Comédie du livre 2014

Les littératures nordiques et le réel

Comédie du Livre. La 29ème édition débute ce soir. Tandis que l’on s’apprête à découvrir les passionnantes lettres du Nord, des interrogations planent sur la 30ème édition.

Grand événement culturel montpelliérain autour des livres et des pensées, légères ou profondes, qu’ils génèrent, La Comédie du livre débute ce soir avec une soirée d’ouverture* consacrée à l’écrivain islandais Arnaldur Indridason. Auteur emblématique des littératures nordiques invitées de cette 29 édition, Indridason donne dans le roman policier. Il est traduit dans trente-sept pays et édité aux éditions Métailié qui  fêtent cette année leurs 35 ans à Montpellier. Mais surtout, Indridason a construit son œuvre en l’imbriquant intimement dans le tissu de la réalité de son pays, comme la majeure partie de ses homologues nordiques invités à Montpellier.

Ce sont ces réalités, historiques, économiques, politiques, sociales culturelles et environnementales que vont nous donner à sentir et à lire, plus de trente écrivains venus de la Norvège, d’Islande, de Suède, de la Finlande ou du Danemark. A noter que ce lien étroit entre littérature et réalité, propre aux écrivains du nord, n’est pas l’apanage du roman noir qui reste  brillamment représenté. A commencer par Maj Sjöwall qui en a fait dès 1965 une arme politique en dessinant une virulente critique de la société suédoise.

Katja Kettu

Katja Kettu

Les orfèvres de la blanche

La littérature dite blanche ne se trouve pas en reste pour faire voler en éclat le fameux modèle social scandinave. On se délectera avec l’écriture des Finlandaises  Johanna Sinisalo, qui mêle adroitement drame intime et catastrophe écologique, et Katja Kettu dont la voix éclatante nous plonge en pleine guerre de Laponie dans La Sage-femme. De même que la nature, l’histoire est souvent présente, dans les récits scandinaves. La suédoise Katarina Mazetti en donne une brillante illustration. Le monde entier peut s’effondrer, le grand arbre du monde résiste décrit la prophétesse. Depuis les lointaines sagas, l’univers surnaturel traverse les littératures du nord. Jusqu’au réalisme magique de Sjon, qui incarne la nouvelle génération d’auteur islandais. Parolier de Björk, il est aussi dramaturge. Il ne faudra pas manquer l’illustrateur suédois Lars Sjunnesson, devenu l’emblème de la communauté punk pour sa très irrévérencieuse manière de défier l’autorité et la bourgeoisie. Dans un autre registre on plongera au cœur de l’histoire norvégienne avec les six volumes du Roman de Bergen de Gunnar Staalesen qui nous immerge dans cette ville de 250 000 habitants en explorant toutes les composantes historiques, sociales et politiques, sur plus d’un siècle. Arni Thorarinsson dissèque, lui, la société actuelle islandaise et la crise qui l’ébranle. L’occasion nous est offerte de fréquenter ces littératures et de découvrir la place prépondérante qu’elles occupent aujourd’hui.

Changements en perspective…

Depuis 2011, année où la direction de l’événement a été confiée à l’association Cœur de Livres composée de libraires, la Ville de Montpellier, via la direction des affaires culturelles, a recentré la manifestation autour de la littérature des pays invités. Voyant là un moyen de palier à la dispersion des propositions et d’approfondir le contenu littéraire. En quatre ans, la solidarité et l’organisation entre les libraires se sont renforcées et la manifestation a gagné en qualité, mais la situation économique des libraires, historiquement à l’origine de l’événement, s’est tendue. Chaque année un lot de libraires disparaissent en France, et Montpellier qui demeure une ville de grands lecteurs n’est pas épargnée. La crise on le sait, ne ménage pas non plus les fonds publics.

Le nouveau maire Philippe Saurel qui avait pris soin de ne pas s’engager sur la question en tant qu’adjoint à la culture, s’est fixé comme objectif d’étendre la manifestation à l’ensemble des quartiers de la ville. Lors de la présentation, il a insisté sur le coût actuel de la manifestation (500 000 euros) et sommé l’association Cœur de livres de trouver un(e) président(e). Cédric de Saint Jouan, l’adjoint à la culture de Montpellier a quant à lui pris son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de tous les libraires. Pour la trentième édition, on s’attend à une redistribution des cartes. Dans quelle mesure les changements vont s’opérer, et quelles en seront les conséquences ? Difficile de le dire.

