Monde. Liste des organisations/alliances régionales

Monde Géopolitique

Liste des organisations/alliances régionales

Afrique

  • Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
  • Union africaine (anciennement OUA)
  • Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC)
  • Union économique et monétaire ouest-africaine
  • La Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD)
  • Commission économique pour l’Afrique (CEA)

Amériques

  • Association des États de la Caraïbe (AEC)
  • Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)
  • CARICOM
  • Communauté sud-américaine de nations
  • MERCOSUR
  • Organisation des États Américains
  • Organisation du traité de coopération amazonienne
  • Pacte andin

Asie

  • Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN)

Europe

  • Agence spatiale européenne (ESA)
  • Office européen des brevets (OEB)
  • Association européenne de libre-échange (AELE)
  • Banque européenne d’investissement (BEI)
  • Conseil de l’Europe
  • Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
  • Union européenne (UE)

Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Ligue arabe

Organisations à vocation militaire

  • Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)

 

L’ONU évacue des musulmans de Bangui vers le centre de la République centrafricaine

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Plus de 90 musulmans ont été évacués par l’Organisation des Nations unies (ONU) de Bangui à Bambari, une ville du centre à majorité chrétienne, pour échapper aux violences et exactions dans la capitale centrafricaine, ont déclaré lundi 21 avril des responsables.

Les 93 déplacés, pris en charge par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ont commencé le trajet de 300 km séparant les deux villes dimanche et sont arrivés lundi à Bambari, a annoncé le préfet de Bambari, El Hadj Abacar Ben Ousmane.

Dimanche soir, l’AFP a croisé leurs deux camions encadrés par une grosse demi-douzaine de véhicules de la force française « Sangaris » à proximité de Grimari, une ville sous tension, à 80 km de Bambari. Ils étaient accompagnés par deux voitures du HCR et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). « C’est une mesure visant à sauver leur vie, prise en dernier recours, après avoir longtemps réfléchi sur leur cas », a déclaré Tammi Sharpe, adjointe au responsable du HCR en République centrafricaine.

DÉPLACEMENTS DE POPULATION MASSIFS

Ces déplacés, qui vivaient au PK-12, un quartier anciennement mixte du nord de la ville, où les exactions ont été particulièrement fortes, étaient « constamment attaqués » et vivaient dans des conditions « très tendues », a-t-elle observé. A Bambari, 45 000 habitants, musulmans et chrétiens vivent en « harmonie », a déclaré le préfet. « Nous ne voyons aucun inconvénient à en accueillir d’autres. Nous ne faisons pas de différence », a-t-il poursuivi.

Les déplacements de population sont massifs en République centrafricaine. Des milliers de musulmans ont fui pour les régions dites « islamisées » du nord-est du pays, où ils vivent généralement chez des parents. Des dizaines de milliers d’autres ont gagné les pays frontaliers, Tchad et Cameroun notamment.

Le pays a connu plus d’une année de conflit interne, marqué par des violences intercommunautaires. Les anti-balaka, milices à majorité chrétienne, s’en prennent particulièrement aux populations musulmanes, disant venger les chrétiens des sévices que leur a infligés l’ex-rébellion Séléka, à majorité musulmane, quand elle était au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014.

Le convoi a ainsi été la cible de jets de pierres à Sibut, à moins de 200 km de Bangui, une ville tenue par la Misca (force africaine) mais où les anti-balaka sont très présents, a déclaré un membre de la Misca. D’autres musulmans issus de la même communauté que les 93 déplacés restent encore à Bangui. Leur relocalisation se fera « au cas par cas », selon « la volonté de ces personnes » et celle des autorités centrafricaines, a observé Tammi Sharpe.

Source : AFP 21.04.2014 à 22h34

Voir aussi : Rubrique International, rubrique Afrique, République Centrafricaine, Agonie silencieuse, 9 infos-clés,  rubrique Politique, Politique internationale,

Bouteflika réélu : l’Algérie ou le cadavre encerclé

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Tribune de l’écrivain Mohamed Kacimi *

Ainsi, il est élu à 81,53%. Je ne m’attendais pas à autre chose. Je ne m’attendais pas à mieux, ni à pire.

