Dieu le Père (Musée J.-J. Henner) par Jean-Pierre Dalbéra via FlickrCC // License by
Si vous êtes américain athée et que vous voulez devenir conseiller municipal ou juré dans un tribunal au Maryland, il vaut mieux renoncer. Cet Etat de l’est des Etats-Unis à quelques dizaines de kilomètres de la capitale fédérale Washington et à moins de 200 kilomètres de la ville de New York est l’un des sept Etats des Etats-Unis à interdire l’accès à des fonctions publiques à ceux qui ne croient pas en Dieu… et qui le disent. C’est aussi le cas dans plusieurs Etats du sud et non des moindres: l’Arkansas, le Mississippi, la Caroline du nord, la Caroline du sud, le Tennessee et le Texas.
Comme l’explique au site américain Vice, Rob Boston, le directeur de la Communication de l’association des Américains unis pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat («Americans United for Separation of Church and State»), si ces lois discriminaient «les juifs, les catholiques ou les mormons, elles auraient été abrogées il y a longtemps». Et pourtant ces lois dignes d’un Etat théocratique sont en contradiction avec la Constitution des Etats-Unis qui sépare les Eglises et l’Etat et avec une décision unanime de la Cour suprême qui remonte à… 1961. La plus haute juridiction américaine stipulait alors que les Etats «ne peuvent pas avoir de tests religieux pour attribuer des fonctions publiques» et qu’il doivent être en conformité avec l’article VI de la Constitution des Etats-Unis qui stipule de la même façon «qu’aucun test religieux n’est nécessaire pour l’obtention d’un poste fédéral officiel».
Le rejet aux Etats-Unis de ceux qui rejettent la religion n’est pas seulement le fait de lois anciennes et d’Etats rétrogrades. Il est ancré dans les mentalités. Selon un sondage publié en juin de cette année par le Pew Research Center, près de 50% des Américains désapprouveraient le mariage de quelqu’un de leur famille avec une personne athée. La même étude montre que plus de la moitié des Américains hésiteraient à voter pour un candidat à l’élection présidentielle qui ne serait pas croyant. Ils seraient plus enclins à «pardonner» à ce même candidat l’adultère ou la consommation de drogues légères.
«Très peu de politiques sont près à prendre des risques pour la communauté athée», souligne Rob Boston. «Ils ne pensent pas avoir quoi que ce soit à y gagner, donc ils ne font rien».
Hassan Nasrallah a déploré, dans un discours public dans la banlieue sud, « les accusations à notre encontre, selon lesquelles nous voulons entraîner le pays vers le vide ».
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déploré « les accusations à notre encontre, selon lesquelles nous voulons entraîner le pays vers le vide ». « Nous ne sommes pas prêts à plonger le pays dans le vide. Nous rejetons totalement cette option. Nous sommes pour toute solution empêchant cela », a souligné le leader du Hezbollah, qui a fait hier une rare apparition en public devant des milliers de ses partisans à Roueiss, dans la banlieue sud de Beyrouth, à la veille de la Achoura.
Le périmètre de la banlieue a d’ailleurs été totalement bouclé dans la nuit, pour des considérations sécuritaires, et il le sera aujourd’hui, le temps que la commémoration prenne fin.
« Il y a trois options : les élections, la prorogation ou le vide », a affirmé Hassan Nasrallah concernant la prorogation du mandat de la Chambre. « S’il n’y a pas d’élection ou de prorogation, c’est le sort de l’institution qui est en jeu, et nous sommes disposés à aider le président Berry à sortir le pays de cette impasse, a-t-il poursuivi. « En ce qui concerne les élections, certaines forces politiques sunnites n’en veulent pas », a-t-il ajouté. « La prorogation, parce qu’elle est rejetée par certaines forces chrétiennes, entraînerait une violation du pacte national », a-t-il encore dit.
« Nous avons prévenu tous ceux qui nous ont contactés : vous voulez des élections, nous sommes prêts à en faire. Si vous voulez la prorogation, nous ne la contesterons pas. Mais nous rejetons le vide », a noté le leader hezbollahi.