Le maire a rappelé à tous les acteurs la relation unissant la littérature au réel. Mais ce n’est pas une relation à sens unique. Le réel est aussi tributaire de la littérature. En attendant, les Montpelliérains ont ancré le rendez-vous sur leurs tablettes et personne ne songe un instant à leur couper l’accès aux livres. Ils vont découvrir avec bonheur la cohorte des écrivains nordiques et leur sens de la collectivité, ce qui pourrait leur donner l’envie d’écrire…

Jean-Marie Dinh

L’Hérault du Jour  22/05/2014

 *  A 19h Centre Rabelais.

 

Les éditions Gaïa : la connexion Landes-Grand Nord qui fait mouche

 

HerbjørgWassmo3©Rolf_M_Aagaard_300DPI

Herbjorg Wassno

Vingt ans après la publication de La Vierge froide et autres racontars de Jorn Riel, Gaïa compte plus de 200 auteurs dans son catalogue. La majorité d’entre eux est originaire de l’Europe septentrionale mais la maison d’édition s’est ouverte à d’autres régions du globe en accueillant des auteurs des Balkans ou d’Allemagne.

 Basée dans les Landes, Gaïa fait partie des pionniers qui ont donné à voir le vrai visage des littératures du Nord. Des fictions qui ne signifient point frimas et âpreté, lieux communs longtemps véhiculés par l’imaginaire collectif, mais qui tend à disparaître depuis que l’excellente série Borgen a mis en lumière le dynamisme et la modernité de la démocratie danoise via le personnage fictif de Birgitte Byborg (qui n’est pas sans rappeler Helle Thorning-Schmidt), auprès du grand public.

Les lecteurs connaissent d’ailleurs plusieurs succès scandinaves publiés et remarquablement traduits sous l’œil avisé de Susanne Juul, la fondatrice de Gaïa. C’est probablement le cas du roman Le mec de la tombe d’à côté de Katarina Mazetti, qui sera présente à Montpellier. Quatre autres auteurs de la maison d’édition seront également de la partie comme Jorn Riel ou la très populaire spécialiste des sagas, Herbjorg Wassno, dont la trilogie Le Livre de Dina fut adaptée au cinéma. L’auteur de polar Gunnar Staalesen viendra avec sa célèbre fresque à suspens Varg Veum, dont le dernier tome intitulé Face à Face ouvre sur la découverte d’un mystérieux cadavre dans la salle d’attente pourtant pas si hospitalière du détective. Enfin, Leif Davidsen sera accompagné de son tout dernier roman, Le gardien de mon frère, qui mêle avec ambition intrigues et grande histoire.

Pour Marion Lasalle, ce rendez-vous était incontournable : «Nous sommes très contents d’avoir des auteurs invités à la Comédie du Livre car c’est un événement à rayonnement national. Nos auteurs ne sont pas aussi connus que les têtes d’affiche, mais c’est l’occasion pour le public de découvrir qui se cachent derrière des romans qui ont eu un succès honorable et qui ne se déplace que très rarement en France.»

 Désireuse de suivre ses romanciers sur l’ensemble de leur œuvre plutôt que sur un seul livre, Gaïa défend une ligne éditoriale dont la cohérence repose sur la qualité plutôt que le marketing. «Nous comptons sur le bouche à oreille des libraires qui nous restent fidèles. En 2006, Le Mec de la tombe d’à côté démarrait très doucement en France et c’est leur engouement qui a fait décollé le roman. C’est pour cela que nous privilégions ce réseau, avant les ventes en ligne, même si on ne peut pas les négliger, souligne Marion Lasalle. Mais on se bat pour que les librairies indépendantes puissent nous représenter car, sans elles, une maison d’édition comme Gaïa n’existerait plus.»