Mais je n’avais pas prévu que ce régime allait nous faire boire le calice jusqu’à la lie avec la scène du Président, paralytique, aphasique, poussé vers l’isoloir sur un chariot tel une vulgaire Samsonite.

Je crois que ni la Roumanie de Ceausescu, ni l’Union soviétique de Brejnev, ni l’Ouganda de Idi Amin Dada n’auraient osé une mise en scène aussi macabre. Même les pires goulags avaient le sens de la pudeur.

A Alger, quand le roi est nu, on ne le soustrait pas aux regards de la foule, on ne le drape pas, non, au contraire, on l’exhibe nu au balcon, et on lui fait croire que la foule muette est en délire au spectacle de ses attributs au vent.

Beaucoup d’analystes pensent que l’acharnement du régime d’Alger à jouer la carte de Boutef contre vents et marées vient du fait que le personnage représente une sorte de clé de voûte du système, et que, sans lui, tout volerait en éclats. Ce qui est faux.

Justement parce qu’il ne représente rien

C’est ignorer la mentalité du régime. Le régime tient à Boutef justement parce qu’il ne représente rien, parce qu’il ne pèse rien, parce qu’il ne contrôle rien. Parce qu’il ne peut plus rien dire, rien faire.

Le calcul cynique consiste à dire qu’ils peuvent tenir le pays avec un tétraplégique, avec un trisomique ou même avec la chèvre de Monsieur Seguin.

Le drame de ce pays c’est d’être tombé depuis 1962 aux mains d’une bande « d’anciens maquisards » du FLN qui sont persuadés, convaincus, que l’Algérie est leur butin de guerre, que le pays est une prise de guerre arrachée de force des mains de la France et qui représente depuis leur bien propre, leur propriété privée et exclusive.

Le bail est en leur nom. Et toute tentative d’y changer l’ordre des choses est perçue par eux comme une violation de domicile.

Leur pouvoir ne se discute pas, au nom de la « révolution de 1954 », ils ont tous les droits.

L’Algérie se résume à un derrick

A leurs yeux, l’Algérie se résume à un derrick ; le reste, le peuple, les gens, la jeunesse, les femmes, sont superflus. D’où cette façon de leur faire la nique avec un candidat impotent. Et cela résume toute l’idéologie et la devise même du régime algérien qui tient en une phrase : « Et si tu n’es pas content, frappe ta tête contre le mur. »

Beaucoup aussi assurent que le candidat unique a ramené la paix aux pays et pacifié les âmes. C’est presque la légende dorée ! Il était une fois un pays à feu à sang et, par un grand matin, tombe par miracle du ciel Boutef. Tel Gabriel, l’archange venu de Genève arrête aussitôt le bras armé des islamistes les empêchant d’égorger des millions d’Isaac ou d’Ismaël ! ! !

Depuis, tout le peuple lui voue une reconnaissance infinie. La bonne blague !

L’homme en fait a débarqué en Algérie au moment où le terrorisme s’essoufflait et il a promis la « concorde civile » en effaçant du tableau 200 000 morts, comme une vulgaire faute d’orthographe, sans procès, sans travail de mémoire, sans introspection, sans question.

Pourquoi ce pays s’est-il transformé durant dix années en immense charnier ? Quelle haines, quels désespoirs ont été insufflés à ces jeunes pour qu’ils en viennent à s’égorger les uns les autres comme des moutons ? Pourquoi des milliers de jeunes ont-ils préféré mettre le feu à leur terre plutôt que d’y vivre ?

La question reste posée et le poids de tous ces cadavres n’est pas prêt de disparaître de la mémoire des vivants. Bien sûr, les islamistes n’ont pas réussi à prendre par les armes le pouvoir, mais le régime, pour faire la paix avec eux, leur donné en pâture toute la société.

L’Algérie d’aujourd’hui ressemble à une immense mosquée

L’Algérie d’aujourd’hui ressemble à une immense mosquée peuplée de 36 millions d’individus qui n’ont pas d’autre horizon, d’autre pensée, d’autre chair, d’autre loisir, d’autre respiration que la religion.

Désormais les islamistes n’ont que faire du palais d’Al Mouradia, puisqu’ils squattent le moindre neurone de chaque citoyen.

