Cinemed. Atlit de Shirel Amitay : « Soyons nombreux à parler de paix »

Trois actrices différentes et remarquables. photo dr

Trois actrices différentes et remarquables. photo dr

Compétition long-métrage. Atlit, premier long-métrage ambitieux et profond de
Shirel Amitay. La réalisatrice explore les blocages invisibles au processus de paix.

En compétition long-métrage pour l’Antigone d’Or, Shirel Amitay signe avec Atlit* un premier opus d’une grande maîtrise. Après le décès de leurs parents, trois soeurs (Géraldine Nakache, Judith Chemia), se retrouvent en Israël pour la vente de la maison familiale. L’action se situe deux ans après la signature des accord d’Oslo, en 1995, à 10 jours de la grande manifestation pour la paix qui mit fin au processus pacifique du dialogue israélo-palestinien avec l’assassinat du 1er ministre Yitzhak Rabin.

Le récit qui soulève le problème de la transmission entre les trois soeurs au sein d’une cellule familiale prend pied sur un territoire intime à l’orée duquel s’ouvre une parabole cinématographique qui met en question l’idéologie collective enfouie à l’origine du revirement belliqueux d’Israël.

Rencontre avec Shirel Amitay

Shirel Amitay

Shirel Amitay

« Je voulais parler de la Paix, explique la réalisatrice, et situer l’action du film à un moment où Israël avait trouvé en Rabin un père pour l’évoquer

Dans le film on voit Rabin plaisanter en public sur la propension d’Arafat à parler qui en fait « presque un juif » selon lui. « Je ne tiens pas un propos proprement politique. La seule chose que j’ai envie de dire, c’est : soyons nombreux à parler de paix. Cet extrait montre la proximité où nous étions parvenus dans le dialogue avec les Arabes. Nous avons besoin d’avoir des parents responsables mais aujourd’hui le père est mort. »

Atlic met à jour le conflit entre les trois soeurs. Dans la maison familiale, l’aînée tient le rôle de gardienne du temple. « Elle représente la génération qui défend la mythologie d’État et l’idée selon laquelle les juifs sont arrivés sur une terre vierge et qu’ils ont tout construit. La cadette vit au présent, elle se sent bien ainsi et veut oublier le passé, tandis que la benjamine se dit pas du tout concernée. Elle veut juste vendre la maison pour aller courir le monde. Mais aucune des trois n’assume vraiment sa vie. »

La présence fantomatique des parents est une des clés du film. « Face au visible, je voulais évoquer la part d’invisible qui est une permanence dans l’histoire des familles et dans l’histoire d’Israël. Les parents parlent simplement tandis que les soeurs restent dans leurs histoires mais cette confrontation va permettre aux enfants de retrouver la paix, de libérer leur espace intérieur pour recevoir et donner de l’amour. »

Comment réagir face à la mobilisation des pro-palestiniens qui ont perturbé une séance du festival ?

« Let’s talk. Les ombres portées sont très lourdes. On a vu des slogans véhiculés de parts et d’autres par des milliers de fantômes dans les événements tragiques de cet été. On est toujours très prompts à distribuer les bons et les mauvais points. Je pense qu’il faut converser l’espoir de voir les choses autrement. »

Jean-Marie Dinh

Source : L’Hérault du Jour 28/10/2014

w * Sortie le 21 janvier 2015.

Voir aussi : Rubrique Cinéma, rubrique Israël, rubrique Rencontres,

Michel Gueorguieff incorrigible combattant de l’imposture

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21/11/1950 02/09/2013

Choses de sa vie

Humble et séducteur, provocant et diplomate, Michel renvoie une image digne de son parcours indéfinissable et loin des sentiers battus. C’est une figure majeure du monde littéraire national très attaché à ses racines montpelliéraines. Un homme pudique passionné. Derrière chaque auteur de noir se cachait à ses yeux une relation. Un grand pro, mais combien peuvent passer d’une rencontre à l’autre avec la même vérité ? Mieux, en tirer une relation à chaque fois unique, souvent gravée dans les mémoires. Michel Gueorguieff est de ceux-là.

En 62 ans de passion, il a épousé toutes les causes auxquelles il croyait, sans faillir. Qu’il soit élève retors, fermement engagé pour défendre ses convictions, ombrageux fonctionnaire territorial, militant dévoué, combattant impitoyable de l’imposture intellectuelle, formateur compréhensif, animateur exigeant, découvreur littéraire éclairé, personne n’a oublié sa touche personnelle, onction invisible qui fait la différence entre une personne que l’on sent contrainte et un homme libre.

