L’histoire secrète de la crise financière ou comment la Fed domine le monde

Harold James
De nouvelles informations apparaissent, concernant l’attitude des autorités monétaires et financières, face à la crise, en 2008. Elles montrent le rôle clé de la Fed et la marginalisation du FMI. par Harold James, Princeton

 

Le grand roman de Balzac Ies illusions perdues se termine par une tirade sur la différence entre « l’histoire officielle », qui est un « tissu de mensonges », et « l’histoire secrète » – c’est à dire la vraie histoire. Dans le temps, il était possible de cacher les vérités scandaleuses de l’histoire pendant longtemps – voire pour toujours. Plus maintenant.

 

Ceci n’est nulle part aussi apparent que dans les récits de la crise financière mondiale. L’histoire officielle dépeint la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne et les autres grandes banques centrales comme adoptant une action coordonnée pour sauver le système financier mondial de la catastrophe. Cependant, les transcriptions publiées récemment des réunions de 2008 du Federal Open Market Committee, le principal organe de décision de la Fed, révèlent que, dans les faits, la Fed a émergé de la crise en tant que la banque centrale du monde, tout en continuant à servir en premier lieu les intérêts américains.

 

Le rôle premier de la Fed

 

Les réunions les plus importantes se sont déroulées le 16 septembre et le 28 octobre – à la suite de l’effondrement de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers – et portaient sur la création d’accords bilatéraux d’échange de devises visant à assurer une liquidité adéquate. La Fed y avait décidé d’accorder des crédits en dollars à des banques étrangères en échange de devises, que la banque étrangère acceptait de racheter après une période spécifiée au même taux de change, plus les intérêts. Cela fournissait aux banques centrales – en particulier celles de l’Europe, qui faisaient face à une pénurie de dollars après la fuite des investisseurs américains – les dollars dont elles avaient besoin pour prêter aux institutions financières domestiques en difficulté.

 

En effet, la BCE a été parmi les premières banques à conclure un accord avec la Fed, suivie par d’autres grandes banques centrales de pays avancés, comme la Banque nationale suisse, la Banque du Japon et la Banque du Canada. Lors de la réunion d’octobre, quatre économies émergentes importantes « sur le plan diplomatique et économique » – Mexique, Brésil, Singapour et Corée du Sud – ont rejoint le mouvement, la Fed décidant d’établir des lignes de swap à hauteur de 30 milliards de dollars avec les banques centrales de ces pays.

 

La Fed voit d’abord les intérêts américains

 

Bien que la Fed ait agi comme une sorte de banque centrale mondiale, ses décisions ont été dictées, d’abord et avant tout, par les intérêts américains. Pour commencer, la Fed a rejeté les demandes de certains pays – dont les noms sont effacés dans les transcriptions publiées – de rejoindre le programme d’échange de devises.

 

Plus important encore, des limites furent placées sur les swaps. L’essence de la fonction de prêteur en dernier ressort d’une banque centrale a toujours été la fourniture de fonds illimités. Parce qu’il n’y a pas de limite sur la quantité de dollars que la Fed peut créer, aucun participant au marché ne peut prendre de position spéculative contre elle. En revanche, le Fonds monétaire international dépend de ressources limitées fournies par les pays membres.

 

Un changement fondamental dans la gouvernance mondiale

 

Le rôle international grandissant que la Fed joue depuis 2008 reflète un changement fondamental dans la gouvernance monétaire mondiale. Le FMI a été créé à une époque où les pays étaient régulièrement victimes des hypothèses désinvoltes des banquiers de New York, tels que l’évaluation de JP Morgan dans les années 1920 selon laquelle les Allemands étaient « fondamentalement un peuple de second ordre ». Le FMI formait une caractéristique essentielle de l’ordre international de l’après-Seconde Guerre mondiale, destinée à servir de mécanisme d’assurance universelle – qui ne pourrait pas être utilisé pour promouvoir les intérêts diplomatiques du moments.

 

Les documents de la Fed montrent la marginalisation du FMI

 

Aujourd’hui, comme le montrent clairement les documents de la Fed, le FMI est devenu marginalisé – notamment en raison de son processus politique inefficace. En effet, dès le début de la crise, le FMI, supposant que la demande pour ses ressources resterait faible en permanence, avait déjà commencé à réduire ses capacités.

 

En 2010, le FMI a mis en scène sa résurrection, se présentant comme central dans la résolution de la crise de l’euro – à commencer par son rôle dans le financement du plan de sauvetage grec. Pourtant, ici aussi, une histoire secrète a été révélée – qui met en évidence à quel point la gouvernance monétaire mondiale est devenue asymétrique.

 

La position du Fonds monétaire compliquée, face à la crise européenne

 

Le fait est que seuls les États-Unis et les pays massivement surreprésentés de l’Union européenne ont soutenu le plan de sauvetage grec. En effet, toutes les grandes économies émergentes s’y sont fermement opposées, le représentant du Brésil déclarant qu’il s’agissait d’un « plan de sauvetage des détenteurs de la dette privée de la Grèce, principalement les institutions financières européennes ». Même le représentant de la Suisse a condamné la mesure.