Je disais que l’Algérie souffre d’une calamité historique, le FLN. Il en est une autre qui est à l’origine de tous ses malheurs : le pétrole.

Manne tombée du ciel, le pétrole, loin de contribuer au développement du pays, en creuse la tombe. Pour l’instant, il permet à ce peuple de consommer ce qu’il veut sans produire quoi que ce soit, de vivre sans travailler, en somme.

L’Algérien importe 100% de ce qu’il consomme, depuis sa baguette importée de Biélorussie à sa barquette de carottes râpées, importée de Nouvelle Zélande.

Chômeurs ou Chinois ?

Avec l’argent du pétrole, Boutef a fait descendre les islamistes du maquis, tout comme il a rempli les chantiers de Chinois. Depuis, des millions de chômeurs algériens, regardent comme des vaches, passer les trains bourrés de milliers de Chinois qui construisent à coups de milliards de dollars des autoroutes qui tombent en ruine en un clin d’œil.

Sans compter la très grande mosquée, rêvée par Boutef, qui coûtera deux milliards de dollars et accueillera 80 000 fidèles d’un coup. Dans un pays où il ne subsiste aucun théâtre, aucune salle de cinéma, où les librairies sont transformées en fast-food où l’on vous propose désormais le must de la gastronomie algérienne : la pizza à la mayonnaise et le couscous frites.

En soixante années de pouvoir absolu, le FLN a réussi à ;

  • transformer la mer qui baigne les côtes algériennes en décharge publique ;
  • à faire de ses villes, Constantine, Alger, Annaba ou Oran et toutes les autres, d’immenses bidonvilles, hérissés de paraboles rouillées et de linge en lambeaux ;
  • à écraser, un à un, et au bulldozer tous les orangers de la Mitidja pour les remplacer par des HLM qui tombent en poussière avant d’être inaugurés et des carcasses en tuiles à neuf trous qui s’écrouleront au premier courant d’air ;
  • à transformer le Sahara en mouroir et en coupe-gorge ;
  • à réduire les femmes en ombres d’elles-mêmes, périmées avant que de naître, voilées au premier jour, violées si elles oublient de se coucher avec le soleil.

Le FLN a aussi réussi à ramener l’avenir du pays aux dimensions d’un tapis de prière, à ne laisser aux jeunes comme unique horizon et avenir que le ventre des requins bleus.

Et comme tous les experts s’accordent à dire que les réserves du pays en pétrole vont tarir dans vingt ans, c’est-à-dire demain, on se demande alors que feront alors les 50 millions d’Algériens avec le cadavre de ce pays qu’ils auront eu en héritage. Trouveront-ils alors assez de pierres et de sable pour calmer leur faim ?

* Mohamed Kacimi : Ecrivain, a collaboré au magazine Actuel, et à France Culture. Anime avec Françoise Allaire l’association Ecritures du Monde dont le but est de mette en place des chantiers de théâtre dans les régions sensibles du monde et de diffuser les théâtres étrangers en France. Derniers ouvrages parus: L’Orient après l’amour, Actes Sud, 2009; La Confession d’Abraham, Gallimard Folio 2012

Source : Rue 89 19/04/2014

Voir aussi : Rubrique Méditerranée, Algérie, rubrique International,

Agonie silencieuse de la Centrafrique

Plus de diamants ni de safaris, les chancelleries se désengagent.

centrafrique-250-02f5eDeux cent trente mille déplacés internes, soixante-deux mille réfugiés dans les pays voisins… Depuis le coup d’Etat du 24 mars, la Centrafrique s’enfonce dans le chaos. Les cris d’alarme lancés durant l’été par les Nations unies semblent enfin tirer les chancelleries de leur torpeur. Il est probable que la résolution préparée par Paris pour le Conseil de sécurité de la fin septembre ne suffira pas.

