais le conflit continue car les partenaires sociaux signataires disent qu’ils ne veulent pas rouvrir les négociations avant 2016. En attendant la rentrée sociale, la CGT-Spectacle a déposé un préavis de grève pour le mois d’août.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 31/07/14

AG au Printemps des Comédiens, AG au Festival Montpellier Danse, Sur le plateau de France 2… photos dr

Intermittents mais pas seulement

imagesMobilisation. Assurance chômage : dernier round de négociations, les intermittents manifestent et sont rejoints.

Les intermittents une nouvelle fois mobilisés dans plusieurs villes hier, pour occuper certains sièges locaux du Medef. A Montpellier le rendez-vous qui a rassemblé 400 personnes s’est tenu devant la Dirrecte pour un sitting. A l’heure de la dernière séance de renégociation de la convention d’assurance-chômage, qui réunissait au siège du Medef patronat et syndicats. Les travailleurs de la culture apparaissent au devant de la scène mais ne doivent pas masquer ce qui se joue pour l’ensemble des salariés, indique en substance la CGT très représentée dans le secteur culturel.

A la foule se sont joints les précaires, et l’union syndicale de l’Intérim. Le statut d’interimaire se trouve directement dans le collimateur du Medef qui veut supprimer leurs conditions d’indemnisation spécifique, Bien conscient que le dumping social se répercute directement sur tous les travailleurs et les demandeurs  d’emploi les associations de chômeurs sont aussi de la partie.

En milieu d’après-midi une délégation a été reçue par le directeur régional de l’emploi. « Nous souhaitons lui rappeler que le gouvernement doit rester garant d’un mieux-disant social dans les négociations en cours, indique Eva Loyer pour la CGT Spectacle. C’est  un jeu de dupe qui se joue actuellement entre le Medef et le pouvoir en place et ce sont les salariés qui vont trinquer. Il faut que les gens prennent conscience de l’impact des prérogatives du Medef en matière d’assurance chômage. Tout le monde est concerné. » Après interruptions et reprises des négociations à Paris un accord semblait s’éloigner.

JMDH

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Economie, rubrique Société Emploi, rubrique Mouvements sociaux,