 Géraldine Pigault

Rencontre dimanche 25 mai 11h30 au Centre Rabelais

En bref
Programme Modification et annulation
Changement d’horaires : la table ronde autour de la Fantasy aura lieu dimanche à 10h avec Jérôme Noirez et Laurent Kloetzer (toujours à l’auditorium du Musée Fabre). Annulation : les auteurs Étienne Klein, Valter Hudo Mae, Annie Pietri et Jean-Philippe Blondel ne pourront être présents.

Sélection vendredi
Anticipation et critique sociale
Avec Johanna Sinisalo , Rosa Montero et Thomas Day.Venue de Finlande, d’Espagne ou de France, les œuvres de ces trois écrivains illustrent la vitalité et la grande diversité du roman d’anticipation européen. Mais l’invention d’imaginaire ne doit pas occulter la dimension critique d’intrigues qui n’hésitent pas à mettre fortement en accusation les travers et dérives bien réelles de nos sociétés. Demain à 14h30 Centre Rabelais.

Grand Entretien avec Sjón
Sjón l’inclassable a récemment été qualifié de « Mage du Nord » par la grande romancière britannique A.S. Byatt. Considéré comme « le fer de lance du réalisme magique à l’islandaise », Sjón crée des fictions mêlant Histoire et surnaturel, légendes et souvenirs vécus, excelle dans l’art de la citation, multiplie les intrigues, avec pour seul principe le plaisir de raconter des histoires. À découvrir absolument. Demain à La Panacée à 11h30.

Ibsen : Le dramaturge des invisibles sauts de l’âme

echoes-of-ibsen-promoRencontre littéraire. En partenariat avec L’Hérault du Jour, l’association Cœur de livres poursuit la redécouverte des grands auteurs classiques scandinaves.

Né à Altenburg en 1828, le poète et dramaturge norvégien s’éteindra à Oslo en 1906. Henrik Johan Ibsen grandit dans un foyer que la faillite des affaires paternelles, désunit rapidement. Son père sombre dans l’alcoolisme tandis que sa mère se réfugie dans le mysticisme. Après une jeunesse morose passée à Grimstad, petite ville de province qui forgera son esprit critique, il est apprenti apothicaire. Il connaît des amours malheureuses dont il s’évade pour gagner Christiana où il se consacrera à sa seule passion, le théâtre.

L’année 1848 qui voit la révolution des peuples d’Europe lui inspire le drame historique Catilina. Avec La terre des guerrier (1850) il fait échos au  conflit entre paganisme et christianisme. Ibsen est appelé comme dramaturge au nouveau théâtre de Bergen qui lui permettra de partir en voyage d’étude à Copenhague et en Allemagne. Il prendra par la suite la direction du théâtre norvégien de Christina (1857). L’année suivante, il fait représenter Les guerrier de Helgeland inspirés des sagas islandaises.
Ère contemporaine
Dans La Comédie de l’amour (1862), l’auteur situe pour la première fois son action à l’époque contemporaine en déployant son intrigue autour du conflit entre esthétique et éthique. Avec Les prétendant à la couronne (1863) inspiré de l’ancienne histoire scandinaves, Ibsen aborde l’affrontement de la vocation et du doute incarnés par deux personnages principaux : un portrait de Bjornson, l’engagé auteur des paroles de l’hymne national et Ibsen lui-même en proie à une hésitation perpétuelle. En 1864, muni d’une bourse et d’une somme réunie par son rival et ami Bjornson, Il part pour l’Italie. A part quelques brèves visites il ne reviendra que 27 ans plus tard dans son pays natal. Deux ans après, il écrit ses deux pièces majeures, Brand (1866) et Peter Gynt (1867) : d’un côté le pasteur intransigeant « tout ou rien », de l’autre le petit paysan qui se veut libre de toute responsabilité et recherche toujours une issue en contournant avec cynisme les obstacles. Après Empereur et Galiléen (1873), toutes les pièces d’Ibsen se dérouleront en Norvège et s’attaqueront aux abus de la société contemporaine. Son exigence éthique resurgit et malgré les thèmes sociaux, c’est une morale de l’individu qu’il vise.
Préoccupation sociale
Ibsen contribue à donner à l’art dramatique une puissance nouvelle en dotant le drame bourgeois d’une gravité éthique et d’une profondeur psychologique. « Je ne peux plus me contenter de ce que les gens disent ni de ce qu’il y a dans les livres. Je dois penser par moi-même et tâcher d’y voir clair » dit Nora dans Maison de poupée, avant de prendre la porte en tournant le dos à la mascarade de sa vie conjugale. Les revenants (1881) et Un ennemi du peuple (1882) confirment l’affirmation de la technique dramatique d’Ibsen. Sa méthode analytique ou rétrospective fait tourner l’intrigue autour d’un passé successivement dévoilé. Dans Le Canard sauvage (1884), le passé devient un poids impossible à rejeter. Solness le constructeur ne sait plus habiter sa maison neuve comme sa vie et va répondre à la jeunesse qui frappe à sa porte.
Les trois dernières pièces – Le Petit Eyolf, Johan Gabriel Borkman et Quand nous nous éveillerons d’entre les morts (1899) sous titré épilogue dramatique – ont une parenté profonde : elles traitent de ce que fut pour Ibsen le péché mortel, la renonciation à la vie et à l’amour.

