Un plan d’austérité injuste, dangereux et illégitime

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par Laurent Mauduit.

Blocage des rémunérations des fonctionnaires, gel des retraites et des prestations sociales, mesures d’économies sur les pauvres : Manuel Valls détaille un plan d’austérité de 50 milliards d’euros d’une violence à laquelle même la droite n’a pas eu recours. À croire que la France a été placée sous la tutelle de la Troïka européenne.

La rupture de François Hollande avec la gauche est décidément consommée ! Après avoir décidé d’organiser un plan d’allègements fiscaux et sociaux d’une ampleur historique en faveur des entreprises sans leur demander la moindre contrepartie ; après avoir nommé à Matignon le premier ministre le plus à même de mettre en œuvre cette politique néolibérale, en l’occurrence Manuel Valls, il a donné son imprimatur, mercredi 16 avril, au cours du conseil des ministres, à l’un des plans d’austérité les plus violents que la France ait connus depuis la Libération, de même nature que ceux de 1982 ou 1983.

Ce plan d’austérité, dont Manuel Valls a décliné les grandes lignes en milieu de journée, présente la triple caractéristique d’être économiquement dangereux, socialement injuste et démocratiquement illégitime.

Voici ci-dessous les deux documents qui permettent de découvrir les détails de ce plan d’austérité. Le premier document est l’allocution que Manuel Valls a prononcée à l’issue du conseil des ministres, pour présenter ces mesures. Le second document a été publié dans la foulée par ses services pour présenter le détail des dispositions.

* Un plan d’austérité injuste

À l’examen de ce plan, qui n’est encore guère détaillé, le premier constat qui saute aux yeux est, de fait, son caractère socialement injuste. Portant sur 50 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées en 2015, 2016 et 2017, à hauteur de 18 milliards sur le budget de l’État, 11 milliards sur les collectivités locales, 10 milliards sur l’assurance maladie et 11 milliards sur les autres dépenses de protection sociale, il vise en somme à faire financer par les salariés modestes, les fonctionnaires, ou encore les retraités les cadeaux de plus de 36 milliards d’euros (30 au titre du « pacte de responsabilité », auxquels s’ajoutent d’autres baisses d’impôt) qui viennent d’être annoncés en faveur des entreprises.

C’est cela, la principale injustice de ce plan : il vise à organiser le plus gigantesque transfert de revenus qui ait jamais eu lieu en France des ménages, notamment les plus pauvres, vers les entreprises, y compris les plus riches.

Ce plan, qui ressemble strictement en tous points à celui qu’aurait pu présenter en des circonstances identiques un François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comporte, ensuite, quand on l’examine poste par poste, de nombreuses autres injustices.

– 18 milliards d’euros d’économies sur l’État. Ce premier volet du plan d’austérité, ce sont les 5,2 millions de fonctionnaires qui vont en faire les frais puisque leurs rémunérations de base vont continuer à être bloquées. « Nous confirmons le gel du point d’indice », a en effet déclaré Manuel Valls. Ce gel a commencé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et devrait donc se poursuivre. Jusqu’à quand ? Jusqu’en 2017 ? La formulation utilisée par le premier ministre est assez ambiguë pour le suggérer.

Cette disposition sera socialement très lourde de conséquences, puisque les rémunérations de base des trois fonctions publiques sont bloquées continûment depuis plus de quatre ans. Ce gel va contribuer à un effondrement du pouvoir d’achat de catégories sociales dont les revenus sont souvent faibles. À titre d’indication, l’Insee vient de publier une étude (<a>elle est ici</a>) qui révèle que les salaires net moyens des trois fonctions publiques ont baissé en euros constants en 2012.

Explication de l’institut : « Dans la fonction publique de l’État (FPE), ministères et établissements publics confondus, le salaire net moyen en équivalent-temps plein (EQTP) a augmenté de 1,1 % en euros courants entre 2011 et 2012. Compte tenu de l’inflation, il a baissé de 0,8 % en euros constants. Il atteint en moyenne 2 460 euros net par mois en 2012.  Dans la fonction publique territoriale (FPT), l’évolution entre 2011 et 2012 est de + 1,4 % en euros courants, soit – 0,5 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 1 850 euros par mois en 2012. Dans le secteur hospitalier public (SHP), le salaire net moyen croît de 1,3 % en euros courants entre 2011 et 2012  et baisse de 0,6 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 2 240 euros par mois en 2012. »

Les fonctionnaires, qui ont très majoritairement voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, vont donc payer un lourd tribut au plan d’austérité. L’Élysée et Matignon n’ont, toutefois, pas osé aller au-delà, en mettant en application une autre mesure sulfureuse qui avait été aussi mise à l’étude dans le groupe de réflexion constitué autour de François Hollande : un blocage des mesures de promotion ou d’avancement dans la fonction publique.

Pour ce qui concerne l’État, les autres dispositions évoquées par Manuel Valls lors de son allocution, ou dans le document publié par Matignon, restent particulièrement imprécises. Si imprécises qu’il ne faut pas exclure d’autres très mauvaises surprises lorsque le véritable détail du dispositif sera transmis au Parlement et ne pourra plus être entouré de fortes zones d’ombre.

Dans le cas des effectifs de la fonction publique, les 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, qui constituaient la promesse phare du candidat François Hollande, sont-elles ainsi toujours d’actualité ? Ou, comme y a réfléchi secrètement ces dernières semaines l’Élysée, ces créations pourraient-elles être légèrement revues à la baisse, d’environ 15 000 postes ?

