Le Brexit a secoué la communauté européenne, voilà quelques mois, et c’est avec un aplomb prophétique que Michel Houellebecq, voyageant en Argentine, envisage que la France suive le même chemin. Parlera-t-on de Francie – sortie de la France de l’Europe? ? L’écrivain y croit fermement…
À l’occasion d’une rencontre qui se déroulait à Buenos Aires, Michel Houellebecq était interrogé par l’écrivain Gonzalo Garcès ce 10 novembre, rapporte l’agence EFE. Neuf années après son premier voyage en Argentine, ce grand retour du romancier français était manifestement très attendu. Au menu, trois journées de rencontres et d’échanges, pour parler de son œuvre littéraire, mais également de sa relation aux arts.
Le Brexit aurait dû donner des idées…
Comme toujours, Houellebecq n’était pas vraiment là où l’on pouvait l’attendre, et c’est plutôt une vision politique qu’il a livrée. « La France est très proche de quitter l’Europe […]. Les Français sont dans l’Europe contre leur volonté », a-t-il asséné. En juin dernier, le romancier bichait déjà de ce que l’Angleterre puisse donner, avec le Brexit, le grand signal de départ « pour le démantèlement. J’espère qu’ils ne me décevront pas. J’ai été contre l’idée européenne dès le début. Ce n’est pas démocratique, ce n’est rien de bon ».
Maintenant, il jubile, avec un peu de retenue : « Il est dommage que le Brexit n’ait pas fait abandonner l’idée d’une Union européenne définitivement. Je ne comprends pas pourquoi avoir tant de regrets. Je n’ai jamais constaté de points positifs dans le projet européen : tout est basé sur de faux fondements. […] L’Union européenne n’est qu’une idée de technocrates qui ne saisissent pas pleinement les spécificités de chacun pays ».
Cependant, peu de chances que l’on voit dans l’Hexagone surgir un personnage tel que Donald Trump, estime-t-il. Ce serait d’ailleurs « une erreur d’associer Trump à Marine Le Pen », indique-t-il. S’il a assisté à la présidentielle américaine en y voyant « quelque chose d’ennuyeux », c’est avant tout parce qu’il est fatigué « de voir le vide de ce spectacle » politique.
Marine Le Pen pourrait atteindre la présidence en France, mais probablement pas en 2017. « Bien qu’elle gagne toujours plus de voix, elle est encore loin d’avoir les voix nécessaires pour remporter une élection présidentielle. »
Depuis longtemps, Houellebecq clame de toute manière que l’Europe, et la France en priorité doivent se déconnecter des États-Unis. La Chine ou l’Inde représente des enjeux bien plus importants, et des partenaires plus considérables. Trump, avait-il dit, n’est qu’un affreux, mais c’est l’affreux problème des Américains, uniquement.
La France se meurt, mais moins que d’autres
Et de poursuivre : « La France est un pays en train de mourir [mais] se débat plus que les autres pays européens », tout en cherchant à revenir à ses origines. Or, contrairement à d’autres États comme l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, « où les populations déclinent rapidement, ce n’est pas le cas en France : la démocratie est en croissance ».
Affirmant qu’il a conscience de ce que son travail entraîne des polémiques, partout où il passe, le prix Goncourt 2010 jure cependant ne pas rechercher ces controverses.
Et revenant sur Soumission, le roman sorti le jour des attentats perpétrés chez Charlie Hebdo, il précise qu’il n’y a aucune critique de la religion, mais de la politique. « Il n’y a aucun vrai musulman dans ce roman. Il y a des personnalités politiques qui ont des ambitions politiques et l’idée de se servir de l’islam pour accomplir leurs ambitions. Aucun fanatique. Aucun pratiquant : juste des politiques. »
Pour autant, les attaques d’islamistes radicaux se poursuivront, prophétise-t-il.
Lui-même ne s’intéresse à la politique que pour ce qu’elle représente de tactique, de stratégie, mais certainement pas pour son contenu, reconnaît-il. Avec une idée toutefois : « Le système politique suisse, de démocratie directe, je l’apprécie. C’est un pays qui fonctionne mieux que la France et où l’on tire le français vers le haut. »
« Petit pays », premier roman de Gaël Faye paru chez Grasset, couronné par le jury du 29ème Goncourt des lycéens.
En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…
« J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages… J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d’être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. »
Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.