 

Lorsque les craintes d’un effondrement soudain de la zone euro ont donné lieu à un débat prolongé sur la façon dont les coûts seront supportés par des restructurations et des annulations de dette, la position du FMI deviendra de plus en plus compliquée. Bien que le FMI soit censé avoir priorité sur les autres créanciers, il y aura des demandes pour annuler une partie des prêts qu’il a émis. Les pays émergents plus pauvres s’opposeraient à une telle démarche, arguant que leurs citoyens ne devraient pas avoir à payer la facture de la prodigalité budgétaire de pays beaucoup plus riches.

 

 Une perte d’influence inéluctable, même en cas de changement de directeur général

 

Même ceux qui ont toujours défendu l’implication du FMI se tournent à présent contre le Fonds. Les fonctionnaires de l’UE sont outrés par les efforts apparents du FMI pour obtenir un soutien des pays débiteurs de l’Europe en exhortant l’annulation de toutes les dettes qu’il n’a pas émises lui-même. Et le Congrès des États-Unis a refusé d’approuver l’expansion des ressources du FMI – qui faisait partie d’un accord international négocié au sommet du G-20 de 2010.

 

Bien que le scandale qui a suivi la nomination d’un autre européen en tant que directeur général du FMI en 2011 soit de nature à assurer que le prochain chef du Fonds ne sera pas originaire d’Europe, la diminution rapide de l’importance du rôle du FMI signifie que cela ne changera pas grand-chose. Comme le montre l’histoire secrète de 2008, ce qui importe est de savoir qui a accès à la Fed.

 

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

Harold James est professeur d’histoire à l’Université de Princeton et senior fellow au Center for International Governance Innovation.

© Project Syndicate 1995-2014

Source La Tribune 13/03/2014

Voir aussi : Rubrique Economie, Finance, rubrique Politique Politique Economique,

Reprendre le pouvoir à la finance

Pour  l’idéologie ultra-libérale dominante, ce sont les dépenses publiques qui seraient responsables de la dette, passant sous silence la place prépondérante des marchés financiers. Décryptage…

Tout le monde s’accorde à reconnaître la place prépondérante qu’ont pris les « marchés financiers » dans nos économies.
Cependant, la place inconsidérée prise par les puissances d’argent n’est pas le fruit d’une volonté divine. Elle est la conséquence de décisions politiques prises dans les années 1970. C’est ainsi qu’en 1973, le statut de la Banque de France a été modifié. Ce changement consistait à interdire à la Banque de France de financer l’Etat à un taux d’intérêt nul, disposition qui existait jusque là. Dorénavant, les finances publiques devaient chercher des ressources auprès des banques privées

La France ruinée par les exigences de la Finance
Résultat : depuis 1974, la France a payé en intérêts 1200 milliards d’euros (à comparer avec les 1641 milliards de dette publique actuelle). C’est depuis cette date que les budgets connaissent des déséquilibres. Si l’on y ajoute l’incidence de la baisse des recettes publiques due aux baisses d’impôts – 100 milliards d’euros en 10 ans selon un rapport parlementaire – et les exonérations de cotisations sociales (30 milliards d’euros par an), on ne peut s’étonner de la montée de la dette. Pour mesurer la baisse des rentrées fiscales, il est nécessaire de comparer la part des recettes de l’Etat par rapport au PIB. Celles-ci ont culminé à 22,5% du PIB en 1982, elles n’étaient plus que 15,1% en 2009.

Dans un rapport de mai 2010, Jean-Philippe Cotis, directeur de l’INSEE et Paul Champsaur, président de l’Autorité de la statistique publique, estimaient que sans les multiples baisses de prélèvements consenties par les gouvernements successifs depuis le début des années 2000, le niveau de la dette publique serait inférieur de 20 points du PIB à ce qu’il est aujourd’hui soit la bagatelle de 400 milliards d’Euros !

Récemment, la Cour des Comptes a mis le doigt sur l’explosion des « niches fiscales ». A partir de 2004, ces dernières ont connu une progression incontrôlée pour atteindre 73 milliards d’euros en 2009. Parmi elles, la niche « Copé » qui exonère d’impôts les plus values provenant des cessations des filiales détenues au moins depuis deux ans par la maison mère. Son coût : 22 milliards d’euros entre 2007 et 2009.

La Cour des comptes a mis le doigt sur le régime de l’ « intégration fiscale » qui consiste pour la société mère de décider du périmètre fiscal en y intégrant les résultats de ses filiales. Ce dispositif aurait coûté à l’Etat près de 20 milliards en 2009. Autrement dit, le gouvernement prétend s’en prendre à quelques niches fiscales mais ne comptabilisent plus comme telles des cadeaux royaux fait aux patrons et qui coûtent plusieurs milliards d’euros aux finances publiques.