Dans son allocution, Manuel Valls est resté très évasif, sans mentionner le moindre chiffre : « Les effectifs des ministères, hors éducation nationale, sécurité et justice continueront de diminuer. Ces diminutions s’accompagneront toutefois de redéploiements afin de préserver nos services publics. » Le communiqué de Matignon est, lui, un tout petit peu plus précis : « Les créations d’emplois prévues dans l’Éducation nationale, la sécurité et la justice seront maintenues, dans le cadre de la priorité donnée à la jeunesse, et à la sécurité des Français. »

 

Toujours au titre de l’État, le document de Matignon fait cette mention qui n’a pas été remarquée parce qu’elle est très elliptique : « Les interventions de l’État seront également recentrées pour être plus efficaces. » Énoncée de la sorte, la formule passe, effectivement, inaperçue. Mais c’est un tort car il faut avoir à l’esprit que ce que les têtes d’œuf de Bercy, dans leur jargon, appellent « dépenses d’intervention » constitue une immense enveloppe budgétaire de plus de 60 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur le revenu, et dans ce montant sont compris de nombreux crédit sociaux. Dans le lot, il y a ainsi ce que l’on appelle les interventions de guichet (minima sociaux, aides au logement, prestations versées aux anciens combattants, bourses scolaires ou universitaires…), mais aussi les subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite ou transferts aux collectivités locales…

Même si le gouvernement a démenti depuis plusieurs jours toute suppression des aides au logement pour les étudiants non boursiers, il faudra donc encore attendre pour savoir qui d’autre sera visé par les coupes claires dans ces crédits.

Enfin, dans ce chapitre, une dernière formulation évasive peut susciter une légitime inquiétude et inviter à penser que quelques mauvais coups sont en gestation : « Les opérateurs et autres agences de l’État verront leurs dépenses de fonctionnement et leurs interventions revues à la baisse », peut-on lire dans le document. Dit de la sorte, cela passe aussi inaperçu. Mais il faut avoir à l’esprit que les opérateurs de l’État sont au nombre de 550 et jouent un rôle économique et social souvent décisif.

Un plan avec beaucoup de zones d’ombre

– 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales. Ce second volet est encore plus évasif et imprécis que le premier. Lors de son intervention, Manuel Valls n’a guère donné de détails. Et le document de Matignon se cantonne, lui aussi, à des généralités, du genre : « La Dotation Globale de Fonctionnement sera reformée dans le projet de loi de finances (PLF 2015), pour encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées. »

 

Mais il est fort probable que dans les semaines et les mois qui viennent, lorsque l’on aura une idée plus concrète de ce qui se trame, on découvrira des mesures lourdes de conséquences. Soit parce qu’elles contribuent à l’asphyxie financière de certaines collectivités, soit parce qu’elles poussent à des dispositions impopulaires.

– 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce troisième volet du plan d’austérité entretient, lui aussi, de grandes zones d’ombre sur ce que veut réellement faire le gouvernement. Le document de Matignon indique en effet trois pistes pour réaliser ces économies – mais trois pistes singulièrement floues : « – mieux organiser les parcours de soins, en renforçant les soins de premier recours, en développant la chirurgie ambulatoire, en facilitant le retour à domicile après une hospitalisation, en améliorant le suivi des personnes âgées en risque de perte d’autonomie ; – agir sur la pertinence médicale pour réduire le nombre d’actes et améliorer notre dépense de médicaments, grâce à une consommation plus raisonnée, à un plus grand recours aux génériques et à des prix davantage en adéquation avec l’innovation thérapeutique ; d’interventions inutiles ou évitables. »

Là encore, il faut donc attendre pour savoir ce que cachent ces formulations langue de bois.

– 11 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce quatrième paquet du plan d’austérité est, lui, dès à présent un peu plus précis et comprend des mesures qui auront aussi des conséquences sociales graves.

D’abord, les prestations sociales ne seront pas revalorisées pendant un anExplication du document de Bercy : « Cette stabilité concernera les pensions du régime de retraite de base (1,3 milliard d’euros). Le même effort pourrait être réalisé s’agissant des retraites complémentaires qui relèvent des partenaires sociaux (2 milliards d’euros). Cet effort temporaire épargnera les retraités dont les pensions sont les plus modestes puisque le minimum vieillesse continuera, lui, d’être revalorisé. Le niveau des autres prestations sociales (logement, famille, invalidité) sera également stable jusqu’en octobre 2015 (0,7 milliard d’euros). Cette mesure ne touchera pas les minima sociaux (RSA, ASS, AAH, minimum vieillesse), dont la revalorisation sera garantie. »

 

Cette décision va donc avoir de très graves répercussions sur les 15 millions de Français qui sont retraités, dont le pouvoir d’achat, de l’avis de tous les spécialistes, risque de s’effondrer, car cette disposition de gel des retraites de base va venir se cumuler avec l’accord survenu entre les partenaires sociaux, prévoyant que les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) soient revalorisées d’un point de moins que l’inflation en 2013, 2014 et 2015 (lire <a>L’accord sur les retraites rogne le pouvoir d’achat</a>).

Sus donc aux retraités ! Mais sus aussi aux pauvres… Ne prenant visiblement soin de n’épargner aucune catégorie de Français, même les plus pauvres, François Hollande et Manuel Valls ont décidé que les bénéficiaires du RSA apporteront aussi leur quote-part au plan d’austérité. « Décidés dans le plan pauvreté de janvier 2013, les engagements de revalorisation exceptionnelle pour le RSA, le complément familial et l’allocation de soutien familial sont confirmés. Mais elles seront décalées d’une année », a dit le premier ministre.