Le dossier présidentiel
« Personne ne veut la vacance présidentielle, personne ne complote pour cette vacance, nous n’accusons personne, que ce soit dans notre camp ou dans l’autre », a poursuivi Hassan Nasrallah au sujet de l’échéance présidentielle. « Nous voulons l’élection d’un président au plus tôt. L’Iran, au bout du compte, souhaite que cette échéance ait lieu. Nous sommes donc à l’aise par rapport à la position de notre camp régional, a-t-il noté.
Certains ont tenté de lier la présidence au dossier du nucléaire, mais c’est une erreur. L’Iran refuse de lier le dossier du nucléaire à quelque autre dossier », a-t-il souligné.
« Notre camp possède un pouvoir de décision au plan national, ainsi qu’un mandat régional. C’est ce que l’autre camp doit réussir à faire. Nous sommes en faveur d’un candidat bien déterminé, tout le monde le sait, et il bénéficie de la meilleure représentation chrétienne et nationale. Les premières lettres de son nom sont… le général Michel Aoun », a poursuivi le leader du Hezbollah. « Certains nous disent de cesser notre soutien à cette candidature, mais ce serait injuste », a-t-il ajouté.
S’adressant aux responsables libanais, il a lancé : « Si vous attendez des changements régionaux et internationaux, vous attendrez longtemps. Le dialogue fondamental doit se poursuivre avec le candidat naturel adopté par notre camp politique. »
Satisfecit au Futur
Revenant sur les derniers affrontements de Tripoli, Hassan Nasrallah a salué la position des habitants de la ville et du Liban-Nord, ainsi que celle des responsables religieux et politiques « sans qui les événements auraient pris un tour différent ». Il a notamment salué le courant du Futur et ses prises de position à cette occasion. « Nous devons saluer le rôle majeur joué, lors des événements du Nord, par le courant du Futur et la présidence du courant du Futur, a-t-il souligné. Nous sommes prêts à discuter avec le courant du Futur, nous n’avons pas peur ; c’est le faible qui a peur du dialogue et qui le fuit. Nous sommes prêts au dialogue », a-t-il également lancé.
Le leader du Hezbollah a également souligné que l’armée libanaise « a assumé ses responsabilités nationales ». « Personne d’autre que l’armée ne peut maintenir la sécurité et la stabilité au Liban. Nous, en tant que résistance, nous ne nous sommes jamais présentés comme responsables de la sécurité et de la stabilité du pays », a-t-il poursuivi, exprimant son soutien total à l’armée. « Durant toute la période écoulée, on disait que l’Iran n’avait rien offert à l’armée. C’est pourquoi une délégation iranienne est venue faire ce don, qui ouvrira la voie à d’autres, similaires, et il s’agit d’un soutien inconditionnel », a-t-il ajouté.
Il a enfin abordé la question des militaires otages, estimant qu’il s’agit d’une question compliquée, surtout si les autres parties (les jihadistes) ne respectent pas les règles de base de la négociation : « Le secret », a-t-il dit, et accusant les groupes jihadistes de tout publier dans les médias et les réseaux sociaux. Il a appelé, dans ce cadre, les familles des otages à plus de patience et à soutenir le gouvernement libanais dans ses démarches pour obtenir la libération des otages.
Hassan Nasrallah a enfin rejeté toute analyse des événements régionaux en termes de conflit sunnito-chiite.
« Il y a un grand danger dans la région, de grands conflits. Le plus facile est de justifier ces conflits en évoquant un conflit sunnito-chiite, c’est une grande erreur, a-t-il souligné. « Où est le conflit sunnito-chiite en Libye ? Est-ce que la lutte entre Daech et le front al-Nosra est un conflit sunnito-chiite ? Est-ce que la guerre à Aïn el-Arab/Kobané est un conflit sunnito-chiite ? Est-ce que la persécution des chrétiens en Irak est un conflit sunnito-chiite ? Ce qui se passe dans la région est un conflit politique par excellence », a indiqué le leader du Hezbollah. S’adressant aux chiites, il les a invités à considérer le conflit comme opposant les takfiristes à tous ceux qui ne leur ressemblent pas, et non les chiites à la communauté sunnite.