JMDH

 Eloi Recoing
eloi_recoingEloi Recoing, metteur en scène, dramaturge et traducteur des oeuvres d’Henrik Ibsen sera présent ce soir à 19h salle Pétrarque (entrée libre) pour évoquer l’oeuvre et la carrière de l’auteur norvégien. Maître de conférences à l’Institut d’Etudes Théâtrales à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, intervenant auprès de plusieurs écoles supérieures du théâtre (CNSAD, ENSATT, TNS…), Eloi Recoing est également directeur artistique et pédagogique du Théâtre aux Mains nues à dans le 20e à Paris. Il a été nommé le 7 mars dernier à la direction de l’Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication et prendra ses nouvelles fonctions au mois de juin 2014.

Source : La Marseillaise : 15/05/2014

Télécharcher la brochure de présentation Ibsen

Voir aussi : Rubrique Littérature, Littérature Scandinave, Le kalevala : retour aux origines poétiques, Andersen au-delà des contes pour enfants, Les Sagas islandaises, Rubrique Norvège, Rubrique Rencontre,

A livre ouvert : « Homesman » de Glendon Swarthout

366735-the-homesman-620x0-2

Au cœur des grandes plaines de l’Ouest, au milieu du XIXe siècle, Mary Bee Cuddy est une ancienne institutrice solitaire qui a appris à cultiver sa terre et à toujours laisser sa porte ouverte. Cette année-là, quatre femmes, brisées par l’hiver impitoyable et les conditions de vie extrêmes sur la Frontière, ont perdu la raison. Aux yeux de la communauté des colons, il n’y a qu’une seule solution : il faut rapatrier les démentes vers l’Est, vers leurs familles et leurs terres d’origine.

Morceau choisi

Un autre jour, il avait découvert une petite fissure dans le brancard de gauche, à l’avant du chariot. S’il venait à se briser, il n’auraient aucune possibilité d’en fabriquer un nouveau. Avec le couteau Bowie qu’il avait récupéré plutôt, Briggs coupa une longue bande dans la peau de bison qu’il avait volée sur le site funéraire de Winnebago et l’attacha aussi solidement qu’il put sur le brancard. Mary Bee aurait peut-être pensé à le faire, elle aussi. Ou peut-être pas. Et à vrai dire, elle n’aurait même pas eu la peau de bison.

– Que se passera-t-il si ça tombe ?

– La roue se cassera

-Seigneur (…)

Un autre jour encore, la protection en acier de la roue arrière gauche s’était déplacée. si elle tombait et que la roue en bois se désintégrait, ils seraient impuissants, échoués au milieu de la plaine. Buster Shaver aurait recalé la protection ou l’aurait chauffée à blanc et l’aurait remise parfaitement en place avant de laisser refroidir, mais Briggs n’avait ni forge, ni outils adéquats. Pendant l’heure qui suivit, il roula très lentement pour épargner la roue, il l’écouta heurter les pierres et fit des détours fréquents pour descendre dans chaque ravin.

the_homesman-tommy_lee_jones-hilary_swank

Glendon Swarthout (1918-1992) Nouvelle traduction de l’américain par Laura Derajinski aux éditions Gallmeister.