Décryptons, pour que cela soit plus clair. Lors de sa campagne, le candidat socialiste avait pris des engagements énergiques pour faire reculer la pauvreté. Et en application de ces promesses, une conférence nationale de lutte contre la pauvreté s’est tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2012. C’est à cette occasion qu’un plan avait été présenté, prévoyant toute une série de mesures comme la revalorisation de 10 % du RSA (Revenu de solidarité active) sur cinq ans et la création de 8 000 places d’hébergement d’urgence. Dans la vidéo ci-dessous, on peut visionner Jean-Marc Ayrault résumant les décisions de cette conférence pour le RSA.

En clair, la hausse de 1,3 % du Revenu de solidarité active (RSA) « socle » (revenu minimum pour personnes sans ressources) intervenue au 1er janvier 2014 aurait dû être complétée par une augmentation exceptionnelle de 2 % le 1er septembre 2014. Dans le cadre de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement avait en effet décidé une augmentation de 10 % d’ici à la fin du quinquennat.

Au terme du plan d’austérité, c’est donc cette hausse de 2 % qui est finalement annulée. Et du même coup, le plan pauvreté est gravement remis en cause.

Usant toujours de la langue de bois, le document de Matignon apporte aussi cette autre précision, un tantinet elliptique : « La modernisation de la politique familiale engagée en 2013 sera poursuivie, en renforçant l’équité des aides aux familles, et en orientant davantage les prestations vers l’emploi des femmes (0,8 milliard d’euros). » Traduction : cette mesure qui vise à renforcer « l’équité » – il faut être gonflé pour oser écrire cela ! – permettra de dégager 800 millions d’euros d’économies. Mais la formule est encore trop tordue pour que l’on puisse comprendre quelle disposition de la politique familiale va être rabotée…

* Un plan d’austérité dangereux

Socialement explosif, ce plan d’austérité est aussi économiquement dangereux, pour de multiples raisons.

D’abord, le gouvernement soumet les fonctionnaires, les retraités ou encore les pauvres à un violent plan d’austérité dans un seul but : trouver les financements nécessaires pour apporter les 36 milliards d’euros de cadeaux annoncés aux entreprises. Sans ces cadeaux, il n’aurait pas eu besoin de soumettre le pays à une telle purge. En clair, le plan d’austérité ne vise en rien à réduire les déficits publics, pour être en conformité avec les engagements pris auprès de Bruxelles.

Or, le gouvernement va offrir ces 36 milliards d’euros aux entreprises sans la moindre contrepartie. Sans obtenir des entreprises des engagements en termes d’emploi ou d’investissement. Il est donc probable que ces cadeaux provoquent surtout des effets d’aubaine et viennent gonfler profits et dividendes au profit des actionnaires. C’est ce que suggérait une étude récente de l’Insee (lire <a>Le choc de compétitivité stimulera d’abord… les profits !</a>).

En clair, le plan d’austérité n’a aucune justification économique. À l’inverse, il risque d’avoir de nombreux effets pervers. Poussant à la baisse le pouvoir d’achat des Français, qui a subi depuis deux ans une chute sans précédent depuis 1984, il risque de replonger le pays dans l’anémie, alors que les signes de reprises sont encore extrêmement ténus.

Il y a donc une forme de dogmatisme de la part du gouvernement, dans la décision qu’il a prise de mettre en œuvre ce plan d’austérité, et dans les modalités. Car, à bien des égards, on sent la patte de la « Troïka » dans ce plan d’austérité : il est très proche de ces fameuses réformes dites structurelles dont raffolent le FMI, Bruxelles et la Banque centrale européenne. Voici donc, en somme, la France en train de suivre une voie assez proche de celle de l’Espagne. Une sorte de cercle vicieux : davantage d’austérité qui conduira à moins de croissance qui conduira à plus de déficits, qui conduira à plus d’austérité…

Ce cercle vicieux, c’est le prix Nobel d’économie Paul Krugman qui l’a le mieux décrit dans <a>l’une de ses chroniques récentes du New York Times</a> : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux. Ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. (…) Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième “grande dépression”. »

 

* Un plan d’austérité illégitime

 

C’est la dernière réflexion à laquelle invite ce plan d’austérité : s’il apparaît stupéfiant, c’est aussi parce qu’il est mis en œuvre, comme dans une folle fuite en avant, par un pouvoir qui vient d’être gravement sanctionné, précisément pour avoir ébauché cette politique d’austérité.

Ce plan prend donc des allures de provocation. Alors que la gauche est fracturée comme elle ne l’a jamais été ; alors que la majorité présidentielle vient d’imploser et que les Verts viennent de sortir du gouvernement ; alors que la fronde a gagné jusqu’aux rangs socialistes, avec des députés de l’aile gauche qui refusent de voter la confiance au nouveau gouvernement, François Hollande, plus isolé que jamais, continue, tête baissée, dans son impasse. Pas un geste social en direction des pauvres, pas un geste en direction des députés de son propre parti, il use des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de la Ve République pour faire l’exact contraire de ce que semble vouloir le pays.

Cet entêtement-là, où conduira-t-il ? Depuis de longs mois, François Hollande attise contre lui une colère qu’il fait mine de ne pas entendre. Une colère qui va encore grossir…

Laurent Mauduit

Source : Médiapart 17/04/2014

Voir aussi : Rubrique PolitiqueFin de l’indétermination démocratique, Politique locale, Réduire le nombre de régions pour rembourser les banques, rubrique  Economie Dette publique , rubrique Société, 40% des SDF sont  des CDI, rubrique Mouvement sociaux,

La chute du socialisme municipal

Photo AFP/Georges  Gobet

Photo AFP/Georges Gobet

Par une cruelle ironie de l’histoire, François Hollande est devenu le fossoyeur de ce qu’il avait construit. S’il n’a pas inventé le socialisme municipal qui est intrinsèquement lié à l’histoire du PS français, les onze années qu’il a passées à la tête de son ancien parti ont fortement contribué à ancrer le phénomène : entre 1997 et 2008, alors qu’il était premier secrétaire, les socialistes ont collectionné les gains aux élections cantonales et régionales ; ils ont arraché Paris et Lyon à la droite lors des municipales de 2001 et conquis, sept ans plus tard, 44 villes de plus de 20 00 habitants. Peu à peu, ils sont devenus les maîtres du territoire au point d’arracher la présidence du Sénat à la droite en 2011.

