Opéra.
Certes, il y a le paradoxe qui veut qu’au moment même où la génération Fukushima refuse la prise en charge d’un héritage ingérable, nous nous apprêtons à célébrer en grande pompe l’homme qui en est à l’origine. On peut s’attendre aussi à une polémique sur le budget colossale de cette production en ces temps de disette culturelle. Assurément – c’est peut-être son but – la reprise en première mondiale, de l’œuvre créée en 1976 par Robert Wilson et Philip Glass, Einstein on the beach, fera couler de l’encre.
Cet opéra hors norme est le fruit d’une rencontre entre le compositeur minimaliste Philip Glass qui se décrit comme un « Juif-Taoïste-Hindou-Toltèque-Bouddhiste » et le metteur en scène Robert Wilson, Bob de son surnom, reconnu dès la fin des années 60 comme un des chefs de file du théâtre d’avant-garde new-yorkais. Quand on ajoute que l’on doit l’essentiel du livret, (entrecoupé de séquences de danse abstraite de Lucinda Childs,) à un jeune autiste de 14 ans, on se fait à peut près une idée du tableau indescriptible qui nous attend.
Einstein on the beach fait partie des œuvres en ruptures, inscrites dans un hors temps. La musique joue sur la récurrence dans un espace à la fois poétique et dramatique. Le monde proposé associe l’émotion visuelle et psychologique avec Einstein comme base d’inspiration. Le travail se présente comme un tout qui s’émancipe de la narration. Wilson et Glass jouent sur le mystère Einstein qu’ils donnent à déchiffrer dans les correspondances symboliques. Ils tissent une forme de rêve autour du personnage.
Pourquoi chercher à mieux comprendre ce qui va se passer durant les cinq heures du spectacle quand on sait que la consigne de Wilson est de laisser la liberté aux spectateurs d’aller et venir à leur guise dans la salle. L’histoire nous dira si le public du XXIe siècle sait tenir sa langue pour écouter battre son cœur…
Jean-Marie Dinh
Opéra Berlioz de Montpellier du 16 au 18 mars.
Voir aussi : Rubrique Musique, Après Einstein, rubrique Danse, rubrique Montpellier,