Filez lui un polar, il vous cuisinera son auteur pour s’en faire un complice et peut-être un ami, passez lui une robe d’avocat, il sera le plus touchant des défenseurs, tentez de pervertir la noblesse du bonhomme et vous trouverez la foudre… Bref, l’artiste transfigure les rôles et réussit la prouesse paradoxale de faire briller les œuvres et les auteurs tout en ayant l’humilité de s’effacer derrière eux. La classe.

S’il est resté un cas à part dans le monde littéraire, c’est que Michel Guorguieff a un credo. Sa théorie : « le roman noir est un roman qui parle de la littérature d’aujourd’hui. » Et de choisir son chemin en veillant toujours à favoriser le coup de cœur sur le coup de fric, offrant son savoir faire aux auteurs débutants, devenant maître de ses choix par indépendance, prêtant sa voix et sa crédibilité aux causes qui lui semblaient justes. Il n’a jamais voulu écrire, ce n’était pas sa place estimait-il. Mais chacun sait que réussir la mise sur orbite d’un festival comme le FIRN est plus difficile que de faire un livre. Les thématiques des festivals autour desquels il articulait la programmation montrent comment il aimait varier, tenter, risquer, déjouer la routine et le confort qui enterrent les vaniteux.

Un anticonformisme puisé dans l’enfance, comme pour briser le corset d’une éducation. Né le 21 novembre 1950, chez lui place Albert 1er à Montpellier, il est le fils de Krastu Ivanoff Guorguieff et de Eliane, Lina, Rose Capelle. Elle est aveyronnaise d’origine, habite à Montpellier d’où elle est diplômée des Beaux-arts, « Michel l’adorait » confie sa nièce Christine. Lui, ingénieur chimiste bulgare, polyglotte, qui a fuit le régime communiste. La légende familiale veut qu’il fut l’inventeur de la mayo en tube, avant l’heure.

A l’école, Guorguieff junior est en avance, ce qu’il doit en partie à son arrière grand-mère qui le contraint à lui lire le journal dès son plus jeune âge. Primaire, collège, lycée, fac de droit, puis de lettres, Michel poursuit ses études à Montpellier. Il passe son bac dès la première en 68. En fac il est élu à l’UNEF avant d’en devenir le président.

« Nous étions très mobilisés dans le débat sur l’avortement, une forme d’anticipation à la loi Veil» se souvient son ami d’enfance Richard, lui-même secrétaire du syndicat étudiant. Michel est très respectueux des femmes, pas misogyne pour un sous. En 1978, il épouse Marie-Martine Geazi qui décède dix ans plus tard des suites d’un cancer, le laissant jeune veuf. Dans ses lectures, peu lui importe le sexe. Ce qui ne l’empêche pas d’être séducteur, sensible. Sur ce point, les mots justes reviennent à son pote Serguei « Il se blindait à mort mais à l’intérieur c’était du cristal ».

Pour Michel, l’engagement est un moteur. Il milite au PS, tendance CERES, l’aile gauche du PS puis devient mittérandiste. Il se présente aux cantonales sur Montpellier sans succès, rejoint l’équipe municipale en 83 mais il n’a jamais fait partie de la frêchie. « C’était un homme de gauche au regard critique qui avait des convictions, des valeurs, une expérience politique et d’élu. Frêche s’en méfiait. », soutien Michel Crespy. Sa volonté de changer les choses se heurte à une ascension lente en politique à laquelle s’ajoutent des intrigues de cabinet et une kyrielle d’emmerdements.

Sa sortie de la sphère politicienne lui redonne des ailes. Viendra la rencontre avec Martine avec qui il collabore dans la rubrique art contemporain du journal Regard au milieu des années 80. Le couple se consolide dans la complémentarité, la complicité, et les grands voyages improvisés pour aller à la rencontre des monstres de la littérature américaine. Les Bonnie and Clyde du noir attaquent le genre sous toutes ses formes et transmettent leur passion contagieuse.