C’est ce patrimoine opiniâtrement constitué scrutin après scrutin que le même François Hollande, devenu président de la République, a brusquement amputé. Dimanche, sous l’effet d’un vote qui ressemble fort à de la colère, le Parti socialiste n’a pas seulement perdu 155 villes de plus de 9 000 habitants, dont 68 de plus de 30 000 habitants. Il a aussi amputé sa capacité d’action dans les métropoles : si Paris, Lille, Strasbourg et Lyon ont résisté à la vague bleue, les communautés urbaines de Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille semblent bel et bien perdues.

Lire la synthèse du second tour : Municipales : le PS défait par la « vague bleue » de l’UMP et la poussée du FN

HÉMORRAGIE D’ÉLUS ET DE FONCTIONNAIRES

Pour les socialistes, c’est un véritable séisme car la consolidation, élection après élection, d’un puissant réseau d’élus locaux qui avaient démontré leur capacité à gérer les territoires, était un gage de stabilité. Elle permettait de rebondir après les défaites présidentielles (2002 et 2007) , d’entretenir une armada d’affidés dans les exécutifs locaux et d’expérimenter sur le terrain un socialisme marqué du sceau de l’ouverture.

C’est tout cela qui brusquement s’écroule. Du jour au lendemain, le Parti socialiste va connaître une hémorragie d’élus et de fonctionnaires que ces élus faisaient vivre. Surtout, il va douter de son avenir avec, au sommet, un président de la République au plus bas dans les sondages et, à la base, de sérieuses pertes en ligne.

L’IMPOPULARITÉ NATIONALE A ÉTÉ TROP FORTE

Le procès en responsabilité risque d’être sans merci. Dès le début de la campagne municipale, les élus socialistes avaient tenté de se protéger du mauvais vent parisien. Tous avaient mené une campagne strictement locale et beaucoup avaient omis d’afficher sur leurs affiches la rose et le poing. Cette étanchéité cependant n’a pas suffi. L’impopularité nationale a été trop forte. A moins que le socialisme municipal ne soit devenu trop faible pour résister à cette impopularité.

C’est une hypothèse à envisager car la crise des finances publiques commence à toucher les collectivités locales. L’impôt local est de moins en moins bien supporté, les grands projets sont en berne, la problématique sécuritaire est en hausse. Le Front national qui a fait campagne contre  les impôts et « la gabegie » a marqué des points comme jamais. Tout cela traduit un changement de climat qui sonne comme une sérieuse alerte pour le PS : la responsabilité n’est peut être pas que nationale.

Françoise Fressoz

Source Le Monde 31/03/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Politique,

BD : François Hollande croqué en trois actes

 Aurel

Un recueil de dessins signé Aurel et Dély évoque la politique et la posture du président de la République sous le titre « Monde de merde ».

En cette période de fêtes matinée de crises, lorsqu’on entend le mot politique on pourrait être tenté de sortir son revolver. C’est dire si le travail d’Aurel (1) et de Renaud Dély (2) qui suivent avec humour les frasques de nos présidents est pacifique. Après Hollande et ses deux femmes et C’est dur d’être de gauche, les deux complices sont de retour pour réveiller notre cerveau. Loin de l’innocence, le dessin et l’humour sont une forme de résistance qu’ils cultivent sans OGM. Entre un bonnet rouge et leur dernier opus sobrement intitulé Un Monde de merde, y a pas photo.

L’ouvrage se découpe en trois jetés de dés. Dans Le petit pépère des peuples, on nous explique comment notre président normal qui n’a pas bénéficié de l’état de grâce a affronté le «Holland bashing ». Une grande leçon de stoïcisme car le temps est long même quand on dispose du talent peu commun de mécontenter tout le monde.

Ambiance GPS en panne dans la partie 2 : La gauche c’est par où ? Avec l’entrée en piste du clone viril de Sarkozy, Manuel Valls. « A l’approche des municipales, l’électeur chauffé à blanc par la montée du FN et la Lepénisation des esprits de l’UMP, s’affole à la vue de la première caravane, de peur de la voir se garer dans son jardin », décrypte Dély. Aurel revisite d’un trait léger la montée en puissance des ministres grands défenseurs des métallos comme Arnaud Montebourg menaçant la grande industrie de « nationalisation ». Le Medef et le milliardaire indien Lakshmi Mittal n’en ont toujours pas retrouvé le sommeil…

Le dernier volet du parcours : La France rayonne (mais le ciel est couvert) nous entraîne sur les pistes incertaines où le président mal aimé tente d’exister par tous les moyens. Hollande se fait siffler sur les Champs Elysées mais il va se faire acclamer à Tombouctou. Est-ce le rétropédalage permanent sur les dossiers nationaux qui pousse notre capitaine de pédalo à enfiler son treillis en Afrique où il entraîne la France dans une politique ultra volontariste ?  Enivré par un triomphe contestable au Mali, le président français s’est ridiculisé en Syrie où Obama a saisi la main tendue de Poutine pour se tirer du bourbier en abandonnant son allié français comme on oublie la grand-mère sur l’autoroute. Le volontarisme du petit François fait beaucoup moins de vagues du côté de l’Europe des patrons et des financiers sous l’inflexible gouvernance d’Angela, souligne le duo rieur. Le chapitre international se termine avant la fuite en avant en Centrafrique qui réserve certainement bien des rebondissements dans le sable.

