Opéra Bouffe Création . A Montpellier, la mise en scène de Carlos Wagner reconduit sans mignardise l’immédiateté sensible d’Offenbach vers de nouvelles potentialités.
Le père de La Belle Hélène appliquait les thèmes mythologiques occidentaux à la musique dans un esprit païen et joyeux. On a retrouvé cette bonhomie dans la nouvelle coproduction de l’Opéra Orchestre de Montpellier LR et l’Opéra national de Lorraine qui fait revivre cette oeuvre oubliée d’Offenbach.
Geneviève de Brabant exploite le filon parodique à partir de La légende dorée du chroniqueur italien du Moyen Âge Jacques de Voragine. Geneviève, fille du duc de Brabant, est l’épouse du palatin Siffroi qui la quitte pour rejoindre Charles Martel en croisade. Geneviève, enceinte le jour du départ de son mari mais sans qu’elle le sût encore, est confiée à l’intendant Golo. Ne parvenant à la séduire, celui-ci l’accuse adultère. Siffroi ordonne à Golo de faire noyer la mère et l’enfant. Attendris, les domestiques charger de la sentence leur laissent la vie. Geneviève et son enfant survivent dans la forêt. Siffroi parvient jusqu’à la grotte où ils vivent. Devant le caractère miraculeux de cette rencontre, il comprend la vérité et fait exécuter Golo.
La Geneviève de Brabant. de Carlos Wagner s’appuie sur deux des trois versions qui existent de l’oeuvre. Celle de 1867, et de 1859. Le metteur en scène à qui l’on a reproché sa propension à l’émancipation s’inscrit dans la ligné d’Offenbach qui ne cessait de revoir, refaire, réadapter en laissant libre court à ses inclinaisons spontanées et désacralisantes.
Carlos Wagner ajoute de petits éléments dramaturgiques qui renverse l’ordre pour l’adapter à notre environnement psychique, politique, et social. Du clientélisme du bourgmestre local, à la fausse croisade contre les musulmans en passant par la bêtise policière.
Le décor unique conçu par Rifail Ajdarpasic cadre l’action dans un lotissement plus kitch que chic. Sur la scène, les deux maisons à étage entourées de jardins ressemblent à des appartement témoins.
Dans le rôle-titre la soprano Jodie Devos sert bien son personnage, les airs les plus marquants reviennent à Sifroy interprété par le ténor Avi Klemberg consistant et convainquant. La direction de Claude Schnitzer entraîne la fosse au service du divertissement.
Avec Offenbach on partait en croisade en chemin de fer, avec Carlos Wagner on a recours au nain de jardin et aux superwomen.
Le Festival de Radio-France qui se tiendra du 11 au 26 juillet prochain s’élargit progressivement à la grande Région. Son Directeur Jean-Pierre Rousseau en a reçu l’assurance.
Le Festival de Radio France qui fêtait l’an dernier sa 30e édition avec incertitudes envisage désormais l’avenir de manière plus sereine. Jean-Pierre Rousseau son nouveau directeur, travail depuis deux ans sur le socle du festival en conservant son identité. Il a dévoilé vendredi 4 mars l’alléchante programmation de la 31e édition sous le signe de l’Orient, en présence de la présidente de Région Carole Delga, de Philippe Saurel pour la Métropole, Renaud Calvat pour le département de l’Hérault et du PDG de Radio-France, Mathieu Gallet himself.
L’événement musical régional se voit ainsi confirmé dans sa double vocation. Celle de s’ancrer dans le paysage régional en faisant partager au plus grand nombre la richesse et la diversité musicale des radios de service public et celle de devenir un rendez vous incontournable des grands festivals d’Europe à travers la qualité et l’originalité de sa programmation.
Cohérence d’action
Le festival conserve les bases de sa fondation à Montpellier en s’appuyant sur les six colonnes robustes que sont l’Orchestre National Montpellier LR , l’Orchestre National de Toulouse, l’ONF, l’Orchestre philharmonique de Radio-France et le choeur et la Maîtrise de Radio France. La crainte d’un éparpillement lié à une décentralisation clientéliste semble écarté.
«La présence en Région n’est pas une obligation, a précisé Jean-Pierre Rousseau, mais elle demeure un objectif au coeur de notre préoccupation qui fait le succès populaire. A travers les concerts décentralisés dans la Métropole de Montpellier et la Région, le festival est à l’origine de rencontres miraculeuses avec des gens qui n’ont pas l’occasion d’assister à des concerts et s’y confrontent souvent pour la première fois.» 90% des 140 concerts donnés durant la manifestation sont gratuits.