La reconnaissance du FIRN ne tarde pas à s’établir dans le milieu littéraire, du local à l’international en passant par le microcosme de l’édition parisienne où il tisse de solides amitiés comme avec François Guérif. Au gouvernail, Martine maintient fermement le cap d’exigence. Michel se prend toujours aussi facilement de sympathie pour les hommes libres ou empêchés de l’être comme Battisti. Là encore, il part au combat au côté de Fred Vargas dont il apprécie la capacité à se mettre en danger compte tenu de sa notoriété. Pierre Bouldoire, le Maire de Frontignan mouille sa chemise. En 2004, il consacre Cesare citoyen d’honneur de Frontignan, et le Firn poursuit son histoire folle d’humains et de militants.

Michel était un personnage, exigeant avec lui-même « Quand on le croisait dans la rue il ne paraissait jamais satisfait » relève l’ancienne maire Hélène Mandroux. En ville, il en effrayait plus d’un. Les imposteurs le redoutaient mais l’intéressé s’en amusait, car il n’avait rien d’un ogre et cultivait la discrétion. Bien qu’appréciant les grands espaces américains, la campagne n’était pas trop son truc, à cause des insectes qui le rendaient dingue. Michel ne craignait ni dieu ni la mort mais les petites bêtes…

Jean-Marie Dinh

Download-1Voir aussi : Rubrique LivreRoman noirMichel Gueorguieff passeur incorruptible, FIRN, Les amoureux du noir, Lien vidéo Soirée hommage à la Comédie du livre 2014

 

Alexandre Sokourov : « Le cinéma, c’est le royaume des fainéants »

Photo Sandro Bäbler.

Photo Sandro Bäbler.

Une leçon de cinéma avec un professeur nommé Alexandre Sokourov

Sa présence à Locarno aurait presque pu passer inaperçue : mais dans la sympathique ambiance cinéphile du festival suisse, le russe Alexandre Sokourov fait partie des auteurs exigeants et ambitieux qui sont tout de suite parfaitement dans le ton. Le ton, il l’a pourtant haussé. Invité à donner une masterclass, le réalisateur de Faust (2011) semblait devoir aborder l’exercice en simple maître d’école : depuis quatre ans, il est responsable d’un département d’études cinématographiques que lui a proposé de créer l’université de Nalchik, capitale de la République de Kabardino-Balkarie, dans le Caucase du Nord. Quelques films d’étudiants étaient projetés à Locarno, avant l’intervention du professeur. Sokourov a fait de cette prise de parole un moment aussi intense et passionnant que peu consensuel, livrant une analyse radicale des maux du cinéma et des moyens qu’il reste, selon lui, à la fois pour l’enseigner et le sauver du chaos.

Ce chaos, tant esthétique que moral, le cinéaste le voit à la télévision, partout dans le monde, et surtout dans les images de violence devenues spectacle sur les grands écrans. Vieux débat, considéré plus ou moins clos, pourrait-on se dire. C’est à cela que s’en prend Sokourov : comment nous-sommes habitués à cette violence  ? Comment avons-nous pu laisser ces images prendre le pouvoir ? Et, autre question, pas subsidiaire pour le « professeur de cinéma honnête et moral » qu’il entend être : comment enseigner l’art de réaliser des films à des jeunes gens déjà hypnotisés par le pouvoir d’attraction de la violence, déjà englués dans le chaos des images ? L’apprentissage de la technique est un aspect presque négligeable de l’éducation ou rééducation que Sokourov juge nécessaire. « Les outils de prise de vue sont devenus si simple et performants qu’il suffit d’un an et demi pour tout maîtriser, dit-il. De ce point de vue, n’importe qui peut devenir cinéaste, même un enfant. Mais nous n’avons pas besoin de n’importe quel cinéaste. Nous avons besoin d’auteurs ». Que faire alors pour que de nouveaux cinéastes artistes naissent ? Tout reprendre depuis le commencement et se tourner vers… la littérature.

