A l’occasion de la 29e édition de la Comédie du Livre, la Ville de Montpellier a décidé de mettre à l’honneur les 23, 24 et 25 mai 2014 les littératures nordiques contemporaines.
Pendant ces trois jours, une trentaine d’écrivains islandais, norvégiens, suédois, danois et finlandais participeront à une très riche programmation de rencontres, de tables rondes et de lectures.
Seront présents : Jørn Riel, Herbjørg Wassmo, Jon Kalman Stefansson, Arnaldur Indridason, Jens-Christian Grøndahl, Maj Swöjall, Katarina Mazetti, Rosa Liksom, Johanna Sinisalo, Katja Kettu, Leif Davidsen, Jonas T. Bengtsson, Arni Thorarinsson, Tomas Espedal, Gunnar Staalesen, Roy Jacobsen, Steinar Bragi, Stefan Mani, Sjón, Bergsveinn Birgisson, Audur Ava Olafsdottir, Steinunn Sigurdardottir, Sara Lövestam, Erik Axl Sund… mais aussi des écrivains jeunesse et des auteurs-illustrateurs de romans graphiques et de bandes dessinées, Stian Hole, Åsa Lind, Joanna Hellgren, Lars Sjunnesson… ou encore, l’auteur du Dernier Lapon, Olivier Truc.
Cette année, les éditions Métailié célèbreront à Montpellier leurs 35 années d’existence : en présence d’Anne-Marie Métailié, une dizaine d’écrivains venus du monde entier et représentant toute la diversité d’un catalogue infiniment riche, exigeant et prestigieux.
Si l’Esplanade Charles-de-Gaulle, en plein cœur de Montpellier, continue à accueillir les librairies indépendantes de la ville, les ateliers, et quelques espaces de rencontres, de nouveaux lieux seront cette année associés à la Comédie du Livre : le Jardin des Plantes, La Panacée, nouveau centre d’art contemporain voué aux écritures numériques qui a ouvert ses portes en 2013…
Comme les éditions précédentes, projets scolaires et étudiants fleuriront au printemps. C’est encore près de 5000 jeunes cette année qui participeront de janvier à mai à des projets autour de la lecture, de l’écriture, du spectacle vivant, de la musique et du dessin, et qui rencontreront auteurs, éditeurs et libraires pendant les 3 jours de la Comédie du Livre.
Pour ouvrir le cycle des rencontres littéraires consacrées cette année aux littératures nordiques, Coeur de livres accueille le spécialiste français des littératures scandinaves : Régis Boyer. Fin connaisseur du monde littéraire scandinave, Régis Boyer a été professeur de langue, littératures et civilisation scandinaves à l’université Paris-Sorbonne pendant plus de 30 ans, et l’un des premiers à traduire les auteurs classiques de ces pays d’Europe du Nord, bien avant le succès des polars nordiques en France.
On l’avait compris et Mathieu Bauer, qui met en scène, l’avait précisé : en adaptant le livre d’entretiens de Legs McNeil et Gillian McCain, Please kill me au théâtre, il ne s’agissait pas de reconstituer un concert punk. Ce bouquin feuilleté sur la scène du Rockstore sert de matière première. Les anecdotes des protagonistes célèbres qu’il renferme, suffisent à faire rêver. Elles nous propulsent au coeur d’un univers de dingue peuplé d’hallucinés, des Stooge aux New York Dolls, en passant par MC 5 Télévision, Ramones ou les Talking Heads. On croise des figures singulières comme Lou Reed, Sid Vicious ou Malcom McLaren… Il est même question de cette étrange et historique collision entre l’underground new-yorkais et le punk anglais. Désœuvrement d’une jeunesse dont tout le monde se foutait aux States et lutte des classes en Angleterre. Deux visions témoignant surtout d’un état d’esprit, que les acteurs ne visent pas à faire revivre. Et c’est tant mieux.
