Accord France insoumise-Parti communiste : ce qui bloque

la-france-insoumise-annonce-qu-il-n-y-aura-pas-d-accord-avec-le-pcfCe jeudi, la France insoumise et le PCF devraient reprendre les négociations en vue des élections législatives. Après le succès de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, la nécessité de s’entendre fait consensus, mais les désaccords persistent.

Attachés à « construire une majorité parlementaire », Parti communiste et France insoumise (FI) ne se sont toujours pas entendus sur un accord pour les élections législatives de juin, après deux premières réunions vendredi 28 avril et mardi 2 mai. En cause, deux logiques politiques divergentes.

La FI entend rassembler « le peuple »

La France insoumise souhaite poursuivre « la dynamique qui a conduit sept millions de personnes à voter pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon », selon Francis Parny, orateur national du mouvement, et ancien dirigeant communiste. « Une dynamique de quinze mois qui s’est conclue par une adhésion à la France insoumise et à son programme. Nous tenons à ce cadre parce qu’il faut que les citoyens s’y retrouvent. » S’affichant en mouvement et non en parti, la FI entend construire « un rassemblement large » en son sein. « On s’adresse au peuple, comme nous l’avons fait pendant quinze mois de façon détaillée ».

Conséquence logique, un accord national avec le PCF ne pourrait se construire que dans le cadre – programmatique, organique, visuel… – de la France insoumise. Concrètement, cela reviendrait, pour tous les candidats dont ceux issus des rangs communistes, à se présenter sous l’étiquette FI et à signer la charte des candidat.e.s de la France insoumise qui, en plus d’exigences éthiques, impose les conditions de financement politique et aux députés de « respecter la discipline de vote du groupe ».

Ces deux dernières contraintes posent problème au PCF. Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du PCF, regrette notamment que « le mandat impératif » s’oppose à « l’indépendance des élus que le PCF pratique depuis cinquante ans. S’il y avait eu un mandat impératif, cela ferait bien longtemps que l’on ne formerait plus un groupe de quinze députés Front de gauche. Il est possible de ne pas affaiblir une identité en acceptant qu’elle ne soit pas unanimiste ».

« Nous avons clairement répondu, notamment en précisant que le candidat reste libre de son attachement financier », réplique Francis Parny. Quant au mandat impératif, il le relativise – « on ne tient pas non plus la main des députés » – mais insiste sur son importance. « Ne pas l’imposer, cela veut dire que ce qu’a fait le député PCF Patrice Carvalho, en votant contre le mariage pour tous, peut se reproduire à l’infini. Ce n’est pas notre conception des choses. »

Le PCF veut une « bannière commune »

Le PCF est pour sa part porteur d’une autre logique, celle d’un rassemblement de la gauche de gauche : a minima des composantes du Front de gauche, peut-être au-delà. Il estime que ces organisations et leurs militants ont joué un rôle important dans le score de Jean-Luc Mélenchon, et qu’ils doivent être représentés en conséquence à l’Assemblée. Il a rendu publique mardi sa proposition d’accord national.

Pierre Laurent souhaite que « les forces qui ont permis le résultat du 23 avril, la France insoumise, le Parti communiste, Ensemble !, les militants du Front de gauche, et toutes celles qui voudront se joindre à elles pour cet objectif, unissent leurs énergies ». Les modalités seraient celles d’une « bannière commune, qui respecte tout à la fois la place singulière tenue par notre candidat à la présidentielle et chacune de nos forces ». Un « sillon commun » comme l’illustre Marie-Pierre Vieu, par lequel « l’autonomie de la FI, mais aussi de chaque organisation alliée, pourrait être respectée ».

Un socle commun trop flou au goût de Francis Parny. « Certains candidats, en faveur desquels la FI se désisterait, imposeraient alors leur programme en s’opposant par exemple à la sortie immédiate du nucléaire, ou en appuyant le projet d’aéroport de NDDL. Comment les citoyens s’y retrouveraient ? » La France insoumise rejette de plus tout accord avec des composantes de gauche n’ayant pas appuyé la candidature présidentielle de Jean-Muc Mélenchon, car « les frondeurs du PS et les membres d’EELV qui protestent contre la politique gouvernementale, représentés par Benoît Hamon, ont été désavoués par les électeurs, même si l’étiquette PS a pesé ».

De toute façon, ces partenaires potentiels ne semblent que peu intégrés à la réflexion collective. Un responsable d’Ensemble ! souligne que son organisation a été « écartée des négociations. Pierre Laurent nous cite dans son appel de mardi, mais ne semble se préoccuper que des intérêts du PCF. Quant à la France insoumise, qui présente une trentaine de candidats d’Ensemble ! membres de FI, elle considère que nous sommes servis », alors que ces candidats ne représentent pas toute la diversité de courants d’Ensemble !. Côté FI, on affirme que sous couvert d’accord national, le PCF cherche à imposer un large accord de circonscriptions, exclusivement partagées entre communistes et « insoumis ». Laissant donc les autres composantes de côté.

