L'Egypte reprend feu (hier place Tahrir photo Reuter)
Une manifestation, qui s’annonce massive, est prévue cette après-midi place Tahrir pour réclamer la fin du pouvoir militaire. Le dernier bilan fait état de 26 morts.
Le gouvernement égyptien a annoncé sa démission au troisième jour d’affrontements meurtriers opposant forces de l’ordre et manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire en Egypte. Il a présenté sa démission au Conseil suprême des forces armées (CSFA) au pouvoir depuis le départ du président Moubarak en février «au vu des circonstances difficiles que traverse actuellement le pays», a annoncé son porte-parole Mohamed Hijazi.
Cette démission intervient à une semaine des premières élections législatives depuis le départ de Moubarak, chassé du pouvoir par une révolte populaire le 11 février, alors que les heurts font craindre que le scrutin, prévu sur plusieurs mois, soit émaillé de violences.
Selon le ministère de la Santé, 24 personnes – 23 au Caire, une à Alexandrie (nord) – ont été tuées et 1.900 blessées depuis samedi, notamment sur la place Tahrir au Caire, épicentre du soulèvement populaire du début de l’année. Mais dans la nuit de lundi à mardi, deux autres personnes ont été tuées à Ismaïliya, portant à 26 le bilan des décès.
Le CSFA a appelé lundi soir les forces politiques à une réunion d’urgence «pour examiner les causes qui ont aggravé la crise actuelle et les moyens d’en sortir le plus rapidement possible». Le Conseil suprême a en outre annoncé avoir chargé le ministère de la Justice de mettre en place un comité chargé de faire la lumière sur les violences. Le ministère de l’Intérieur a accusé dans un communiqué les manifestants d’avoir lancé des cocktails molotov et tiré avec des fusils de chasse sur les forces de l’ordre, en blessant 112. Le communiqué fait état de «116 émeutiers arrêtés au Caire, 46 à Alexandrie et 29 à Suez».
La colère vise le conseil militaire accusé de vouloir se maintenir au pouvoir, de ne pas tenir ses promesses de réformes et de poursuivre la politique de répression de l’ère Moubarak. Selon Amnesty international, le CSFA «a étouffé la révolution» et certaines violations des droits de l’Homme commises depuis qu’il est au pouvoir sont pires que sous le régime Moubarak.
Dans la nuit de lundi à mardi, de violents affrontements se poursuivaient dans des rues adjacentes à Tahrir menant au ministère de l’Intérieur, cible privilégiée des manifestants et sous forte garde des forces anti-émeutes. La télévision publique a continué de retransmettre ces scènes en direct, comme elle le fait depuis le début des affrontements. Sur la place Tahrir, lundi, les dizaines de milliers de manifestants scandaient «Le peuple veut la chute du maréchal» Hussein Tantaoui, à la tête du conseil militaire et dirigeant de facto de l’Egypte. Ailleurs dans le pays, police et manifestants s’opposaient à Alexandrie et Qena (centre), Ismaïliya et Suez, sur la mer Rouge, et el-Arich dans le Sinaï.
Des mouvements égyptiens, dont la Coalition des jeunes de la révolution et le mouvement du 6 avril, ont appelé à une manifestation massive mardi à 16 heures (15 heures en France) sur Tahrir pour réclamer la fin du pouvoir militaire et la formation d’un «gouvernement de salut national». Et des dizaines de diplomates égyptiens ont appelé à «la fin immédiate des attaques contre les manifestants pacifiques». Les Frères musulmans d’Egypte, la force politique la mieux organisée du pays, ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à cette manifestation. Le Parti de la liberté et la justice, issu des Frères musulmans, a annoncé que cette décision émanait du « souci de ne pas entraîner le peuple vers de nouveaux affrontements sanglants avec des parties qui cherchent davantage de tensions », selon un communiqué posté lundi soir sur son site internet.
L’armée s’est engagée à rendre le pouvoir aux civils après une élection présidentielle qui doit suivre les législatives mais dont la date n’est toujours pas connue. L’armée a dit «regretter» les violences, tout en réaffirmant s’en tenir au calendrier électoral établi.