JMDH

(1) Aurel  est dessinateur et reporter pour Le Monde, Marianne et Politis, le nouvel Obs et CQFD. 2) Renaud Dély est chef du service politique du Parisien, redac-chef des matinales de France-Inter. Il est actuellement directeur de la rédaction au Nouvel Obs.

Un Monde de merde, Clénat, 15,5 euros.

Voir aussi : Rubrique Livre, BD, Hollande et ses deux femmes, rubrique Politique,

La décentralisation, nouveau chantier de Hollande ?

La réforme de l’organisation territoriale est encore à venir. Lors de sa conférence de presse du mardi 14 janvier, le président de la République a annoncé pour 2014 une nouvelle réforme des collectivités locales et dit sa volonté « de mettre un terme aux enchevêtrements et doublons » des communes, intercommunalités départements et régions. Une déclaration qui signe également la reconnaissance de l’échec de la tentative de réforme menée par le gouvernement via la loi sur la « modernisation de l’action publique territoriale » que nombre d’élus locaux, de droite comme de gauche, jugent brouillonne et inutile.

Après avoir salué la création des métropoles, vecteurs du dynamisme économique français, qui seront « une source d’attractivité, de localisation d’investissements », l’ancien président du conseil général de Corrèze a insisté sur la nécessité de nouveaux efforts pour alléger le millefeuille des collectivités locales.

VERS DES FUSIONS DE RÉGIONS ?

Parmi les pistes indiquées par François Hollande : la fusion des collectivités. « Les régions d’abord, dont le nombre peut évoluer », a indiqué le président. Le projet est de se doter de régions plus puissantes, susceptibles de les rapprocher du modèle des « länder » allemands et de faire de ces collectivités en charge du développement économique des moteurs de la reprise économique et de la création d’emplois.

Les départements également pourraient être conduits à fusionner ou à s’intégrer aux treize nouvelles métropoles qui existeront de plein droit à partir du 1er janvier 2016. La métropole lyonnaise a montré l’exemple, intégrant une partie du département du Rhône dès 2013. D’autres départements pourraient être encouragés à fusionner avec leur métropole : dans la ligne de mire du gouvernement, la métropole parisienne et ses trois départements de la petite couronne (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine) et Nice et les Alpes-Maritimes.

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES

Communes, départements, régions sont « invités à se rapprocher. » Pour convaincre les élus locaux à jouer le jeu d’une simplification, François Hollande a brandi le bâton des dotations d’Etat, qui pourraient « varier en fonction des efforts de chacun » a précisé l’ancien maire de Tulle. « Une incitation puissante », a précisé le président, pour des collectivités qui doivent déjà digérer une baisse de 4,5 milliards d’euros pour leurs budgets 2014 et 2015.

« Pas question de revenir sur la clause générale de compétences », disait François Hollande le 5 octobre 2012, lors des Etats généraux de la démocratie territoriale. Quinze mois plus tard, le président a appelé à une « une clarification stricte des compétences ». En clair, les élus communaux, régionaux et départementaux devront rationaliser leurs actions et mettre définitivement fin aux doublons, sources de gabegie d’argent public. Les élus sont « prêts », s’est avancé le président de la République. En 2013, le chaotique parcours parlementaire de la loi modernisation de l’action publique territoriale a prouvé que ce n’était pas le cas.

Eric Numès

Source Le Monde 14/01/2014

Voir aussi : Rubrique Politique,

Hollande : ses adieux à la gauche

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Ceux qui n’ont pas encore compris que je suis social-démocrate peuvent poser une question. »

Après 1h30 de discours et de questions, François Hollande a clos la partie « qui je suis, où je vais » par cette réponse un peu énervée à Ivan Levaï, chroniqueur à Radio France.

Le Président venait de déclarer :

« Je marche sur mes traces, je fais ce que je pense être conforme à mes idées et conforme à l’intérêt de la France. Social, réformiste, réaliste mais surtout patriote. Si j’ai un mot, c’est bien de ça dont il s’agit. […] Je prends des risques. »

Le social-libéral a parlé

Ce qui le différencie de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui, lui aussi, parlait de réduction des dépenses publiques, des impôts, de la fraude aux prestations sociales, c’est que lui, dit-il, il « fait » et s’attaque à la dette de la France, « afin de sauver notre modèle social » :

« L’enjeu entre la gauche et la droite, ce n’est pas le niveau des dépenses, mais la structure des dépenses, ce qu’on fait avec une fiscalité plus juste. »

Il dit aussi :

« Si être de gauche, c’est creuser les déficits, mes prédécesseurs étaient d’extrême gauche. »

Entre le social-démocrate et le social-libéral, c’est le deuxième qui a parlé ce 14 janvier. Il ne jure plus que par « l’offre » –les producteurs– pour relancer l’économie.

La réaction de Force ouvrière augure de lendemains compliqués avec les syndicats de salariés :

« Le président de la République a confirmé le caractère libéral de la politique économique mise en œuvre. L’allégement du coût du travail apparaît ainsi comme l’alpha et l’oméga de la politique. […]

Par ailleurs, la confirmation d’une réduction drastique des dépenses publiques et l’octroi aux régions d’un pouvoir réglementaire d’adaptation menacent l’égalité républicaine. De fait, le pacte de responsabilité risque d’entrer en contradiction avec le pacte républicain. »

Le Club des entrepreneurs, lui, se déclare enthousiaste et se félicite des annonces. Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef, commente avec allégresse dans un tweet : « Keynes tué d’une balle dans la nuque ! »

Ce 14 janvier, François Hollande a quitté la gauche.