Une « responsabilité historique »

À défaut d’accord national, le Parti communiste a proposé vendredi 28 avril un accord de désistement mutuel sur une trentaine de circonscriptions seulement. Francis Parny juge que « l’échange sur un nombre limité de circonscription permettrait au PCF de s’y retrouver ». Une hypothèse acceptée et donc travaillée par la délégation de la France insoumise.

Mais, là encore, des blocages apparaissent. Le PCF considère ses députés sortants comme un « bien commun » à la FI et ses partenaires, et souhaite donc ne pas les inclure dans les quotas de désistements. Françis Parny demande « simplement de la réciprocité »… qui pourrait être l’intégration dans le contingent PCF des candidats qui ne souhaitent pas signer la charte FI, comme le journaliste François Ruffin dans la Somme. Rien n’est simple !

Les négociations vont se poursuivre. Julien Zoughebi, membre de la délégation du PCF, précise qu’« après une réunion nationale de nos secrétaires fédéraux, nous avons proposé à la France insoumise de nous revoir ce jeudi. Nous continuerons, dans un premier temps, à pousser pour un rassemblement le plus large possible ». « Nous cherchons à rassembler sur les nombreux points de convergence », confirme Marie-Pierre Vieu.

L’occasion offerte par les 20% de votes en faveur de Jean-Luc Mélenchon et l’urgence d’agir pour construire une majorité parlementaire, reste l’horizon commun. Julien Zoughebi affirme qu’« au vu de la constitution d’un pôle à l’extrême droite autour de Le Pen et Dupont-Aignan, d’un autre pôle libéral-démocrate autour de Macron, il y a urgence à rassembler la gauche ». « Le résultat à la présidentielle fait peser une responsabilité historique de faire exister le camp progressiste », insiste Marie-Pierre Vieu. Des déclarations d’intention qui s’avèreraient vaines si les divisions persistaient. Date limite de dépôt des candidatures : vendredi 19 mai.

@manu_borras

Source Regard.fr 04/05/2017

Voir aussi : Actualité France, rubrique Politique, La gueule de bois de la la fachosphère,

3 mai journée mondiale de la liberté de la presse

Déclaration des syndicats de journalistes français (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes)

Dessin Tom Joseph

Dessin Tom Joseph

La liberté d’informer menacée par la vague réactionnaire en Europe :

Ne laissons pas faire !

 

Jamais la journée de la liberté de la presse n’aura pris une telle importance devant la montée en Europe, et maintenant en France, de la marée brune charriant les thèses de l’extrême-droite raciste et xénophobe, réactionnaire et ultralibérale.

La Pologne, après la Hongrie, est devenue le laboratoire grandeur nature des atteintes aux libertés publiques et parmi celles-ci, la liberté d’informer et d’être informé. Après la main mise des gouvernements ultra-conservateurs sur les médias publics, est désormais en ligne de mire l’asphyxie économique programmée des médias indépendants.Les journalistes, dignes de ce nom, y sont devenus des parias.

Aux frontières de l’UE, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan affiche le triste record d’être la plus grande prison au monde pour les journalistes : 150 de nos confrères sont détenus dans les prisons du régime de l’AKP. Pour mieux contrôler l’information, la plupart des médias sont sous la coupe du pouvoir et de ses alliés. Des milliers de journalistes sont privés d’emploi ou contraints à l’exil. Après le récent référendum marqué par le bourrage des urnes dénoncé par les observateurs internationaux, le « sultan » Erdogan a les pleins pouvoirs. Menaçant de réintroduire la peine capitale, osera-t-il assassiner des journalistes ?

Outre-Atlantique, le démagogue Donald Trump vilipende les journalistes en les désignant comme « ennemis » à la vindicte populaire. Ses services se font les champions des « fakenews » pour tromper l’opinion publique. En vain, heureusement jusqu’à présent.

Aujourd’hui, la France n’est pas épargnée par cette montée des idées identitaires, haineuses, xénophobes, homophobes et jour après jour grandissent les menaces sur les journalistes et la liberté d’expression. En témoignent, les pratiques du Front national et de la candidate Marine Le Pen lors de la campagne pour la présidentielle.Exclusion des médias qui déplaisent, violences et menaces contre les journalistes de la part des sbires du FN sur ordre des dirigeants lepénistes, une pratique bien connue de ce parti extrémiste. 

Deux ans après la tuerie de Charlie Hebdo et les grandes marches qui ont réuni des millions de manifestants pour crier haut et fort le droit à la liberté d’expression, les syndicats de journalistes SNJ, SNJ-CGT et CFDT Journalistes appellent la profession toute entière à prendre la mesure des dangers et les citoyens à se mobiliser pour leur droit d’être informés à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, ce 3 mai.

Il y a urgence. Sans information libre, il n’existe par de démocratie réelle.

02/05/2017

Voir aussi : Actualité FranceLa guerre de l’info de Vincent Bolloré, Main basse sur l’information, Actualité Internationale, Ils se disaient « Charlie »…, La référence aux faits alternatifs de l’équipe Trump, Pour une protection européenne des lanceurs d’alerte, Un accident nucléaire, c’est la fin de la démocratie, rubrique Médias, rubrique SociétéAmnesty International fustige la prolifération des discours haineuxCitoyenneté,

Avec la victoire du oui, la Turquie en pleine régression

5112483_6_c254_le-president-turque-recep-tayyip-erdogan-et_0cdd2220aed6bf65a87fec1892197b4bRéférendum en Turquie : les observateurs internationaux critiquent la campagne

« Les électeurs n’ont pas reçu d’informations impartiales sur les points-clés de la réforme », estime notamment la mission de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.