C’est là, dans les romans, dans le travail des écrivains, que les étudiants en cinéma, sommés de voir moins de films, pourront commencer à comprendre les valeurs de l’art et de la vie. Comprendre aussi ce qu’est un créateur qui s’affronte à l’oeuvre qu’il veut accomplir. Une vérité fondamentale qui a tendance, au cinéma, à disparaître dans le travail d’équipe, estime Sokourov : « Moi, cinéaste, je suis déconcentré par tous ceux qui voyagent avec moi à bord du vaisseau cinéma. Nous sommes trop nombreux et tout devient un fardeau. L’écrivain, lui, est comme l’oiseau qui peut voler seul. Le cinéaste n’en est pas capable. Il faut revenir aux écrivains car ils ont été les premiers cinéastes. Tolstoï ou Lope de Vega ont écrit comme s’ils filmaient. Si un écrivain ne peut pas décider de faire un plan large ou un plan rapproché sur ses personnages, il ne pourra jamais écrire une seule page. Il faut croire aux écrivains car ils sont les alliés des cinéastes et sont prêts à tout leur donner. Alors que les cinéastes se comportent, eux, trop souvent comme des voyous avec les écrivains, ne cherchant qu’à les voler ». Plus que de réhabiliter un cinéma des scénaristes, il s’agit de retrouver dans l’âme littéraire une densité, une intensité pour le cinéma. Et une intelligence du monde. Un discours qui s’est traduit en mesures concrètes à la Kabardino-Balkarian State University : « Nous avons créé des cours de littérature et de philosophie. Nos étudiants ont été forcés de travailler très sérieusement ces matières ».

Sans crainte d’apparaître comme un homme de la vieille école, Sokourov a prôné le travail et les efforts comme la seule voie possible pour se forger un talent et un destin de cinéaste. Mais craignant peut-être, en revanche, qu’on l’accuse de vouloir façonner ses élèves à son image, il a devancé cette critique : « J’aime l’indépendance de mes étudiants et je ne tiens pas à détruire leur personnalité. Je sais qu’ils n’auraient sans doute jamais vu mes films si je n’avais pas été leur professeur et je sais qu’ils n’auraient pas aimé mes films s’ils les avaient vus par hasard. On n’a pas besoin de multiplier les Sokourov. Mais l’indépendance, on la conquiert par la discipline et la compréhension de la responsabilité qui nous revient. Mes étudiants doivent réaliser qu’ils ont choisi un métier difficile et très exigeant ».

Un métier auquel il est temps de redonner sa vraie dimension, tant il a été dévalué, selon Sokourov, qui le pointe d’une formule cinglante : « Le cinéma c’est, à 70%, le royaume des fainéants. Y compris du côté des spectateurs ». La création serait donc, d’abord, affaire de volonté et de discipline. Le maître russe n’a pas caché que sa vision a fait grincer des dents parmi les étudiants de Nalchik : « Le plus difficile pour les jeunes d’aujourd’hui est d’abord de comprendre qu’il n’y a pas de liberté dans l’art. C’est une illusion à combattre » . Car la liberté de montrer tout et n’importe quoi, n’importe comment, ce n’est plus le cinéma.

Sokourov a donc proposé à ses étudiants un accord : ne pas faire des images violentes ou montrant la violence. Et un objectif : parler de la possibilité de s’aimer les uns les autres ou de la difficulté à s’aimer les uns les autres. En voyant les films réalisés, on ne peut que constater, par-delà les maladresses ou les faiblesses inévitables, une force réelle dans les regards posés sur les personnages, une attention particulièrement belle, et inhabituelle. Ce qui pourrait donner raison à la thèse pourtant audacieuse du réalisateur russe : c’est parce que la notion d’amour du prochain disparaît dans nos sociétés que le vrai cinéma d’auteur peine à survivre et à se renouveler. Pour lui, le métier de cinéaste n’a qu’une finalité : comprendre les souffrances de l’être humain. Etre cinéaste, c’est, dit-il, être comme le médecin de campagne qui doit ouvrir sa porte à tous ceux qui frappent et comprendre ce dont ils souffrent, sans jamais les juger.

A cette profession de foi, un auditeur de la masterclass a réagi en posant à Sokourov une question toute simple, et qui semblait sans malice : « Mais alors, que pensez-vous d’un cinéaste comme Tarantino ? ». La réponse fut une grande réflexion sur les abus commis par les plus grands réalisateurs, qui utilisèrent la violence pour les besoins de leurs films : Eisenstein acceptant qu’un enfant soit maltraité dans La Grève (1925), Tarkovski sacrifiant des chevaux pour Andreï Roublev (1966). Sokourov s’avoua lui-même coupable d’avoir, un jour, mis en danger la vie de son équipe pour une scène qu’il jeta ensuite au montage, avec le sentiment d’avoir cédé au spectaculaire. Se tournant alors vers l’auditeur qui attendait le jugement de Tarantino, il dit de sa voix grave et solennelle : « Je ne suis pas juge, mais les cinéastes doivent contrôler ce qu’ils font ! Je m’adresse aux hommes, car les femmes cinéastes n’ont pas ce problème : prenez soin de votre santé mentale ! Beaucoup de cinéastes auraient besoin de consulter un psychiatre. Tout particulièrement celui dont vous avez prononcé le nom, qui aurait dû se faire soigner il y a déjà longtemps ».

