Contestation contre Wall Street: «C’est notre Printemps américain!»

A Washington, à deux pas de la Maison Blanche, des centaines de sympathisants entament une occupation contre la guerre en Afghanistan et la «machine capitaliste» de Wall Street.

Bannières, sacs de couchage, tam-tam: près de trois semaines après le début des manifestations de New York, ils sont plusieurs centaines, écologistes, anciens combattants ou simples « déçus d’Obama », bien décidés à camper « jusqu’à ce que le changement arrive » sur la Freedom plaza, une place située entre le Capitole, siège du Congrès, et la Maison Blanche.

« Cela fait un an que nous travaillons à ce rassemblement, bien avant le mouvement +Occupons Wall Street+ », raconte Lisa Simeone, une des organisatrices de la manifestation hautement symbolique au coeur de la puissance américaine.

« Mais leur mobilisation a amplifié la nôtre: nous nous inspirons mutuellement les uns des autres », explique cette animatrice d’une radio à Baltimore, dans le Maryland (Est).

A l’origine du mouvement « Stop the Machine, Create a New World » (« Arrêtez la machine, créez un nouveau monde »), des pacifistes venus manifester contre le 10e anniversaire du début de la guerre en Afghanistan, mais près de 150 associations à travers le pays se sont jointes à l’initiative.

« Les gens sont déçus », explique le révérend Bruce Wright, un des organisateurs du mouvement venant de Floride (Sud-Est). « Nous sommes là au nom des petites gens, pour réclamer nos droits économiques universels: le droit d’avoir un toit, un métier, un accès gratuit à la santé ».

« Nous aussi nous avons notre printemps américain », lance-t-il, revendiquant l’héritage du printemps arabe. « Comme en Afrique du Nord, en Espagne ou encore en Grèce, nous sommes ici pour réclamer un monde juste et durable! »

Ken Mayers est un ancien combattant du Vietnam: « Nous voulons en finir avec la mainmise des grosses entreprises ». « Si le mouvement se transforme en tsunami, ça peut marcher! » affirme-t-il en rajustant sa casquette militaire. « La Freedom Plaza, c’est comme la place Tahrir en Egypte ou la place Syntagma à Athènes! »

Derrière lui, des hommes, cagoulés de noir et portant la combinaison orange des détenus de Guantanamo, appellent à la traduction de George W. Bush et de Barack Obama devant la Cour pénale internationale.

En fond sonore, un concert des « Raging grannies » (les « mémés déchaînées »), une trentaine de grands-mères, certaines le short coupé court sous la fesse, entonnent une chanson faite-maison: « Nous avons dépensé des milliards pour envoyer nos fils à la guerre, remboursez-nous! »

Les manifestants qui ont suivi la veille des ateliers de désobéissance civile, ont reçu l’autorisation de rester quatre jours sur cette place mais certains, comme cette ancienne hippie, affirment « vouloir rester jusqu’à ce que le changement arrive! »

« Nous sommes des déçus d’Obama: cet homme-là nous a trahis », confie Connie Joe, secrétaire dans une école du Wisconsin (Nord). « J’ai pris une semaine et demie de vacances, ça fait trente ans que j’attendais un mouvement comme ça! ».

Carrie Stone, elle, n’a pas eu à prendre de congés. Son affaire a périclité en 2008, elle n’a plus de couverture maladie ni indemnité chômage. Elle a décidé de venir à pied depuis la Virginie occidentale (Est). Neuf jours sur les routes « pour attirer l’attention des politiques, sur nous, les pauvres ».

AFP

 

Le mouvement Occupy Wall Street commence à être pris au sérieux

Lors d’une marche sur le Brooklyn Bridge, plusieurs centaines de manifestants du mouvement anti-capitaliste Occupy Wall Street ont été arrêtés samedi. Un incident qui a popularisé cette initiative active à l’origine sur l’Internet.

Il aura fallu l’interpellation, samedi, de centaines de manifestants par la police de New York sur le Brooklyn Bridge pour que le mouvement Occupy Wall Street commence à faire les gros titres des médias à travers le monde. Ces militants ont tous été relâchés depuis, mais l’attitude des forces de l’ordre à l’égard d’une initiative anti-capitaliste qui semblait anecdotique jusqu’à présent a marqué les esprits.

