Le poète Frédéric Jacques Temple sera à l’honneur aujourd’hui dans le cadre d’une rencontre à 17h, à la médiathèque Emile-Zola. Frédéric Jacques Temple a reçu en octobre dernier, le prix Apollinaire 2013 pour l’ensemble de son œuvre. L’occasion permettra également de célébrer la parution des Univers de Frédéric Jacques Temple aux Presses universitaires de la Méditerranée (Pulm). La rencontre se déroulera sous la forme d’un entretien entre le poète, Pierre-Marie Héron, Claude Leroy et Gérard Lieber.
De Seul à bord édité à compte d’auteur en 1945 à Périples en 2012, en passant par l’Anthologie personnelle (1989), Poèmes américains (1993), ou Phares, balises & feux brefs (2005), le prix Apollinaire, ce « prix Goncourt de la poésie », couronne une œuvre riche d’une trentaine de recueils, d’une quarantaine de livres d’artistes, de plusieurs essais biographiques et d’une dizaine de romans et récits.
La médiathèque centrale d’Agglomération dispose d’un fonds Temple, suite à la donation par le poète de ses archives personnelles (manuscrits, livres, correspondances, documents, photographies et enregistrements…). Cette donation a suscité il y a deux ans un ensemble de manifestations autour de son œuvre, parmi lesquelles un colloque international organisé par l’université Paul-Valéry Montpellier 3 sous le titre « Les Univers de Frédéric Jacques Temple » : Colloque dont l’ouvrage aux Pulm réunit les actes. La parution de ce volume donne l’occasion de découvrir ou redécouvrir les nombreux visages d’une œuvre et d’une vie placées sous le double signe du voyage et de l’attachement aux racines.
Les lecteurs sont invités à poster des réactions de lecture, sur le blog « Les univers de Frédéric Jacques Temple » : lesuniversdetemple.wordpress.com
Une entrée dans le mythe des peuples ouraliens : La création du Sampo (objet magique) par Ilmarinen,
Rencontre littéraire. L’association Cœur de livres débute un cycle de débats autour des littératures nordiques en partenariat avec L’Hérault du jour et Radio Campus. Ce soir les origines de la Finlande.
Si les dieux mettent en suspens le destin des hommes, la littérature se charge, à travers le temps, de le transcrire à l’écrit. Mais l’origine de l’histoire humaine passe par le langage qui précède l’apparition de l’écriture et nous propulse dans l’univers des mythes et des légendes. La première rencontre littéraire de la saison « Elias Lönnrot et le Kalevala », proposée par l’association Cœur de livres dans le cadre d’un cycle autour des littératures nordiques, plonge en profondeur près des racines primitives finnoises.
Il sera question du Kalevala, qui signifie pays de Kaveva. Une œuvre majeure et méconnue de la littérature mondiale constituée d’un ensemble alliant des mythes et des légendes à des récits héroïques, épiques ou lyriques. On peut avancer que le Kalevala est un pendant boréal à l’Odyssée méditerranéenne homérique. L’œuvre regroupe divers poèmes populaires oraux transmis par les bardes, poètes chanteurs, rassemblés par Elias Lönnrot (1802-1884) qui met un terme à son épopée au milieu du XIXème siècle.
L’épopée de Lönnrot
Fils de tailleur, Lönnrot poursuit ses années de médecine tout en étudiant parallèlement le latin, le grec, l’histoire et la littérature. En avril 1828, il part pour son premier périple avec dans l’idée de s’ouvrir à une vision plus large de son pays. Il souhaite particulièrement approfondir la connaissance de sa langue à travers l’approche des différents dialectes et notamment de la poésie populaire. Au début, il ne trouve rien de très intéressant mais après avoir poussé vers la Finlande Orientale jusqu’aux provinces de Savo et Carélie, il rencontre les premiers chanteurs-poètes qui lui ouvrent les portes de la mythologie à partir des incantations et des narrations scandées qu’il s’applique à retranscrire avec passion.