Le périmètre de la banlieue sud bouclé
En raison du contexte sécuritaire particulièrement tendu au Liban et dans la région, le périmètre de la banlieue sud a été totalement bouclé dans la nuit, et ce jusqu’à ce que la commémoration prenne fin aujourd’hui, mardi. Le Hezbollah doit en effet organiser un grand rassemblement ce matin dans la banlieue sud. Selon des habitants de cette zone, c’est la première fois que des mesures aussi draconiennes sont prises depuis la série d’attentats qui ont frappé en 2013 les fiefs du Hezbollah.
Dans un climat de tension lié aux répercussions du conflit syrien au Liban, les ressortissants syriens ont été par ailleurs interdits, à partir d’hier, de circulation pour une durée de 24 heures à Baalbeck et au Hermel. Les municipalités de Baalbeck et du Hermel ont publié des communiqués demandant aux « frères syriens de rester chez eux et de ne pas circuler à partir de ce soir (lundi) et jusqu’à mardi soir ».
« La religion n’engage et ne doit engager que les croyants. » photo dr
Henri Peña-Ruiz. Le philosophe spécialiste de la laïcité est attendu ce soir aux Chapiteaux du livre à Sortie-Ouest à 21h. Le militant progressiste pour la tolérance rappelle quelques fondamentaux de la République.
Henri Peña-Ruiz est docteur en philosophie et agrégé de l’Université, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur le sujet et vient de signer le Dictionnaire amoureux de la laïcité chez Plon.
Sans en dévoiler le contenu, pouvez-vous précisez les grands axes de votre intervention dont l’intitulé « Culture et laïcité, des principes d’émancipation » recouvre un vaste champ de réflexion…
Dans ce titre, culture et laïcité sont des termes essentiels sur lesquels je reviendrai pour évoquer le lien entre la culture et la laïcité. Qu’est-ce que la culture ? On peut l’envisager telle qu’elle se définit aux contacts des ethnologues, sociologues, anthropologues, soucieux de la cohérence des entreprises humaines. Il s’agit dans ce cas d’un ensemble d’usages et coutumes d’un groupe humain à un moment de son histoire. Ce sens est statique. Si on approche la culture de manière dynamique, on peut constater par exemple, que la domination des femmes par l’homme en 2005 a reculé par rapport au siècle dernier. En 1905, la coupe transversale de la société à cette époque correspond à un ensemble systématisé de traditions et cent ans plus tard on constate qu’un certain nombre de choses ont changé. Cela fait émerger une autre notion de culture. La culture comme un processus par lequel l’homme transforme la nature et se transforme lui-même pour s’adapter à son environnement.
Quelle approche entendez-vous souligner de la laïcité ?
L’idée que je veux développer de la laïcité n’est pas contre la religion. Elle est favorable à la séparation de la religion et de la loi pour tous.
La religion n’engage et ne doit engager que les croyants mais dans un Etat qui doit faire vivre agnostiques, athées, et croyants la loi ne peut être la loi de toutes ses personnes si elle n’est pas indépendante de toute loi religieuse. Il n’y a là aucune hostilité à la religion. Les principes de la laïcité ne sont du reste pas seulement promues par des athées. Victor Hugo qui était chrétien et laïque disait : « Je veux l’Etat chez lui et l’église chez elle.» Je n’évoquerai pas la liberté de religion mais la liberté de conviction puisque la moitié de la société française déclare ne pas être adepte d’une religion et doit pouvoir jouir des mêmes droits. Marianne n’est ni croyante ni athée, elle n’a pas à dicter ce qui est la bonne spiritualité.
En se référant à une approche dynamique de la culture, on se dit que les principes de laïcité étaient plus prégnants dans l’esprit des hommes politiques de la IIIe République que dans ceux d’aujourd’hui…
A cette époque, la conquête était plus fraîche. Elle irriguait tous les esprits après les réformes successives ayant fait passer l’enseignement des mains des catholiques à la responsabilité de l’Etat et la loi de 1905. Ces principes souffrent aujourd’hui du clientélisme électoral et de l’ignorance. Beaucoup d’élus se réclament abstraitement de la laïcité sans en appliquer les principes.
N’existe-t-il pas une carence en matière d’éducation et de formation des enseignants ?
Avec un bac plus quatre ou cinq je suppose qu’ils le sont suffisamment. Il faudrait que la déontologie laïque leur soit rappelée mais comment voulez-vous que les choses se passent lorsqu’on viole la neutralité républicaine au plus haut niveau de l’Etat ?
