Jean-Noël Guérini à sa sortie du palais de justice de Marseille le 15 février 2012. AFP/Boris Horvat
Le bureau du Sénat a décidé, jeudi 15 mars, de lever l’immunité des sénateurs socialiste Jean-Noël Guérini et apparenté socialiste Robert Navarro, tous deux mis en cause dans des affaires judiciaires. M. Guérini, 61 ans, a été mis en examen le 8 septembre dans une affaire de marchés publics pour trafic d’influence, prise illégale d’intérêt et association de malfaiteurs dans un dossier impliquant son frère Alexandre, patron de décharges.
Dans son cas, la demande de levée d’immunité visait à contraindre l’élu à répondre aux convocations et aux questions du juge. Mais depuis le dépôt de la demande d’immunité, le magistrat a pu interroger l’élu, le 2 mars, ce qui rendait cette requête « de facto sans objet » aux yeux de M. Guérini et de ses avocats.
M. Navarro, 59 ans, est lui visé par un dossier d’abus de confiance touchant aux frais de fonctionnement de la fédération PS de l’Hérault. Il n’a pas encore été entendu, et la juge d’instruction montpelliéraine Sabine Leclercq envisage à son encontre des mesures coercitives, en l’occurrence un placement sous contrôle judiciaire après mise en examen, selon une source proche du dossier.
Jeudi matin, Martine Aubry, la première secrétaire du PS, avait dit lors d’un point presse à Nîmes « espérer que l’immunité parlementaire sera[it] levée aujourd’hui ». Interrogée sur les effets négatifs d’un tel développement sur la campagne présidentielle en cours, Mme Aubry avait répondu : « Ce qui aurait entaché [la campagne], c’est de ne pas avoir fait ce que nous avions à faire. Il n’est jamais agréable de porter plainte contre un camarade. J’ai été amenée à le faire. » « La justice tranchera », a-t-elle conclu.
Le monde proposé associe l’émotion visuelle et psychologique
Opéra. Première mondiale « Einstein on the Beach » de Robert Wilson et Philip Glass cette semaine à Montpellier.
Certes, il y a le paradoxe qui veut qu’au moment même où la génération Fukushima refuse la prise en charge d’un héritage ingérable, nous nous apprêtons à célébrer en grande pompe l’homme qui en est à l’origine. On peut s’attendre aussi à une polémique sur le budget colossale de cette production en ces temps de disette culturelle. Assurément – c’est peut-être son but – la reprise en première mondiale, de l’œuvre créée en 1976 par Robert Wilson et Philip Glass, Einstein on the beach, fera couler de l’encre.
Cet opéra hors norme est le fruit d’une rencontre entre le compositeur minimaliste Philip Glass qui se décrit comme un « Juif-Taoïste-Hindou-Toltèque-Bouddhiste » et le metteur en scène Robert Wilson, Bob de son surnom, reconnu dès la fin des années 60 comme un des chefs de file du théâtre d’avant-garde new-yorkais. Quand on ajoute que l’on doit l’essentiel du livret, (entrecoupé de séquences de danse abstraite de Lucinda Childs,) à un jeune autiste de 14 ans, on se fait à peut près une idée du tableau indescriptible qui nous attend.
Einstein on the beach fait partie des œuvres en ruptures, inscrites dans un hors temps. La musique joue sur la récurrence dans un espace à la fois poétique et dramatique. Le monde proposé associe l’émotion visuelle et psychologique avec Einstein comme base d’inspiration. Le travail se présente comme un tout qui s’émancipe de la narration. Wilson et Glass jouent sur le mystère Einstein qu’ils donnent à déchiffrer dans les correspondances symboliques. Ils tissent une forme de rêve autour du personnage.
Pourquoi chercher à mieux comprendre ce qui va se passer durant les cinq heures du spectacle quand on sait que la consigne de Wilson est de laisser la liberté aux spectateurs d’aller et venir à leur guise dans la salle. L’histoire nous dira si le public du XXIe siècle sait tenir sa langue pour écouter battre son cœur…
Qui désire s’informer aujourd’hui sur la place des kurdes au Moyen Orient ? Photo Rédouane Anfoussi
Opinion. Seize kurdes observent une grève de la faim contre la répression.
Depuis le 15 février, date anniversaire qui a conduit à l’arrestation du leader du peuple kurde Abdullah Öcalan, près de 400 prisonniers politiques kurdes, dont quatre députés du BDP, mènent une grève de la faim illimitée dans les prisons turques. En soutien à leur compatriotes, seize kurdes montpelliérains se sont joints à cette grève qu’ils reconduisent chaque week-end pour une durée de deux jours.