Expérimenter la pluridisciplinarité photo Fred Trobrillant
Littérature La sixième Zone d’Autonomie littéraire ZAL se tient ce samedi salle Pétrarque. Quand les auteurs donnent vie à des expériences scèniques.
Balayée la tragédie de l’auteur(e) qui sort fébrile de sa tanière pour affronter ses lecteurs. Celle des plateaux littéraires traditionnels où il doit jouer à l’écrivain en répondant aux questions de l’animateur qui se prend pour un érudit.
La ZAL envisage et expérimente les nouveaux champs du littéraire à l’aune des années 90. Avec des textes qui montent sur scène, accompagnés de création sonore, vidéo, plastique, théâtrale, dans des formats courts, entre 15 et 20 minutes qui s’amorcent vite et nous saisissent par leur intensité. De quoi donner des cauchemars à Modiano.
« La ZAL concourt à une désacralisation du personnage de l’écrivain. On s’émancipe de l’image du génie solitaire et élitiste en ouvrant le champ littéraire à tous les domaines du spectacle vivant », indique Renaud Vischi, membre fondateur de la manifestation et partie prenante de la revue montpelliéraine Squeeze.
Le projet philanthropique de cette structure d’édition s’inscrit dans une redéfinition « des critères d’appréciation, des règles d’élaboration, des goûts et du jugement qualitatif sur la création littéraire. »
L’opération, qui vise au dépoussiérage, ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain. « Le support privilégié reste le livre et les relations intimes qui s’opèrent entre l’auteur, le texte et le lecteur. On ne défend pas une école. On se voit comme une porte d’accès pour intervenir sur l’image de la littérature qui n’est pas séparée des influences contemporaines », précise Renaud Vischi. « L’écriture et la mise en scène sont deux compétences très différentes, on ne se situe pas dans l’analyse. La ZAL reste périphérique par rapport au champ littéraire, le défi est de trouver des point d’accès variés, de proposer des moyens pour servir le travail d’un auteur sur scène.»
L’accent sur la poésie
La programmation 2016 s’est construite autour du texte, une implantation sélective d’éditeurs, et un bar convivial. Une place de choix est réservée à la poésie. 25% des invités sont de la région. La manifestation rayonne de plus en plus au niveau national. L’an dernier, le rendez a accueilli 2 000 visiteurs curieux de découvrir les travaux d’auteurs mal représentés ou restés dans l’ombre.
Ce mariage de la littérature aux arts visuels et sonores est une fête, une occasion à saisir pour interagir avec les textes et leurs auteurs.
JMDH
Entrée libre salle Pétrarque ce samedi de 14h30 à 23h.
La plus longue grève de l’audiovisuel depuis 1968 s’est achevée mercredi.
Les salariés d’iTélé ont voté mercredi la fin de leur grève historique de 31 jours, sans obtenir de concessions majeures de la part de la direction du groupe Canal+. « Nous sommes restés unis, nous avons livré un bon combat pour l’honneur, mais le conflit s’arrête car nous manquons de troupes fraîches », reconnaît un des journalistes. « Nous avons rempli notre mission en trouvant un compromis, » se félicite quand même Antoine Genton, de la SDJ d’iTélé. « Nous sortons de ce conflit éreintés et meurtris, mais la tête haute », ont déclaré les grévistes dans un communiqué, après avoir mis fin au mouvement de grève le plus long de l’histoire de l’audiovisuel privé.
A l’issue de cette grève, au moins 30 personnes devraient quitter la chaîne info du groupe Vivendi. Ils le feront non pas en actionnant la clause de conscience, non sécurisée juridiquement, mais par le biais d’un accord collectif assurant un dédommagement minimum de 6 mois pour les plus récentes recrues. Les conditions financières ont été améliorées par la direction depuis le début de la grève. Chaque départ sera remplacé, dit Canal.
Après l’intervention des ministres de la Culture et du Travail, les grévistes ont notamment obtenu la nomination d’un directeur délégué à l’information. Mais il sera nommé par la direction sans que la rédaction ne se prononce et sera sous la responsabilité du patron de la chaîne Serge Nedjar, qui reste donc directeur de l’information alors que les journalistes demandaient que les deux directions soient dissociées.
Le comité d’éthique de la chaîne sera reconstitué d’ici la fin de l’année et une charte éthique sera rédigée d’ici à quatre mois, promet la direction. Mais c’est ce que prévoit déjà la nouvelle loi sur la liberté des médias d’ici au mois de juillet. Les journalistes pourront également refuser de travailler pour l’émission de Jean-Marc Morandini, dont l’arrivée a déclenché la grève, mais ils n’ont pas obtenu le départ de l’animateur controversé, mis en examen pour « corruption de mineur aggravée ».
