Beckett un peu plus loin que rien

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Beckett transforme et retrouve le sens de l’altérité

« Têtes mortes » , au théâtre de la Vignette, mise en actes par Marie Lamachère.

Marie Lamachère et la Cie Interstices mettent en voix actuellement à la Vignette de Montpellier, Têtes mortes de Samuel Beckett. Un recueil de cinq textes non théâtraux tirés d’un ouvrage abandonné.

La démarche vaut le déplacement pour découvrir ces fragments de prose écrits en anglais en 1956 par l’auteur de Fin de partie. Elle rejoint à bien des égards la critique de Badiou : « Il faut répudier les interprétations de Beckett qui passent à travers la mondanité nihiliste du clochard métaphysique. Ce dont Beckett nous parle est beaucoup plus pensé que ce désespoir de salon. »

Fidèle à sa recherche autour de l’acteur, Marie Lamachère passe de la pensée à une mise en pratique théâtrale aussi périlleuse qu’intense à travers un rapport au langage qui répudie les automatismes. Les acteurs se délestent de tout présupposé pour jouer sur les mots, leur sens, le temps. La défiance adoptée à l’égard des règles habituelles du langage ouvre en grand l’espace d’interprétation des signes linguistiques cher à Saussure.

C’est souvent en repoussant les dogmes que l’on parvient au sacré, ou du moins à de nouvelles formes, loin de la représentation du fameux clochard métaphysique. On est touché, interpellé dans notre « conscience agissante ». « Beckett est redoutable, affirme Marie Lamachère, il défait les points d’adhésion identitaires du langage ».

Et nous voilà transportés plus loin dans le rien, ou le presque rien. Quand la notion rituelle se dissout, reste à nager ou à périr noyé.

JMDH

Le troisième volet est interprété ce soir par Damien Valero à 19h15 au Théâtre de La Vignette. Tel : 04 67 14 55 98.

Source L’Hérault du Jour 27/11/2013

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Littérature Anglo-saxone,

Alain Badiou signe sa petite histoire du cinéma en ouvrant des voies.

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Au carrefour entre regard et interprétation, Alain Badiou évoque le cinéma dans un recueil de textes qui vient d’être publié chez Nova éditions*.

« Le cinéma est une pensée dont les œuvres sont le réel. » Fidèle à ce précepte, Alain Badiou aborde le cinéma en tant qu’art de vivre et de penser. Il existe selon l’auteur, « un témoignage sur le monde propre au cinéma ». Le philosophe revient sur son approche personnelle du 7ème art à travers la compilation d’une trentaine de textes qu’il a consacrés au cinéma.

L’ouvrage présenté par Antoine de Baecque, permet une approche particulière et spécifique, assez caractéristique de la pensée de Badiou. Les textes proposent un parcours varié dans le cinéma de ces cinquante dernières années, des cinéastes de la modernité (Murnau, Rossellini, Oliveira, Antonioni, Godard) à certains films de l’Amérique contemporaine (Matrix, Magnolia), en passant par des expériences singulières (Guy Debord, le cinéma de 68…).

De film en film, par effet de ricochet, le livre nous invite à définir ou à redéfinir notre propre rapport au cinéma, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites. De quoi nous donner du cœur à l’ouvrage pour tirer certains films du flou et de l’oubli. Ainsi qu’un peu d’exigence pour que notre interprétation révèle quelques bribes de vérité contemporaine.

Alain Badiou, comme d’assez nombreux penseurs de sa génération a été nourri jeune par le cinéma. Pour lui, parler d’un film procède d’un cheminement entre la perception et le trajet de l’idée qui l’accompagne. Ce passage de la cinéphilie à l’écriture s’est opéré chez Badiou avant l’engagement qu’on lui connaît pour la philosophie politique. Ce n’est pourtant pas un simple retour aux sources car l’auteur n’a jamais cessé de traquer les registres de sens qui traversent nos idées. En somme Badiou poursuit son travail critique.

Jean-Marie Dinh

* Alain Badiou, Cinéma, Nova éditions, 366 p, 26 euros.

Voir aussi Rencontre Alain Badiou , Rubrique livre, Mai 68 en surchauffe, Rubrique Philosophie Deleuze et les nouveaux philosophes, Rubrique Politique entretien Jean-Claude Milner, Michela Marzano, Daniel Bensaïd,