Frédéric Strauss

Source : Télérama, 15/08/2014

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Pluie de jouvence sur Fiest’A Sète

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Fiest’A Sète. Au top, le bilan artistique de la dix-huitième édition du festival de musique du monde et l’état d’esprit de toute l’équipe.

La dix-huitième édition de Fiest’A Sète s’est achevée vendredi 8 août par une belle averse. Pluie conclusive après le sage concert de Trivock Gurtu et une vibrante performance de Susheela Raman. Les vents favorables avaient jusqu’ici veillé à épargner le bout de ciel surplombant le Théâtre de la mer. Un peu comme si les dieux de l’Olympe musicale – et notamment le régisseur général Hervé Villechenoux – dont on connaît le dédain qu’ils affichent pour les succès du moment, souhaitaient privilégier la caravane de perles composant cette programmation.

De la première semaine itinérante et gratuite du festival résonne encore l’envoûtante voix de Mamani Keita, les instruments rudimentaire du mento des Jolly Boys, l’entêtante rythmique de Debademba… Le bilan artistique de la seconde semaine au Théâtre de la mer est sans fausse note tout en répondant au principe de diversité, ingrédient essentiel de la manifestation.

Du bulldozer du funk us Bootsy Collins, ex-bassiste allumé de James Brown au tango  sulfureux revisité par Catherine Ringer avec Muller & Makaroff, deux piliers du trio électro Gotan Project associés pour un pas de côté au sein de Plaza Francia. Dans un univers jazz soul groovy, on retient aussi la belle et souple prestation d’Anthony Joseph tout en finesse. Côté découverte, la rencontre de l’éblouissante Malienne Fatoumata Diawara et du jeune et talentueux pianiste cubain Roberto Fonseca qui s’était opérée pour un titre en studio, a trouvé un heureux prolongement sur la scène du festival et semble encore porteuse de belles promesses.

A la recherche d’esthétiques

A la recherche d’esthétiques qui rassemblent les cultures, oeuvrent pour la transition des traditions et l’inscription dans la modernité, Fiest’A Sète favorise les rencontres autour de la musique. On y croise des passionné(e)s de musiques du monde dont l’engagement pour la tolérance, la résistance et l’espoir s’exerce au-delà des prestations scéniques. C’est aussi cela que le directeur José Bel, son équipe et les bienveillants bénévoles de l’association Métisète font vivre au public durant deux semaines.

Cette année, malgré la crise, les incertitudes, les conflits meurtriers et les mouvements sociaux, les publics de Fiest’A Sète se sont retrouvés dans l’offre proposée avec environ 9 000 entrées payantes sur les 20 000 participants que mobilise au total le festival. Fiest’A Sète c’est aussi des expos, des tchaches pour parfaire sa culture musicale et des afters. Dans le registre de la nuit, le gourou de la musique brésilienne Rémy Kolpa-Kopoul a fait danser cette année le public avec des parapluies. A graver dans les mémoires également le boeuf de Keziah Jones à la Ola..

Après la pluie, les cours d’eau retrouvent leur lit et Fiest’A Sète son pas tranquille vers les sources pures et renouvelées des folles notes de la 19e édition que l’on attend déjà comme si l’on voulait aller plus vite que la musique…

Source L’Hérault du Jour 13/08/14

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, Ouverture, Le Mento historique des Jolly boysDes esthétiques et des déferlantes, Fiest’A Sète archives,

Soirée indienne : Trilok Gurtu et Susheela Raman pour un concert magique

Susheela Raman. Photo Dr

Susheela Raman. Photo Dr

Fiest’A Sète. Le festival de musiques du monde s’achève ce soir avec deux invités d’exception : Trilok Gurtu et Susheela Raman.

Dernière soirée de concerts Fiest’A Sète ce soir au Théâtre de la Mer sous le signe de l’Inde et de l’ouverture qu’incarnent les deux artistes invités. A commencer par le maître des percussions Trilok Gurtu dont les tablas ont épicé et illuminé les performances de quelques-uns des plus grands noms du jazz des quatre dernières décennies. Se référer à la discographie du personnage et à ses multiples collaborations à de quoi faire tourner la tête. Ce génie oeuvre pour la rencontre des genres en se situant au croisement entre musique classique indienne, jazz, funk, pop, et électro.