«Le maillage de l’ensemble du territoire régional se fera progressivement», a indiqué Carole Delga. Accompagné de Michel Orier, le tout nouveau directeur de la musique et de la création culturelle, Mathieu Gallet voit dans cette 31 édition «un tournant». Il a assuré ses partenaires de son entier soutien : « Vous pourrez compter sur moi et la maison pour faire vivre et rayonner le festival.» Les 30e Rencontres de Pétrarque devraient revisiter les questions posées lors de la toute première édition a indiqué la directrice de France culture, Sandrine Treiner : Existe-t-il une nouvelle religiosité ? La France quelle identité ?
Musique pour tous
Le domaine D’O accueillera le volet Jazz, ainsi qu’un Carmina Burana. Tohu Bohu campera sur le parvis de l’Hôtel de ville pour trois soirées electro. Et Fip amènera son savoir-faire pour la programmation Musiques du Monde. Côté classique et lyrique, le coup d’envoi sera donné le 11 juillet à 18h par la jeune et talentueuse pianiste Béatrice Rana qui interprétera les Variations Goldberg de Bach. Sous la direction de Michael Schonwandt, l’ONMLR assurera l’ouverture avec Mille et Une Nuits composé d’extraits de Aladin de Nielsen, Shéhérazade de Ravel et Rimski Korsakov avec Lambert Wilson, récitant, et la mezzo-soprano Karine Deshayes. L’Orient, inépuisable source d’inspiration des arts sera exploré avec des oeuvres comme l’Opéra d’Isabelle Aboulker Marco Poloet la princesse de Chine, Pagode de Debussy, le concerto Egyptien de Saint Saëns ou Ba-Ta-Clan d’Offenbach, à l’origine du nom de la salle parisienne.
Dans un contexte tendu cette édition propose une ouverture vers la paix et le plaisir des sens.
La troisième édition de Tropisme fait lien entre musique et numérique et s’installe à la Panacée du 22 mars au 8 avril.
Le centre de culture contemporaine la Panacée tiendra lieu de QG pour la troisième édition du festival Tropisme. Cette manifestation dédiée aux possibilités « sans limites » de l’art musical, et du numérique, est soutenue par la ville de Montpellier, la Région et la Drac. Elle se propose d’explorer les multiples effets de la mutation technologique dans un climat de franche convivialité. L’évolution du festival 100% poursuit l’air du temps au point de s’y confondre passant d’une programmation rock à un festival de musiques actuelles puis d’art numérique, dont le terme générique est aujourd’hui remis en question par le directeur artistique Vincent Cavaroc qui prédit sa mort à court terme. Dans cette fuite en avant incontrôlable, les promoteurs du festival tentent de faire émerger de nouvelles écritures et surtout d’offrir des expériences inédites à faire partager au public.
Ici comme ailleurs, la question de la transition appelle celle de nouveaux modèles économiques qui profitent, on le sait, bien davantage aux gérants des contenants qu’aux producteurs de contenu que sont accessoirement les artistes. « Face aux gros opérateurs, les acteurs culturels sont faibles et fragmentés dans des myriades de structures de petites tailles, confirme le président de Tropisme, Sébastien Paule, également gérant de la Scic Illusion & Macadam, entreprise de production et de conseil auprès des acteurs culturels. Ils doivent se regrouper pour peser économiquement et politiquement. On retrouve la même problématique dans le débat sur l’économie solidaire. » Le festival permettra d’aborder de nombreuses questions sur l’avenir, à travers des conférences, ateliers et débats.
Expérience totale
Côté ludique et découvertes, l’offre s’avère qualitative et foisonnante. Le socle de la manifestation se base à la Panacée où sévira le collectif Scale avec cinq oeuvres originales ayant pour dénominateur commun l’augmentation de la perception musicale par l’image. Dans ce cadre, « le public est proclamé acteur puis hissé au coeur du dispositif ». Toujours à la Panacée, on pourra se familiariser avec des projets transmédias qui consistent à décliner une narration sur différents supports. Ce sera le cas avec le projet Je suis super, porté par Christophe Blanc et Jean-François Olivier, qui évolue à la fois dans le monde virtuel avec une websérie, un site internet, des jeux, et dans le monde réel avec une installation interactive et un concert. Le festival comporte aussi un volet concert conséquent à la Panacée et dans d’autres lieux emblématiques de Montpellier. Chassol sera au Jam le 22 mars. On pourra voir Eric Still au Black Sheep, les Toulousains de Mondkopf au Rockstore. Cette troisième édition se clôturera par une Nuit Electro en présence de Arnaud Rebotini, Pilooski et DJ Toffee, le 8 avril au Rockstore.