Ils sont unis dans le petit local de l’association d’amitié franco-kurde Mala kurde, à proximité du bd Clemenceau. Revêtus d’un drap blanc sur lequel est inscrit : en grève de la faim, ils ont le regard doux. La discussion s’engage autour d’un thé, leur seul breuvage durant 48 h. La parole tourne, l’un des hommes traduit et chacun peut donner son point de vue. L’action menée à Montpellier participe d’un mouvement européen pour sensibiliser l’opinion à la répression menée par le gouvernement libéral turc d’Erdogan contre le peuple kurde. Du 1er au 18 février, les kurdes d’Europe ont mené une longue marche de Genève à Strasbourg dans le même but. Un rassemblement de 60 000 personnes a eu lieu dans la capital européenne, mais l’appel pour que l’UE face pression pour obtenir la libération Abdullah Öcalan et qu’elle cesse de soutenir la politique violente du gouvernement Turc, n’a pas été entendu. Depuis , un groupe de kurdes observe toujours une grève de la faim illimitée dans une église strasbourgeoise.
Comme celui de l’Ira ou de l’Eta, le problème kurde semble trop complexe pour susciter l’attention des français. Il relève pourtant d’un abus de pouvoir qui met à mal nos principes démocratiques. Questionner son actualité paraît d’autant plus prégnant qu’elle s’inscrit au croisement des grandes restructurations politiques du Moyen Orient.
« Nous devrions aller sur la place de la Comédie, plutôt que de rester ici où nous sommes invisibles », pense un gréviste. Mais les gens ne se soucient pas de nous et les jeunes sont dépolitisés, lui répond calmement un autre. Tous deux ne mangeront pas ce soir.
Evi Tsirigotaki : « J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes ». Photo Rédouane Anfoussi.
Expo. Collective éphémère et solidaire, Greeting From Greece. 20 artistes nous ouvrent les rues d’Athènes.
La Grèce fait la Une cette semaine. Dans une conciliante logique avec celle du couple Merkel-Sarko les médias français et allemands annoncent que le scénario catastrophe est évité, grâce à l’heureuse conduite des créanciers privés disposés à effacer une partie de l’ardoise grecque. Mais étrangement, on ne trouve que les comptables de l’addition pour s’en réjouir. On en sera un peu plus sur ce qu’en pensent, les Grecs et le peuple européen privés de banquet, en se rendant au bien nommé Luthier Gourmand* qui a ouvert, depuis hier, ses fenêtres sur Athènes.
A l’initiative de la journaliste Evi Tsirigotaki, l’exposition éphémère Greeting From Greece permet de découvrir les travaux d’une vingtaine d’artistes grecs qui inventent un autre mode de vie depuis le chaos de la réalité. « J’en ai marre de voir des images de violence sur mon pays. J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes, explique Evi. Beaucoup d’entre eux s’expriment actuellement en renouant avec le street art dans les rues d’Athènes ou à travers les collectifs qui se montent pour soutenir les victimes sociales de la crise. L’usage des nouvelles technologies permet de faire circuler des regards en contrepoint à la litanie des médias dominants. » A l’instar du patron du lieu d’accueil qui affirme avec simplicité « Je me suis senti concerné. On est tous Grec », l’initiative non subventionnée a rencontré un élan spontané très participatif.
Artistes et sphère publique
Documentaires, vidéos, photos, Djset, et concerts se succèdent jusqu’à 22h dans un lieu artistiquement désacralisé. Le temps semble en effet venu de porter un autre regard sur les créateurs grecs. L’annonce de la disparition, en janvier, du plus connu d’entre eux, le réalisateur Theo Angelopoulos décédé en raison du mauvais fonctionnement des services ambulanciers de la ville, invite à tourner la page. Comme le dit à sa manière, radicalement minimaliste, l’artiste Diohandi qui a emballé le pavillon grec de la dernière biennale de Venise dans une caisse en bois en portant à son entrée l’inscription « Sold Out », tout semble à reconstruire dans le berceau de la démocratie.
Cette expo offre l’occasion de découvrir une nouvelle génération en prise avec le vide postmodernisme, pense le metteur en scène Théodoros Terzopoulos auquel est consacré un documentaire. « Si les artistes institutionnels restent très silencieux, les jeunes sont débarrassés du décorum. Ce qui leur permet d’exprimer des commentaires politiques, de la colère. Beaucoup ont recours à l’humour noir. On assiste a un vrai renouveau, indique Evi Tsirigotaki, la photographe Stefania Mizara montre dans un Webdoc, comment les Athéniens sont sortis dans la rue qu’ils ont occupée pendant des mois pour réagir contre les mesures d’austérité. Le salaire minimum à baissé de 40% en deux ans. Les créateurs qui s’expriment ici sont en contact avec le mouvement social. »
Les artistes participants à Greeting From Greece reflètent un état de la société. Ils ne sont pas les seuls à vouloir renouveler l’écriture de leur destin…
Jean-Marie Dinh
* Place St Anne à Montpellier, rens : 06 42 61 73 46.
Christos Chryssopoulos : l’intelligence par le vide
Roman. La Destruction du Parthénon de Christos Chryssopoulos.