Mi-septembre 2013, les partisans du président François Bozizé, renversé par un coup d’Etat le 24 mars, lancent une offensive militaire à Bossangoa, dans le nord-ouest de la République centrafricaine (RCA). Ils affirment vouloir reprendre le contrôle du pays, tombé aux mains de la Seleka, une coalition de mouvements rebelles venus du nord (1). Cent personnes auraient péri dans l’attaque. Depuis mars, les combats ont fait des centaines de victimes et provoqué une vaste crise humanitaire affectant plus d’un million d’habitants. Pays pauvre — cent quatre-vingtième en 2013 au classement du Programme des Nations unies pour le développement —, la RCA ne dispose pas de ressources stratégiques. Mais, désormais, c’est l’effondrement de l’Etat tout entier qui se profile, avec à la clé l’apparition d’un vaste territoire d’instabilité et de non-droit en plein cœur du continent, aux frontières de grands voisins explosifs, République démocratique du Congo (RDC), Tchad, Ouganda et Soudan, et au carrefour de l’islam et de la chrétienté.

Silence radio. En mars 2013, les appels à l’aide désespérés de M. Bozizé ne reçoivent, pour la première fois, aucune réponse. La Seleka, maintenue aux portes de Bangui depuis novembre 2011, vient de fondre sur la capitale. Mieux équipée, plus organisée, avec environ quatre mille combattants, sa puissance militaire est supérieure à celle des Forces armées centrafricaines (FACA) sans formation, sans moyen logistique, et même… sans armes. Sur les cinq mille soldats réguliers, trois mille seulement disposeraient d’un fusil, les autres se voyant cantonnés au rôle de sapeurs-pompiers. Seuls les huit cents hommes de la garde présidentielle semblent en mesure de s’opposer à l’attaque rebelle. Mais ces soldats, redoutés pour avoir renversé le président Ange-Félix Patassé au profit de M. Bozizé en 2003, sont rapidement dépassés, après un court combat dans le nord de la capitale.

Le chef de l’Etat trouve à peine le temps de fuir : il franchit l’Oubangui pour se réfugier en RDC. De leur côté, les soldats africains de la Force multinationale de l’Afrique centrale (Fomac), envoyée en interposition par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) en 2008, et les six cents Français du détachement « Boali », déployé pour protéger les ressortissants lors du coup d’Etat de 2003, restent l’arme au pied. Alors qu’en mars 2007 une opération parachutiste française, appuyée par des éléments tchadiens, avait chassé les rebelles de Birao près de la frontière soudanaise (2), cette fois Paris et N’Djamena semblent avoir abandonné leur allié.

Un patchwork de factions politiques

Tombée aux mains de la Seleka, Bangui est aussitôt le théâtre de pillages et d’exactions, souvent dirigés contre tout individu suspecté d’avoir soutenu le président déchu. Les locaux de l’Organisation des Nations unies (ONU), notamment le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), sont dévalisés. Etrangement, l’ambassade de France se contente de mesures minimales pour protéger les mille deux cents expatriés, alors qu’ils sont directement menacés.

Présents depuis l’indépendance (lire « Une histoire violente ») en vertu d’un accord de défense, les parachutistes et marsouins français restent cantonnés dans leur camp de Mpoko. Il est vrai que les risques d’une intervention sont très nombreux : la Seleka se révèle un patchwork de factions politiques de toutes origines. Ainsi on y repère des rebelles tchadiens du colonel Aboud Moussa Mackaye, des janjawids soudanais échappés du conflit au Darfour, des troupes venues du nord, dont le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) et l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) — une coalition créée en 2006 dans le nord du pays par des partisans de M. Patassé, des déçus de M. Bozizé et des soldats en déshérence.

M. Michel Djotodia, musulman du Nord, culturellement proche du Soudan et chef de l’UFDR, est désigné chef de l’Etat par acclamation, et placé à la tête d’un Conseil national de transition (CNT) créé ad hoc. Sans grande légitimité populaire à Bangui, la Seleka fait preuve d’ouverture en accueillant au sein du CNT des membres de l’opposition et de l’ancien gouvernement, et en maintenant M. Nicolas Tiangaye au poste de premier ministre. Ce dernier — une figure de la défense des droits de l’homme — avait été nommé à l’issue des accords de Libreville (Gabon) de janvier 2013 entre la Seleka et le gouvernement de M. Bozizé.