Tout en poursuivant ses études, Lönnrot consacre l’essentiel de son temps à ses recherches sur la poésie populaire et prépare ses nouvelles expéditions vers l’Est qui le conduiront de part et d’autre de la grande barrière de l’Oural. Au cours de ses voyages successifs, il parcourt 20 000 km pour contribuer à ses frais à la mémoire collective. Lönnrot transcrit près de 65 000 vers, proverbes devinettes recueillis auprès des bardes, chanteurs, chasseurs, guérisseurs qui tiennent de leurs anciens ces chants prononcés dans certaines circonstances comme les noces, la maladie, la peur, la semailles…
D’une fabuleuse densité et diversité, les chants des peuples ouraliens transcrivent aussi les pratiques de la vie ordinaire : chant de pleureuse, complaintes de veuves, regrets de jeunes filles, jurons d’ivrognes… En 1835, a lieu la publication du Kalevala dans sa première version. Elle reste confidentielle mais est très remarquée par les défenseurs de la philosophie nationaliste qui fleurit en Europe. En 1849 Lönnrot donne à son oeuvre une version définitive contribuant grandement à la renaissance de la langue finnoise qui devint officielle en 1902.
Pour évoquer Le Kalevala, Cœur de livres a invité Gabriel Rebourcet, consul de Finlande à Marseille, qui a traduit le texte chez Gallimard en prenant le parti de conserver la saveur archaïque de la langue. Ce lettré passionné de culture, expliquera notamment ce soir* en quoi cette œuvre fondatrice a répondu au sentiment national finlandais et par quel ressort magique elle s’inscrit dans le patrimoine universel.
Jean-Marie Dinh
*Rencontre avec Gabriel Rebourcet jeudi 20 février à 19h salle Pétrarque, entrée libre.
Théâtre La Vignette. Petit Eyolf d’Ibsen mis en scène par Jonathan Châtel.
Voilà, il n’y a rien qui puisse nous faire rire où nous divertir avec ce Petit Eyolf. Comme souvent chez Ibsen, il est question de l’individualité en quête d’idéal dans un environnement à bout de souffle.
Ici, il s’agit d’un couple que l’auteur norvégien dépouille de tous les petits arrangements facilitant la vie commune. Alfred philosophe, laisse en chantier l’ouvrage de sa vie sur la responsabilité pour s’occuper de son fils handicapé au désespoir de sa femme Rita jalouse et possessive. Mais Eyolf se noie les yeux grands ouverts dans les eaux froides du Fjord.
Dans ce drame familial, il y a aussi Asta, la demi-soeur d’Alfred avec qui il entretient une relation quasi incestueuse. L’approche de Jonathan Châtel fait disparaître Eyolf mais insuffle de la jeunesse et du doute dans les zones troubles du nihilisme qui s’instaure. Le jeune metteur en scène travaille sur le naturel, les impulsions, la relation entre les êtres et la perception qu’a chacun de sa propre réalité. Que pèse l’hypocrisie sociale face à cette lutte individuelle ?
Châtel a retraduit le texte pour s’imprégner de la langue du drame. Il creuse le travail avec les acteurs pour saisir l’émotion en situation. Ibsen n’exclut pas totalement la fuite, Asta cède à cet appel en toute conscience. Mais pour le couple déchiré, c’est l’honnêteté qui doit s’imposer devant la mort. Ce qui compte, ce sont les restes, ce en quoi on croit encore, ce qui rend la vie digne d’être vécue.
Ayana Mathis présente son saisissant roman « Les douze tribus d’Hattie » à Montpellier.
Le premier roman de Ayana Mathis aurait pu être un recueil de nouvelles, mais les personnages de ses courtes histoires d’inspiration autobiographique ont finalement trouvé une mère commune en la personne de Hattie. La jeune Hattie débarque à la gare de Philadelphie avec sa mère et ses soeurs en 1923. Elles fuient le Sud où sévit la ségrégation raciale en espérant profiter d’un bout d’horizon en Pennsylvanie.