Pourtant, depuis trois semaines déjà, ces campeurs de Wall Street qui demandent des comptes à la

“planète finance” ont planté leurs tentes en plein cœur du quartier des affaires de New York. Ils se sont installés à deux pas de la Bourse et occupent les lieux 24 heures sur 24.

Très actifs sur les réseaux sociaux, ils déclarent être les représentants des “99 %” en opposition au “1 % des Américains du nord” les plus riches. À l’instar du collectif d’hacktivistes Anonymous – qui soutient  par ailleurs “Occupy Wall Street” – ces militants ne se reconnaissent aucun leader et tiennent à une organisation aussi décentralisée que possible.

Conséquence : ce mouvement n’a ni unité ni mot d’ordre. Ces indignés du capitalisme sont aussi bien issus de la gauche revendicatrice qui demande une meilleure redistribution des richesses que des libertaires à l’américaine qui revendiquent l’abolition de la Réserve fédérale et ne veulent pas que l’État intervienne de quelque manière que ce soit dans leur vie.

Né de l’appel lancé en juillet à “occuper Wall Street” par le collectif anti-consumériste canadien Adbusters, le mouvement a débuté le 17 septembre avec un millier de manifestants pour atteindre plusieurs milliers de personnes lors de la marche sur le Brooklyn Bridge, le 1er octobre.

Surtout, cette contestation new-yorkaise a créé des émules à travers les États-Unis avec une dizaine de villes, telles que San Francisco ou Chicago pour l’instant. Selon le site OccupyTogether, qui recense toutes les initiatives locales inspirées par le mouvement d’origine, des activistes dans une cinquantaine d’autres localités américaines se préparent à occuper des lieux symboliques de la finance.

France 24

Voir aussi : Rubrique Finance, rubrique Etats-Unis, rubrique Mouvements sociaux, rubrique Afghanistan,

Primaire du PS : « Le pognon devient décisif »

Harlem Désir. Photo AFP Philippe Desmaz

Une « révolution démocratique » pour Arnaud Montebourg, une « juste compétition » pour Ségolène Royal, un « nouveau droit aux Français » pour Harlem Désir… Au PS, l’unanimisme est aujourd’hui de mise pour défendre les « primaires citoyennes » dont le premier tour aura lieu dimanche. Mais il n’en fut pas toujours ainsi, rappelle Rémi Lefebvre dans son excellent ouvrage Les primaires socialistes, la fin du parti militant [1].

Premier « renégat » célèbre, Lionel Jospin. Le même qui promettait lundi « soutenir avec force celui ou celle qui finalement portera nos couleurs », se montrait, en 1995, beaucoup plus circonspect sur le principe des primaires. Lors des premières élections internes au parti, le premier secrétaire du PS, alors en lisse contre Henri Emmanuelli pour l’investiture, voyait dans ce mode de désignation une « perte de fraternité dans le parti » (Le Monde, 28 janvier 1995). De même Laurent Fabius, qui, trois ans après avoir été le candidat malheureux de la primaire de 2006, regrettait l’instauration par la primaire d’une démocratie toute acquise aux sondages : « Désormais, c’est l’opinion qui fait le parti », déplorait-il dans Le Monde du 26 août 2009.

Ni « modernes », ni « émancipatrices »

Un constat que ne renierait pas François Hollande, compétiteur de 2011 et chouchou des sondeurs. Dans un livre paru en 2009, cet opposant farouche aux primaires ouvertes s’alarmait notamment de ce que « les attentes supposées de l’opinion, du souci des sondages, de l’affranchissement des contraintes collectives » prennent le pas sur la « solidarité partisane ». Et de conclure : « Je ne vois pas ce que l’affaiblissement des partis apporterait comme éléments de modernité et d’émancipation ». Des primaires ni modernes, ni émancipatrices… Voilà qui a le mérite d’être clair !

Beaucoup moins clair, Jack Lang : en juin 2010, il craignait sur France Inter « que ces primaires apparaissent plus comme une espèce d’assemblée générale de ratification » et, en décembre, tançait sur LCI une élection ressemblant à « l’hippodrome d’Auteuil, avec chaque jour un nouveau venu pour participer à la course hippique »  !