La prise de pouvoir des marchés a permis aux grandes entreprises d’imposer des taux de rendement des capitaux s’élevant à 15, voire 25%. Ces exigences de profitabilité inhibent fortement l’investissement, qui se tourne vers les placements juteux.

La dette privée transfigurée en dette publique
D’autre part, ces exigences ont entraîné une constante pression à la baisses sur les salaires avec une consommation en panne et une hausse du chômage, avec comme conséquences une croissance en berne. Cette demande insuffisante a été contrecarrée par le développement de l’endettement des ménages, créant ainsi une richesse fictive, permettant une croissance de la consommation sans augmentation de salaires. Ce qui a entraîné une bulle financière se terminant par des krachs (voir la crise des subprimes).

Volant alors au secours des banques, les gouvernements ont métamorphosé une dette privée en dette publique. C’est ainsi qu’en 2007, avant la crise, le déficit public moyen dans la zone euro était de 0,6% du PIB, mais la crise l’a fait passer à 7% en 2010. Quant à la dette publique elle est passée dans la même période de 66 à 84 % du PIB. Ainsi, la mainmise des marchés financiers s’est imposée en plusieurs actes.

Acte I : Les pouvoirs décrètent la liberté totale de circulation des capitaux.

Acte II : des réglementations plus laxistes en matière d’impôts pour les sociétés et les couches aisées entraînent un assèchement des budgets des Etats et une liquidité importante entre les mains des possesseurs de capitaux.

Acte III : Une somme énorme de capitaux sont ainsi disponibles et peuvent ainsi financer les dettes avec des taux d’intérêts rémunérateurs.

Acte IV : devant les déficits publics qui grimpent, les Etats imposent à leurs peuples des sacrifices. Ces politique d’austérité doivent être inscrites, telles les tables de la lois dans la Constitution. Cette règle d’or dépossède les peuples de leur légitime souveraineté.
La morale de l’histoire est claire : nos maux ne parviennent pas d’une dépense publique dispendieuse. Par rapport au PIB (richesses créées), celles-ci ont baissé. Elles représentaient 55% en 1993 et 53% en 2008. La place prépondérante prise par les marchés financiers doit être remise en cause. il faut les désarmer. Pour cela il appartient aux peuples d’écrire le dernier acte.

Acte V et fin : les peuples reprennent le pouvoir sur les marchés financiers. Ils s’émancipent d’eux en retrouvant au niveau national et européen la maîtrise publique de la finance et du crédit, en taxant les banques et les profits financiers, en changeant le rôle et la mission de la Banque centrale européenne, en relevant les salaires, en développant les services publics,.
La France pourrait agir au sien de l’Europe pour remplacer le fonds européen de stabilité financière qui soutient les marchés par un fonds européen de soutien au développement social. Il s’agit de créer un pôle public bancaire avec un crédit sélectif favorable aux investissements porteurs d’emplois, de salaires, de formation et de recherche.

On le voit, il s’agit de mettre en oeuvre une autre politique. Celle qui consiste à reprendre le pouvoir à la Finance.

Henri Génard (La Marseillaise)

Voir aussi : Rubrique Politique, La « règle d’Or », ou les rois de l’esbroufe, rubrique Economie, Pifomètre, rubrique UE, Extension du domaine de la régression, La crise de la zone euro, mode d’emploi, Les dirigeants de gauche valets des conservateurs, rubrique Finance, Comment l’injustice fiscale a creusé la dette greque, Livre :  Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,

La « règle d’or », ou les rois de l’esbroufe

 

C’est le tube de l’été des discothèques politiques. Du président de la République au moindre responsable de la majorité, tous reprennent en choeur, matin, midi et soir, le refrain de « La règle d’or ».

Le 26 juillet, Nicolas Sarkozy a donné le ton en écrivant à tous les parlementaires : « La France doit être exemplaire dans la remise en ordre de ses comptes publics. Nous avons besoin de nous rassembler sur ces questions essentielles, au-delà des intérêts partisans. » Mieux, depuis le sommet franco-allemand de l’Elysée, le 16 août, ce sont les dix-sept pays de la zone euro qui sont invités à adopter, d’ici à l’été 2012, une « règle d’or » pour équilibrer leurs finances.

Hier encore, le premier ministre a remis ça d’une voix solennelle, dans Le Figaro : pour mettre un terme à « la gestion trop complaisante » de nos finances publiques, il faut inscrire dans la Constitution une règle « d’équilibre des finances publiques » qui impose une vertueuse discipline aux budgets annuels du pays. Et François Fillon d’invoquer « l’intérêt national » et d’appeler les socialistes au « sens des responsabilités ».