Nicolas Sarkozy et Manuel Valls vous ont tous deux fait sortir de vos gonds…
Lors de son discours de Latran Nicolas Sarkozy bafoue la loi avec sa réflexion profondément régressive « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Manuel Valls fait de même lorsqu’il assiste officiellement au Vatican à la canonisation de deux papes. C’est scandaleux. Prétexter, comme il l’a fait, que le Vatican est un Etat et qu’il agissait dans le cadre de relations diplomatiques est une plaisanterie. Le Vatican n’est pas un Etat comme les autres et l’événement auquel il a assisté était purement religieux. Il aurait bien sûr pu le faire librement à titre strictement privé. Il est par ailleurs très inconséquent vis à vis de G. Clémenceau qu’il dit admirer et qui prit une décision laïque exemplaire en 1918, alors qu’il était président du Conseil en refusant d’assister au Te Deum prévu en hommage à tous les morts de la guerre. Clemenceau dissuade le président Poincaré, de s’y rendre, et répond par un communiqué officiel qui fait date et devrait faire jurisprudence?: « Suite à la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le gouvernement n’assistera pas au Te Deum donné à Notre-Dame. »
Qu’en est-il lorsque que le maire de Béziers Robert Ménard invite le peuple biterrois à ouvrir la Feria par une messe au sein des arènes privées ?
Même si les arènes sont privées, agissant en tant qu’élu, M. Ménard viole la laïcité. Ce qui montre que lorsque les gens du FN ou apparentés brandissent les principes de la laïcité pour donner du poids à leur idéologie, ils ne défendent pas la laïcité. Parce que sous ce titre, ils visent une certaine partie de la population. C’est une discrimination drapée dans le principe de l’égalité républicaine. De la même façon, la volonté des personnes souhaitant que l’on continue à privilégier le mariage hétérosexuel n’est pas universelle. Elles ont le droit de le pratiquer dans leur vie mais pas de l’imposer à tous. Cette confusion est aussi le fait des colons israéliens qui brandissent en Palestine la Bible comme un titre de propriété d’ordre divin. L’intégrisme religieux n’est pas seulement le fait de l’islamisme. Il est présent dans les trois religions monothéistes.
Le terme de laïcité n’est jamais utilisé par l’Union européenne au sein de laquelle de nombreux Etats ne le considèrent pas comme un principe fondateur. Certains pays ont milité en revanche pour intégrer les racines chrétiennes au sein de la Constitution…
Certains pays de l’Union européenne accordent des privilèges publics aux religions, comme les Britanniques ou les Polonais, et tous les pays n’entendent pas séparer l’Etat et l’église. La Suède a prononcé la séparation, l’Espagne a modifié l’article 16 de sa Constitution dans ce sens. Les mentalités évoluent sur cette question. La France a refusé que l’on intègre la notion de racines chrétiennes aux prétexte que ce n’est pas la seule mais une des racines qui pouvait être prise en compte. Si on écrit l’Histoire on ne peut pas mettre en avant un seul chapitre. Nous pourrions aussi évoquer la civilisation romaine sur laquelle se fonde notre justice, où la pensée libre et critique de Socrate et des philosophes grecs.
Quels effets bénéfiques nous apporte l’émancipation laïque ?
Le principe de paix entre les religions et entre les religions et l’athéisme. L’égalité des droits, le choix d’éthique de vie, de liberté sexuelle, elle permet de sortir de certains systèmes de dépendance.
Selon des résultats partiels, le chef du gouvernement islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2003, a obtenu près de 52% des voix.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a été élu dimanche président de la République turque dès le premier tour du scrutin disputé pour la première fois au suffrage universel direct, ont rapporté les chaînes de télévision.
Le chef du gouvernement islamo-conservateur, 60 ans, au pouvoir depuis 2003, a obtenu près de 52% des voix, contre près de 39% au principal candidat de l’opposition Ekmelettin Ihsanoglu et plus de 9% à celui de la minorité kurde, Selahhatin Demirtas.
Sûr de sa victoire, le favori a voté en début d’après-midi en famille à Istanbul et a répété devant la presse sa volonté de garder les rênes du pays. «Le président élu et le gouvernement élu œuvreront main dans la main», a-t-il dit.