Pourtant, malgré ces signes apaisants, une autre réalité s’impose sur tout le territoire : les soldats de la Seleka font régner la terreur sous divers prétextes, dont le désarmement de la population. Des cas de haine religieuse sont apparus. Les ex-rebelles importent avec eux l’islam du Nord dans un Sud majoritairement catholique. En prêtant serment, le 18 août dernier, M. Djotodia est ainsi devenu le premier président musulman du pays. Mais en cette fin d’été, les incidents et meurtres se sont multipliés dans la capitale. Le 7 septembre, la conquête de Bossangoa par les partisans de M. Bozizé, qui s’en prenaient aux musulmans soutiens du pouvoir, a provoqué des batailles à répétition et une répression antichrétienne meurtrière par la Seleka.

La Centrafrique se trouve au point mort. La mécanique instable des microéchanges vivriers qui tissent jour après jour la survie de la plupart des quatre millions cinq cent mille Centrafricains est grippée par l’insécurité. De son côté, échaudée par les événements du printemps, l’ONU n’a redéployé qu’une partie de son dispositif. Le 14 septembre, M. Djotodia annonce même la dissolution de la Seleka sans préciser qui contrôlera ses quinze mille hommes. Renforcés par l’enrôlement de toutes sortes de supplétifs armés (3), les « seigneurs de la guerre » n’ont que faire d’un fantomatique pouvoir central.

D’ailleurs à quoi bon ? En dehors de la capitale, l’Etat n’existe plus. Suivant les régions, cet effondrement ne date pas d’hier. En 2013, ce pays, plus étendu que la France, voit la majorité de son territoire dénué de toute infrastructure. A l’exception de celles qui vivent aux abords de Bangui, les populations sont livrées à elles-mêmes, y compris pour se protéger de toutes sortes de prédateurs armés, comme les coupeurs de route (zaraguinas) venus du Cameroun… Très peu d’écoles, quasiment pas de routes, des services de santé embryonnaires, pas d’énergie, des fonctionnaires souvent impayés dans un contexte de corruption généralisée.

Ainsi, à mille cinq cents kilomètres, à la frontière du Tchad et du Soudan, les habitants de Birao, isolés par l’absence de route, n’ont absolument aucun échange avec la capitale. Cette région de la Vakaga a toujours tenu lieu de base arrière des rebellions nationales. Mais le reste du territoire est à peine plus équipé, et les hordes de la Seleka trouvent là un terrain propice à leur prédation. Les Nations unies relèvent deux cent trente mille déplacés internes, soixante-deux mille réfugiés en RDC et au Cameroun, et cinq cent mille personnes en situation de détresse alimentaire. Les bailleurs de fond ne se précipitent pas : les « appels de fonds consolidés » d’OCHA ne sont financés qu’à 30 %. L’oubli du pays est manifeste, symptôme tragique de son absence d’intérêt, y compris dans le champ humanitaire. Car la Centrafrique reste un cas de « basse intensité » : pas de massacres à grande échelle, pas d’embrasement total, pas de famine généralisée. Le malheur du pays demeure à l’image de son poids économique : négligeable.

Pour la France, cette indifférence est neuve. Depuis l’époque de l’Oubangui-Chari, la discrétion du pays avait aidé à dissimuler les enjeux tricolores locaux (diplomatiques, stratégiques et industriels). Mais le gel pour deux ans de l’exploitation de la mine d’uranium de Bakouma, annoncé par Areva en novembre 2011 (4), a provisoirement libéré la France de ses intérêts immédiats sur place. Les maîtres locaux peuvent changer, ils se satisferont toujours des redevances minières le moment venu. Si les perspectives d’exploitation des forêts du Sud sont connues, l’enjeu industriel du moment est le pétrole de Gordil, à la frontière tchadienne, mais le gisement a été concédé en 2012 aux Chinois de la China National Petroleum Corporation (CNPC). Le reste des échanges économiques entre les deux pays est infime. Au moins sur un plan officiel, car la Centrafrique est le pays de tous les trafics. Sa déliquescence entretenue a favorisé l’extraction de pierres, de minerais et l’exportation d’ivoire hors de tout contrôle. Il en est de même pour les marchés du bois et de l’hévéa, concédés à des individus en mal d’aventures tropicales, généralement français, dans une logique de « comptoir ». Quant à la dimension stratégique de la RCA, les nouveaux moyens de projection et la redéfinition de la politique française de la région font désormais largement préférer le Gabon. Les deux bases historiques de Bouar et Bangui, camps de base de toutes les opérations équatoriales postindépendances (Rwanda, RDC, Tchad, Congo), ont été abandonnées en 1998.