AFP 22/11/11
Egypte : Il est temps que justice soit rendue
Au nom de l’état d’urgence, en vigueur sans interruption depuis 30 ans en Égypte, les autorités peuvent arrêter toute personne simplement soupçonnée de menacer l’ordre public et la sécurité, et la placer en détention administrative sans qu’elle ne soit inculpée ni jugée, ni ne dispose d’un recours utile. Dans la pratique, la période de détention peut être aussi longue que le souhaitent les autorités. Des dizaines de milliers de personnes ont été victimes de cette injustice. Certaines ont été privées de liberté pendant des années malgré plusieurs décisions de justice ordonnant leur libération. Un grand nombre d’entre elles ont été torturées ou maltraitées.
La législation d’exception a entraîné la banalisation des violences policières, des disparitions forcées, des procès iniques et de la répression systématique de la liberté d’expression et de l’opposition politique, entre autres violations graves des droits humains.
Ce rapport, publié au lendemain du soulèvement qui a renversé le président Hosni Moubarak, décrit ces pratiques bien établies d’atteintes aux droits humains et présente les cas individuels de nombreuses victimes. Une fois encore, Amnesty International demande aux autorités de lever l’état d’urgence, d’abroger la législation d’exception et de mettre fin au système de détention administrative, dont les effets sont néfastes. L’organisation exhorte également les autorités de transition à profiter de ce moment exceptionnel de l’histoire égyptienne pour créer un État fondé sur le respect des droits humains et sur un système judiciaire remplissant enfin son rôle.
Affrontements entre forces de l’ordre et manifestants à Wall Street, le 17 novembre 2011 Le mouvement anti-Wall Street a marqué jeudi son deuxième mois d’existence par une série d’actions dans plusieurs villes américaines, principalement à New York, berceau de la contestation, où des milliers de manifestants se sont rassemblés dont au moins 200 ont été arrêtés. AFP/Getty Images - Allison Joyce
Deux parapluies en guise de « centre médical » et quelques livres offerts dans un coin pour rappeler la « librairie du peuple ». Au lendemain de l’évacuation de Zuccotti Park par les forces de l’ordre, le square symbole d’Occupy Wall Street n’est plus tout à fait le même.
La décision d’un juge new yorkais de réouvrir le parc au public mais d’y interdire désormais les tentes et les sacs de couchage a ainsi mis fin de facto à l’occupation du square du sud de Manhattan, posant la question du futur d’un mouvement qui doit fêter ses deux mois le 17 novembre, par une nouvelle manifestation contre Wall Street et les inégalités. Seulement une trentaine de militants ont passé la nuit de mardi à mercredi dans le square, emmitoufflés dans des anoraks et protégés par des couvertures en aluminium.
Si Occupy Wall Street est sans aucun doute parvenu en huit semaines à obtenir le soutien des Américains lassés par la crise et frustrés par la cupidité des banques, le mouvement a aussi été victime ces derniers jours d’un problème d’image, alors plusieurs incidents violents -et même des décès- ont été reportés dans différents campements aux Etats-Unis et qu’une douzaine de villes ont décidé d’intervenir pour mettre fin aux occupations.
Surtout, le mouvement doit impérativement peser plus sur la scène politique s’il veut assurer sa survie. « Nous n’allons pas disparaitre comme cela, du seul fait de l’intervention de la police », souligne l’un de ses porte-paroles, Rick DeVoe, « mais c’est vrai que nous devons rebondir ».
D’ores et déjà, Occupy Wall Street songe notamment à s’impliquer dans la politique locale à New York. Le mouvement a également milité la semaine dernière dans l’Ohio pour assurer un vote positif au référendum sur les droits à la convention collective des syndicats.
« Il faut que nous inventions d’autres façons d’intervenir dans le discours public pour faire entendre notre voix », dit encore Anthony, l’un de ceux qui est à Zuccotti Park depuis le début, « on peut peser au niveau des associations de quartier, mais aussi multiplier les actions à travers tout le pays en période électorale ».
Une partie des militants à New York songent également à faire appel de la décision de justice, afin de pouvoir de nouveau camper à Zuccotti Park. « Nous allons trouver les moyens de durer », assure Rick DeVoe, « nous avons entamé depuis deux mois une conversation nationale avec l’opinion publique américaine à propos d’un système qui est brisé et qui ne privilégie que les plus fortunés. Ce dialogue là n’est pas prêt de s’interrompre ».