Une mission commune d’observateurs internationaux a estimé, lundi 17 avril, que la campagne pour le référendum constitutionnel en Turquie s’est déroulée dans des conditions inéquitables.

Les observateurs, issus de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l’Europe, ont critiqué de nombreux aspects du scrutin, à l’issue duquel une majorité de Turcs a approuvé dimanche soir une réforme renforçant considérablement les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan. « Les électeurs n’ont pas reçu d’informations impartiales sur les points-clés de la réforme », estime notamment la mission d’observation dans un communiqué. « De manière générale, le référendum n’a pas été à la hauteur des attentes du Conseil de l’Europe. »

« Le référendum a eu lieu dans un environnement politique dans lequel les libertés fondamentales essentielles à un processus démocratique étaient étouffées par l’état d’urgence », a ajouté Tana de Zulueta, de l’OSCE.

L’opposition demande l’annulation du vote

« Des modifications tardives dans la procédure de comptage [des voix] ont supprimé un important garde-fou », a ajouté Cezar Florin Preda, de la mission d’observation, faisant allusion à la décision des autorités d’accepter les bulletins non estampillés du sceau officiel.

Lundi, le principal parti d’opposition a demandé l’annulation du référendum, en dénonçant des irrégularités. « Il n’y a qu’une seule décision à prendre […] C’est l’annulation du scrutin par le Haut Conseil électoral (YSK) », a déclaré Bülent Tezcan, vice-président du CHP (social-démocrate), cité par l’agence de presse Dogan.

Dès l’annonce des résultats préliminaires, dimanche, l’opposition a dénoncé des irrégularités dans le scrutin. Bülent Tezcan a qualifié sur la chaîne CNN-Türk de « violation » la décision du Haut Conseil électoral (YSK) de valider les bulletins de vote non marqués du sceau officiel. Et le deuxième parti d’opposition, le HDP, a fait savoir sur Twitter qu’il allait contester les votes provenant de « deux tiers » des urnes.

Le Monde.fr avec AFP 17/04/17

AVEC LA VICTOIRE DU OUI, LA TURQUIE EN PLEINE REGRESSION

 

Editorial du « Monde ». Recep Tayyip Erdogan a donc achevé de détruire ce qu’il avait largement contribué à construire : la démocratie en Turquie. Au lendemain du référendum du dimanche 16 avril, le président turc dispose des pleins pouvoirs, ou presque. Le régime politique turc change de nature. Il passe de la démocratie parlementaire à un « hyperprésidentialisme » taillé pour le chef du parti islamo-conservateur AKP. La Turquie s’éloigne de l’Europe pour s’aligner sur la pratique politique moyen-orientale : le mode de gouvernement autoritaire, plus ou moins tempéré.

Un cycle s’achève. Depuis la fin du XXe siècle – d’abord avec le parti laïc de centre gauche CHP puis avec l’AKP –, la démocratie n’avait cessé de progresser dans ce grand pays, membre de l’OTAN et, depuis 2005, candidat à l’adhésion à l’Union européenne. La Turquie, enfin apaisée, semblait à même de jouer un rôle essentiel pour l’équilibre géopolitique et géostratégique de la région. On parlait d’un « modèle turc », qui faisait coexister islam et démocratie et où succès économique – la Turquie est la 15e économie du monde – et dynamisme démographique – 80 millions d’habitants – permettaient à Ankara de tenir sa place dans le groupe des puissances émergentes.

Il en est allé ainsi pendant dix ans ou presque, jusqu’à ce que M. Erdogan, au pouvoir depuis 2003, cède à un tropisme autoritaire de plus en plus prononcé. Cette tendance destructrice n’a cessé de s’accentuer au fil de ces dernières années. Masquant de plus en plus mal sa volonté d’islamiser la société turque et de projeter à l’étranger une forme de politique néo-ottomane, le chef de l’AKP gouverne en autocrate irascible. Au bout de cette dérive, il y a ce projet d’amendement de la Constitution adopté dimanche d’une courte majorité : 51 % des voix.

C’est peu pour changer de fond en comble le régime politique turc et passer du parlementarisme – qui avait bien réussi au pays – à un régime présidentiel boursouflé, où M. Erdogan disposera d’un contrôle total sur l’exécutif et le pouvoir judiciaire et très large sur le législatif. C’est peu pour légitimer ainsi une forme de despotisme constitutionnel, où le jeu des pouvoirs et contre-pouvoirs est réduit à rien ou presque. La Turquie retourne en arrière sous le coup du caprice d’un homme qui, loin d’être plébiscité, divise son pays. La Turquie des villes a voté « non », l’opinion est polarisée comme jamais. Il y a « deux Turquie ».