Sur le plan diplomatique, la situation apparaît tout aussi sombre. Aucun des « amis » de M. Bozizé (France, Tchad, Afrique du Sud, Ouganda) ne lui est venu en aide, et la « communauté internationale » a brillé par son silence. Il est vrai que la France est, depuis janvier 2013, engagée sur un autre terrain africain, le Mali. Pourtant, l’armée tricolore a toujours façonné la vie politique de la Centrafrique en plaçant ses protégés, quitte parfois à les destituer par la suite. Le « lâchage » de M. Bozizé ne s’accompagne pas d’une once d’intérêt pour l’avenir du pays. Au Mali, Paris a tout fait pour donner un cadre légal à la transition, en obtenant, par le truchement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la nomination de M. Dioncounda Traoré, président par intérim, avant d’imposer les élections de juillet 2013. Rien de tout cela pour la Centrafrique, si ce n’est un blanc-seing accordé à la médiation de la Ceeac, menée par les présidents Idriss Déby (Tchad) et Denis Sassou Nguesso (République du Congo), dans le dos de l’Union africaine. A la tête de régimes autoritaires, les deux chefs d’Etat sont des alliés historiques de Paris.

Montée en puissance du Tchad

Le président tchadien fut l’un des instigateurs de la prise de pouvoir de M. Bozizé en 2003 et pendant dix ans son principal soutien régional en alimentant de ses troupes les forces d’interposition locales, dont celles de la Fomac. Pourtant, la reconnaissance de la légitimité de la Seleka, alors même que des rebelles tchadiens auraient été le fer de lance de l’assaut sur Bangui, traduit la montée en puissance de M. Déby. En outre, en participant à la guerre malienne aux cotés des Français et en s’imposant comme un interlocuteur majeur en RCA, celui-ci se positionne comme le grand leader de la sous-région. Il redore ainsi son blason terni par la pluie de critiques que lui adressent les défenseurs des droits humains. Bien entendu, M. Bozizé, réfugié à Paris, a beau jeu de rappeler qu’il a été élu « démocratiquement » et qu’il reviendra au pouvoir… Mais la page semble tournée. En reconnaissant le CNT dès le mois de juin, puis en dressant un calendrier de retour à la démocratie avec l’instauration d’élections dans dix-huit mois, la Ceeac entérine le coup d’Etat.

Cependant, à la mi-juillet 2013, les rapports de la mission conjointe de l’Union européenne et de l’ONU, dirigée par Mme Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération et aux affaires humanitaires, et Mme Valerie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires humanitaires, ainsi que les déclarations du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, le général sénégalais Babacar Gaye, commencent à secouer les chancelleries. L’Union africaine annonce le remplacement, d’ici la fin de l’année, de la Fomac par la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), dotée cette fois de trois mille six cents hommes (5). De son côté, Mme Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI), fait part, le 7 août, de « sa préoccupation pour les crimes perpétrés en RCA ».

Le 23 août, alors que la tension internationale monte à propos d’une intervention militaire en Syrie, Paris semble se réveiller. Après avoir reçu les représentants d’associations mobilisées à Bangui, le président François Hollande insiste sur « la nécessité absolue de rétablir la sécurité pour l’accès de l’aide humanitaire aux populations » et annonce son intention de saisir le Conseil de sécurité fin septembre. Une prise de position face au désastre humanitaire en cours, contenant en filigrane le danger de « somalisation » du pays. La RCA est d’ores et déjà un immense territoire hors de tout contrôle. Faudra-t-il se satisfaire de voir s’installer au centre de l’Afrique un no man’s land supplémentaire, livré à toutes sortes de groupes extrémistes, religieux ou émanations de puissances étrangères, trouvant là un espace de repli ? De Boko Haram à l’Armée de résistance du Seigneur (6), sans omettre Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), les prétendants sont légion…

Vincent Munié

(1) L’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) de M. Michel Djotodia, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) de M. Abdoulaye Miskine, la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) de M. Abdoulaye Hissène et la Convention patriotique du salut du Kodro (CPSK) de M. Mohamed Moussa Dhaffane.

