Elle se tient debout le dos au mur en fond de scène. Ce pourrait être un homme, mais ce soir cette voix sera celle d’une femme. L’organe sexuel masculin n’est pas le seul à pouvoir se prévaloir d’une érection. Elle fume dans l’obscurité en prenant le temps de tirer de bonnes bouffées. Elle fait peser la suspension du temps.
Sur le devant de la scène, une estrade où les projecteurs éclairent le vide, derrière un grand lit mal fait, vague représentation d’un espace intime et sauvage. Le public attend activement les premiers mots en s’imprégnant de l’atmosphère, celui des ébats sexuels.
On est au Théâtre de Lattes, la pièce écrite par David Léon se nomme La nuit et la chair, elle est mise en scène par Alexis Lameda-Waksmann et interprétée par Stéphanie Marc.
« De deux choses l’une, ou la parole viendra à bout de l’érotisme ou l’érotisme viendra à bout de la parole. » Cette phrase de Georges Bataille figure en épigraphe du texte de Léon. Cette question s’inscrit dans le silence qui va donner vie au texte.
L’actrice quitte son mur pour venir vers nous, elle monte sur l’estrade, éteint sa première cigarette et s’adresse à nous sans duperie. « L’homme est assis en face de moi. Pas tout à fait à califourchon. Ni même en tailleur. Ses paumes pressés contre ses cuisses. Je le regarde. Je regarde l’homme. Image(s) après images(s). Son corps trapu ruisselle. Il a cette odeur âcre, amère comme un relent. Je vous masturbe. »
Exercice périlleux que de répondre à l’exigence d’abandon que requiert ce texte qui aborde les thèmes de la férocité, de l’écart, de l’extrême, du désir comme principe d’excès. Il est question du pouvoir, celui des mots que l’homme refuse. L’effacement des codes sociaux ne vaut que dans l’espace du sexe. Dehors, le froid, et les chiens, le protocole qui reprend ces droits. La recomposition imaginaire du monde ne s’entrebâille que dans la garçonnière.
Toutes ces forces traversent le corps exposé, brutalement interrompues par un court extrait musical hardcore (noyau dur). Belle trouvaille, qui donne à la mise en scène un tempo ultra speed, en correspondance avec l’esprit cash et rock adopté par la comédienne.
Alexis Lameda-Waksmann prend le parti de travailler les contrastes, jouant sur la dualité détermination vulnérabilité. Stéphanie Marc incarne la figure érotique en s’attaquant au soleil.
JMDH
Source La Marseillaise 04/02/2017
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