On dira que le pays vient de traverser nombre de traumatismes : l’atroce et interminable guerre chez le voisin syrien et l’afflux de réfugiés sur le sol turc ; une vague d’attentats meurtriers perpétrés par des cellules locales de l’organisation Etat islamique ; la guerre avec ses propres Kurdes ; la tentative de coup d’Etat militaire en juillet 2016. Tout cela est vrai. L’UE ne le sait que trop, qui compte sur la Turquie pour maîtriser un flux migratoire continu à destination de l’Europe.

Mais, par son aventurisme en Syrie, où il a joué avec l’islamisme radical, par la répression disproportionnée qu’il a déclenchée à l’été 2016, par sa volonté de soumettre la presse et l’ensemble de l’appareil d’Etat, M. Erdogan est largement responsable des malheurs de son pays. Cet homme imperméable à la moindre critique, prompt à injurier ses collègues européens et à dénoncer un « complot global », est maintenant doté d’un pouvoir sur mesure. Ce n’est bon ni pour la Turquie ni pour l’Europe.

Source : LE MONDE | 17.04.2017

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Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Europe, Turquie, La crise politique turque grande menace pour les artistes, La romancière Asli Erdogan en prison, Assasinat de l’ambassadeur de Russie à Ankara, rubrique Politique,

Embarras de la gauche sur l’immigration

France : paysage avant la bataille électorale

The?o Haggai? – de la se?rie « Cailloux »

The?o Haggai? – de la se?rie « Cailloux »

La stratégie conservatrice visant à opposer les plus démunis entre eux est parvenue à faire de l’immigration une question décisive pour nombre de Franc?ais. Aubaine pour la droite, cette situation impose à la gauche d’évoluer sur un terrain miné… et la divise.

immigration divise les principaux candidats à l’élection présidentielle en deux camps : ceux qui font de son rejet leur fonds de commerce et ceux que le sujet embarrasse. Très prolixes, les premiers attribuent aux étrangers toutes sortes de problèmes, du chômage au terrorisme, de la crise des finances publiques au manque de logements, de l’insécurité aux sureffectifs dans certaines salles de classe. Pour y remédier, ils préconisent des mesures radicales. Mme Marine Le Pen (Front national, FN) s’engage à supprimer le droit du sol, à sortir de l’espace Schengen, à instaurer la préférence nationale et à systématiser les expulsions d’étrangers en situation irrégulière. M. François Fillon (Les Républicains) promet pour sa part de durcir les règles du regroupement familial, de conditionner les aides sociales à deux ans de présence sur le territoire, de supprimer l’aide médicale de l’État ou encore de faire voter par le Parlement des quotas annuels d’immigrés par origines nationales — une rupture avec les principes en vigueur depuis l’ordonnance du 2 novembre 1945, selon laquelle la faculté d’assimilation des étrangers dépendait non pas de leur origine, mais de leurs caractéristiques individuelles.

Face à cette surenchère, le camp des embarrassés se contente de propositions floues et parfois incohérentes. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire protestant Réforme, M. Emmanuel Macron, le candidat du mouvement En marche !, déclare que « l’immigration se révèle une chance du point de vue économique, culturel, social (1)  ». Or cette ligne ne se retrouve pas dans son programme présidentiel : il évoque surtout le droit d’asile — que la droite promet de durcir, mais pas de supprimer —, prévoit de « reconduire sans délai » les déboutés dans leur pays, mais laisse largement de côté les autres migrations.

MM. Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon ne se montrent guère plus précis. S’appuyant exclusivement sur les cas des réfugiés climatiques et politiques, le candidat de La France insoumise entend « lutter contre les causes des migrations ». Quant au prétendant socialiste, s’il a souvent critiqué la politique migratoire du gouvernement de M. Manuel Valls, regrettant que la France ne se montre pas plus solidaire des réfugiés, son programme peine à assumer cette ligne : outre la sempiternelle promesse du Parti socialiste (PS) — jamais tenue — d’accorder le droit de vote lors des élections locales aux étrangers non communautaires, il se borne à proposer la création de « visas humanitaires » dont les contours et les modalités d’attribution ne sont pas définis. Rien sur les immigrés économiques et les clandestins, qui sont au cœur des discours de la droite.

Cette discrétion a ses raisons. De l’Américain Donald Trump au Hongrois Viktor Orbán, des défenseurs britanniques du « Brexit » au Mouvement 5 étoiles italien, de l’Union démocratique du centre (UDC) en Suisse à l’Alliance néoflamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie, N-VA) en Belgique, du FN en France au parti Droit et justice (PiS) en Pologne, les partis et dirigeants qui s’opposent à l’arrivée d’étrangers ont depuis quelques années le vent en poupe dans la plupart des pays occidentaux. Tous doivent une bonne partie de leur succès à l’électorat populaire. En France, le FN séduit surtout dans les « zones fragiles (2)  », où les jeunes sans diplôme sont nombreux et les taux de chômage et de pauvreté très élevés. Au Royaume-Uni, le « Brexit » a fait des adeptes essentiellement dans les régions durement frappées par la mondialisation et la désindustrialisation, tandis que la plupart des partisans du maintien dans l’Union vivaient dans les grandes agglomérations dynamiques. Le référendum suisse de février 2014, qui a vu une majorité d’électeurs se prononcer contre « l’immigration de masse », a lui aussi révélé un clivage entre zones rurales et urbaines. Quant à M. Trump, s’il a été boudé par les couches supérieures et les minorités des côtes Est et Ouest, il a triomphé au sein des classes populaires blanches.