Sans les socialistes, en effet, pas de « règle d’or ». Le projet de loi constitutionnel adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat en juillet restera lettre morte s’il n’est pas validé par les trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. De deux choses l’une, martèle donc la majorité : ou bien la gauche apporte son soutien à l’initiative lucide et courageuse du chef de l’Etat ; ou bien elle fait la déplorable démonstration de son laxisme et de son irresponsabilité. Comme on dit familièrement, plus c’est gros, plus ça a des chances de marcher !

Car il faut à la majorité actuelle un culot exceptionnel pour jouer, subitement, les professeurs de vertu budgétaire. Les chiffres sont impitoyables. En 2007, la dette de la France représentait 63,8 % du PIB ; elle dépassera 86 % en 2011. Soit pas loin de 500 milliards d’euros supplémentaires en quarante-huit mois, et une dette globale dont la seule charge des intérêts absorbe la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu.

La faute à la crise, plaide le gouvernement depuis 2008. En partie, oui. Mais mineure, comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport, fin juin, sur la situation des finances publiques : « La crise explique, au plus, 38 % du déficit, qui est surtout de nature structurelle et résulte largement de mesures discrétionnaires. »

C’est une façon pudique de qualifier les avantages fiscaux – les fameuses « niches » – consentis ces dernières années : par exemple, la suppression de la taxe professionnelle, qui représente pour l’Etat un manque à gagner de 7,9 milliards, la baisse de la TVA dans la restauration (2,5 milliards), la réforme récente de l’impôt sur la fortune (pas loin de 2 milliards), ou encore la « niche Copé » (habilement transformée en modalité particulière de calcul de l’impôt sur les sociétés), qui coûte de 4 à 6 milliards par an. Soit, depuis quatre ans, de l’ordre de 22 milliards de « cadeaux » fiscaux, entièrement financés par l’emprunt !

Mais le chef de l’Etat et son premier ministre ne sont pas seulement formidablement culottés. Ils sont également les rois de l’esbroufe. On serait prêt à croire qu’en bons chrétiens, ils ont admis leurs fautes passées et sont décidés à les expier : il faudrait pour cela que la « règle d’or » brandie comme un talisman impose vraiment une discipline rigoureuse.

Or le plus extraordinaire est qu’il n’en est rien. Pour le comprendre, le plus simple est de citer l’article voté par le Parlement : « Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s’imposent globalement aux lois de finances et aux lois de financement de la Sécurité sociale ».

Cette rédaction alambiquée en atteste : contrairement à la loi fondamentale allemande, qui est supposée servir de modèle, la « règle d’or » ne fixe aucune contrainte rigoureuse, adossée par exemple à la notion de solde budgétaire.

Au-delà de cette définition déjà très floue, toutes les modalités d’application de ces nouvelles lois-cadres sont renvoyées à une loi organique. Ainsi, elles pourraient être « modifiées en cours d’exécution ». Comment ? Par la loi organique. Quelles dispositions précises s’imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement de la Sécurité sociale ? Encore la loi organique. Comment seraient compensés d’éventuels écarts entre les lois-cadres et l’exécution budgétaire ? Toujours la loi organique. Le gouvernement en a-t-il précisé le contenu ? A aucun moment, malgré deux lectures dans chaque Assemblée.

Or les parlementaires savent bien que ce qu’une loi organique peut faire, une autre peut le défaire, comme on l’a vu avec la Caisse d’amortissement de la dette sociale, destinée à accueillir les déficits de la Sécurité sociale. En 2005, ils avaient fixé à 2021, de façon impérative, le terme de la durée de vie de la Cades pour stopper le report sans fin des déficits. Cinq ans plus tard, les dérives perdurant, ils ont tout simplement reporté à 2025 le terme de la Cades…

Enfin, il va sans dire que, même si la réforme constitutionnelle était, par miracle, adoptée rapidement, elle ne pourrait être mise en oeuvre avant le budget 2013… donc après l’élection présidentielle. C’est au point que l’on se demande si le gouvernement ne fait pas tout ce cirque sur la « règle d’or » pour mieux se dispenser d’en appliquer dès maintenant les vertueux principes. Il est à craindre que cela ne trompe personne, les marchés moins que quiconque.

Gérard Courtois (Le Monde)

«Videz votre compte en banque ! » : l’appel de Cantona monte en puissance

Les banquiers après le krac

34 000 personnes disent, sur Facebook, vouloir participer à ce retrait massif d’argent le 7 décembre. François Baroin juge le mouvement «grotesque et irresponsable»

Va-t-il faire sauter la banque ? Economistes et spécialistes du monde bancaire s’accordent pour dire que l’appel d’ aux Internautes à vider en masse leurs comptes courants relève de l’utopie. Pourtant, le mouvement continue de prendre de l’ampleur sur Internet. 19 000 le 27 novembre, 30 000 le 2 décembre, plus de 34 500 le 4 décembre. Le nombre de personnes qui ont proclamé leur «participation» sur Facebook au mouvement initié par l’ancienne star du ballon rond ne cesse d’enfler.