En 1973, Trilok Gurtu, rejoint par le trompettiste Don Cherry quitte son pays natal. Il n’a cessé depuis de travailler à rapprocher les sources de la musique indienne aux autres continents, Europe, Amérique Afrique. Ses propres disques révèlent une science sidérante de la composition et des arrangements, doublée d’une rare ouverture musicale. Entre deux tournées, Trilok retourne chaque année parfaire son enseignement auprès de son maître indien, signe d’une humilité et d’une passion hors du commun.

Libre Susheela Raman

La chanteuse anglaise d’origine indienne Susheela Raman nous revient avec son nouvel album Queen Between qui poursuit le pont que son œuvre construit entre le rock occidental et la musique indienne. Après avoir approché les chants extatiques tamouls sur son dernier disque, elle se rapproche des traditions soufies en jouant avec des musiciens qawwal (1), rajasthani. Dans une démarche libre et ouverte qui ne cède ni aux contraintes rituelles de la tradition ni au référentiel religieux que prennent parfois les orientations musicales culturellement métissées, à partir d’un système islamiquement normé défini par le religieux.

Pas plus d’ailleurs qu’aux contraintes politiques qui résultent de la partition du sous continent indien en 1947 (2). Les musiciens pakistanais qawwals et ceux du Rajasthan que Susheela a réunis pour son disque ne travaillent plus trop ensemble alors qu’ils partagent des références culturelles et musicales communes. Le partage est aussi social entre musiciens classiques et ceux issus de la musique populaire. Susheela priorise l’énergie et la musique pour abolir les distances et faire tomber les préjugés.

A l’écoute, quelque chose de nouveau prend forme qui apaise l’âme et invite à voyager dans un autre univers. La voix époustouflante de profondeur et de variation de Susheela évoque la plénitude et la beauté.

JMDH

(1) Le qawwali, chant musulman sacré du XIIème siècle.
(2) Ce bouleversement politique s’est accompagné de gigantesques transferts de populations (6 M de musulmans quittent l’Inde que rejoignent 4 M d’hindous).

Plaza Francia sur le territoire passionnel

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La soirée Tango de Fiest’A Sète a eu lieu à guichets fermés. La faute aux dieux du bandonéon.

Une ouverture en douceur sur les ballades folk de la jeune argentine Natalia Doco qui apparaît sur le devant de la scène avec son premier album Freezing. La fraîcheur de cette chanteuse née à Bunos Aires et vivant à Paris rompt avec l’image quelque peu trempée qu’ont laissée ses compatriotes fuyant la dictature. Un souffle nouveau comme aime à les propulser le festival. Malgré le charme déployé et les couleurs acidulées musicalement goûteuses, le bonbon ne fond pas encore dans la bouche. Devant un Théâtre de la Mer plein à craquer, il était évidemment difficile de rivaliser avec l’Art raffiné de Plaza Francia.

Nouvelle formation certes mais déjà très expérimentée. Le groupe est issu d’un projet dont l’origine revient à l’Argentin Eduardo Makaroff et au Suisse Christoph Müller, deux des fondateurs du Gotan Project, qui ont demandé à Catherine Ringer de venir à la rescousse bâtir avec eux un album de tango*. Voyez la coupure… Dès les premières notes, superbement servies par la création lumière, l’alliance des styles singuliers fait son effet. Avec une passionnelle sobriété Catherine Ringer, qui célébrait déjà l’Amérique latine en rendant hommage à la chorégraphe argentine Marcia Moretto sur son célèbre Marcia Baila, campe la scène avec une élégance et une présence pleine et entière.

A ses côtés, Mu?ller et Makaroff, en quête d’aventures s’offrent une virée libre qui allie pop, tango et musique électronique. Simplicité, feeling et expression dramatique de la violence et de la douleur sont au rendez-vous. Plaza Francia s’affranchit des codes et des genres pour en inventer un nouveau. Le concert intègre des morceaux de Gotan Project et des Ritas Mitsouko et porte le public aux anges.

Les dieux du tango devaient s’ennuyer, ils ont favorisé cette rencontre qui innove autant qu’elle coule de source.

Jean-Marie Dinh

*A new tango song book (because music,2014)

Source : La Marseillaise 08/08/14

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, Ouverture, Le Mento historique des Jolly boysDes esthétiques et des déferlantes, Fiest’A Sète archives, On Line Site Officiel.