Mais la palme du retournement de veste revient à Harlem Désir, premier secrétaire du PS par intérim en remplacement de Martine Aubry. Celui qui, le mois dernier, envoyait une lettre aux militants pour les enjoindre à voter massivement, jugeait en 2009 (cité dans Hold-ups, arnaques et trahisons, d’André Antonin et Karim Rissouli) : « Si on fait des primaires alors à quoi ça sert de s’investir dans le parti ? À rien. À quoi sert de travailler avec le parti ? À rien. Donc ça explose. Et tout le monde ne trouvera pas, comme Royal, un mécène pour se préparer. Avec ce système, le pognon devient décisif. Chacun est un parti à lui tout seul. Il n’y a plus aucune égalité et le PS n’est plus qu’un comité électoral ». Et la politique dans tout ça ?

Pauline Graulle (Politis)

[1] Ed. Raisons d’agir, 2011, 8 euros. A contre courant, Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université Lille-II, estime que les primaires révèlent la dépolitisation croissante des Français et une absence de ligne claire au sein du parti de l’opposition.

Voir aussi : Rubrique Politique parti PS, Les ségolénistes tentent d’entretenir le désirActualité France,

Electrochoc

«Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne peut pas naître.» Cette définition du théoricien italien Antonio Gramsci s’applique à la lettre au moment de tension extrême que subissent la planète financière en général et le monde de la banque en particulier. De l’ancien monde, tout semble encore en place, ou presque. Près de deux décennies après le scandale du Crédit lyonnais, le drame de Dexia en témoigne jusqu’à la caricature : prise de risques inconsidérés, spéculation à coups de «produits» toxiques, tergiversation irresponsable des Etats, «stress tests» bidons et sauvetage public sans contreparties… Comme si chacun se refusait à tirer la moindre leçon de la catastrophe. Aucune mesure sérieuse d’encadrement et de contrôle des instruments financiers n’a été prise, ni en Europe ni aux Etats-Unis, depuis le sévère avertissement de 2008. Au moment où s’esquisse un nouveau plan de sauvetage des banques, cette fois à l’échelle européenne, il faut rappeler à tous qu’une banque est d’abord et avant tout un bien public. Les Etats ne sauraient mobiliser à nouveau des milliards d’euros sans exiger des règles nouvelles et, notamment, une place au conseil d’administration des établissements aidés. Nicolas Sarkozy s’y était refusé en 2008. Les peuples européens ne comprendraient pas aujourd’hui que nul ne soit en charge du rappel permanent et exigeant de l’intérêt général. La politique y joue son crédit. Le monde nouveau ne naîtra pas sans un électrochoc.

Vincent Giret (Libération)

 

Banque : L’Europe passe à l’action

Hier à Bruxelles, les Vingt-Sept se sont mis d’accord sur le principe de renflouer les établissements en difficultés. Sans encore évoquer de contreparties.

Panique à bord : après des mois de déni, les gouvernements européens, secoués par l’effondrement de la banque franco-belge Dexia, admettent enfin qu’il y a un énorme problème bancaire sur le continent. Hier, à Bruxelles, Angela Merkel a reconnu qu’il «est justifié, s’il y a un constat commun que les banques ne sont pas assez capitalisées, que l’on procède (à une recapitalisation), compte tenu de la situation actuelle sur les marchés financiers». En clair, pas question de croiser les doigts en espérant que la confiance revienne, comme voulait le faire Paris. «Pour les marchés, il est important qu’on aboutisse à des résultats, a martelé Merkel. Le temps presse et donc il faudrait que cela se fasse vite.»

Olli Rehn, le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, a pour sa part annoncé, dans un entretien au Financial Times, que les Vingt-Sept préparaient un plan destiné à renflouer les banques qui en ont besoin : «Il y a un sentiment d’urgence parmi les ministres des Finances. […] Le capital des banques européennes doit être renforcé afin de leur donner une marge de sécurité et ainsi de réduire l’incertitude», sur les marchés. Ce n’est pas encore un Plan Marshall pour les banques, mais ça commence à y ressembler.