Sur la page du réseau social intitulée «Révolution! Le 7 décembre on va tous retirer notre argent des banques», l’appel de l’ancien de est relayé en ces termes : « Parce que visiblement aujourd’hui manifester ne sert plus à rien pour se faire entendre de nos élites dirigeantes et que le pouvoir est tenu par les banques, allons tous d’un seul homme retirer notre argent des banques et fermer nos comptes épargne et pension le 7 décembre 2010».

cantonaL’appel de Cantona, relayé sur la toile, peut-il vraiment inquiéter les géants bancaires ? Jeudi, certains sont sortis de leur réserve comme le directeur général de BNP Paribas, Baudoin prot, qui affirmait «mal fondé» sur le plan bancaire cet appel. Le président de la Fédération bancaire française (FBF), François Pérol, a pour sa part expliqué ne pas croire que l’appel «traduise un malaise» des Français, mais estime qu’il «ne rend service à personne».C’est le 6 octobre dernier, dans un entretien au quotidien Presse-Océan, qu’Eric le Rouge avait prôné une «révolution». Le principe : une déferlante de retraits massifs dans les banques. Le résultat : faire en sorte que «le système s’écroule», expliquait Cantona. Jeudi, dans un entretien au journal Libération, l’ex footballeur était clair : «Le 7 décembre, je serai à la banque». «Le système tient par les banques, il doit être détruit par les banques. Et si 20 millions de personnes retirent leur argent, tout s’écroule. C’est une révolution sans armes, ni sang», rajoutait l’acteur, bien décidé à ne pas laisser passer ce casse du siècle.

Du côté des politiques, chacun tente un appel au calme. , Ministre de l’économie tentait mercredi un tâcle, rappelant que si Cantona était un «immense footballeur», il n’était pas…banquier. Ce samedi, François Baroin lui a même adressé un carton rouge : «C’est grotesque et irresponsable. Cantona en conseiller financier, ce n’est pas très sérieux (…) A chacun son métier, et les vaches seront bien gardées!», a brocardé le ministre du Budget dans une interview à France-Soir.

Reste que 99% des Français possèdent un compte en banque et que Cantona profite d’une cote de popularité inébranlable. Si les «participants» Facebook se donnent réellement rendez-vous, cela risque de causer des désagréments dans les agences bancaires… mais pas de quoi renverser un système fort de ses 40 000 agences et 53 000 distributeurs de billets.

Le Parisien

Un appel « Mal fondé » et « insécuritaire » pour Directeur général de BNP Paribas…

Le directeur général de BNP Paribas, Baudoin Prot, a jugé jeudi l’appel de l’ex-footballeur à retirer son argent des banques « mal fondé » et « insécuritaire ». M. Prot a indiqué respecter le « grand sportif et son souci de s’intéresser aux questions de pauvreté », mais a affirmé que « sur le plan bancaire », cet appel était « typiquement mal fondé ». « La recommandation de retirer les dépôts est totalement insécuritaire » tout en étant « complètement contraire à ce qui peut assurer le fonctionnement de l’économie », a-t-il ajouté.

Le directeur général de BNP Paribas s’exprimait lors du lancement du « Concept Store » à Paris, un nouveau format d’agence lancé par la banque. M. Prot a souligné que les 400.000 salariés du secteur en France « méritent davantage de reconnaissance que cet appel », rappelant que « les banques françaises sont au service de toutes les clientèles ». En outre, a-t-il dit, « les banques françaises n’ont aucunement contribué aux origines de la crise » et les aides de l’Etat de l’époque n’ont rien « coûté aux contribuables ».

Dans une vidéo sur internet, l’ancien joueur vedette de affirme que « s’il y a 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s’écroule », jugeant que « la révolution se fait par les banques ». Cet appel a donné des idées à des internautes qui ont créé une page sur Facebook sur laquelle plus de 27.000 personnes affirment vouloir participer à l’événement spécialement créé: « Révolution! Le 7 décembre, on va tous retirer notre argent des banques ».
M. Prot a affirmé qu’il n’avait mis en place aucune « campagne » ou « action particulière », pour cette échéance.

S’exprimant sur cette affaire sur RMC, le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement François Baroin a jugé de son côté que « ce serait comique si ce n’était tragique », jugeant cet appel « pas sérieux ». « C’est un très bel avant-centre. Il n’a pas fait la Coupe du monde (1998, ndlr). Il n’a pas été sélectionné par Aimé Jacquet (sélectionneur de l’ à l’époque, ndlr). Il y a sûrement des raisons à cela », a dit M. Baroin.