A l’occasion d’un déjeuner avec l’Association des journalistes média (AJM), Maxime Saada, le DG de Canal, a expliqué qu’iTélé perdait de l’argent depuis sa fondation, « même en 2011 et 2012 si on enlève une subvention intragroupe de Canal d’environ 10 millions d’euros », a-t-il assuré. Il a noté que, « paradoxalement », la grève aurait un coût limité pour le groupe puisque la chaîne est en perte. Canal n’a pas encore de business plan pour le retour à l’équilibre d’iTélé, qui a un budget de 60 millions d’euros mais seulement 35 millions de revenus. L’idée est cependant de rester une chaîne d’infos brutes, pas de magazines. Le groupe veut que la chaîne se distingue de ses trois concurrentes en s’appuyant sur les forces de Canal (le sport, la culture, le cinéma…), a dit Maxime Saada. Il ne s’agit pas « de reprendre des images de Canal mais d’exploiter le savoir-faire journalistique du groupe dans ces domaines », a-t-il ajouté.
Rémi Checchetto associe ses écrits à une pluralité d’expressions. Photo dr
Auteur Rémi Checchetto lira ses poèmes vendredi à la Maison de la poésie Jean-Joubert et évoquera ses textes dramatiques le lendemain dans le cadre de la 6ème édition de la Zone d’autonomie littéraire.
La Maison de la Poésie Jean Joubert invite vendredi le poète Rémi Checchetto pour une lecture performance extrait de son dernier recueil Ici même paru aux éditions Tarabuste. La lecture sera donnée par l’auteur accompagné à la contrebasse par Lina Lamont. Un moment de choix, à partager entre amoureux de la poésie vivante.
La Maison de la poésie conduit sa mission de diffusion avec goût et finesse dans le choix de ses propositions. La structure associative fraîchement rebaptisée en hommage à son fondateur Jean-Joubert, poursuit son objet sur une voie résolument ouverte sur le monde, saisissant toutes les occasions d’initier des instants exquis, comme récemment avec le poète Alain Lance. Elle offre par ailleurs un appui aux nombreux poètes qui oeuvrent au partage du rêve dans la région.
Gageons que Rémi Checchetto qui est aussi dramaturge, ne se trouvera pas en terre étrangère dans cette phase, souvent complexe, de l’adaptation du texte à la scène. Il donne à l’occasion des lectures de son travail et collabore régulièrement avec des musiciens comme Titi Robin, Louis Sclavis, Bernard Lubat. Pour paraphraser Vitez, il a su faire poésie du tout .
Faut-il, dans cet extrait du recueil Boomerang, paru aux éditions Potentille (2015), trouver quelques pistes éclairantes sur sa démarche ? Ma singularité ? / je suis sorti d’une mère mauvaise/ ainsi je le dis / ainsi puis-je le dire puisque c’est ainsi / mais on ne sort pas d’une mère mauvaise, elle nous rejoint toujours, c’est une vérité éprouvée / la mère mauvaise ne nous rejoint pas /la mère mauvaise ne sort pas de nous / elle n’a nul besoin de nous revenir en boomerang / elle est là / elle brise une à une les brindilles de lumière.
Photo Rémi Checchetto
Auteur de théâtre Les écrits poétiques de Rémi Checchetto se complètent par un goût pour la photographie et une abondante activité d’auteur. La force de sa langue est totalement mise au service du propos. Ce qui l’a sans doute conduit à associer ses écrits à une pluralité d’expressions : metteurs en scène, musiciens, danseurs, photographes ou plasticiens.
Rémi Checchetto ne semble pas vouloir compartimenter son écriture entre théâtre et poésie, mais il contribue assurément au renouvellement de l’écriture dramatique en dépassant les formes arrêtées de la représentation. « Cela n’était pas déjà des mots, mais une vision qui réclamait et proposait des mots » commente l’auteur à propos de son texte L’Homme et cetera. Bela Czuppon et Jean-Marc Bourg notamment ont mis en scène ses textes pour le théâtre.
Checchetto fait partie des auteurs que l’éditrice Sabine Chevallier défend dans la durée. C’est une des références de l’excellente collection Théâtre contemporain des Editions Espace 34 qui a publié ses cinq dernières pièces.