L’histoire court sur plus d’un demi-siècle et trois générations. Hattie aura douze enfants. Ses deux premiers, des jumeaux, meurent dans ses bras d’une pneumonie, ce qui la marque en profondeur, mais Hattie poursuit sa vie. Elle va de l’avant, car elle n’a rien à voir ni à attendre. Toujours sollicitée, elle ne se retourne jamais.
Ce roman est empli d’amour. Il est aussi dur parce que cet amour s’éparpille face aux difficultés de la vie au point où l’on pense parfois qu’il a disparu. Mathis est une mère froide qui ne se fait pas d’illusion. Elle est comme une montagne, ou une île qui résiste aux tempêtes. Ses enfants en souffrent tout en sachant saisir le peu d’affection qu’elle préserve pour survivre dans un monde très imparfait.
« Aimer Hattie n’avait jamais été chose aisée. Elle était trop silencieuse, on ne savait jamais ce qu’elle pensait. Elle était constamment en colère et si dédaigneuse lorsque ses grandes espérance étaient déçues. »
La langue d’Ayana Mathis est poétique. L’auteur s’est inspirée de la vie de sa grand-mère. Elle a travaillé la prose et les nuances d’un parcours qui ne va pas de soi. Celui d’une femme noire et pauvre qui puise dans ses ultimes ressources et parfois dans la Bible. Le décompte des douze tribus d‘Hattie trouve ainsi une correspondance avec les douze fils de Jacob dans une version raciale toute américaine. Mathis s’est sans doute inspirée des allégories du Cantique de Salomon pour évoquer le rêve éveillé d’amour dans lequel elle baigne ses personnages.
« Peut-être n’avons nous qu’une certaine quantité d’amour à donner. Nous venons au monde avec notre portion, et si nous aimons sans être suffisamment aimés en retour, elle s’épuise. »
Les enfants d’Hattie comme Floyd ou Alice sont sentimentaux, très conscients d’eux-même et donnent parfois dans l’auto-sabotage, ou l’humour sardonique. Ils savent aussi sortir les griffes et puisent dans le parcours de leur mère comme dans un réservoir pour triompher de la souffrance endurée.
L’ombre de Toni Morrison dont l’œuvre (Nobel de littérature 1995) a marquée la communauté noire américaine, plane. Ayama Mathis signe une parabole saisissante qui évoque les failles traumatiques toujours présentes dans son pays.
Son livre fait entendre la voie de femmes blessées par les tensions raciales en Amérique.
Elle était invitée chez Sauramps fin janvier pour présenter et dédicacer son roman sans pathos et sans concession.
Jean-Marie Dinh
Les douze tribus d’Hattie Ayana Mathis, éd Gallmeister 23, 4 euros.
Théâtre. La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam ce week-end à Montpellier.
Fidèle à sa passion pour le XIXe siècle transposée avec un goût certain dans le monde d’aujourd’hui, Lydie Parisse monte actuellement La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam au Théâtre Pierre Tabard. Créée en 1870, cette oeuvre majeure pour la clarté de la langue l’est aussi pour la révolte qu’elle exprime contre le mariage bourgeois et la société capitaliste. « A la fin de la pièce, Félix conclut sur la dangerosité de la poésie qui détourne les honnêtes gens de l’usage ordinaire du langage », souligne Lydie Parisse.
Dans le climat houleux de 1870 l’avant-gardiste Villiers de L’Isle plonge son propos théâtral dans le réalisme extralucide. Félix dirige une banque, sa jeune femme Elisabeth s’occupe des placements aux détriments de l’équilibre social et de sa nature. Un soir elle décide de partir. La confrontation domestique s’atomise ouvrant sur des questions éthiques, politiques, féminines et spirituelles.
Habitué aux vaudevilles, la pièce heurte le public de l’époque. Dans notre monde où la déshumanisation s’accélère, l’opposition et l’incompréhension entre matérialisme et spiritualisme résonne puissamment. Yves Gourmelon et Julie Pichavant s’adonnent à ce dialogue de sourds avec une intensité remarquable. Pour Elisabeth, le conflit n’est pas une fin, mais une étape du dépassement, «L’abandon provisoire d’une révolte possible.»