AFP

A gauche les politiques prennent leur distance

Mélenchon sur France Info. Selon lui, ce n’est pas « la bonne stratégie ».Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) se sont démarqués vendredi de l’appel de Cantona à retirer massivement l’argent des banques le 7 décembre, estimant que provoquer la faillite du système bancaire n’était pas la bonne solution. « Je ne sais pas si on gagnerait quelque chose à une faillite générale et instantanée du système. Je me représente la chose autrement, avec des élections, avec des programmes », a déclaré M. « En même temps, je ne perds pas de vue que Cantona se moque de tout le monde, et il a bien raison », a toutefois ajouté le leader du Parti de gauche. « Il montre que ce système est un tigre de papier » qui « ne marche que par la peur que nous avons de lui et la soumission des gouvernements aux banquiers ».

Pour Nathalie Arthaud (LO), la solution pour empêcher les banquiers de « nuire » serait plutôt de les « mettre sous contrôle » en les expropriant. « Le problème c’est que les banques, on en a besoin, elles sont utiles », a-t-elle fait valoir sur LCI. « Mais par contre les banquiers qui transforment les salles de banque en casino, eux on doit le leur interdire. Et c’est pour ça que nous, nous sommes pour l’expropriation des banques, pour qu’elles soient fusionnées en une seule » afin de les mettre « véritablement au service de la population et de l’économie », a expliqué la porte-parole du parti trotskiste.

Mercredi, avait jugé « séduisant » l’appel d’mais pour le porte-parole du NPA, « s’attaquer aux banques n’est qu’une partie du problème » et « la réalité, c’est que beaucoup de ceux qui rêveraient de le faire n’ont plus forcément de l’argent sur leur compte en banque ».

Un « consensus de Berlin » imposé à l’Europe

t-image001Sommé par ses partenaires de solliciter l’« aide » du Fonds européen de stabilité financière, le gouvernement irlandais s’est exécuté. La Commission, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international orchestrent désormais un plan de sauvetage des banques dont les Irlandais paieront la facture. C’est ce dispositif, dans une version encore plus draconienne, que l’Allemagne entend pérenniser par une révision du traité de Lisbonne.

par Bernard Cassen

ruxelles, Strasbourg et Luxembourg, les vrais centres de décision de l’Union européenne ne se limitent pas aux sièges de la Commission, du Conseil, du Parlement et de la Cour de justice. Il faut y ajouter trois villes allemandes : Francfort, où est installée la Banque centrale européenne (BCE) ; Berlin, d’où s’exprime la chancelière allemande, Mme Angela Merkel ; et Karlsruhe (Land de Bade-Wurtenberg), qui abrite le Tribunal constitutionnel fédéral.

A différentes reprises, et quitte à désespérer Bruxelles, la cour de Karlsruhe a mis des grains de sable dans l’application de traités européens. Ainsi, il a fallu attendre novembre 1993 pour que le traité de Maastricht entre en vigueur : alors qu’il avait été ratifié au cours de l’année 1992 partout sauf en Allemagne, il a fait l’objet d’un recours suspensif devant le Tribunal, qui ne fut pas levé avant le 12 octobre 1993. Plus récemment, le 30 juin 2009, les juges de Karlsruhe ont étrillé le traité de Lisbonne, en subordonnant sa compatibilité avec la Loi fondamentale allemande au vote d’une loi d’accompagnement par le Bundestag et le Bundesrat. Parmi les considérants de leur décision, la dénonciation du « déficit structurel de démocratie » de l’Union et le rappel de « la centralité du Parlement national » dans la mesure où « le Parlement européen n’est pas l’organe de représentation d’un peuple européen dont les députés seraient les représentants » : une douche froide pour les mouvements et partis fédéralistes européens (1).

Partenariat germano-allemand

Aux yeux des dirigeants politiques allemands, ce document a constitué un sévère rappel à l’ordre constitutionnel. D’où l’extrême circonspection de Mme Merkel, qui ne peut se permettre d’essuyer un camouflet des hauts magistrats de Karlsruhe sur un dossier particulièrement sensible, celui du Fonds européen de stabilité financière. Créé en catastrophe en mai 2010 pour faire face à l’éventualité d’un défaut de la Grèce sur sa dette souveraine, il a une durée de vie de trois ans, soit jusqu’à la fin de 2012.

Doté d’une capacité d’intervention de 440 milliards d’euros — auxquels s’ajoutent les 310 milliards d’euros que le Fonds monétaire international (FMI) est disposé à verser —, ce fonds avait été institué en mai dernier sur une base intergouvernementale, donc hors traité, et avec la garantie des seize membres de la zone euro. Depuis cette date, et après la Grèce, plusieurs pays ayant adopté la monnaie unique ont été inscrits d’office par les autres gouvernements et par les marchés financiers sur la liste d’attente des « bénéficiaires » potentiels de ce dispositif d’« aide » d’urgence : l’Irlande et le Portugal en tête de liste, l’Espagne et l’Italie immédiatement après.