(2) Lire « En Centrafrique, stratégie française et enjeux régionaux », Le Monde diplomatique, février 2008.

(3) Dont une estimation de trois mille cinq cents enfants-soldats selon l’OCHA, 6 septembre 2013.

(4) A la suite de la chute des cours consécutive à la catastrophe de Fukushima.

(5) Depuis quinze ans, la RCA connaît la présence de forces d’interposition aux acronymes labyrinthiques, d’origines multilatérales diverses, mais bien souvent inoffensives : Minurca, Fomuc, Fomac, Eufor, Micopax et Misca.

(6) Lord’s Resistance Army (LRA) de M. Joseph Kony, issue de l’Ouganda, et installée de longue date dans l’est du pays.

Source : Le Monde diplomatique Octobre 2013

Voir aussi : Rubrique International, rubrique Afrique, République Centrafricaine, rubrique Politique, Politique internationale,

“Strange Fruit”, et Billie Holiday suspendit l’Histoire

New York, 1939. Une voix perfore le cœur d’une Amérique bipolaire. “Strange Fruit”, acte de naissance de la chanson contestataire, résonne pour l’éternité.

I feel like going home, de Muddy Waters, I got a woman, de Ray Charles, Zombie, de Fela ou encore War, de Bob Marley… Dans la continuité de l’expo « Great Black Music », à la Cité de la Musique, qui rassemble jusqu’en août cinquante ans de musiques noires, Télérama.fr vous raconte chaque semaine l’histoire d’une chanson qui a traversé les générations.

Le lynchage d'Abram Smith et Thomas Shipp à Marion, Indiana, le 07 aoüt 1930, © studio photographer Lawrence Beitler/ The Indiana Hisorical Society.

Le lynchage d’Abram Smith et Thomas Shipp à Marion, Indiana, le 07 aoüt 1930, © studio photographer Lawrence Beitler/ The Indiana Hisorical Society.

Les dernières notes de Strange Fruit sont souvent suivies d’un silence sidérant. Le night club est plongé dans le noir. Les serveurs ne doivent pas bouger, ni faire le moindre bruit. Chaque soir, le rideau retombe sur l’image de « ces corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud/comme d’étranges fruits aux branches des peupliers ». Le public new-yorkais ne sait pas comment réagir. Doit-il rester grave et recueilli dans un moment d’intense communion avec le peuple noir qui est encore victime des lynchages? Doit-il applaudir à tout rompre la performance sublime de Billie Holiday dont le tour de chant s’achève rituellement par cette lamentation déchirante ? L’intensité de l’instant n’a guère d’équivalent.

Les années 30 touchent à leur fin. New York est une ville vibrante, créative, illuminée. Le Cafe Society qui vient d’ouvrir ses portes sur Sheridan Square, à Greenwich Village, fait vœu d’être le premier night club d’Amérique où noirs et blancs peuvent se mélanger sans y penser. Les amoureux de jazz et les penseurs d’une gauche en verve y font bon ménage et Billie Holiday règne avec autorité sur ce beau monde hédoniste et raffiné. Sa voix est l’expression la plus pure d’une blessure grande ouverte. Elle donne à Strange Fruit une force que rien ne peut dompter. Son timbre est clair, à peine frissonnant, son interprétation lente et posée. La chanteuse qui, en ce printemps 1939, a tout juste vingt-quatre ans, dompte son souffle, impose son rythme, dévoile les images de la terrible scène de lynchage sans forcer le trait. L’émotion est nue. La chanson semble taillée pour elle. A tel point qu’elle a fini par croire qu’elle en était l’inspiration.

be Meeropol, l’auteur derrière le mythe

Dans sa biographie, Lady Sings the Blues, elle raconte que le jour où un certain Lewis Allen s’est présenté à elle avec cette ébauche de chanson, elle a compris immédiatement qu’elle mettait en musique toute l’infamie qui avait tué son père (il est mort d’une pneumonie après que plusieurs hôpitaux du sud ségrégationniste aient refusé de le soigner).