EN 2017, Jean-Luc Mélenchon ne prône plus l’accueil des étrangers

Dans ce contexte, la crainte de se mettre à dos l’électorat populaire à cause d’un programme qui paraîtrait trop favorable à l’immigration semble avoir gagné M. Mélenchon. Lors de la précédente élection présidentielle, sans aller jusqu’à défendre explicitement la liberté d’installation, il s’était présenté avec une liste de mesures d’ouverture : rétablissement de la carte unique de dix ans, abrogation de toutes les lois votées par la droite depuis 2002, régularisation des sans-papiers, fermeture des centres de rétention, décriminalisation du séjour irrégulier… « L’immigration n’est pas un problème. La haine des étrangers, la chasse aux immigrés défigurent notre République : il faut en finir, affirmait son programme L’Humain d’abord. Les flux migratoires se développent dans le monde, ils mêlent des motivations diverses. La France ne doit pas les craindre, elle ne doit pas mépriser [leur] immense apport humain et matériel. »

En 2017, la ligne a changé. M. Mélenchon ne prône plus l’accueil des étrangers. « Émigrer est toujours une souffrance pour celui qui part, explique le 59e point de sa nouvelle plate-forme. (…). La première tâche est de permettre à chacun de vivre chez soi. » Pour cela, le candidat propose rien de moins qu’« arrêter les guerres, les accords commerciaux qui détruisent les économies locales, et affronter le changement climatique ». Ce changement de pied a divisé le camp progressiste, dont une frange défend l’ouverture des frontières, à laquelle M. Mélenchon s’oppose désormais (3). Figure du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), M. Olivier Besancenot dénonce cette « partie de la gauche radicale [qui] aime se conforter dans les idées du souverainisme, de la frontière, de la nation », tandis que M. Julien Bayou, porte-parole d’Europe Écologie – Les Verts, qui soutient le candidat socialiste Benoît Hamon, accuse le candidat de La France insoumise de « faire la course à l’échalote avec le Front national ».

Défendue par le NPA et par une myriade d’organisations militantes — le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), l’association Migreurop, le Réseau éducation sans frontières… — ou issues du christianisme social — Cimade, Secours catholique… —, qui ont en commun de refuser la distinction entre réfugiés et immigrés économiques, la cause de la liberté de circulation tire argument de l’échec des politiques de fermeture : ni l’agence européenne Frontex, ni les contrôles douaniers, ni les accords de sous-traitance avec la Turquie ou la Tunisie n’empêchent les migrants d’entrer en Europe. Mais ils les contraignent à la clandestinité et les rendent particulièrement vulnérables à toutes les formes d’exploitation. La liberté d’installation permettrait aux étrangers de réclamer légalement de meilleures conditions de travail, afin de ne pas faire pression à la baisse sur les salaires.

L’amélioration du niveau de vie dans les pays de départ ne fixe pas les populations

Pour compléter sa démonstration, le NPA avance le caractère « économiquement bénéfique (4)  » de l’immigration. Même si, de la part d’un parti révolutionnaire, l’argument peut surprendre, de nombreuses études montrent bien en effet que l’immigration n’est pas un coût, mais un bénéfice pour l’État comme pour les entreprises. Selon une étude menée par les économistes Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, et coéditée en 2012 par le quotidien Les Échos, la présence des immigrés entraînerait une contribution budgétaire nette positive : souvent jeunes et en bonne santé, ils paient davantage d’impôts et de cotisations qu’ils ne reçoivent de prestations sociales (5). Dans un rapport salué par le cahier économique du Figaro, le cabinet McKinsey estimait que les immigrés « contribuent à près de 10 % de la richesse mondiale », notamment parce que la main-d’œuvre étrangère est très profitable aux entreprises. Le mensuel Capital (mars 2015) détaille : « La flexibilité est le premier atout de la main-d’œuvre immigrée. (…) Dans d’autres secteurs, c’est leur côté “durs à la tâche” qui rend les travailleurs immigrés si précieux. » Troisième atout « de ces employés venus d’ailleurs : ils n’hésitent pas à faire les boulots méprisés par les autochtones. Les premières à s’en féliciter sont les entreprises de nettoyage. Pour vider les poubelles des bureaux, la connaissance du français n’est pas vraiment indispensable ». L’immigration est d’autant plus « économiquement bénéfique » que le système reste profondément inégalitaire…

Les partisans révolutionnaires de l’ouverture des frontières ne cautionnent évidemment pas l’exploitation patronale des travailleurs immigrés. Leur dessein de libre installation se projette dans un monde où les États-nations auraient disparu. Cette perspective fait peu de cas de l’état présent du rapport de forces : « Une nouvelle conscience est en train de se forger de part et d’autre des frontières au sein de la jeunesse et des classes populaires, des travailleurs de toutes origines, langues et couleurs de peau, nourrie par la révolte et la solidarité internationale », annonçait en octobre 2016 un texte du NPA (6). Elle s’appuie en outre sur une rhétorique d’une radicalité absolue — « Nous sommes avec les migrants, contre la police, contre l’État et tous ceux et celles qui collaborent à sa politique. (…) Nous défendons le droit de prendre et d’occuper ce que l’État refuse d’accorder (7)  » — qui, dans le contexte actuel, semble présager des scores confidentiels lors des élections.

