Saison d’hiver, de la buée sur la vitre au Domaine d’O

Clinc ! de la Cie Pep Bou

Clinc ! de la Cie Pep Bou. Photo Dr

Culture. Les directeurs des festivals d’été composent une programmation éclectique alors que le Conseil général de l’Hérault se préoccupe d’un avenir incertain face à la réforme territoriale.

Après une première présentation de la saison d’hiver du Domaine d’O en mai, le Département de l’Hérault a renouvelé l’opération qui lui offre l’occasion d’évoquer la conduite de sa politique culturelle. Ce choix n’est pas fortuit au moment où l’institution s’interroge sur son avenir dans la perspective incertaine des réformes territoriales avancées aux forceps par le gouvernement Valls. Il fait par ailleurs suite à la mobilisation des intermittents et précaires vent debout à Montpellier contre la réforme Unedic ayant abouti à l’annulation du Printemps des Comédiens en juin dernier.

Au fil des années, l’équipement culturel du Domaine d’O s’est structuré pour répondre à son rôle de vitrine départementale mais aussi proposer une offre culturelle  qualitative diversifiée. Il accueille aujourd’hui 150 000 spectateurs par an avec un budget global de 3,2 millions d’euros et démontre, à lui seul, l’importance de la responsabilité culturelle départementale qui s’étend bien au-delà de ses compétences obligatoires (Patrimoine, bibliothèques et archives départementales).

Doté d’un budget global de 13 à 14 millions d’euros, la politique culturelle du Conseil général joue également un rôle pivot dans l’aménagement et l’accompagnement des territoires de proximité. Dans l’arrière-pays, les projets culturels englobent d’autres champs d’intervention de l’institution comme la jeunesse, l’éducation et la cohésion sociale.

Entouré du directeur du Domaine d’O Marc Lugand et des directeurs artistiques de festivals (Jérôme Pillement, Sabine Maillard, Jean Varéla et Isabelle Grison dont les propositions composent désormais la saison), le vice-président du Conseil général Jacques Atlan s’est dit préoccupé par les projets de loi en cours.

« Les perspectives sont incertaines pour l’institution dans son ensemble. Concernant la culture et le renforcement du rôle des métropoles et des régions je vois mal comment on pourrait casser une machine comme le Domaine d’O. L’idée d’accueillir le CDN sur le site a été discutée puis interrompue mais elle n’est pas abandonnée. Tout le monde regarde le Domaine avec les yeux de Chimène, pour le reste je leur souhaite bien du courage. »

Espace privilégié de l’implication citoyenne, la culture est une arme pour défendre les Départements et l’action publique en général, si on ne la dote pas de moyens financiers optionnels.

JMDH

Source : L’Hérault du Jour, La Marseillaise 03/10/14

Voir aussi : Rubrique Actualité locale,  rubrique Politique, Réduire le nombre de Région pour rembourser les banques, Politique culturelleVers un Domaine d’O multipolaire, rubrique Montpellier,

Nouveau Cirque AOC Autochtone :

Domaine D’O. Nouveau langage et nouveau cirque à découvrir avec le collectif AOC, jusqu’à demain à Montpellier.

Pour les fêtes rien ne s’oppose à l’énergie d’Autochtone, un spectacle qui décoiffe ! Les amateurs de piste ronde qui ne se sont pas arrêtés à Jean Richard, peuvent se rendre sous le chapiteau du collectif AOC qui fait escale au Domaine D’O jusqu’à demain.* Cette jeune troupe d’artistes incontrôlables offre un show qui emporte loin, au point où sa millimétrique d’exécution nous échappe. Autochtone mêle réalisme et rêve en puisant dans nos ressources d’adrénaline pour enrichir la palette d’expression  circassienne.  Conseillée à partir de 10 ans, la pièce est issue de la rencontre du collectif AOC avec la chorégraphe belge Karin Vyncke dont le travail artistique tourne autour de la manipulation des masses.

Dans l’expression pluridisciplinaire qui compose la partition, la musique live (dans le registre underground US) tiens une place déterminante, comme les tableaux visuels qui plantent une atmosphère lynchienne. On réagit à la tension dramatique sans comprendre tout ce qui se passe.  De l’ombre et du fracas des os surgit la lumière. L’effarante froideur du système politique se met en branle. L’humanité se dégrade, il s’agit de se saisir des restes pour renouer avec la poésie…

Objets d’abus du pouvoir, les corps se plient. La trahison des hommes se vénère à travers le détournement des mythes et des croyances. Un étrange paradoxe se joue. AOC met en piste la perte individuelle tout en conservant l’essence collective et solidaire du cirque qui s’exprime dans le mouvement et emplit l’espace.

En 1h15, c’est toute la douceur et la violence du monde qui passent sous nos yeux . En inventant son propre dialecte, le collectif AOC démontre, s’il le fallait, l’immense potentiel  du nouveau cirque. « Ne croyez pas tout ce qu’on vous dit et continuez à venir au spectacle… » C’est le dernier message des artistes.

Jean-Marie Dinh

* Autochtone aujourd’hui à 17h et demain à 15h. Rens : N° Vert  0 800 200 165

Christopher Crimes : « Une vraie menace plane sur la création en Europe »

Nommé par André Vezinhet Christopher Crimes est directeur du Domaine d’O depuis 2009. Il a participé à l’ouverture d’équipements culturels reconnus Le Quai d’Angers, La Filature de Mulhouse, ou la Maison de la culture du Havre …. Créatif, Christopher Crimes aime les symboles. Au cours de sa carrière, il a développé un vaste réseau au niveau européen.