En réinjectant un discours fermement anticapitaliste dans le débat politique, le mouvement « Occupy Wall Street » (OWS) sème la discorde entre les divers courants de la gauche américaine, en particulier chez les intellectuels. Par le passé, les partisans de ce grand courant de centre gauche américain qu’est le « liberalism » se sont souvent montrés critiques à l’égard de l’idéologie du marché libre, favorisant plutôt un capitalisme soumis aux régulations de l’État. Mais ils ne sont pas enclins à récuser pas autant les grands principes du capitalisme lui-même. Face à ces libéraux (au sens américain), on trouve, depuis au moins un siècle, des courants plus contestataires – anarchiste, communiste, socialiste, voire simplement social-démocrate. Souvent sont-ils surreprésentés dans les milieux intellectuels et universitaires. « Occupy Wall Street » est en train d’attiser les tensions latentes entre ces tendances. Surtout, il contraint les libéraux à préciser leur position face au capitalisme dans sa forme actuelle.
Depuis le début du mouvement, de nombreux intellectuels de gauche ont manifesté leur soutien à l’égard des occupants de Zuccotti Park (ainsi que les mouvements parallèles qui ont depuis vu le jour un peu partout). Certains sont Américains, d’autres des non-Américains qui enseignent ou travaillent aux États-Unis. S’il y a un dénominateur commun à leurs discours de soutien, c’est l’idée que le mouvement effectue une véritable rupture dans le discours politique américain, peu ouvert à des réquisitoires sans ambages contre le capitalisme. D’autre part, ces intellectuels saluent le mouvement comme le noyau potentiel d’une nouvelle conception de la démocratie, se démarquant d’un système représentatif trop impliqué dans les désordres économiques actuels.
La journaliste et militante Naomi Klein, connue pour son essai La stratégie du choc, s’est adressée aux occupants de la « place de la liberté » à Manhattan le 6 octobre. Selon elle, la différence entre 1999 – année qui a marqué la naissance du mouvement altermondialiste – et 2011, c’est qu’aujourd’hui plus personne ne doute que l’ordre économique contemporain est en crise. D’autre part, même à l’intérieur des pays « développés », les inégalités engendrées par le néolibéralisme crèvent les yeux : « Dix ans plus tard, remarque-t-elle, il semblerait qu’il n’y a plus de pays riches, mais simplement beaucoup de gens riches. Des gens qui s’enrichissent en pillant la richesse publique et en épuisant les ressources naturelles partout dans le monde ». L’originalité de « Occupy Wall Street », c’est que plutôt que d’énoncer un projet, le mouvement témoigne par se propre existence d’une autre façon de vivre. Selon Klein, il nous faut « changer les valeurs sous-jacentes qui gouvernent nos sociétés (…) C’est ce que je vois arriver dans ce square, dans la manière dont vous vous nourrissez les uns les autres, dont vous vous tenez au chaud, dont vous partagez gratuitement l’information, et dont vous offrez des soins médicaux, des cours de méditation, et de l’entrainement en ‘empowerment.’ Ma pancarte préférée ici déclare : ‘Je me soucie de toi.’ Dans une culture qui nous entraîne à éviter les regards, à dire ‘qu’ils crèvent,’ c’est une déclaration profondément radicale ».
Le 9 octobre, c’est au tour du philosophe Slavoj Žižek de parler aux manifestants. D’origine slovène, ce penseur postmarxiste d’inspiration lacanienne a souvent enseigné aux États-Unis. Il est très apprécié par certains milieux universitaires américains. Pour Žižek, comme pour Klein, l’importance de « Occupy Wall Street» est liée à l’invention d’un nouveau langage politique, qui semblait jusqu’à présent exclu de la « pensée unique » qui prévaut actuellement dans le domaine économique. Pour illustrer son propos, il raconte une plaisanterie de l’ère soviétique. Un habitant de l’Allemagne de l’Est est exilé en Sibérie. Avant de partir, sachant que son courrier sera lu par les censeurs, il propose à ses amis un code : toute lettre qu’ils obtiendraient de lui écrite en encre bleu serait entièrement vraie, alors que toute lettre rédigée en encre rouge ne contiendrait que des mensonges. Après un mois, ses amis reçoivent une lettre écrite en encre bleu. L’exilé raconte : « Tout est merveilleux ici. Les magasins sont pleins d’excellents produits. Les cinémas montrent de bons films occidentaux. Les appartements sont grands et luxueux. La seule chose qui manque, c’est de l’encre rouge ». Žižek en conclut : « C’est ainsi que nous vivons. Nous avons toutes les libertés que nous voulons. Mais ce qui nous manque, c’est l’encre rouge : un langage pour exprimer notre non-liberté. La manière dont on nous apprend à parler de la liberté – la guerre contre la terreur, etc. – ne fait que falsifier la liberté. Ce que vous faites, c’est nous offrir de l’encre rouge ».