Blandine Grosjean

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Affaire Closer

« Une clarification avant le 11 février »

 

Vendredi, le magazine Closer révélait une liaison supposée entre le Président et la comédienne Julie Gayet. Dimanche, on apprenait que la compagne de François Hollande était hospitalisée pour un « gros coup de blues ». Aux questions sur le respect de la vie privée se sont vite ajoutées celles sur le « statut » de la Première dame. Plusieurs personnalités estiment qu’il faut en finir avec cette vieillerie de la République, demandant même, comme François Rebsamen, maire de Dijon et proche du Président, qu’on profite de cette « affaire » pour s’en débarrasser tout de suite.

C’était donc Alain Barluet du Figaro qui s’y est collé dès le début de la conférence, en sa qualité de président de l’Association de la presse présidentielle. Au bout de 40 minutes, une éternité pour certains, il a enfin posé la question :

« Valérie Trierweiler est-elle toujours Première dame de France ?

– Je comprends votre question, et je suis sûr que vous comprendrez ma réponse. Chacun de nous dans sa vie privée peut traverser des épreuves, c’est notre cas. Ce sont des moments douloureux. J’ai un principe, c’est que les affaires privées se traitent en privé, dans l’intimité respectueuse de chacun. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de le faire. »

Le Président a promis de clarifier la situation du couple présidentiel avant le voyage officiel à Washington, le 11 février. B.G.

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Prélèvements

« Moins de charges, plus d’emplois »

 

François Hollande veut « poursuivre l’allègement du coût du travail » engagé avec le lancement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Le Président veut mettre fin d’ici 2017 pour les entreprises et les travailleurs indépendants aux cotisations familiales, qui représentent entre 30 et 35 milliards d’euros de charges :

« La discussion portera donc sur l’avenir du CICE et sur le mode de financement de la protection sociale. C’est la condition pour que les entreprises retrouvent leurs marges, non pas pour leur faire plaisir ou pour leur faire un “cadeau”. Mais pour l’investissement, parce que le taux de marge en 2012 est le plus bas de son histoire. »

Les entreprises financent en grande partie la branche famille de la Sécu. Le reste vient de prélèvements fiscaux, tels que la CSG. Pour mettre fin aux cotisations, trois leviers sont donc possibles :

  • le relèvement de la CSG ;
  • une hausse de la TVA ;
  • une baisse des dépenses.

C’est cette dernière piste que le Président a évoquée lors de sa conférence de presse, évoquant des coupes intelligentes guidées par un « conseil stratégique » :

« De 2015 à 2017, il faudra économiser 50 milliards de plus [en plus des 15 milliards d’euros d’économies en 2014, ndlr]. 4% des dépenses collectives. »

Le Président veut également donner de la « visibilité aux entreprises » avec une refonte de l’impôt sur les sociétés (IS) et une « diminution du nombre de taxes qui coûtent plus cher que ce qu’elles rapportent ». Le gouvernement visera tout particulièrement les PME avec son « pacte de responsabilité ».

En contrepartie de ces gages donnés aux entreprises, des « objectifs chiffrés d’embauches » seront définis au niveau national, déclinés par branches. Un « observatoire des contreparties » sera mis en place et le Parlement y sera associé :

« [Les contreparties] doivent être définies au niveau national et déclinées par branche. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauche, de travail des jeunes ou des seniors, la formation, les salaires, et la modernisation du dialogue social. Un observatoire sera mis en place et le parlement y sera associé. […]

Un document formalisera les engagements et les modalités de suivi des contreparties. Le gouvernement engagera sa responsabilité devant l’Assemblée sur ce texte, une loi sera votée à l’automne. »

Qu’est-ce que le pacte de responsabilité ?

François Hollande avait éveillé l’intérêt des patrons en évoquant lors de ses vœux un pacte de responsabilité : « Moins de charges, plus d’emplois ». C’était la réponse du Président au « pacte de confiance » [PDF] du patron du Medef, Pierre Gattaz.

Ce dernier n’hésitait pas à promettre un million d’emplois en cinq ans. En échange, il réclamait 100 milliards de baisse de charges et d’impôts (50 milliards sur le coût du travail et 50 milliards sur les impôts), gagés par autant d’économies de dépenses publiques sur cinq ans.

Au Canard enchaîné, un ministre expliquait mercredi dernier :

« Gattaz rêve tout éveillé. Car 100 milliards d’économies en cinq ans, personne ne sait faire. Pas plus nous que les autres. »

Rémi Noyon

3

Simplification administrative

Un « Conseil de simplification » pour mettre en forme le « choc de simplification »

 

François Hollande a rappelé qu’il a confié à un député, Thierry Mandon, et un chef d’entreprise, Guillaume Poitrinal, la tête d’un « conseil de la simplification » en octobre :

« Ils passeront en revue les dix actes-clés de la vie d’une entreprise, de la création à la cession, en passant par les obligations comptables, les embauches.

Tout sera passé en revue, non pas pour diminuer les protections, mais pour simplifier et faciliter, et ce jusqu’à la fin du quinquennat. »

Le « choc de simplification »

Lancé en mars 2013, le « choc de simplification » vise à rendre plus fluides les relations entre citoyens et administration : accélérer les délais de réponse, faciliter les démarches.

Récemment, François Hollande avait déjà annoncé de nouveaux fronts dans cette entreprise de clarification : la construction et le logement, les marchés publics, la fiscalité des entreprises ou encore les règles comptables. Camille Polloni

4

Fiscalité des ménages

Pour la baisse des impôts, on verra plus tard

 

La fiscalité des ménages, François Hollande n’en a pas parlé ou presque. Deux allusions uniquement :

  • lors de sa longue présentation du « pacte de responsabilité », le Président a assuré qu’il n’y aurait pas de « transfert des charges des entreprises vers les ménages ». Comprendre : ce ne sont pas les ménages qui prendront en charge la fin des cotisations familiales pour les entreprises ;
  • il a qualifié la réduction des déficits publics comme « préalable à toute baisse d’impôt ».