A la manière d’un rouleau-compresseur, le Premier ministre a écrasé la campagne par son charisme et la toute-puissance financière de son Parti de la justice et du développement (AKP) qui n’ont laissé que peu de chance à ses deux rivaux. Le candidat des deux partis de l’opposition social-démocrate et nationaliste, Ekmeleddin Ihsanoglu, un historien réputé de 70 ans qui a dirigé l’Organisation de la coopération islamique (OCI), n’a pu opposer qu’une image de grand-père rassurant mais sans relief.
«La campagne a été injuste, disproportionnée mais nous avons confiance dans le bon sens de notre nation», a déploré Ekmeleddin Ihsanoglu en votant. «Nous allons remporter facilement le premier tour», a-t-il pronostiqué contre tous les sondages.
Répression
Candidat des kurdes, le troisième candidat de ce premier tour, Selahattin Demirtas, un avocat de 41 ans au sourire photogénique, a fait des droits et des libertés sa priorité, mais ne devrait guère mordre au-delà de cette communauté de 15 millions d’âmes.
Paradoxalement, d’Erdogan intervient au terme d’une année politique très difficile pour son camp. En juin 2013, des millions de Turcs ont dénoncé dans les rues sa dérive autoritaire et islamiste. La sévère répression de cette révolte a sérieusement écorné l’image du régime.
L’hiver dernier, c’est un scandale de corruption sans précédent qui a éclaboussé le pouvoir. Erdogan a dénoncé un «complot» de son ex-allié islamiste Fethullah Gülen, avant de purger la police et de museler les réseaux sociaux et la justice.
Mais, même contesté comme jamais, Recep Tayyip Erdogan a remporté les élections locales de mars et reste très populaire dans un pays qu’il a débarrassé de la tutelle de l’armée et dont la majorité religieuse et conservatrice a profité de la forte croissance économique sous son règne.
Une tentative d’assouplissement de la loi sur l’avortement, qui demeure illégal dans la plupart des cas dans le pays, a suscité une levée de boucliers dans les rangs des conservateurs et de l’Eglise. Le chemin vers la légalisation est encore long.
Une tentative d’assouplissement de la loi sur l’avortement, qui demeure illégal dans la plupart des cas dans le pays, a suscité une levée de boucliers dans les rangs des conservateurs et de l’Eglise. Le chemin vers la légalisation est encore long.
Au Brésil, l’interruption de grossesse n’est autorisée que dans trois cas: grossesses mettant en danger la vie de la mère, issues d’un viol, ou s’il y a anencéphalie du fœtus, c’est-à-dire une absence totale ou partielle du cerveau qui empêche la survie du nourrisson. Les deux premiers cas sont prévus par la loi depuis 1940, le dernier est autorisé depuis une décision de la cour suprême de 2012.
Dans tous les autres cas, l’avortement est interdit. Une femme qui outrepasse cette interdiction risque jusqu’à 4 ans de prison. Voilà, en théorie, ce qu’est l’avortement légal au Brésil.
Dans les faits, la situation est encore plus limitée. Bien que prévu par la loi depuis 1940, le premier service d’interruption de grossesse ne fut mis en place dans un hôpital de São Paulo qu’en 1989, peu de temps après la chute de la dictature.
Seulement 1.626 avortements légaux en 2012
On ne comptait en 2012 dans le pays que 65 hôpitaux habilités à pratiquer des avortements. Seulement 1.626 interruptions de grossesse légales ont été réalisées cette année-là, selon les données du ministère de la Santé brésilien, pour une population totale de près de 200 millions d’habitants.
D’après Daniela Pedroso, une psychologue de l’hôpital Pérola Byington à São Paulo, un institut de référence pour l’avortement, l’établissement est dépassé car il reçoit des demandes de tout le pays, surtout de femmes enceintes après des agressions sexuelles. La plupart d’entre elles ont entre 20 ans et 24 ans, «mais il y a également des adolescentes, voire même des enfants. La fillette la plus jeune que nous avons reçu avait 10 ans».
Pour une femme enceinte désirant avorter dans le très strict cadre légal et habitant loin d’un des hôpitaux de référence du pays, il est pratiquement impossible d’accéder à son droit. Elle est donc condamnée à vivre sa grossesse, même si celle-ci est issue d’un viol, même si elle met en danger sa vie, même si son enfant est condamné à mourir à la naissance. Ou à avorter clandestinement.