Les remarques de Klein et de Žižek sur le caractère essentiellement politique du mouvement rejoignent celles de Michael Hardt et Antonio Negri. Le premier enseigne la théorie littéraire à Duke University (Caroline du Nord), le dernier est philosophe ainsi qu’une figure historique du marxisme « opéraïste » italien. Ensemble, ils ont coécrits des essais qui sont devenus les véritables bibles du mouvement altermondialiste : Empire et Multitude. Pour Hardt et Negri, « Occupy Wall Street » doit être assimilé aux « indignados » de Madrid, à l’occupation de la place Tahrir au Caire, au mouvement pro-syndicale de Wisconsin, à l’occupation de la place Syntagma à Athènes, et aux campements de tentes dressés au nom de la justice sociale dans plusieurs villes israéliennes. Si les revendications de ces mouvements ont souvent un caractère économique, elles résultent toutes, du moins de façon implicite, d’un souci d’ordre politique : « la démocratie n’est-elle pas supposée être le règne du peuple sur le polis – c’est-à-dire, sur la vie sociale et économique dans son ensemble ? » Or, il semblerait plutôt que « la politique est devenue l’esclave des intérêts économiques et financières ». Par leur organisation même, ces mouvements proposent une alternative au système de représentation politique actuel. Ils « sont tous développés en fonction de ce que nous appelons la ‘forme multitude’ et sont caractérisés par des assemblés fréquentes et des procédures de prise de décision participatives ». Il ne faut donc pas s’attendre à l’apparition d’un leader fédérateur, à la Martin Luther King. Ces mouvements annoncent plutôt la mort prochaine de la démocratie représentative.
Cette appréciation globalement positive du mouvement « Occupy Wall Street » n’est pas pourtant pas partagée par ceux qui se réclament de la tradition libérale américaine. Comme le soulignent les responsables de la revue The New Republic: « Une des différences essentielles entre les libéraux et les radicaux, c’est que les libéraux sont des capitalistes. Ils soutiennent un capitalisme régulé de manière démocratique (…). Mais ce ne sont pas là les principes que nous entendons de la part des manifestants. Plutôt, nous entendons des appels à renverser le capitalisme dans son ensemble ».
Dans les colonnes du magazine The Atlantic, Daniel Indiviglio partage cette perspective : « Le genre de radicaux anarcho-socialistes que l’on retrouve aux manifestations OWS menacent l’opinion progressiste qu’il y a des moments où il est raisonnable et juste pour l’État d’intervenir pour secourir l’économie, l’industrie, voire même des entreprises spécifiques, si telle action est estimée bénéficier à l’économie dans son ensemble. La différence dans ce cas, c’est que les radicaux pensent que la nécessité d’un renflouement occasionnel est la preuve que le capitalisme court à sa perte et doit fermer boutique, alors que les progressistes trouvent que les renflouements peuvent contribuer au fonctionnement du capitalisme ».
Pour certains libéraux, le mouvement « Occupy Wall Street » risque de reproduire les mêmes erreurs qui ont entrainé la faiblesse actuelle de la gauche américaine et ont contribué à la montée de la droite « néolibérale ». Selon Fred Siegel, ces manifestants n’ont pas conscience du fait que l’extension des acquis sociaux et la protection de nouveaux droits individuels au cours des années soixante s’est traduit par le déploiement d’une vaste bureaucratie aux effets souvent pervers. Les manifestants de Manhattan sont « littéralement en train de recréer les folies des années 1960 en miniature ». D’autre part, les « manifestants, inconscients de notre dette nationale, se montrent indifférents au dédain compréhensible dans lequel la plupart des Américains tiennent le gouvernement fédéral ».