Les Assises de la fiscalité démarrent ce mercredi. D’abord sur la fiscalité des entreprises, puis, un peu plus tard, sur celle des ménages. L’ordre des priorités. Imanol Corcostegui

5

Economies

L’Etat va « donner l’exemple »

 

Après les 15?milliards d’euros d’économies du budget 2014, 50 milliards supplémentaires doivent être trouvés de 2015 à 2017 pour réduire le déficit et le ramener sous la barre des 3%. Un montant qui pourrait encore grimper pour compenser les baisses de charges du « pacte de responsabilité » (pour qu’elles ne se répercutent pas en supplément d’impôt).

La grande question, c’est : où trouver tous ces milliards ? François Hollande était resté vague sur ce point : « Nous devons faire des économies partout où elles sont possibles », a-t-il indiqué le 31 décembre.

Ce mardi, le Président a donné des précisions : il ne veut pas faire de coupes « aveugles » et « indifférenciées » (une allusion à la RGPP).

D’abord, l’Etat va « donner l’exemple » et « toutes les structures » sont invitées à faire des efforts. Les discussions entre Bercy et les différents ministères débuteront fin janvier et les « volumes d’économie » seront fixés et communiqués à chacun au printemps (par une lettre de cadrage de Jean-Marc Ayrault).

Le Président a aussi parlé de la protection sociale, le « cœur de notre pacte républicain ». Il souhaite lutter contre la fraude sociale (représentant 600 millions d’euros), mais ce n’est pas la mesure essentielle.

Il souhaite surtout que le système de santé soit rationalisé :

  • baisse des prescriptions multiples et des actes médicaux redondants ;
  • utilisation plus systématique des médicaments génériques ;
  • parcours de soin à optimiser. Nolwenn Le Blevennec
6

Dieudonné

« Il n’y a pas de système, la France est républicaine. »

 

« Il y a des personnes qui suivent monsieur Mbala Mbala sans penser qu’il est antisémite. Il était important qu’elles aient entendu la réponse de la justice. »

François Hollande a félicité le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur pour leur gestion de l’affaire Dieudonné (« Quand il y a une action, il doit y avoir un résultat »). Le gouvernement travaille maintenant sur « ce qui doit être fait sur Internet ».

Le Président a tenu à rappeler qu’il existait en France des actes antimusulmans « qui doivent tout autant être dénoncés » et des actes antichrétiens (il a cité le cas de la Femen qui a récemment uriné dans l’église de la Madeleine).

« Aucun de ces actes ne doit être accepté. Il n’y a pas de système, la France est républicaine. Il n’y a pas de complot, il n’y a pas de communauté. Le seul système que je connaisse, c’est le racisme. »

Nolwenn Le Blevennec

7

Afrique

« Mission accomplie »

 

François Hollande a défendu l’action de la France en Afrique, criant « victoire » pour le Mali, et se montrant optimiste sur l’autre intervention des troupes françaises, en République centrafricaine.

S’agissant du Mali et de l’envoi des troupes françaises il y a quasiment un an jour pour jour, le chef de l’Etat a déclaré que c’était « une victoire contre le terrorisme, une victoire pour la démocratie, une victoire pour le développement ».

Il a annoncé que le nombre de soldats français serait de 1 600 hommes le mois prochain, et de 1 000 « à la fin du printemps ».

Concernant la mission en Centrafrique, qui se révèle dans les faits plus complexe que prévu, François Hollande a reconnu que « tout n’est pas réglé », mais a ironisé sur ceux qui s’attendaient à ce que les antagonismes prennent fin en à peine un mois.

Il a annoncé un soutien européen à venir pour les 1 600 soldats français et 4 000 soldats africains présents sur le terrain.

Des propos rassurants sur ces deux fronts qui donnent pourtant bien des soucis aux troupes françaises, à la fois avec la persistance de menaces sécuritaires dans le nord du Mali, et surtout une difficulté plus grande que prévue de mettre fin aux règlements de compte à Bangui, sans même parler du reste du pays. Pierre Haski

8

L’Europe

L’Europe passe par Berlin

 

Dans son propos liminaire, François Hollande a également traité du sujet de l’Europe, à quatre mois des élections européennes qui risquent d’être marquées par une forte abstention et la montée des populismes.

Il l’a fait sous la forme de l’annonce d’une triple initiative franco-allemande à venir, dont la plus spectaculaire est la proposition d’un « Airbus » franco-allemand de la transition énergétique.

Les deux autres sont une initiative pour la « convergence économique et sociale » entre la France et l’Allemagne, et une autre pour l’Europe de la défense, qui sera annoncée au Conseil des ministres commun aux deux pays qui se tiendra le 19 février.

« Il ne faut pas avoir peur de l’Union européenne »

Ces initiatives entre la France et une Allemagne désormais gouvernée par une grande coalition incluant le Parti social-démocrate allemand, ont pour but de donner le sentiment du mouvement dans une Union européenne vécue comme un problème plutôt que la solution par les Français.

François Hollande aura toutefois du mal à mobiliser sur ce terrain sur la base de ces seules promesses, après avoir fait croire pendant la campagne électorale qu’il renégocierait le « pacte de stabilité européen », là où il n’a pu qu’y rajouter un volet investissement fort limité.

