La chute du socialisme municipal

Photo AFP/Georges  Gobet

Photo AFP/Georges Gobet

Par une cruelle ironie de l’histoire, François Hollande est devenu le fossoyeur de ce qu’il avait construit. S’il n’a pas inventé le socialisme municipal qui est intrinsèquement lié à l’histoire du PS français, les onze années qu’il a passées à la tête de son ancien parti ont fortement contribué à ancrer le phénomène : entre 1997 et 2008, alors qu’il était premier secrétaire, les socialistes ont collectionné les gains aux élections cantonales et régionales ; ils ont arraché Paris et Lyon à la droite lors des municipales de 2001 et conquis, sept ans plus tard, 44 villes de plus de 20 00 habitants. Peu à peu, ils sont devenus les maîtres du territoire au point d’arracher la présidence du Sénat à la droite en 2011.

C’est ce patrimoine opiniâtrement constitué scrutin après scrutin que le même François Hollande, devenu président de la République, a brusquement amputé. Dimanche, sous l’effet d’un vote qui ressemble fort à de la colère, le Parti socialiste n’a pas seulement perdu 155 villes de plus de 9 000 habitants, dont 68 de plus de 30 000 habitants. Il a aussi amputé sa capacité d’action dans les métropoles : si Paris, Lille, Strasbourg et Lyon ont résisté à la vague bleue, les communautés urbaines de Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille semblent bel et bien perdues.

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HÉMORRAGIE D’ÉLUS ET DE FONCTIONNAIRES

Pour les socialistes, c’est un véritable séisme car la consolidation, élection après élection, d’un puissant réseau d’élus locaux qui avaient démontré leur capacité à gérer les territoires, était un gage de stabilité. Elle permettait de rebondir après les défaites présidentielles (2002 et 2007) , d’entretenir une armada d’affidés dans les exécutifs locaux et d’expérimenter sur le terrain un socialisme marqué du sceau de l’ouverture.

C’est tout cela qui brusquement s’écroule. Du jour au lendemain, le Parti socialiste va connaître une hémorragie d’élus et de fonctionnaires que ces élus faisaient vivre. Surtout, il va douter de son avenir avec, au sommet, un président de la République au plus bas dans les sondages et, à la base, de sérieuses pertes en ligne.

L’IMPOPULARITÉ NATIONALE A ÉTÉ TROP FORTE

Le procès en responsabilité risque d’être sans merci. Dès le début de la campagne municipale, les élus socialistes avaient tenté de se protéger du mauvais vent parisien. Tous avaient mené une campagne strictement locale et beaucoup avaient omis d’afficher sur leurs affiches la rose et le poing. Cette étanchéité cependant n’a pas suffi. L’impopularité nationale a été trop forte. A moins que le socialisme municipal ne soit devenu trop faible pour résister à cette impopularité.

C’est une hypothèse à envisager car la crise des finances publiques commence à toucher les collectivités locales. L’impôt local est de moins en moins bien supporté, les grands projets sont en berne, la problématique sécuritaire est en hausse. Le Front national qui a fait campagne contre  les impôts et « la gabegie » a marqué des points comme jamais. Tout cela traduit un changement de climat qui sonne comme une sérieuse alerte pour le PS : la responsabilité n’est peut être pas que nationale.

Françoise Fressoz

Source Le Monde 31/03/2014

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