S’il est trop tôt pour prédire l’influence qu’aura le mouvement « Occupy Wall Street » sur le débat politique aux États-Unis – et s’il ne faut pas surestimer la capacité de la « gauche de la gauche » à recueillir un large soutien populaire – toujours est-il qu’à l’heure actuelle, c’est la gauche anticapitaliste qui a le vent en poupe. Si les libéraux auront sont doute du mal à se rallier à une critique de cette envergure, le mouvement pourrait leur rappeler que, par le passé (pensez à Franklin Roosevelt), ils avaient osé une politique plus exigeante et méfiante à l’égard des pouvoirs financiers et économiques. Une réorientation du libéralisme américain dans cette direction pourrait être une des conséquences les plus importantes de ce mouvement insolite.
Christophe Coello : « Le terme indignés vient des médias, il comporte une petite notion de passivité »
Né au Chili, Christophe Coello est arrivé en France dans son enfance avec ses parents qui ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Il a réalisé plusieurs documentaires sur les luttes en Amérique latine dont Chili L’ombre du Jaguar (1998) sur l’absurdité du miracle économique chilien ou Mari Chi Wen (2000) sur les luttes du peuple mapuche. Il co-réalise également avec Pierre Carles et Stéphane Goxe un diptyque sur le rapport au travail avec Attention danger travail ( 2003) et Volem rien foutre al païs (2007). C’est sur ce tournage qu’il rencontre en 2003 les membres du collectif de réappropriation urbaine barcelonais Miles de Viviendas qu’il va suivre avec sa caméra pendant sept ans.
Christophe Coello était sur Montpellier au cinéma Diagonal mercredi. Accompagné de Annie Gonzalez, de C-P Productions qui a produit plusieurs de ses films, il a présenté Squat la ville est à nous, qui retrace la vie du collectif Miles de Viviendas.
Votre film propose un autre regard sur les squatters dont il est souvent donné une image stéréotypée de marginaux, passablement drogués voir de délinquants…
Christophe Coello. C’est un parti pris de ma démarche de documentariste. Je vais souvent au contact de gens qui vivent autrement. Je pense que c’est un enjeu important de donner un autre point de vue sur des mouvements inconnus. Par exemple, rompre avec cette vision que la lutte c’est forcément du sacrifice et de la douleur. Quand je les ai rencontrés en 2003, ils étaient en train de fonder le collectif. La plupart des membres – ils sont une trentaine – s’étaient rencontrés autour de la mobilisation contre la guerre en Irak. Le groupe était quasiment paritaire et regroupait des gens entre 18 et 45 ans.
Annie Gonzalez. Le travail d’auteur de Christophe offre un point de vue sur le monde. Son approche permet de capter l’histoire populaire. Ce qu’on ne trouve pas au cinéma et encore moins à la télévision qui la réduit à une caricature à travers les reality shows.
Comment avez-vous négocié les conditions du tournage ?
CC. C’est un travail de confiance fin 2003 à Barcelone. Le contexte était tendu. Je leur ai proposé de filmer leur vie quotidienne sans la trahir mais je voulais garder une carte blanche. Je ne voulais pas faire un film de propagande. Ils en ont discuté en assemblée et ils ont accepté. On le voit à l’écran, Il y a des moments de tension mais je ne focalise pas sur cela. J’ai privilégié les prises directes. Il n’y a pas d’interview, pas de voix off pour faciliter la compréhension. Ce choix opératoire demande beaucoup plus de temps. J’ai intégré leur mode de vie. Je voulais restituer la vie quotidienne, l’intimité, ne pas montrer que des moments d’exception.
Dans le cas du collectif de réappropriation urbaine, on voit que l’action vise à se loger, mais elle va bien au-delà puisqu’il s’agit de reprendre le contrôle sur sa vie…
CC. Pourquoi ouvrir un squat ? C’est une action illégale qui s’avère complètement légitime. Pour le collectif cela permettait de libérer du temps pour débattre et s’organiser en autogestion de manière transversale. Et aussi stimuler les autres mouvements, pour travailler en réseau avec d’autres collectifs ou soutenir les populations ciblées par les spéculateurs immobiliers. Etre ensemble permet de diminuer la peur, pas seulement celle de la matraque mais aussi celle du vide. Ce ne sont pas des gens qui affirment détenir la vérité avec un V énorme. Ils politisent leur vie quotidienne. L’idée n’est pas de prendre le pouvoir mais de le dissoudre. Il y avait 200 000 personnes dans la rue, samedi dernier à Barcelone, rassemblées sous le slogan : De l’indignation à l’action. Après la manif les gens sont allés occuper la fac de lettres et un immeuble pour reloger les gens expulsés. Le qualificatif des indignés vient des médias, c’est un terme qui comporte une petite notion de passivité…
Il va s’accompagner d’un vote de confiance au Parlement. « La volonté du peuple grec s’imposera à nous », fait valoir le Premier ministre.