C’est au nom du principe de précaution que, lors du Conseil européen du 28 octobre dernier, Mme Merkel a imposé à ses partenaires ce qui paraît extravagant à la plupart d’entre eux : une révision du traité de Lisbonne, entré en vigueur dans la douleur moins d’un an auparavant (le 1er décembre 2009) au terme d’un processus qui s’était étalé sur sept années. L’objectif de la chancelière ? « Blinder » juridiquement la pérennité de ce fonds au-delà de 2012, en l’intégrant au traité.

Mais sa préoccupation n’est pas uniquement de nature juridique. Elle entend soumettre à des conditions draconiennes le recours à un mécanisme qui vise moins à sauver des Etats que leurs créanciers. Il s’agit pour elle de préserver les intérêts industriels et financiers d’une Allemagne que la dislocation de la zone euro fragiliserait. L’idée est simple : « agiter sous le nez des créanciers internationaux le projet de les obliger à assumer leur part de la restructuration des dettes souveraines au moment précis où (…) ils disposent encore de tous les moyens structurels de puissance susceptibles de déclencher une nouvelle tempête spéculative et de faire plier un peu plus les gouvernements », explique l’économiste Frédéric Lordon (2).

C’est donc dans le cadre d’un opportun partenariat germano-allemand que Karlsruhe vole au secours de Berlin. Ce « consensus de Berlin » n’a rien à envier à celui de Washington, dont les pays d’Amérique latine et l’Afrique, entre autres, ont fait la douloureuse expérience. Il n’est à cet égard pas fortuit que le FMI soit étroitement associé à l’opération.

Même s’il n’est pas prévu que le projet soit opérationnel avant 2013, tous les gouvernements conviennent qu’il faut l’élaborer au plus vite, la moindre tergiversation ayant une incidence immédiate sur le comportement des opérateurs financiers qui dictent leurs conditions aux Etats. Non sans raison, ils feront une lecture rétroactive de dispositions ne prenant formellement effet que dans deux ans. C’est pourquoi le Conseil européen du 28 octobre a fixé au 10 décembre 2010 la remise de deux rapports sur lesquels il sera appelé à statuer : l’un sur le contenu de la révision du traité, confié à la Commission européenne ; l’autre sur les modalités de cette révision, attribué au président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy. C’est de ces modalités qu’il sera ici principalement question.

Les gouvernements de l’Union se seraient bien passés de l’exigence allemande de procéder à une révision en bonne et due forme du traité de Lisbonne. On se doute bien que si des pays de la taille de Malte ou de la Lettonie avaient formulé des objections institutionnelles à usage interne, les grands Etats se seraient chargés de les remettre dans le droit chemin. L’exemple de l’Irlande rappelle aux réfractaires qu’un « non » à un référendum — sur le traité de Nice en 2001 ou sur celui de Lisbonne en 2008 — sera considéré comme incorrect. Dans d’autres pays (France et Pays-Bas), le Parlement se substituera au peuple. A Berlin, en revanche, on ne plaisante ni avec le tribunal de Karlsruhe ni avec le modèle économique allemand.

Cette fois-ci, il ne faut pas se tromper si l’on veut que la révision du traité s’effectue sans anicroche et qu’elle ne provoque pas une crise financière qui menacerait l’euro. Telle est la délicate mission de M. Van Rompuy. Une première indication sur la ligne à suivre lui a été fournie par M. Nicolas Sarkozy, qui compte sur la « créativité juridique » des fonctionnaires européens (3). Traduction : éviter toute forme de ratification pouvant donner lieu à un référendum, même dans un seul pays. Idéalement, l’affaire se réglerait au niveau des seuls gouvernements, hors de portée des électeurs et des Parlements. Mais l’imagination des juristes ne peut se déployer que dans les limites des règles de révision prévues par l’article 48 du traité sur l’Union européenne (TUE) qui, avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), constitue le traité de Lisbonne (lire « Protagonistes et arsenaux »). Cet article prévoit plusieurs procédures : l’une de révision ordinaire et d’autres dites « simplifiées ».

Approuver n’est pas ratifier

La procédure de révision ordinaire, pour les modifications d’envergure ou touchant à la répartition des pouvoirs dans l’Union, est celle qui a été suivie pour le défunt traité constitutionnel européen (TCE), recyclé à l’identique en traité de Lisbonne en décembre 2007. Elle implique la séquence suivante : convocation et mise en place d’une convention, tenue d’une conférence intergouvernementale (CIG) sur la base des conclusions de la convention, signature et ratification (par la voie parlementaire ou par référendum). On imagine que ce scénario — lourd, lent et surtout risqué — ne bénéficiera pas des faveurs de M. Van Rompuy.

Restent alors les procédures simplifiées. Au nombre de deux, elles ont en commun de ne pouvoir modifier que tout ou partie du traité sur le fonctionnement et pas le TUE. L’une, celle dite des « clauses passerelles », que l’on évoquera seulement pour mémoire, peut d’emblée être écartée car elle a été durement critiquée dans la décision du tribunal de Karlsruhe du 30 juin 2009. En revanche, l’autre semble adaptée à l’objectif recherché. Elle concerne la partie III du traité, consacrée aux politiques et actions internes de l’Union.