 

Adaptation

Adapté au cinéma par Tommy Lee Jones, le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2014. Il sera sur les écrans le 21 mai prochain, le temps de lire le livre…

Voir aussi : Rubrique Livre, Littérature Anglo-saxone,  rubrique Cinéma,

L’imaginaire et l’histoire des sagas islandaises

tumblr_m6ekx3xVZJ1qer9b0o1_400

Rencontre littéraire. En partenariat avec l’association Cœur de livres, L’Hérault du Jour et Radio Campus sont associés à la découverte des classiques de la littérature nordique.

La troisième rencontre littéraire organisée par l’association Cœur de livres autour des grands classiques de la littérature nordique est consacrée aux sagas islandaises. Le terme de saga, aujourd’hui sémantiquement dévoyé à grand coup de Star Wars et autres séries littéraires, signifie raconter. Il voit le jour en Islande.

Une origine incertaine

La question liée à l’origine des sagas semble toujours faire l’objet d’un débat entre scientifiques. Pour certains, à un stade pré-littéraire, les sagas se seraient élaborées d’elles-mêmes, selon une tradition orale vivante. Elles se seraient transmises de génération en génération, par voie orale jusqu’à leur consignation par écrit. Tandis que pour d’autres spécialistes, les sagas seraient des ouvrages de fiction composés par des amateurs d’histoires anciennes qui se seraient livrés à un travail de reconstitution à partir de personnages et de faits mémorables conservés dans la tradition. Reste que les sagas fournissent le seul élément narratif dont nous disposons pour comprendre la vie quotidienne des Islandais et au-delà, des peuples scandinaves dans le monde médiéval nordique.

Au temps des Vikings

Les sagas constituent une source de référence pour aborder le temps des Vikings. A l’instar de L’Edda en prose, que l’on doit à Snorri Sturluson (1178-1241), poète scalde* voyant que sa passion était en train de se perdre dans les « progrès » du christianisme, tente une opération de sauvetage en mettant en scène Dieu et les mythes anciens. L’Edda qui regorge d’obscurité mêle les sagas des rois légendaires puis historiques de Norvège au premier rang desquels le roi Olàfr, dont la hache de guerre tenue entre les pattes d’un lion figure sur le blason de la Norvège. Explorateur de la Méditerranée à l’Amérique, commerçant de fourrures et d’esclaves, guerriers et pillards scandinaves, les Vikings sont restés païens jusqu’au Xème siècle. Leur ère couvre une période s’étendant du VIIIème au XIème siècle. Un regard nouveau de certains historiens lie le phénomène viking à une réaction à la christianisation forcée par le fer et le feu découlant de la volonté du roi franc, Charlemagne. Les raids vikings commencent au VIIIème siècle. La Scandinavie est alors constituée d’une multitude de petits royaumes.

Le passage à l’écrit

La volonté d’établir des grands royaumes centralisateurs dans les pays scandinaves apparaît avec la christianisation. Des princes convertis bénéficient d’alliances chrétiennes pour accéder au pouvoir. Les équilibres médiévaux s’en trouvent bouleversés. De nombreux seigneurs norvégiens prennent la mer pour s’installer dans les îles en Écosse ou en Irlande, et parviennent sur les côtes islandaises. A dater du milieu du Xe siècle, les premiers missionnaires arrivent avec l’alphabet et un fonds littéraire qui se mêle aux poèmes héroïques et scaldiques sans occasionner de résistance.

Rencontre avec François Emion

Invité de cette soirée, François Emion, maître de conférence de littérature et civilisations nordiques à l’université de Paris IV. Il est notamment auteur de L’Islande dans l’imaginaire, publié aux presses universitaires de Caen et travaille à une grammaire historique du vieil islandais. La rencontre se tient ce soir à 19h salle Pétrarque à Montpellier (entrée libre). A travers les extraits qui seront lus par les comédiens de la compagnie Tire pas la nappe, on découvrira également que les sagas sont avant tout un genre littéraire.

Jean-Marie Dinh

 * Les Scaldes, poètes de cour attachés à un roi ou à un chef pour en célébrer les hauts faits. Leurs œuvres sont antérieures aux sagas.