Incendie. Les réunions des dirigeants européens vont s’accélérer ces prochains jours, non seulement pour enrayer l’incendie bancaire qui menace, mais aussi pour essayer d’apporter une réponse globale à la crise de la dette souveraine : réunion de la BCE aujourd’hui à Berlin, sommet franco-allemand dimanche, toujours à Berlin, puis Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement les 17 et 18 octobre… Cette fois, les capitales européennes semblent déterminées à éviter la cacophonie de l’automne 2008, lorsque l’Irlande avait garanti sans avertir personne les dépôts de ses épargnants, ce qui avait déclenché une belle panique. «Ce devra être un mouvement ordonné, transparent et égalitaire dans toute la zone», indique l’Elysée.

Merkel insiste aussi pour que la recapitalisation se fasse selon des «critères communs». «Si l’on renforce les banques, ce ne sera pas parce qu’elles sont intrinsèquement malades, mais parce que l’on n’arrive pas à résoudre la question de la dette de la Grèce. Il s’agit de témoigner d’une volonté collective de stabilisation du système financier européen», insiste l’Elysée. Pourtant, «la crise bancaire de 2007 est loin d’avoir été résolue, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, comme le montre l’affaire Dexia, affirme Nicolas Veron, du centre de réflexions Bruegel. Certes, depuis, elle s’est transformée en crise de la dette et désormais les deux s’entretiennent réciproquement : c’est parce que les marchés doutent de la solvabilité des Etats qu’ils doutent de la solidité des banques.» Mais, selon Veron, le problème va bien au-delà d’une question de confiance des marchés : «Il faut qu’une autorité indépendante soit chargée d’identifier les maillons faibles, car il y en a, et qu’elle puisse les traiter en les recapitalisant ou en les restructurant.»

Car pour l’instant, les comptes des banques sont pleins de zones d’ombre que les «stress tests» de juillet n’ont pas permis de lever. En particulier, les établissements français souffrent, aux yeux des marchés, d’avoir conservé un effet de levier trop élevé dans leur bilan : ainsi, le total de bilan de BNP Paribas représente 27 fois ses fonds propres et ce multiple s’élève à plus de 50 pour la Société générale. En comparaison, les principales banques américaines affichent un ratio moyen de 10. Pour s’aligner, à périmètre constant, les banques européennes devraient augmenter leurs fonds propres de 360 milliards d’euros…

Prix d’Ami. La recapitalisation qui s’annonce et dont on ignore le montant fera appel soit à des investisseurs privés, soit à de l’argent public, soit à des fonds européens. En effet, le Fonds européen de stabilité financière pourra, dans sa nouvelle mouture, qui devrait entrer en vigueur à la fin du mois, prêter de l’argent aux Etats afin de les aider à recapitaliser leurs banques. Les Européens cherchent actuellement les moyens de démultiplier son action en créant un «effet de levier».

En attendant que le ménage soit fait, la BCE ne reste pas inactive. Le système peut imploser à chaque instant, puisque le marché interbancaire est paralysé. La situation est aussi tendue qu’au début de la crise des subprimes, (août 2007), ou au lendemain de la faillite de Lehman Brothers (septembre 2008) : les établissements financiers ne se prêtent plus d’argent de peur de ne pas le récupérer. La BCE inonde donc à nouveau de liquidités le marché : depuis le début de la crise, elle accorde des prêts à taux fixe (et donc à prix d’ami) à trois mois et sans plafond aux banques commerciales. Mieux : elle a annoncé qu’elle allait passer à des durées de six mois et peut-être, demain, d’un an. Reste à savoir si les opinions publiques accepteront ce second sauvetage sans que les banques en payent le prix. Jean-Claude Trichet, président de la BCE, a déjà averti que «nos démocraties ne pourraient accepter un nouveau plan d’aide aux banques» de même ampleur qu’en 2008 «sans contreparties».

Jean Quatremer et Nathalie Raulin

Voir aussi : Rubrique Finance, Politique économique, rubrique UE,

Le Sénat américain décide de débattre sur le projet de loi relatif au yuan

WASHINGTON, 4 octobre  – Le Sénat américain s’est prononcé lundi en faveur d’un débat sur le projet de loi controversé concernant la soi-disant « manipulation de la monnaie » par la Chine, en dépit de la forte opposition de la Chine et d’associations des milieux d’affaires américains.