M. Mélenchon, lui, souhaite dépasser le PS dans les urnes. Pour y parvenir, il n’hésite plus à mettre en cause l’immigration économique : « Pour l’instant, il n’y a pas moyen d’occuper tout le monde, alors je préfère le dire », a-t-il notamment lancé sur France 2 le 11 mars. Après avoir réaffirmé son attachement à l’accueil des réfugiés, il a ajouté : « Les gens qui aujourd’hui sont en France et n’ont pas de papiers, s’ils ont un contrat de travail et qu’ils sont au boulot, qu’ils payent leurs cotisations, alors je leur donne des papiers, et à tous. (…) Les autres, je suis obligé de leur dire : “Écoutez, je ne sais pas quoi faire. Arrêtez de dire que vous nous donnez un coup de main, parce qu’on a le monde qu’il faut.” Et surtout, je dis : “Il faut arrêter de partir [de votre pays d’origine].” »

Aujourd’hui, les immigrés économiques représentent une minorité des étrangers arrivés chaque année en France, loin derrière les personnes admises au titre du regroupement familial, les réfugiés politiques ou les étudiants en échange international (lire « Émigrés, immigrés, réfugiés »). Or, à moins de revenir sur certains accords internationaux, comme la convention de Genève de 1951 pour les réfugiés ou la convention européenne des droits de l’homme de 1953 concernant le regroupement familial — ce que M. Mélenchon n’envisage pas —, ces autres contingents, majoritaires, sont difficilement compressibles.

Un ralentissement de l’immigration économique n’aurait donc qu’un impact très limité sur les flux migratoires. Mais il revêtirait une fonction symbolique importante, celle de réfuter les accusations de laxisme, tout en permettant de se distinguer de la droite, qui, elle, propose l’expulsion de tous les clandestins et déboutés du droit d’asile. Toutefois, M. Mélenchon accrédite implicitement l’idée d’un lien entre immigration économique et chômage, ce que l’histoire et les comparaisons internationales semblent invalider : au début des années 1930, la France a pratiqué l’expulsion massive des étrangers, sans remédier en rien au manque d’emplois ; des pays comme le Canada comptent de nombreux immigrés économiques, mais très peu de chômeurs. De plus, régulariser uniquement les clandestins titulaires d’un contrat de travail risque de s’avérer périlleux, puisque la condition de sans-papiers contraint justement à travailler au noir…

Le projet de lutter contre les causes des migrations par l’enrichissement des pays de départ se heurte, à court terme, au principe connu sous le nom de « transition migratoire ». L’amélioration du niveau de vie — qui favorise la baisse de la mortalité infantile et le rajeunissement de la population —, les gains de productivité — qui libèrent la main-d’œuvre — et l’augmentation des revenus ne fixent pas les populations : ils accroissent le réservoir des candidats à l’émigration, davantage de personnes pouvant assumer le coût physique et matériel de l’exil. D’après un modèle établi par la Banque mondiale, quand le revenu des habitants (en parité de pouvoir d’achat) d’un pays est situé entre 600 dollars (comme en Éthiopie) et 7 500 dollars (Colombie ou Albanie) par an, l’augmentation des revenus encourage l’émigration. Puis, une fois ce seuil franchi, l’effet s’inverse. Au rythme de 2 % de croissance annuelle des revenus, il faudrait au Niger ou au Burundi plus de cent trente ans, et au Cambodge plus de soixante ans, pour passer ce cap (8).

M. Besancenot voit dans les nouvelles positions de M. Mélenchon une « régression pour la gauche radicale ». Le candidat de La France insoumise lui réplique qu’il se situe « dans la tradition de [son] mouvement ». Tous deux ont, d’une certaine manière, raison…

À la fin du XIXe siècle, alors que la Grande Dépression (1873-1896) frappait la France, la gauche affichait un discours uni et cohérent sur l’immigration. Elle combinait une critique théorique décrivant la main-d’œuvre étrangère comme un outil pour maximiser les profits du patronat et une analyse pratique sur la nécessaire alliance entre travailleurs français et immigrés contre ce même patronat. « Les ouvriers étrangers (Belges, Allemands, Italiens, Espagnols) chassés de leurs pays par la misère, dominés et souvent exploités par des chefs de bande, ne connaissent ni la langue, ni les prix, ni les habitudes du pays, sont condamnés à passer par les conditions du patron et à travailler pour des salaires que refusent les ouvriers de la localité », écrivaient par exemple Jules Guesde et Paul Lafargue dans le programme du Parti ouvrier de 1883. Même s’ils déploraient « les dangers nationaux et les misères ouvrières qu’entraîne la présence des ouvriers étrangers », ils ne réclamaient pas la fermeture des frontières : « Pour déjouer les plans cyniques et antipatriotiques des patrons, les ouvriers doivent soustraire les étrangers au despotisme de la police (…) et les défendre contre la rapacité des patrons en “interdisant légalement” à ces derniers d’employer des ouvriers étrangers à un salaire inférieur à celui des ouvriers français » (9). Cette ligne théorique et pratique fut celle des principaux partis de gauche pendant les décennies de croissance du XXe siècle — dans les années 1900-1920, puis pendant les « trente glorieuses ».