Le Président a néanmoins tenté de rassurer les Français :

« Il ne faut pas avoir peur de l’Union européenne. Il faut plutôt craindre qu’elle ne s’affaiblisse et finisse par disparaître. »

Mais dans le calendrier politique, l’heure de l’Europe n’est pas encore arrivée : le scrutin européen de mai en donnera l’occasion, après ce tour de piste de rodage mardi. P.H.

9

Décentralisation

Des régions plus puissantes

 

François Hollande veut « en terminer avec les enchevêtrements, les doublons, les confusions ». Il a annoncé quatre évolutions :

  • les régions seront « dotées d’un pouvoir réglementaire local d’adaptation » ;
  • les compétences des différentes collectivités seront clarifiées ;
  • les collectivités seront invitées à se rapprocher, voire à fusionner (« le nombre de régions peut évoluer ») ;
  • dans « les grandes aires métropolitaines », les départements seront priés de « redéfinir leur avenir » – c’est-à-dire s’effacer derrière la grande ville, si l’on prend l’exemple de ce qui s’est passé dans le Rhône. Mathieu Deslandes
10

Education

Faire en sorte que les enseignants ne fuient plus les ZEP

 

François Hollande a promis des mesures pour rendre « plus attractifs les postes d’enseignants » en ZEP (zones d’éducation prioritaire). Le détail du plan doit être présenté ce mercredi 15 janvier en conseil des ministres par le ministre de l’Education. Est notamment prévue une « décharge horaire ». M.D.

11

Fin de vie

Euthanasie active ou suicide assisté ?

 

François Hollande veut « permettre à toute personne majeure atteinte d’une maladie incurable provoquant une souffrance psychologique, physique, insupportable et qui ne peut être apaisée, de pouvoir demander, dans des conditions strictes, une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

Euthanasie active ou suicide assisté ? Le rapport du comité d’éthique (attendu dans quelques semaines) puis des consultations de la ministre de la Santé doivent permettre d’aboutir à une solution consensuelle. M.D.


Ce que nous écrivions avant la conférence de presse

Qui, parmi les 600 journalistes annoncés, se dévouera pour poser « la » question sur la vie privée du Président ? Comment ce dernier évacuera-t-il le sujet ? Selon les informations du Lab, c’est Alain Barluet du Figaro qui devait s’y coller dès le début de la conférence. En tant que président de l’Association de la presse présidentielle, l’honneur – ou la corvée – lui revient.

C’est ce qui amusait le plus ce mardi matin les journalistes de la BBC World qui rappelaient tout de même que la France, « cinquième économie mondiale », était aux prises avec de sérieux problèmes économiques (12% de chômage, une croissance atone) et que son Président sortait d’une annus horribilis, entre Leonarda, fronde fiscale, révolte des Bonnets rouges, non-inversion de la courbe du chômage et, pour couronner le tout, alors que cette conférence de presse avait été repoussée à plusieurs reprises pour trouver le « bon moment », l’affaire Gayet.

Cette troisième conférence du quinquennat devrait traduire en annonces les vœux présidentiels (que nous avions titrés « François Hollande, héros du Medef ») :

« Le Medef est heureux : le président de la République s’est rangé à ses vues. En octobre, l’organisation patronale avait proposé des allègements fiscaux sur les entreprises en échange de créations d’emplois. Puis l’organisation patronale avait menacé de boycotter les assises de la fiscalité des entreprises si elle n’était pas entendue sur ce sujet. François Hollande a saisi la perche, en avançant l’idée d’un “ pacte de responsabilité ” : baisse des charges contre créations d’emplois. »

ournant ou pas tournant ?

On attend François Hollande sur la clarification de sa politique générale, sur la fiscalité pour les ménages (quid de la « remise à plat fiscale » annoncée par Jean-Marc Ayrault ? Baisse ou pas des prélèvements obligatoires ?), les dépenses publiques (leur réduction d’au moins 50 milliards est devenue le leitmotiv de l’Elysée, au grand dam de l’aile gauche du PS, qui craint le pire quand le Président parle des « excès »), mais aussi le « choc de simplification », censé faciliter les démarches qui « paralysent l’action des entreprises et empoisonnent la vie quotidienne ».

« Tournant » ou « pas tournant » : c’est le débat le plus creux de ce début d’année. La vérité, c’est que Hollande a « tourné » dès le début de son quinquennat, en renonçant à secouer l’Europe et à la convaincre d’abandonner l’austérité généralisée. Il a mis le cap sur la rigueur budgétaire dès mai 2012, puis sur une politique de compétitivité en novembre 2012, après la remise du rapport Gallois et le lancement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

S’il y a un « tournant », c’est seulement dans la façon de présenter sa politique, désormais dénuée de tout fard : lors de ses vœux à la nation, il a insisté sur la baisse des charges pour les entreprises, l’objectif de baisse des dépenses publiques et des impôts, la chasse aux abus dans les dépenses de sécurité sociale…

« Social-libéralisme »

Hollande, même s’il s’en défend, a rejoint le « social-libéralisme », un concept devenu péjoratif (seuls le consultant Alain Minc, l’ex-ministre Jérôme Cahuzac ou l’UDI Jean-Marie Bockel continuent à s’en réclamer ouvertement). Le social-libéralisme désigne une gauche ayant renoncé à l’intervention de l’Etat dans l’économie. Réconciliée avec l’entreprise, cette gauche libérale prône une modernisation de l’Etat et un assouplissement du marché du travail. Elle se borne à vouloir tempérer les excès du marché par des mécanismes de régulation et des filets sociaux.

Sur les questions internationales, la gauche du PS attend, espère que le Président défende une politique de croissance au niveau européen en rupture avec les choix d’austérité de plusieurs membres de l’Union.

Le rôle et les missions de la France en Afrique devraient aussi être évoqués.

Blandine Grosjean et Pascal Riché

Rue 89 14/01/2014