Selon les termes de l’article 48-6 du TUE, les dispositions de cette partie III peuvent être modifiées directement par le Conseil européen statuant à l’unanimité, sans convocation d’une convention ou d’une CIG. Oui, on a bien lu : modifiées directement, sans ratification ! Comme l’explique M. Etienne de Poncins, diplomate dont les travaux font autorité sur les questions institutionnelles européennes, « les révisions ainsi proposées doivent être “approuvées” (et non “ratifiées”) par l’ensemble des Etats membres, selon leurs règles constitutionnelles respectives. En réalité, la différence entre “approbation” et “ratification” paraît assez ténue et pourrait, dans certains cas, ne pas impliquer un vote formel du Parlement national sur un texte, mais seulement une autorisation de ce Parlement au gouvernement (4) ». Inutile donc, pour M. Van Rompuy, de mobiliser à grands frais des bataillons de juristes bruxellois. La simple lecture du traité de Lisbonne (ou celle, pour 4,90 euros, du Monde diplomatique) lui apportera la réponse qu’il souhaite. Du moins à première vue…

Car si l’argumentaire juridique est une chose, la légitimité démocratique en est une autre. En particulier pour les citoyens qui, en France, avaient très majoritairement dit « non » au TCE en 2005. En février 2008, à l’initiative de M. Sarkozy, le Parlement n’avait pas craint de violer cette décision en ratifiant le traité de Lisbonne. Ainsi, un traité adopté en piétinant la souveraineté populaire risque de s’enrichir de clauses qui la tournent encore davantage en dérision. On ne fera en effet croire à personne que le futur Fonds européen de stabilité financière constitue une simple mesure de gestion de la zone euro, donc relevant d’une procédure de révision simplifiée.

La preuve en est fournie sous nos yeux par le gouvernement irlandais qui, pourtant au bord de la faillite, a livré jusqu’au 21 novembre un combat désespéré pour éviter de faire appel au dispositif d’urgence créé en mai 2010, simple préfiguration — moins contraignante — du futur fonds : il y voyait à juste titre une aliénation de sa souveraineté qui le placerait sous la tutelle de la Commission, de la BCE et du FMI. Le ministre irlandais des entreprises, du commerce et de l’innovation, M. Batt O’Keeffe, avait déclaré à ce sujet : « La souveraineté de ce pays a été très difficile à gagner, et ce gouvernement ne va pas l’abandonner à n’importe qui (5). » Il avait parfaitement compris que, au sein de l’Union, le pouvoir était en train de basculer des gouvernements responsables de leurs actions devant leur peuple vers un « n’importe qui » — le trio cité plus haut — dont la caractéristique commune est de n’avoir de comptes à rendre à personne, sinon aux marchés financiers. De surcroît, l’un des membres de ce trio, le FMI, n’est même pas une institution européenne…

Dans ces conditions, ce n’est pas la procédure de révision simplifiée du traité qui peut être invoquée, mais bel et bien la procédure ordinaire — avec ses contraintes — puisqu’il s’agit de la répartition des pouvoirs au sein de l’Union, telle qu’elle figure dans le TUE. La bataille qui se prépare au sujet de la révision demandée par Mme Merkel devrait donc, en toute logique, être éminemment politique. Mais les gouvernements vont tout faire pour escamoter le débat ou le circonscrire à des questions de technique financière au service d’une « aide », de type presque humanitaire, aux Etats périphériques de l’Union. Ils le feront d’autant plus facilement qu’ils croiront ne jamais avoir à se soumettre aux contraintes du Fonds. C’est, de toute évidence, le sentiment de M. Sarkozy, qui a appuyé fermement les exigences de la chancelière allemande. Mais qui peut dire que la France ne figurera pas un jour sur la liste des pays à « sauver » ?

Si une campagne électorale a encore un sens, on est en droit d’attendre des partis politiques et des candidats à l’élection présidentielle de 2012 qu’ils se prononcent sans ambiguïté sur le projet de révision du traité de Lisbonne et sur ses modalités. Car, plus que jamais, la question européenne surplombe toutes les autres.

Bernard Cassen

 

Source : Le Monde Diplomatique Décembre 2010

(1) Lire Anne-Cécile Robert, « Où l’on reparle du « déficit démocratique » », Le Monde diplomatique, septembre 2009, et Bernard Cassen, « Le coup de semonce de Karlsruhe », Mémoire des luttes, 2 septembre 2009.

(2) « Crise européenne, deuxième service (partie I) », La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 8 novembre 2010.

(3L’Humanité, Saint-Denis, 30 octobre 2010.

(4) Etienne de Poncins, Le Traité de Lisbonne en 27 clés, Lignes de repères, Paris, 2008.

(5) Cité dans le Financial Times, Londres, 17 novembre 2010.