La colonisation de l’Islande


Nicholas_Roerich_Guests_from_OverseasL’histoire de la colonisation de l’Islande nous est connue par le Livre de la colonisation (Landnámabók) et le Livre des Islandais. Les informations sur la société nous viennent des sagas. En 860 environ, l’Islande aurait été redécouverte par les marins norvégiens de Nadoddrr rejetés par la tempête. Ils auraient baptisé le pays Snaeland, pays de la neige. Selon la légende, le Norvégien Ingólfr Arnarson et son frère juré Hjörleilf Hróddrmarsson arrivent de Norvège en Islande après une affaire difficile avec un seigneur. Hjörleilf est tué par des esclaves qu’il avait attelés à sa charrue. Ceux-ci cherchent refuge dans des îlots au sud-est de l’Islande. Après avoir châtié les assassins de son frère, Ingólfr se fixe à Reykjavik.

Source : La Marseillaise : 24/04/2014

Télécharcher la brochure de présentation Les Saga Islandaises

Voir aussi : Rubrique Littérature, Littérature Scandinave, Le kalevala : retour aux origines poétiques, Andersen au-delà des contes pour enfants, Rubrique Islande, Rubrique Rencontre,

 

De la Littérature à la politique, Gabriel Garcia Marquez a réconcilié l’Amérique latine

gabo

Dans un continent encore extrêmement polarisé politiquement, l’immense contribution de l’écrivain, décédé jeudi, à la vie intellectuelle –et politique– latino-américaine fait plus que jamais l’unanimité.

«Gabriel Garcia Marquez a réussi, par son décès, à mettre d’accord pour la première fois deux ennemis jurés: les guérillas des Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) et l’ancien président [conservateur] Alvaro Uribe (2002-2010), qui ont lamenté d’une seule voix la mort de l’écrivain lauréat du prix Nobel de littérature en 1982.»

Voilà le constat que faisait le quotidien latino de Miami «El Nuevo Herald» après la mort du maître du réalisme magique ce jeudi 17 avril. De son vivant, Gabo, comme il était connu en Amérique Latine, n’a pas échappé aux critiques– notamment  à cause de son amitié avec Fidel Castro et de ses liens avec certains groupes de guérilla.

Mais dès l’annonce de sa mort, le président colombien de droite Juan Manuel Santos a déclaré trois jours de deuil national. Les hommages d’artistes, écrivains et hommes politiques de tous bord se multiplient. Dans un continent encore extrêmement polarisé politiquement, l’immense contribution de Garcia Marquez à la vie intellectuelle –et politique– latino américaine fait plus que jamais l’unanimité.

«Le seul prix Nobel»

En grande partie, cet attachement est dû au fait que Garcia Marquez a donné une mythologie à l’Amérique Latine. L’auteur William J. Kennedy disait d’ailleurs de Cent Ans de Solitude qu’il s’agissait de «la première œuvre littéraire depuis la Genèse qui devrait être une lecture obligatoire pour tout le genre humain

Et l’œuvre phare de Gabo est bien une sorte de Bible du continent construite autour du village  allégorique de Macondo. Au commencement du livre, «le monde était si récent que les choses n’avaient pas encore de nom, et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt.»

La dynastie Buendía, à la fois protagoniste et victime du roman, connaît ensuite un déluge de cinq ans, puis l’Apocalypse. Mais l’herméneutique de l’œuvre ne se limite pas à sa signification religieuse. Si le grec Prométhée a donné le feu à l’homme, le gitan Melquiades, lui, offre la glace aux Colombiens – un bien essentiel dans une région où il ne fait jamais froid.

Pour Garcia Marquez, le réalisme magique, cette manière de conter l’histoire d’un pays – d’un continent même – autour d’événements fantastiques mêlés à la banalité du quotidien, était le produit du passé sanglant et des dictatures d’Amérique Latine. Un passé si extrême qu’il aurait pu être inventé. Dans son discours d’acceptation du prix Nobel en 1982, il expliquait ainsi:

«Notre réalité n’est pas de papier, elle vit avec nous et détermine chaque instant de nos innombrables morts  quotidiennes. Elle est l’origine d’une source de création insatiable, pleine de tristesse et de beauté, de laquelle ce Colombien errant et nostalgique n’est qu’un parmi d’autres, plus distingué par la chance. Poètes et mendiants, musiciens et prophètes, guerriers et racaille, tous créatures de cette réalité effrénée, n’avons eu que peu de choses à demander de notre imagination, car le défi principal pour nous a été de rendre notre vie crédible sans avoir assez de ressources conventionnelles pour y arriver. Cela, chers amis, est le cœur de notre solitude.» 