« La musique punk ce n’est pas ma tasse de thé » considère Mathieu Bauer qui revendique une esthétique de la fragmentation. La mise en scène joue habilement sur les tableaux mythiques pour passer de l’extrême au convenu en réduisant le fossé qui sépare le théâtre des scènes nationales des concerts trashs. Sur scène les rixes ne sont pas crédibles, pas plus que l’arrachage de Tee-shirt. Bref, ça manque un peu de rage authentique. Le play-back et le sens de l’auto-dérision sont salvateurs. Le long plan cinématographique final est très réussi. Entre célébration et implication, le public campe un peu entre deux chaises. Il est jeune et semble percevoir le décalage entre l’intensité vécue par les jeunes à cette période et le patinage actuel. Punk is dead. Aujourd’hui les aspirations de la jeunesse prennent bien d’autres formes mais savons-nous bien lesquelles ?
« Chibanis la question », le projet lauréat du prix de l’audace artistique et culturel de l’EN poursuit sa route
Le projet lancé par Uni’sons avec la Caravane Arabesque allait de soi comme les caravanes qui passent et traversent l’histoire avec un grand H. Dans leurs sillages, il y a des vies qui glissent de nos mémoires un peu comme les mirages économiques qui justifient l’austérité, jusqu’au jour où le pays se déclare dans l’incapacité de rembourser sa dette ou dans l’incapacité de reconnaître le travail des hommes qui ont fondé son existence. C’est précisément le sort des Chibanis en France.
Ce sont ces vies qui se poursuivent dans l’oubli du monde et des villes aveugles que le photographe Luc Jennepin met en lumière actuellement à la médiathèque Jean-Jacques Rousseau jusqu’au 21 décembre.
Une juste émotion
Le projet est itinérant, à la croisée de l’histoire, de l’action culturelle et de la démarche artistique (photographique, musicale et littéraire). Il présente l’intérêt de circuler à l’intérieur des villes étapes pour trouver d’autres témoins muets de cette histoire perdue loin de ses racines. Après Montpellier où il a vu le jour dans le foyer d’insertion Adoma, le projet partira dans toute la France. Il est attendu dans des espaces prestigieux de l’architecture contemporaine à Toulouse, Marseille, Bordeaux, Lyon, Nantes, Paris et s’enrichira à chacune des étapes de nouveaux portraits.
Grand amateur d’aventure sans frontière, le clarinettiste Louis Sclavis a créé une bande dédiée aux Chibanis. Les plumes de Nasser Djemaï, Magyd Cherfi, Pascal Blanchard, sont également mobilisées autour de Chibanis la question qui trouve ainsi un relais littéraire. Il suffisait d’aller à leur rencontre, les acteurs de cette aventure l’on fait avec un esprit juste et beaucoup de talent.
Beckett transforme et retrouve le sens de l’altérité
« Têtes mortes » , au théâtre de la Vignette, mise en actes par Marie Lamachère.
Marie Lamachère et la Cie Interstices mettent en voix actuellement à la Vignette de Montpellier, Têtes mortes de Samuel Beckett. Un recueil de cinq textes non théâtraux tirés d’un ouvrage abandonné.
La démarche vaut le déplacement pour découvrir ces fragments de prose écrits en anglais en 1956 par l’auteur de Fin de partie. Elle rejoint à bien des égards la critique de Badiou : « Il faut répudier les interprétations de Beckett qui passent à travers la mondanité nihiliste du clochard métaphysique. Ce dont Beckett nous parle est beaucoup plus pensé que ce désespoir de salon. »
Fidèle à sa recherche autour de l’acteur, Marie Lamachère passe de la pensée à une mise en pratique théâtrale aussi périlleuse qu’intense à travers un rapport au langage qui répudie les automatismes. Les acteurs se délestent de tout présupposé pour jouer sur les mots, leur sens, le temps. La défiance adoptée à l’égard des règles habituelles du langage ouvre en grand l’espace d’interprétation des signes linguistiques cher à Saussure.
C’est souvent en repoussant les dogmes que l’on parvient au sacré, ou du moins à de nouvelles formes, loin de la représentation du fameux clochard métaphysique. On est touché, interpellé dans notre « conscience agissante ». « Beckett est redoutable, affirme Marie Lamachère, il défait les points d’adhésion identitaires du langage ».
Et nous voilà transportés plus loin dans le rien, ou le presque rien. Quand la notion rituelle se dissout, reste à nager ou à périr noyé.
JMDH
Le troisième volet est interprété ce soir par Damien Valero à 19h15 au Théâtre de La Vignette. Tel : 04 67 14 55 98.