Avec 79 voix contre 19, l’aval des sénateurs a ouvert la voie à un débat d’une semaine sur le projet, dernière étape avant qu’il ne soit soumis au vote du sénat. Et pour que le projet devienne loi, il faudra encore qu’il soit adopté par la chambre des représentants et signé par le président Barack Obama.

Le projet de loi de réforme sur la supervision des taux de change a été présenté par les sénateurs Charles Schumer et Sherrod Brown, et d’autres législateurs démocrates et républicains.

Avec pour objectifs de réduire le déséquilibre commercial entre les deux pays et de créer plus d’emplois aux Etats-Unis, cette loi obligerait le département américain du Trésor à désigner la Chine comme un « manipulateur de monnaie » et à donner le droit aux compagnies américaines d’imposer des droits de douane supplémentaires, par mesures de rétorsion, sur les produits importés venant de pays dont les monnaies ont été jugées « sous-évaluées ».

La Chine a déjà exprimé sa forte opposition au projet de loi, en demandant aux hommes politiques américains d’éviter d’accroître le protectionnisme commercial et de politiser la question du taux de change.

La loi américaine sur la devise chinoise fait plus de mal que de bien

WASHINGTON, 3 octobre.  La loi présentée par le Sénat américain en représailles contre les supposées manipulations de change de la Chine n’aidera pas la création d’emplois aux Etats- Unis, mais aura des conséquences négatives, a rapporté lundi le Washington Post.

Le Sénat doit procéder lundi soir à un vote de procédure pour décider ou non de sanctions contre la Chine, accusée de sous- évaluer sa monnaie et de voler des emplois aux Américains.

« C’est une loi contre-productive », estime le Washington Post dans son éditorial, ajoutant que des sanctions contre la devise chinoise n’aideront pas à rééquilibrer le commerce américain ni à créer davantage d’emplois.

« Mettre fin au déficit commercial avec la Chine ne suffira pas nécessairement à résoudre le déséquilibre commercial global des Etats-Unis », indique ce journal, « En effet, d’autres pays à bas salaires (..) pourraient facilement prendre la place de la Chine ».

Le reportage note que les pièces de nombreux produits « chinois » sont déjà fabriqués ailleurs, importés en Chine pour y être assemblés puis réexportés vers les États-Unis. Seuls 20 à 30% de la valeur des produits chinois aux États-Unis seraient affectés par un renforcement du yuan, la devise chinoise, également dénommée renmibi.

En outre, la Chine effectue déjà une réévaluation progressive de sa devise, principalement parce qu’elle y est obligée pour juguler l’inflation dans son propre pays.

Cette manoeuvre du Congrès serait également néfaste à l’ économie mondiale, note l’article.

« L’économie mondiale a suffisamment de problèmes sans y ajouter le fossé commercial entre les Etats-Unis et la Chine », ajoute-t-il.

Xinhua

Voir aussi : Rubrique Finance, L’injection de la Fed critiquée de toutes parts, Politique Américaine Oui aux cadeaux fiscaux, non à la taxe bancaire, rubrique Politique Internationale, Hu Jintao à Washington, rubrique Chine Politique monétaire La Chine traduit ses paroles en actes, Impact de la crise en Chine, Si Pékin cessait d’acheter la dette américaine, La réévaluation du Yuan en question, La Chine resserre ses taux hypotécaires

rubrique Livre , Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,

Contes publics : La crise des ânes

Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient bien peu étrange mais son prix était très intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie. Il revint le lendemain et offrit cette fois 150 € par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il offrit 300 € et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes disponibles. Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 € dans huit jours et il quitta le village.

Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 € l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu et pour ce faire, tous empruntèrent.

Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés.

Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune.

Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant. Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement.

Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes.

Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale… On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.

Cette bien triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères et vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée à la sueur de leur front. On les appelle les frères Marché.

Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants.

Cette histoire n’est toutefois pas finie car on ignore ce que firent les villageois. Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place? Que ferez-vous ?

Avant de nous retrouver tous sur la place du village samedi 15 octobre 2011 (journée internationale des Indignés), faites déjà passer cette histoire à votre voisin…

L’emprunt forcé, une arme des Etats face aux marchés ?