D’ici là, une petite cure de repos s’impose avant le lancement de Tropisme le 22 mars qui ouvre sur un périple de 18 jours de nouvelles expériences, sensorielles, visuelles, sonores, intellectuelles et même mentale !
L’union faisant la force, un projet de rapprochement de quatre des maisons d’opéras de l’Est de la France est actuellement à l’étude. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre les directeurs généraux, les administrateurs, les directions techniques et de la communication de l’Opéra national de Lorraine, de l’Opéra-Théâtre Metz-Metropole, de l’Opéra de Reims et de l’Opéra national du Rhin. Dans un pays en crise où les enveloppes budgétaires s’amenuisent, toutes les solutions pour réduire les dépenses doivent être envisagées. La mise en commun d’un certain nombre de moyens ne parait pas une aberration tant qu’elle se limite à des considérations administratives et commerciales.
Ainsi, le partage de bonnes pratiques en termes de règlements de travail ; l’harmonisation des salaires et des conventions ; la mutualisation de la formation ; la systématisation, via une base de données, des prêts de matériels, de costumes, d’accessoires et d’instruments de musique ; l’échange de savoir-faire ; le « job-shadowing » (pratique consistant à mettre du personnel temporairement à la disposition des autres théâtres, dans le cadre de la formation continue) sont autant de solutions bienvenues pour favoriser les économies à large échelle.
Un exemple d’une de ces synergies avantageuses : faute de lieux de stockage, nos quatre maisons d’opéras sont régulièrement contraintes de procéder à un démantèlement anticipé de leurs productions, ce qui en limite les possibilités de vente ou de location. Moyennant quelques travaux, l’utilisation d’une ancienne base militaire désaffectée dans la banlieue de Metz pourrait servir à stocker les éléments propres à chaque spectacle et ainsi permettre leur commercialisation. Mieux, dans ce même lieu, un magasin commun accueillant les éléments de base de décors (escaliers, murs, portes, sols), pourrait être mis à la disposition de tous avec le bénéfice que cela représenterait en termes de mutualisation des ressources et d’optimisation de l’espace.
Cette volonté de collaboration n’exclut évidemment pas les deux mamelles du business aujourd’hui que sont le marketing et la communication. Déjà, la brochure de la prochaine saison des quatre institutions lyriques contiendra une page commune dédiée à la « Grande Région ». Des réductions tarifaires seront proposées à chaque abonné d’une maison pour tout achat de billet dans l’une des autres maisons. Côté « digital », des liens sont envisagés entre les sites Internet avec mise en commun de fichiers clients, l’envoi d’emails ciblés, l’utilisation des réseaux sociaux… Les associations de spectateurs des quatre maisons (Fidelio à Strasbourg, Des’lices Opéra à Nancy, le cercle lyrique à Metz, les Amis de l’Opéra de Reims) seront également utilisées comme levier d’échange et de dialogue. Il ne s’agit que de quelques pistes parmi d’autres. Là encore, les idées abondent et là encore, on ne voit rien à redire. Au contraire !
L’inquiétude point en revanche dès qu’il s’agit d’évoquer les collaborations artistiques possibles : constitution d’une troupe sur le modèle de l’Opéra Studio, possibilité de résidence de troupes, baroques ou contemporaines… Les pistes, soi-disant nombreuses, se dissolvent dans le creuset des bonnes intentions, les actions proposées deviennent plus évasives. Quid d’une concertation autour de la programmation afin d’élargir et de varier l’offre ? Quid d’une stratégie artistique garantissant à chacune de ces institutions de conserver son identité propre ? La démarche se veut avant tout rassurante, écartant en quelques phrases le spectre de la coproduction : « Ce modèle, comme beaucoup d’autres, mérite à juste titre d’être exploré. Mais l’idée de collaboration prime aujourd’hui sur l’idée de coproduction Si ce modèle n’est pas à exclure, il n’apparait cependant pas comme étant la priorité. ». Comme on le comprend ! Déjà, le système de plus en plus répandu en Europe et ailleurs fait sentir ses effets pernicieux. Après Londres, Vienne, New-York, San Francisco, Madrid, Paris et quelques autres, Barcelone reprend en mai 2017 La Fille du régiment selon Laurent Pelly. A croire qu’il n’existe plus qu’une seule façon de représenter cet ouvrage aujourd’hui. Rudement secoué par la crise économique, le Liceu ne proposera d’ailleurs la saison prochaine que des reprises de spectacles déjà vus ailleurs.