La magie, en somme, pouvait encourager la littérature protestataire.

fresquegarciamarquez

La publication de Cent Ans de Solitude a coïncidé avec le «boom» littéraire latino-américain, au moment où des auteurs comme Carlos Fuentes, Julio Cortázar et Mario Vargas Llosa commençaient à être reconnus internationalement pour la virtuosité et l’audace de leur style. Mais c’est sans aucun doute Garcia Marquez qui a fini de faire de l’Amérique Latine une destination littéraire.

Dans un portrait publié dans le New Yorker en 1999, le journaliste américain Jon Lee Anderson remarquait qu’un ami de l’écrivain l’avait décrit comme «le seul prix Nobel», une qualification qui, loin de le choquer, lui «avait semblé fondamentalement juste, du moins en Amérique Latine.» Lee Anderson oubliait tout de même un autre géant de la littérature espagnole, Pablo Neruda, lauréat du Nobel onze ans avant Garcia Marquez. Mais l’erreur est significative: pour beaucoup,  Garcia Marquez est le père de la littérature latino-américaine telle qu’on la connaît aujourd’hui.

«Le dernier optimiste de Colombie»

Un autre versant, certes plus polémique, de la popularité de Gabo est lié à son engagement idéologique. Après tout, ses convictions politiques ont informé toute sa vie à la fois ses romans et sa carrière de journaliste. Et même si une partie de son public lui a toujours reproché son amitié  avec le régime Cubain, Garcia Marquez était depuis longtemps considéré comme l’une des voix de la réconciliation entre la guérilla et Bogota, même après avoir quitté son pays de naissance pour le Mexique. Se décrivant comme «le dernier optimiste de Colombie», il avait ainsi poussé les deux côtés du conflit qui continue de déchirer son pays à s’asseoir à la table des négociations.

A la fin des années 1990, celui qui était alors président de la Colombie, Andrés Pastrana, fit appel à Garcia Marquez pour négocier avec les FARC.  L’écrivain présenta le chef d’Etat colombien à Fidel Castro, et c’est en partie grâce à lui que les dialogues de paix entre la guérilla et Bogota ont encore lieu à La Havane. «Je ne dirais pas que c’est Gabo qui a tout mis en place», confiait Bill Richardson, l’ancien Secrétaire à l’Energie américain, au New Yorker. «Mais  il a certainement agi en catalyseur».

Souvent critiqué pour son goût un peu trop prononcé du pouvoir, et de ceux qui le détenaient, Gabo a tout de même pris part aux négociations pour terminer les guerres civiles au Nicaragua et à El Salvador et participé aux opérations de libération d’otages en Colombie.

Sans avoir jamais condamné Castro, il admettait avoir souvent intercédé pour obtenir l’exil de certains prisonniers politiques cubains (il disait même se loger chez certains d’entre eux quand il visitait Miami).

Mais c’est peut-être avant tout son rayonnement international, même aux pires heures de la Colombie, dont ses compatriotes lui sont reconnaissants. Dans un pays ravagé par la violence, le narcotrafic et les guérillas  —un mal que Garcia Marquez avait qualifié d’«holocauste Biblique»— la magie du verbe de ses plus grandes œuvres a longtemps été l’une des seules fiertés du pays qu’il avait fini par abandonner. Comme l’a si bien résumé le journaliste Enrique Santos Calderón, «dans un pays qui s’est enfoncé dans la merde, Gabo est un symbole de fierté nationale».

Daphnée Denis

Source : Slate 20/04/2014

Voir aussi : Rubrique Littérature, Littérature latino-américaine, Littérature espagnole, rubrique Amérique Latine, Colombie, rubrique Politique, Politique internationale, rubrique Actualité internationale,