C’est parce qu’ils sont convaincus que les grands pays européens ne sont pas « sans défense face aux anticipations perverses des marchés » que l’ancien et l’actuel président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Jean-Paul Fitoussi et Philippe Weil, et le grand patron italien Gabriele Galateri di Genola, président de Generali, ont pris leur plus belle plume  pour inviter ensemble les Etats à se ressaisir.

Leur tribune initialement parue dans le Financial Times du 15 septembre est en ligne sur le blog de l’OFCE  sous le titre « L’emprunt forcé : l’arme de destruction massive de la politique budgétaire ».

Le propos des trois auteurs, décrypté par M. Weil, est simple : éviter que la crainte du pire demain (des écarts de taux trop forts, une dégradation de la note souveraine et un emballement de l’endettement)  n’entraîne dès aujourd’hui « une spirale dépressive » calamiteuse pour la croissance et pour l’emploi.

Quand des pays qui ont la même monnaie  (l’euro) et qui sont des partenaires commerciaux se mettent ensemble, par une coordination de fait, à adopter des politiques restrictives,  le résultat est catastrophique sur l’activité et le niveau de l’emploi, explique M. Weil.

Les Etats européens ne peuvent plus, comme autrefois, faire marcher la planche à billets pour réduire leur taux d’endettement (c’est-à-dire monétiser leur dette). Les eurobonds, dont le mérite économique n’est pas à démontrer, ne séduisent guère les Allemands. Et le marché unique ne résisterait sans doute pas à la création, au sein de la zone euro, d’un espace des pays du Nord et d’un espace des pays du Sud.

Pour autant, écrivent les auteurs, le sort de l’Europe n’est pas scellé. Il suffit pour cela que les gouvernements ressortent de leur arsenal budgétaire l’arme qui  leur a servi aussi bien en temps de guerre qu’en temps de paix : l’emprunt forcé.

Ce serait  une façon de « sortir des prophéties auto-réalisatrices des marchés » et un moyen  pour les grands pays européens de leur rappeler qu’il n’y a aucune raison que  les Etats fassent défaut et qu’une partie des dettes souveraines, lorsque les primes de risques sont trop élevées, peut fort bien être refinancée auprès de leurs propres citoyens.

Valéry Giscard d’Estaing ou François Mitterrand ne sont pas les seuls à avoir  recouru à l’emprunt forcé. Plus récemment, en 2009, la Californie a utilisé cette arme  : elle a augmenté de 10% le prélèvement à la source de ses contribuables pendant la crise, tout en les prévenant qu’elle les rembourserait, mais sans intérêts, en 2010. C’était aussi un signal adressé aux marchés. L’histoire ne dit pas ce que les Californiens en ont pensé.

Source Le Monde 20/09/11

 

La rigueur, ses excès et ce qu’en disent les économistes

La conversion des socialistes français à la nécessité de réduire le déficit public, manifeste lors du premier débat télévisé qui a opposé le 15 septembre les six candidats à la primaire, a quelque chose de paradoxal. Elle survient en effet à un moment où des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent chez les économistes, et au-delà, pour mettre en garde les pouvoirs publics contre un excès de rigueur et/ou une rigueur généralisée.

L’Allemagne, on le sait, a inscrit dans sa Constitution le passage à un déficit structurel quasi nul (0,35% de son produit intérieur brut) à partir de 2016 et elle a d’ores et déjà obtenu que  certains de ses 16 partenaires de la zone euro suivent son exemple.

Or, dans une note diffusée le 7 septembre 2011, Henri Sterdyniak et Catherine Mathieu, chercheurs à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), observent que la règle d’or allemande n’en est pas une. Et surtout, ils indiquent que la « vraie » règle d’or des finances publiques, énoncée par Paul Leroy-Beaulieu à la fin du XIXe siècle, reconnaît à l’Etat le droit d’avoir un déficit tant qu’il finance l’investissement public.

Il ne va donc pas de soi ni du point de vue de l’économie classique, ni, bien entendu, du point de vue de la théorie keynésienne, qu’il faille se fixer pour objectif d’avoir un solde nul des finances publiques. Le « bon » niveau de déficit structurel dépend de la situation économique.