Le Premier ministre grec Georges Papandréou a annoncé lundi 31 octobre l’organisation d’un referendum en Grèce et d’un vote de confiance au parlement sur l’accord conclu la semaine dernière au sommet européen de Bruxelles pour effacer une partie de la dette publique grecque.
« La volonté du peuple grec s’imposera à nous », a déclaré Georges Papandréou au groupe parlementaire socialiste, tout en indiquant aussi qu’il allait demander un vote de confiance au Parlement sur l’accord sur la dette.
Moins de 13% des Grecs jugent les décisions du sommet positives
Les Grecs « veulent-ils l’adoption du nouvel accord ou le rejettent-ils ? Si les Grecs n’en veulent pas, il ne sera pas adopté », a déclaré le Premier ministre.
Des manifestations se sont déroulées vendredi dernier dans de nombreuses villes à travers le pays, à l’occasion des célébrations de la fête nationale, pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement socialiste et les conséquences de l’accord européen qui donnent aux créanciers plus de contrôle sur la politique budgétaire du pays, faisant craindre à certains une perte totale de souveraineté.
Un sondage paru le week-end dernier montre qu’une majorité de Grecs jugent les décisions du sommet négatives, 12,6% seulement les jugeant positives. Le sondage, mené par l’institut Kapa Research pour le journal To Vima, a été mené auprès de 1.009 personnes.
Sommet marathon
Georges Papandréou dispose d’une majorité de 153 députés au parlement (sur 300 sièges) mais fait face à une montée des oppositions au sein de son propre parti.
Jeudi dernier, au terme d’un sommet marathon, les dirigeants européens ont trouvé un accord avec les banques pour effacer une partie de la dette grecque détenue par les banques créancières du pays.
L’accord conclu avec les banques porte sur un renoncement de 50% de leurs créances, soit cent milliards d’euros sur un total d’endettement public du pays de 350 milliards d’euros. Athènes recevra en outre de nouveaux prêts internationaux de 100 milliards d’euros également d’ici fin 2014, dans le cadre d’un programme qui remplace celui de 109 milliards d’euros décidé en juillet par l’UE et le FMI.
Une dette de 350 milliards
Par ailleurs, dans le cadre de l’accord, 30 milliards d’euros sont réservés aux banques grecques, qui vont beaucoup souffrir de l’opération d’échange de dettes à 50% de leur valeur, étant les plus grosses détentrices d’obligations souveraines grecques.
En échange, le pays doit accepter un vraisemblable renforcement des contrôles sur sa politique budgétaire, jusqu’à présenté contrôlée tous les trois mois par une « troïka » où sont représentés les trois principaux créanciers du pays : Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international.
A l’issue de l’accord jeudi, le gouvernement grec a indiqué que des membres de la troïka seraient désormais en permanence en Grèce.
La dette de la Grèce s’élève à 350 milliards d’euros, soit environ 160% de son PIB. Selon les termes de l’accord, la dette devrait être ramenée à 120% du PIB d’ici 2020.
De violents affrontements ont marqué jeudi les nouvelles manifestations anti-austérité massives en Grèce, parallèlement aux difficiles pourparlers entre dirigeants européens pour résoudre la crise de la dette en zone euro avant leur sommet de dimanche.
Un quinquagénaire blessé à la tête lors de ces heurts est décédé à l’hôpital où il avait été transféré. Les médias ont invoqué le témoignage de sa femme sans pouvoir préciser dans l’immédiat les causes du décès. L’homme, un maçon, avait été blessé à la tête en marge de violents affrontements entre manifestants communistes et un groupe de fauteurs de troubles qui ont perturbé un rassemblement de quelque 50.000 manifestants devant le
Signe de l’ampleur des différends entre les Etats-membres de l’Union européenne, deux journaux allemands ont indiqué que Berlin n’excluait pas un report du sommet européen à Bruxelles, pourtant crucial pour l’avenir de la zone euro.