Strange Fruit restera LA chanson de Billie Holiday, mais elle n’a pas été écrite pour elle. Quand elle les interprète pour la première fois, ces trois couplets dépeignant, avec brutalité et ironie, le pourrissement du racisme dans l’air moite des campagnes du Sud (« l’odeur du magnolia, douce et fraîche/et soudain l’odeur de la chair qui brûle ») ont déjà fait leur chemin. Ils ont été publiés, au milieu des années 30, dans un bulletin syndical des enseignants new-yorkais par Abe Meeropol, professeur d’un lycée du Bronx.

A l’origine, Strange Fruit n’est qu’un court poème, Bitter Fruit, (« fruit amer »), inspiré par la photo du lynchage de deux jeunes garçons noirs, à Marion dans l’Indiana. Abe Meeropol, qui se fait appeler Lewis Allan (et non Allen, comme le retranscrit Billie Holiday) pour préserver son anonymat, est un juif américain proche du parti communiste. Il met lui-même son texte en musique et on le reprend régulièrement en chœur dans les meetings politiques. Jusqu’à ce que sa réputation parvienne aux oreilles de Barney Josephson, qui vient d’ouvrir le Cafe Society et n’imagine pas qu’on chante ailleurs ces quelques lignes qui font entrer la chanson contestataire dans un autre âge.

La plus grande chanson du XXe siècle

« C’est la plus affreuse des chansons, dira plus tard Nina Simone. Affreuse parce que violente et dévoilant crûment ce que les blancs ont fait aux miens. » Une des légendes accompagnant Strange Fruit veut que Billie Holiday n’ait pas été « bouleversée » quand Strange Fruit lui a été proposée par son employeur.  « Indifférente » ou « mal à l’aise » selon les sources. Elle n’a toutefois pas tardé à se l’approprier et à en faire l’apogée de son tour de chant. Son premier enregistrement date du printemps 1939. Sur le label Commodore, qui a élu domicile dans un petit magasin de la 52e rue, et non sur les disques Columbia avec lesquels elle a signé un contrat : John Hammond, qui a découvert la chanteuse à 17 ans à Harlem, n’a pas voulu se mouiller.

Strange fruit devient vite un succès, mais c’est un succès gênant. Les militants de gauche l’envoient aux membres du Congrès pour les mobiliser. Le Sud ségrégationniste est encore très influent au sein des partis politiques et des médias et la radio passe peu le disque. C’est le bouche-à-oreille qui fait circuler les refrains scandaleux, attire une foule de fervents au Cafe Society et vaut à son auteur une audience très spéciale… celle de la Commission de la Chambre sur les affaires anti-américaines, qui veut savoir si le parti communiste a financé l’écriture de la chanson. Abe Meeropol reste ferme face à ses accusateurs. Quelques années plus tard, il adoptera les enfants d’Ethel et Julius Rosenberg, exécutés pour « espionnage au profit de l’URSS ».

Billie Holiday ne connaîtra rien des avancées de son peuple. Les années 40 et 50 sont pénibles. Dans l’Amérique du maccarthysme, certains clubs refusent qu’on joue Strange Fruit. La chanteuse est obligée de l’imposer contractuellement. Certains soir, elle se plaint des serveurs qui font volontairement tinter leur caisse enregistreuse pendant toute la durée de la chanson. En 1944, elle est à deux doigts d’ouvrir la gorge d’un marin qui la traite de « négresse » A un ami qui l’interpelle, un jour sur une avenue de New York (« comment va la Lady Day ? ») elle répond : « Bof, tu sais, je suis toujours nègre ».

Dans la lente descente narcotique de ses dernières années, Strange Fruit est un morceau toujours plus pesant et douloureux qu’elle ne parvient pas toujours à le chanter. Elle meurt à 44 ans, en 1959. En 1999, Time Magazine décrète que Strange Fruit est la plus grande chanson du XXe siècle.

Laurent Rigoulet

Source Télérama 08/04/2014

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