Ainsi, les maisons d’opéra font des économies mais c’est l’amateur d’art lyrique qui trinque, de plus en plus limité dans ses choix, contraint d’applaudir ad nauseam la même mise en scène d’une ville à l’autre. A l’échelle mondiale, c’est regrettable. Appliqué à une région, le système pourrait s’avérer nocif : appauvrissement de l’offre et donc diminution de l’audience (qui ira revoir à Metz un spectacle qu’il a déjà applaudi à Nancy ?) ; uniformisation du propos scénique, voire musical ; perte d’identité culturelle avec à terme le danger d’élargir à Reims, Nancy, Strasbourg et Metz, ce qui est déjà en vigueur en Alsace, par exemple, avec Mulhouse, Colmar et Strasbourg : faire de ces quatre maisons d’opéras une seule. Le rapprochement administratif, oui. La collaboration artistique, aussi – à voir comment. Mais la fusion, ça, non !
Actoral. Le festival des écritures contemporaines se clôture ce soir. Les blessures intimes deviennent des langues à hTh.
L’escale montpelliéraine du Festival Marseillais Actoral dédié aux écritures contemporaines se conclut ce soir à hTh avec le poète sonore Anne-James Chaton et l’artiste de musique électronique Alva Noto dans le cadre de Analogie / digital. Flaubert, Jules Verne, mais aussi Descartes, Napoléon, Freud… sont convoqués à prendre un sacré coup de jeune.
Cette soirée clôture un festival captivant que l’on doit à la passion tenace d’Hubert Colas pour les écritures contemporaines. Depuis le 14 janvier le CDN est une terre d’aventure où se croisent des artistes d’horizons différents qui ont pour point commun d’être en prise avec de nouvelles formes de langage. « Ce ne sont pas des artistes doucereux qui viennent à Actoral », avait prévenu Hubert Colas. Il n’a pas menti.
A l’instar du drame patriotique international Grinshorn & Wespenmaler de l’autrichienne Margret Kreidl mis en espace par Marlène Saldana et Jonathan Drillet qui rend un vibrant et décalé hommage à l’Autriche d’Haider, le leader bronzé de l’extrême droite autrichienne, qui trouva la mort en sortant d’un club gay, ivre au volant de sa Volkswagen Phaeton.Le public qui est venu pour découvrir, perçoit et participe au rapport délicat entre la création et le monde insensé dans lequel il vit. En pleine dérive extrémiste, l’absurde reprend du poil de la bête.
L’inhumanité ordinaire
La société hyper sécurisée et tellement insécurisante inspire les artistes d’aujourd’hui qui baignent dans cette inhumanité ordinaire. Tous les domaines artistiques, sont concernés et notamment la littérature contemporaine. On a goûté au rationalisme irrationnel de Thomas Clec qui met trois ans à parcourir les 50 m2 de son appart parisien pour faire de l’autofiction un inventaire politique (Intérieur ed. L’arbalète/Gallimard).
On a zoomé avec Camera (ed, Pol) d’Edith Azam et sa véhémence nerveuse qui se rend à l’évidence du désespoir et n’existe que par la résistance du langage. On a entendu par les yeux et l’émotion le manifeste physique et tragique du jeune danseur chorégraphe croate Matija Ferlin. Ces rencontres surprenantes entre auteurs, metteurs en scène, chorégraphes, et publics se sont croisés dans l’espace de manière inédite, inspirant d’innombrables prises de positions.
Elles sont ce qui émerge. L’exceptionnelle tension et la passion qui en découlent demeurent le champ des appropriations de la langue. Cette approche des écritures semble découler de l’exploration de cet univers polémique dans lequel chacun se sent investi d’une mission, celle du CDN semble en tout cas bien ravivée.