Pouvez-vous évoquer les  grands axes de votre partition d’hiver…


« Nous poursuivons le parcours de découvertes dans le domaine de la création étrangère européenne, en accueillant Grace Ellen Barkey du collectif Needcompany basé à Bruxelles, tg Stan installé à Anvers ou encore l’artiste associée suisse Gisèle Sallin et le théâtre des Osses. La Belgique et la Suisse partagent certaines similitudes dans les esthétiques mais aussi une belle diversité. La question de l’identité constitue un autre axe de cette saison  avec le  spectacles Invisible de Nasser Djemaï que nous avons accueilli en résidence l’année dernière et Nous habitons ici, une rencontre théâtrale qui évoque tous les peuples qui sont en nous, proposée par l’artiste associé François Cervantes. Nous suivrons aussi la volonté d’approfondir la notion de conflit. D’évoquer à notre façon ce que l’on ressent en tant que citoyens dans ce monde plutôt malade. Dans cette idée de clarification nous reprenons le spectacle Radio Clandestine, mis en scène par Dag Jeanneret. Nous accueillons aussi Jean-Claude Fall pour une lecture du texte de Falk Richter « Le système » qui aborde les imbrications de la politique américaine avec le pouvoir de la finance.

Vous recentrez l’intérêt sur l’humain en vous éloignant des grands thèmes qui portaient votre volonté initiale comme l’Europe ou l’écologie qui sont aujourd’hui dans une impasse politique ?

Ces thèmes demeurent dans les strates de l’action que nous conduisons. En 2012, nous défendrons des projets autour du changement climatique. Mais en ces temps de grande incertitude, je pense en effet qu’il est important de se rapprocher des gens, de la façon dont ils vivent, de leurs préoccupations… Notre fête de fin d’année tournera autour des années 30, une période de crises, de conflits et d’appauvrissement de la population qui présente des similitudes avec notre époque. C’était en même temps un moment où les gens éprouvaient le besoin de faire la fête. Nous avons limité les entrées à 600 personnes pour vivre un moment créatif et conviviale en toute simplicité. C’est l’antithèse des réseaux sociaux, nous voulons permettre aux gens de partager et d’être ensemble.

Stan’s café, la compagnie anglaise associée au Domaine d’O est une des victimes de la crise ?

Oui nos amis ne peuvent plus travailler en Angleterre où la crise frappe de plein fouet les artistes. Ils n’ont pas pu monter de création cette année et doivent faire des animations scolaires pour survivre.

Comment la  crise financière et politique de l’UE impacte-t-elle la culture qui n’était déjà pas une de ses priorités ?

Il y a une vrai menace qui se fait sentir aussi aux Pays-bas et en Allemagne où l’on assiste à des coupes budgétaires qui ont lieu sans discernement. Cette année, on a imposé d’un coup au plus grand théâtre de Rotterdam d’arrêter toute production. Il ne font plus que de la diffusion. Dans certains pays on a tendance à réduire la culture à des spectacles populaires, voir populistes. Un peu comme si on se mettait ici à subventionner les spectacles de variétés commerciales. Ce n’est pas  le rôle des établissements publics.

L’UE a réalisé d’importants investissements dans le domaine culturel. Notamment à travers le programme des capitales de la culture européenne. Cela a profité à certaines villes. Dans d’autres cas les investissements n’ont pas toujours été bien employés. A Glasgow la ville a placé la culture au cœur de sa politique de régénération urbaine, économique et sociale. C’est aussi une réussite à Lille où Martine Aubry a eu l’intelligence de jouer la continuité avec Lille 3000.

Le domaine d’O est aussi un lieu de recherche. Quelles sont les expériences qui ont marché et celles qui n’ont pas abouti ?

Lors de mon arrivée un peu précipitée, je n’avais pas tous les moyens de compréhension. Je me suis rendu compte depuis, que mon objectif d’ouvrir vers de  nouveaux publics n’était pas forcément bien entré dans les esprits des spectateurs. Je me suis mis à l’écoute en découvrant parallèlement la richesse créative du territoire. Sans dévier du projet artistique nous sommes passés à un taux de remplissage de 85% pour la deuxième saison.

Pour les créations, j’invite des artistes. Je passe du temps, j’observe, j’accompagne différentes étapes dans la durée. A la fin, on fait le point ensemble et je prends la décision de poursuivre ou pas le projet. Ce qui n’a pas suffisamment marché, ce sont les rencontres du dimanche présentant des aspects scientifiques ou patrimoniaux. Nous les poursuivons cette année mais à un rythme mensuel. Il y a également de la philosophie, des lectures dramatiques ou poétiques, de la chanson et des spectacles jeunes publics ponctués d’ateliers pour découvrir l’envers du spectacle. Cet ensemble orienté vers le public réserve d’étonnantes rencontres. Le premier rendez-vous est fixé au 23 septembre avec la nuit des chercheurs où il sera question de vie et de fin du monde ! »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi :  Rubrique Politique culturelle, rubrique Festival,   rubrique Rencontre, Olivier Poivre d’ArvorJérome Clément,