Une avancée «fondamentale»
Un arrêté du ministère de la santé –la Portaria 415/2014– promulgué le 21 mai dernier, visait à faciliter l’accès à l’avortement légal. Selon l’arrêté, tous les hôpitaux publics du pays dotés d’un service de gynécologie devaient être en mesure de proposer une interruption de grossesse aux femmes qui le désiraient et qui rentraient dans les conditions très strictes de l’avortement légal brésilien.
Il s’agissait de contrôler et de réglementer l’accueil des femmes concernées au sein du système de santé public, et de donner des moyens financiers et humains pour permettre la bonne réalisation de ces avortements. Selon le site web Blogueiras Feministas, une plateforme de réflexion sur les questions de genre et de féminisme très active au Brésil, l’arrêté constituait «un instrument fondamental pour améliorer l’accueil des femmes qui ont le droit de faire un avortement légal, une grande conquête pour la santé publique brésilienne».
Rien qui ne sorte de la légalité brésilienne sur l’interruption de grossesse. Et pourtant, l’arrêté a été révoqué une semaine à peine après sa promulgation, le 28 mai, sous la pression de groupes parlementaires religieux, rangés derrière Eduardo Cunha, le leader du PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien, libéral) à la chambre des députés.
Ces derniers considéraient cet arrêté comme un pas de trop vers la légalisation générale de l’interruption de grossesse. Des manifestations anti-avortement ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. D’après le ministère de la santé brésilien, l’arrêté a été retiré pour des «questions techniques».
L’approche des élections
Pour Patricia Rameiro, militante féministe de Belém, dire que l’arrêté aurait légalisé l’avortement est un mensonge:
«Cet arrêté avait pour but de garantir aux femmes un accueil digne, car aujourd’hui, celles qui arrivent pour avorter dans des hôpitaux publics, même dans les cas prévus par la loi, passent par des situations humiliantes, vexatoires. Comme il n’y a pas de loi décrivant l’accueil qui doit être fait à ces femmes, les médecins et les professionnels de la santé, non formés à ce genre de pratiques et désirant compliquer l’avortement, exigent tout un tas de garanties et de preuves, rendant souvent le service d’avortement légal inaccessible.»
Aux yeux de cette militante, cette décision du gouvernement est «une absurdité et un recul monstrueux pour le droit des femmes». Il doit se comprendre dans le cadre du contexte pré-électoral: en octobre prochain auront lieu les élections présidentielles, et tous les candidats se prononcent déjà contre l’avortement.
Pour Patricia Rameiro, «la révocation de l’arrêté 415/2014 est une stratégie de la présidente Dilma Rousseff pour lui permettre de récupérer quelques votes» Cette dernière craint pour sa réélection. Au Brésil, et particulièrement dans la classe moyenne, on peut actuellement observer un rejet du gouvernement du PT (le Parti des Travailleurs, actuellement au pouvoir).
Avortements clandestins
Face à cette quasi-impossibilité d’interrompre légalement une grossesse au Brésil, l’avortement clandestin demeure quant à lui une réalité commune et dangereuse. Une étude nationale (Pesquisa nacional do aborto) réalisée en 2010 pour l’institut de bioéthique, des droits humains et du genre brésilien montre qu’à 40 ans, une femme sur cinq au Brésil a déjà subi un avortement, dans la quasi-totalité des cas illégal.
Environ un million d’avortements clandestins sont réalisés chaque année au Brésil. Trois solutions s’offrent aux femmes désirant interrompre leur grossesse clandestinement: payer 3.000 réaux (soit environ 1.000 euros) et se faire avorter dans une clinique privée –une solution donc réservée aux femmes fortunées–, commander via des sites web clandestins des pilules abortives qui ne marchent pas dans tous les cas pour environ 200 réaux (80 euros), ou demander dans les marchés les plantes «qui font descendre les règles» à des femmes vendant des plantes médicinales.
Le cas du Brésil n’est pas isolé en Amérique du Sud. Les seuls pays où les avortements libres sont autorisés sont l’Uruguay, depuis 2012, le Guyana, depuis 1995 et la Guyane française.