Les fractures sont apparues dans les temps de crise. Au début des années 1930, alors que le chômage explose, des voix s’élèvent pour réclamer l’expulsion des étrangers ; des pétitions, des lettres sont envoyées aux élus pour demander la préférence nationale. En novembre 1931, le socialiste Paul Ramadier présente à la Chambre un texte qui prévoit de stopper l’immigration et de limiter à 10 % la proportion d’étrangers par entreprise. Alors député communiste, Jacques Doriot lui porte la contradiction : il dénonce des « mesures xénophobes », une « politique nationaliste qui a pour but de diviser les ouvriers en face du capital ». Pour défendre son parti, le dirigeant socialiste Léon Blum parle de « palliatifs empiriques qui ménagent le mieux les intérêts de la classe ouvrière » et évoque « les difficultés et les contradictions du réel » (10).

Un discours dont les failles sont exploitées par le Front national

La crise qui s’ouvre dans les années 1970 produit de nouvelles dissensions. À l’approche de l’élection présidentielle de 1981, les communistes multiplient les mises en cause de l’immigration. Dans L’Humanité, le journaliste Claude Cabanes s’alarme des problèmes sociaux et culturels auxquels sont confrontées les banlieues dirigées par le Parti communiste français (PCF) : « Tous ces déséquilibres, aggravés par les difficultés dues à la baisse du pouvoir d’achat, au chômage, à l’insécurité, rendent la cohabitation [entre Français et immigrés] difficile », écrit-il le 30 décembre 1980. Quelques jours plus tard, le 6 janvier 1981, Georges Marchais, le secrétaire général du Parti, prononce un discours qui fera date : « Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine, assène-t-il. Il est inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de deux millions de chômeurs, français et immigrés. » Les socialistes reprennent alors la position jadis occupée par les communistes. « On ne peut pas isoler la population immigrée de l’ensemble de la classe ouvrière, affirme un texte programmatique publié dans l’hebdomadaire L’Unité, le 19 décembre 1980. (…) C’est tout le parti qui doit se mobiliser sur les principes de base de l’internationalisme et du front de classe » (11).

MM. Mélenchon et Besancenot s’inscrivent ainsi tous deux dans la tradition du mouvement progressiste, dont ils reprennent à la fois le meilleur et le pire. Le premier tente de prendre en compte les difficultés que l’immigration pose spécifiquement aux classes populaires, mais se laisse gagner par la rhétorique des expulsions et du surnombre. Le second reste fidèle à l’internationalisme, mais promeut une lecture idéologique qui paraît en décalage avec les aspirations des couches moyennes et populaires fragilisées par l’austérité et la mondialisation, et rendues ainsi perméables à la stratégie du bouc émissaire.

Ces failles sont exploitées par le FN, qui cherche à se reconvertir en « parti du peuple » grâce à une lecture sociale de l’immigration. À l’instar du chroniqueur Éric Zemmour, qui lui-même renvoie au géographe de « la France périphérique » Christophe Guilluy, il oppose les « élites » urbaines, diplômées, favorables à une immigration dont elles seraient protégées, et le « peuple », en concurrence avec des étrangers pour obtenir un emploi, un logement social, une place en crèche, et auquel il promet la « préférence nationale ». « Ce sont les couches populaires qui prennent en charge concrètement la question du rapport à l’autre », écrit par exemple Christophe Guilluy (12).

Cette analyse appelle de multiples nuances. Le marché de l’emploi étant très segmenté, les secteurs qui embauchent essentiellement des étrangers (nettoyage, bâtiment, restauration…) sont peu convoités par les travailleurs nationaux. De même, la ségrégation urbaine est telle que les immigrés se retrouvent souvent en concurrence avec d’autres immigrés pour obtenir un appartement dans les banlieues des grandes villes ou une place en crèche. Enfin, comment expliquer que le FN obtienne d’excellents scores dans des zones où l’on ne croise presque aucun étranger, sinon par le fait que la concurrence est en partie imaginaire, construite par les discours publics ?

Des lois et des directives organisent la mise en concurrence des travailleurs

Il est toutefois exact que les classes aisées ne portent qu’un regard extérieur et lointain sur l’immigration. Les saisonniers étrangers risquent peu de priver d’emploi des diplômés de Sciences Po ou des journalistes, tout comme le recours aux travailleurs détachés ne préoccupe guère les cadres supérieurs ou les artistes. Et les habitants des quartiers huppés ont moins de chances de voir ouvrir dans leur rue un foyer pour travailleurs étrangers.