Au deuxième jour d’une grève générale de 48 heures décrétée par les syndicats du public et du privé en Grèce, plus de 50.000 personnes ont défilé dans le centre d’Athènes. «N’écoutez pas la ploutocratie, tous ensemble pour gagner», scandaient les manifestants. Quelques heures plus tard, une bataille rangée a opposé des manifestants communistes et une masse de jeunes vêtus de noir devant le luxueux hôtel de Grande-Bretagne en contrebas du parlement.
Une quinzaine de personnes a par ailleurs été blessée, selon le ministère de la Santé, dont plusieurs à la tête après avoir reçu des projectiles, pierres ou cocktails Molotov. Des combats au corps à corps et à coups de barres de bois et de fer ont opposé les deux camps. Les forces de l’ordre, d’ordinaire très présentes, s’étaient retirées dans les rues adjacentes, envoyant seulement quelques grenades assourdissantes ou des gaz lacrymogènes pour tenter de disperser la foule.
Champ de bataille
Plusieurs centaines de manifestants communistes ont finalement pris le contrôle de la place Syntagma, devant le parlement, après avoir repoussé les jeunes fauteurs de troubles qui avaient transformé mercredi Athènes en champ de bataille. Au centre de la contestation, un nouveau tour de vis budgétaire qui doit être voté jeudi soir au Parlement, à la demande des créanciers UE et FMI, afin de diminuer le déficit abyssal de la Grèce et lui éviter la faillite.
Ce projet de loi a fait l’objet mercredi d’un premier vote «sur le principe» au cours duquel seule la majorité socialiste a voté oui. Il prévoit le gel des conventions collectives et risque d’entraîner une baisse brutale du niveau de vie des Grecs, surtout des fonctionnaires. Vanguélis Bouldadakis, médecin dans un hôpital public, protestait ainsi contre «la destruction des conventions collectives» qui «réduisent nos salaires» et «prennent nos droits».
Le gouvernement dirigé par le socialiste Georges Papandréou apparaît toutefois fragilisé, à quelques jours d’un rendez-vous «crucial» à Bruxelles pour le pays et l’avenir de la zone euro.
Négociations fiévreuses
Malgré l’unité affichée par le parti socialiste au pouvoir, le Pasok, lors du premier vote, certains députés pourraient s’opposer à certaines dispositions du projet de loi, comme le gel des conventions collectives, selon la presse.
Des négociations fiévreuses se poursuivaient entre les capitales européennes qui peinent à dégager un accord pour stopper la propagation de la crise de la dette, avant le sommet européen de dimanche. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé les Européens au «compromis» pour aboutir à des décisions «résolues» et «immédiates» dimanche.
Les pays de l’Union européenne restent divisés sur les modalités permettant de renforcer les moyens d’intervention du Fonds de soutien aux pays de la zone euro en difficulté (FESF), sans mettre à nouveau à contribution les budgets des Etats. Sur ce point, «il n’y a pas de proposition commune» européenne pour le moment, a reconnu jeudi le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, tout en précisant qu’il y avait «un accord total» entre la France et l’Allemagne sur les mesures à prendre pour résoudre la crise de la dette. Il a laissé entendre que des différends subsistaient avec d’autres pays européens.
Report du sommet
Le président français Nicolas Sarkozy avait fait fait mercredi un déplacement en urgence à Francfort pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel. Aucune déclaration n’a été faite à l’issue de cette rencontre. Selon le quotidien économique Financial Times Deutschland, la chancelière aurait évoqué un report du sommet avec le président français ors de cete rencontre. La chancellerie allemande a indiqué à l’AFP ne pas être en mesure immédiatement de commenter cette information.
Les capacités de prêt du FESF sont actuellement limitées à 440 milliards d’euros, et les nouveaux montants en discussions s’inscriraient entre 1.000 et 2.000 milliards d’euros. Un élargissement de la force de frappe de ce fonds est jugé indispensable pour empêcher la contagion de la crise à l’Espagne et à l’Italie, dont les notes des dettes souveraines ont été récemment abaissées par les agences de notation.