« Un déficit de 2,3% du PIB correspondait à la vraie règle d’or en 2006 pour la France ; un déficit de 7,5% du PIB  était nécessaire en 2009, compte tenu de la situation économique », précisent les deux auteurs. Et d’ajouter en bons keynésiens : « Dans une situation de faible croissance, de fort chômage, où les taux d’intérêt sont déjà très faibles (le 1er septembre, la France s’endettait à 10 ans à 2,9%), la priorité n’est pas de réduire le déficit public mais de soutenir la demande privée ».

UNE REGLE TROP « SIMPLISTE »

Ces interrogations ne sont pas limitées aux seuls keynésiens. Ainsi Christian de Boissieu, professeur associé à Paris-I, confesse-t-il ne pas savoir « d’où les Allemands sortent leur chiffre de 0,35% ni à quoi il correspond ». « La règle d’or allemande pose des problèmes, en particulier parce qu’elle ne reconnaît pas à l’Etat le droit d’emprunter pour investir  et parce qu’elle implique, à terme, un taux d’endettement public tendant vers zéro, ce qui est absurde », analyse Patrick Artus, directeur de la recherche économique de Natixis. Et de pointer d’autres règles moins « simplistes », comme l’interdiction de financer par la dette les dépenses publiques courantes.

Autrement dit, il n’y a aucune raison de faire « le concours de celui qui réduira sa dette le plus vite », selon l’expression d’Arnaud Montebourg, et Martine Aubry trouvera dans la littérature économique de solides arguments à opposer à François Hollande sur la nécessité ou pas de se fixer un objectif de zéro déficit des finances publiques en 2017.

Le cas de la Grèce retombée en récession deux ans après un premier plan d’austérité montre que le rétablissement de la soutenabilité des finances publiques exige du temps et un certain doigté. « Lorsque l’on va trop vite et trop loin, on casse la croissance et on aggrave le ralentissement économique ou on accentue la récession », observe Christian de Boissieu.

Si, comme le confirme Philippe Aghion, professeur d’économie à Harvard et à l’école Polytechnique, « il n’existe pas à proprement parler de définition de la rigueur », les pays sinon les plus rigoureux, du moins  » les plus vertueux » sont, à ses yeux, « ceux qui ont des faibles niveaux moyens de dette publique ou de déficits publics sur PIB et qui, de surcroît, mènent des politiques contracycliques (augmentation des déficits en récession, réduction des déficits en période d’expansion), ce qui leur permet de minimiser les conséquences du cycle économique sur l’emploi et les investissements de croissance ».

Christian de Boissieu  met pour sa part en avant au moins trois indicateurs utiles pour donner un contenu à la rigueur, ce terme emprunté aux politiques (de Raymond Barre à François Fillon en passant, bien sûr, par le socialiste Pierre Mauroy et son fameux tournant de 1983 ) : la baisse des salaires nominaux et des salaires réels (donc du pouvoir d’achat) , la caractère restrictif des politiques budgétaire et monétaire et leurs coûts d’ajustement économiques et sociaux, qui peuvent être extrêmement élevés (les Irlandais, les Grecs et les Portugais en savent quelque chose).

UN RISQUE DE SPIRALE DEPRESSIVE

Si la rigueur peut se retourner contre la croissance et, dans les cas extrêmes, contre le redressement des comptes publics, sa généralisation, au même moment, à l’ensemble des pays de la zone euro, déjà affectés par le ralentissement économique mondial, ne peut qu’engendrer une spirale dépressive, alerte un nombre croissant d’économistes.

Dans son édition du 15 septembre, l‘International Herald Tribune rapporte qu’un des membres du comité de politique monétaire de la Banque  d’Angleterre est un économiste américain, Adam Posen. Et que ce spécialiste du Japon et de ce qu’on appelle souvent sa « décennie perdue » met en garde depuis des semaines cette instance et les pouvoirs publics en Europe et aux Etats-Unis contre les risques de répétition des erreurs des années 1930, à savoir amplifier le ralentissement économique par des politiques monétaires encore trop conventionnelles et par des coupes budgétaires.

Que la Banque d’Angleterre tolère semblable énergumène en son sein alors que le premier ministre britannique, le conservateur David Cameron, plaide pour un Etat minimal et fait des coupes claires dans les dépenses publiques, montre bien, s’il en était besoin, à quel point les réponses aux problèmes de l’heure sont peu évidentes.

Source Le Monde 18/09/11

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