Mais les écarts sociaux dans le rapport à l’immigration ne sont pas le fruit d’une fatalité. Ils résultent bien souvent de lois, de politiques urbaines, de décisions politiques qui organisent la mise en concurrence des travailleurs français et immigrés, ou qui protègent les classes supérieures de la concurrence étrangère. Le travail au noir contribue à la dégradation des conditions d’emploi. Or il prolifère à mesure que l’inspection du travail est démantelée, les employeurs sachant alors qu’ils ont très peu de risque d’être sanctionnés. Il n’y aurait pas de travailleurs détachés sans la directive européenne du 16 décembre 1996, ni de saisonniers si le code du travail n’offrait pas cet avantage aux employeurs. Contrairement à leurs prédécesseurs des « trente glorieuses », bon nombre d’immigrés contemporains possèdent des titres universitaires, des qualifications. S’ils en viennent à chercher des emplois déqualifiés, c’est faute de politique d’apprentissage du français, de système d’équivalence juridique des diplômes, d’ouverture de certaines professions (13). Alors qu’un étranger peut facilement devenir maçon ou caissier, accéder au métier d’architecte, de notaire ou d’agent de change relève du parcours du combattant. Il fut un temps où les maires communistes de banlieue déploraient que « les pouvoirs publics orientent systématiquement les nouveaux immigrés » vers leurs villes et exigeaient « une meilleure répartition des travailleurs immigrés dans les communes de la région parisienne », tout en précisant que leurs municipalités continueraient d’« assumer leurs responsabilités » (14). Aujourd’hui, les foyers pour travailleurs immigrés sont surtout installés dans des quartiers populaires, et plus personne ne s’en étonne.

La droite se réjouit chaque fois que l’immigration s’invite dans le débat politique : il lui suffit, comme elle le fait depuis trente ans, de dérouler son discours de peur, ses mesures répressives. La gauche n’est toutefois pas condamnée aux programmes flous et contradictoires. Mais, pour formuler des propositions précises, une analyse cohérente, elle doit accepter d’engager la bataille idéologique, en renversant les questions que les médias et « l’actualité » lui jettent à la figure.

Benoît Bréville

(2) Hervé Le Bras, Le Pari du FN, Autrement, Paris, 2015.

(3) « Je n’ai jamais été pour la liberté d’installation, je ne vais pas commencer aujourd’hui », a-t-il notamment expliqué au journal Le Monde (24 août 2016).

(4) Denis Godard, « Politique migratoire : Y a pas d’arrangement… », L’Anticapitaliste, Montreuil, 24 novembre 2016.

(5) Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, L’immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ?, Eyrolles – Les Échos éditions, coll. « On entend dire que… », Paris, 2012.

(6) Isabelle Ufferte, « À travers la mondialisation de la révolte émerge une nouvelle conscience de classe… », Démocratie révolutionnaire, 27 octobre 2016.

(7) L’Anticapitaliste, 24 novembre 2016.

(8) Michael Clemens, « Does development reduce migration ? » (PDF), Working Paper no 359, Center for Global Development, Washington, DC, mars 2014.

(9) Jules Guesde et Paul Lafargue, Le Programme du Parti ouvrier, son histoire, ses considérants et ses articles, Henry Oriol Éditeur, Paris, 1883.

(10) Cité dans Claudine Pierre, « Les socialistes, les communistes et la protection de la main-d’œuvre française (1931-32) », Revue européenne des migrations internationales, vol. 15, n° 3, Poitiers, 1999.

(11) Cité dans Olivier Milza, « La gauche, la crise et l’immigration (années 1930 – années 1980) », Vingtième siècle, vol. 7, no 1, Paris, juillet-septembre 1985.

(12) Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, coll. « Champs actuel », Paris, 2014.

(13) Cf. Yaël Brinbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Les ressources scolaires des immigrés à la croisée des histoires migratoires et familiales », dans Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (sous la dir. de), Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, Institut national des études démographiques (INED), coll. « Grandes enquêtes », Paris, 2016.

(14) « Déclaration des maires communistes de la région parisienne et des députés de Paris », octobre 1969.

Source Le Monde Diplomatique Avril 2017

Voir aussi : Actualité France Rubrique Politique, Politique de l’immigration, Perdre la raison face aux barbelés, rubrique Société, Justice, Exploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises,

Aucune écriture n’est innocente

ecriture-web

Le 4 octobre 1984, le leader socialiste et panafricaniste Thomas Sankara, élu président du Burkina Faso en 1983, prononça à l’ONU un discours qui marqua les esprits. Il fut assassiné trois ans plus tard.

(…) Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité. (…)

Nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair. Tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité par une minorité d’hommes ou par un système qui les écrase. (…) Je ne parle pas seulement au nom de mon Burkina Faso tant aimé, mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part. (…)

Je parle au nom des artistes — poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs —, hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations du show-business. Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage. Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage moderne. (…)

Notre révolution, au Burkina Faso, est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’humanité. Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du tiers-monde. (…)

Extrait de Thomas Sankara parle. La révolution au Burkina Faso, 1983-1987, Pathfinder, Atlanta (États-Unis), 2007.

Thomas Sankara