Un livre vivement conseillé à tous ceux que l’odieuse version des faits qui nous est donnée de la crise obsède. La lecture de La Destruction du Parthénon, dernier ouvrage du jeune et talentueux écrivain grec Christos Chryssopoulos, apaisera certainement les esprits contrariés, mais peut-être pas tous… C’est un court roman d’anticipation pourrait-on dire, si l’on se réfère à la prévisible et hallucinante exigence de Berlin de démolir le Parthénon au motif non moins attendu que le coût de l’entretien du site serait trop élevé et menacerait l’équilibre des finances publiques grecques.
Christos Chryssopoulos pose lui aussi comme nécessité vitale de s’attaquer au symbole de marbre vieux de vingt-cinq siècles, en situant l’action libératrice de son principal protagoniste dans la ligné du cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos. Ceux là même qui dès 1944, appelaient à faire sauter l’Acropole ! Un slogan choc et provocateur relayé à Athènes au début des années 50 par un groupe d’intellectuels affiliés au Mouvement des irresponsables.
L’action du livre a lieu soixante ans plus tard. Le jeune héros de Christos Chryssopoulos vient de passer à l’acte. Il a ruminé sur sa ville, son fonctionnement, la béatitude de ses habitants. L’absurdité de la situation lui a donné l’énergie d’agir. Il a pulvérisé le Parthénon. La ville est orpheline. Est-elle encore elle-même ?
A Athènes, c’est la consternation. L’enquête s’ouvre. On recherche le terroriste, son mobile… Sur ce point, le probable monologue de l’auteur des faits, livre quelques pistes : « Quand je me suis lancé, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je devais m’y prendre. Je n’avais pas de plan. Je n’avais aucun idéal. Le point de départ à été une impulsion, un élan qui m’a poussé à en arriver là. Cela aurait tout aussi bien pu m’emporter je ne sais où. »
Quel avenir, pour le pays amputé de son miroir déformant ? La beauté serait désormais à chercher dans chacun de ses habitants.
JMDH
La destruction du Parthénon, 12 euros, éditions Actes-Sud
Concert. Slow Joe & the Ginger accident, ce soir à la salle Victoire 2.
Les choses sont simples comme une rencontre. Celle du guitariste Cédric de la Chapelle qui croise en 2007 Joe, un chanteur de rue à Goa.
« J’étais en vacances en Inde avec ma copine. On avait le temps de rien foutre. Il nous a proposé un hôtel. Il a vu que j’avais une guitare, on a discuté, on a joué et j’ai senti qu’on n’allait pas en rester là, » raconte Cédric. Le feeling passe entre le musicien lyonnais plutôt versé dans un rock tendu et dépressif, et Slow Joe bercé dès son enfance par les crooners américains (version soul). Cette rencontre se concrétise deux ans plus tard en France sur la scène des Transmusicales de Rennes où le nouveau combo conquiert le public en 2009. Dans la foulée, le groupe produit deux maxis en 2010. Les musiciens lyonnais se mobilisent pour faire venir le crooner indien en France. Celui-ci enchaîne les allers-retours pendant un an avant d’obtenir une carte de séjour en 2011.
C’est ainsi que voit le jour l’album Sunny Side up, qui collecte des chansons enregistrées au cours des trois dernières années. On mesure la richesse musicale de l’opus à l’écoute. Les morceaux s’enchaînent en passant d’une soul mâtinée de pop sixties du meilleur acabit (avec des consonances à la Doors) au rhythm and Blues. La voix sincère de Slow Joe laisse percer un sentiment d’imminence qui en dit long sur son vécu.
Une nouvelle vie
« Il maîtrise le répertoire de tous les grands crooners et connaît tous les grands standards de jazz, mais aussi des classiques hindous à la pelle. On en discerne quelques traces dans le premier disque. Ce sera plus prégnant encore sur l’album que l’on prépare qui s’annonce plus hypnotique avec des tonalités modales », indique Cédric de la Chapelle qui assure une bonne part des compos et des arrangements. Portés par un super carma, Slow Joe & Ginger Accident, alignent les performances scéniques qui réunissent un public très varié en terme de styles et de générations. « Comme le dit Joe, il faut du mood, chaque morceau est différent. Il faut aller au bout de ce qu’il y a à donner. Lui, il suit son destin. A 68 ans, il se donne du mal pour que tout continue d’avancer et s’interroge toujours : mais qu’est ce que je fous là ? Je crois qu’il trouve la réponse en donnant du sens à ce qu’il fait. »
Un mystère plane autour de la réussite de Slow Joe & Ginger Accident. Il résulte certainement de ce mouvement d’attraction entre deux cultures, entre deux continents, qui traversent le temps pour se retrouver autour du meilleur de la production musicale américaine. A découvrir et à expérimenter tout de suite !
Jean-Marie Dinh
Ce soir à 20h salle Victoire 2. Rens ; 04 67 47 91 00