Soirée indienne : Trilok Gurtu et Susheela Raman pour un concert magique

Susheela Raman. Photo Dr

Susheela Raman. Photo Dr

Fiest’A Sète. Le festival de musiques du monde s’achève ce soir avec deux invités d’exception : Trilok Gurtu et Susheela Raman.

Dernière soirée de concerts Fiest’A Sète ce soir au Théâtre de la Mer sous le signe de l’Inde et de l’ouverture qu’incarnent les deux artistes invités. A commencer par le maître des percussions Trilok Gurtu dont les tablas ont épicé et illuminé les performances de quelques-uns des plus grands noms du jazz des quatre dernières décennies. Se référer à la discographie du personnage et à ses multiples collaborations à de quoi faire tourner la tête. Ce génie oeuvre pour la rencontre des genres en se situant au croisement entre musique classique indienne, jazz, funk, pop, et électro.

En 1973, Trilok Gurtu, rejoint par le trompettiste Don Cherry quitte son pays natal. Il n’a cessé depuis de travailler à rapprocher les sources de la musique indienne aux autres continents, Europe, Amérique Afrique. Ses propres disques révèlent une science sidérante de la composition et des arrangements, doublée d’une rare ouverture musicale. Entre deux tournées, Trilok retourne chaque année parfaire son enseignement auprès de son maître indien, signe d’une humilité et d’une passion hors du commun.

Libre Susheela Raman

La chanteuse anglaise d’origine indienne Susheela Raman nous revient avec son nouvel album Queen Between qui poursuit le pont que son œuvre construit entre le rock occidental et la musique indienne. Après avoir approché les chants extatiques tamouls sur son dernier disque, elle se rapproche des traditions soufies en jouant avec des musiciens qawwal (1), rajasthani. Dans une démarche libre et ouverte qui ne cède ni aux contraintes rituelles de la tradition ni au référentiel religieux que prennent parfois les orientations musicales culturellement métissées, à partir d’un système islamiquement normé défini par le religieux.

Pas plus d’ailleurs qu’aux contraintes politiques qui résultent de la partition du sous continent indien en 1947 (2). Les musiciens pakistanais qawwals et ceux du Rajasthan que Susheela a réunis pour son disque ne travaillent plus trop ensemble alors qu’ils partagent des références culturelles et musicales communes. Le partage est aussi social entre musiciens classiques et ceux issus de la musique populaire. Susheela priorise l’énergie et la musique pour abolir les distances et faire tomber les préjugés.

A l’écoute, quelque chose de nouveau prend forme qui apaise l’âme et invite à voyager dans un autre univers. La voix époustouflante de profondeur et de variation de Susheela évoque la plénitude et la beauté.

JMDH

(1) Le qawwali, chant musulman sacré du XIIème siècle.
(2) Ce bouleversement politique s’est accompagné de gigantesques transferts de populations (6 M de musulmans quittent l’Inde que rejoignent 4 M d’hindous).

Plaza Francia sur le territoire passionnel

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La soirée Tango de Fiest’A Sète a eu lieu à guichets fermés. La faute aux dieux du bandonéon.

Une ouverture en douceur sur les ballades folk de la jeune argentine Natalia Doco qui apparaît sur le devant de la scène avec son premier album Freezing. La fraîcheur de cette chanteuse née à Bunos Aires et vivant à Paris rompt avec l’image quelque peu trempée qu’ont laissée ses compatriotes fuyant la dictature. Un souffle nouveau comme aime à les propulser le festival. Malgré le charme déployé et les couleurs acidulées musicalement goûteuses, le bonbon ne fond pas encore dans la bouche. Devant un Théâtre de la Mer plein à craquer, il était évidemment difficile de rivaliser avec l’Art raffiné de Plaza Francia.

Nouvelle formation certes mais déjà très expérimentée. Le groupe est issu d’un projet dont l’origine revient à l’Argentin Eduardo Makaroff et au Suisse Christoph Müller, deux des fondateurs du Gotan Project, qui ont demandé à Catherine Ringer de venir à la rescousse bâtir avec eux un album de tango*. Voyez la coupure… Dès les premières notes, superbement servies par la création lumière, l’alliance des styles singuliers fait son effet. Avec une passionnelle sobriété Catherine Ringer, qui célébrait déjà l’Amérique latine en rendant hommage à la chorégraphe argentine Marcia Moretto sur son célèbre Marcia Baila, campe la scène avec une élégance et une présence pleine et entière.

A ses côtés, Mu?ller et Makaroff, en quête d’aventures s’offrent une virée libre qui allie pop, tango et musique électronique. Simplicité, feeling et expression dramatique de la violence et de la douleur sont au rendez-vous. Plaza Francia s’affranchit des codes et des genres pour en inventer un nouveau. Le concert intègre des morceaux de Gotan Project et des Ritas Mitsouko et porte le public aux anges.

Les dieux du tango devaient s’ennuyer, ils ont favorisé cette rencontre qui innove autant qu’elle coule de source.

Jean-Marie Dinh

*A new tango song book (because music,2014)

Source : La Marseillaise 08/08/14

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