Après trois jours de semi-déni et quatre communiqués gênés face aux accusations contenues dans les « Panama papers », le premier ministre britannique David Cameron a dû changer de braquet. Il a admis, dans la soirée du jeudi 7 avril, qu’il avait tiré profit du fonds fiduciaire (« trust ») que son père Ian, décédé en 2010, avait géré via le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca sans payer le moindre impôt pendant trente ans.
Lors d’une interview télévisée organisée spécialement sur la chaîne ITV, M. Cameron a reconnu que son épouse Samantha et lui-même avaient détenu entre 1997 et 2010 des parts de Blairmore Holding Inc, le fonds géré par son père. Cette période inclut l’époque où il était le leader de l’opposition conservatrice. Le premier ministre a affirmé avoir réalisé un profit de 19 000 livres (23 500 euros) en les vendant en 2010 juste avant de devenir premier ministre. « Je ne voulais pas que quelqu’un puisse dire que j’avais d’autres agendas ou des intérêts privés », a-t-il justifié, affirmant avoir, sur cette somme, payé l’impôt sur le revenu mais non celui sur les gains en capital.
Le premier ministre a aussi affirmé qu’il ignorait si les 300 000 livres dont il avait hérité de son père avaient bénéficié d’une exemption fiscale liée à la domiciliation à Jersey de la société qui les gérait. « Je ne peux à l’évidence pas remonter à la source de chaque somme d’argent, a-t-il expliqué, et Papa n’est plus là à présent pour que je lui pose ces questions. » Alors que les « Panama papers » remettent en lumière ses origines favorisées, M. Cameron, ancien de l’école ultra-chic d’Eaton, a assuré qu’il n’avait « jamais caché le fait qu’il avait eu beaucoup de chance d’avoir des parents fortunés qui [lui avaient] donné une éducation formidable et ont financé pour moi une école extraordinaire ». « Je n’ai jamais prétendu être quelqu’un que je ne suis pas », s’est-il défendu.
Communication douteuse
Ces explications interviennent après trois jours d’une communication erratique passant du « No comment » absolu au semi-aveu. Ces errements pourraient contribuer à affaiblir dangereusement un premier ministre déjà aux prises avec une difficile campagne pour le référendum du 23 juin sur le maintien ou la rupture avec l’Union européenne.
Lundi, après les premières révélations des « Panama papers » dans les médias britanniques partenaires – la BBC et The Guardian – Downing Street avait affirmé que le patrimoine du premier ministre relevait d’une « affaire privée ». Mardi, M. Cameron lui-même avait cru mettre un terme à la polémique en déclarant qu’il ne possédait personnellement « aucune part » de société. Mais la presse avait insisté sur le fait que cette déclaration ne couvrait ni sa famille au sens large, ni le passé.
Quelques heures plus tard, les services du premier ministre avaient cru bon de diffuser un communiqué commençant par une formule qui apparaît aujourd’hui malheureuse : « Pour être clair… ». Le texte affirmait que ni le premier ministre, ni sa femme, ni leurs enfants ne bénéficiaient de revenus off shore. Mais il reconnaissait que M. Cameron « possède un petit nombre de parts lié à des terrains de son père, et dont il déclare les revenus. » Mercredi, devant les protestations de l’opposition et l’incrédulité de la presse, la communication gouvernementale s’était faite encore plus énigmatique pour masquer un nouveau recul : « A l’avenir, le premier ministre ou ses enfants ne tireront des bénéfices d’aucun fonds off shore ou société fiduciaire. »
« Crise morale »
L’opposition travailliste a estimé jeudi soir que le sommet du parti conservateur était secoué par « une crise morale ». « Après avoir refusé pendant quatre jours de répondre à cette question, David Cameron a finalement été forcé d’admettre qu’il avait directement touché des profits de Blairmore, une société qui n’a payé aucun impôt pendant trente ans », a fustigé Richard Burgon, le ministre des finances du cabinet fantôme Labour en exigeant que le premier ministre s’explique devant le Parlement dès lundi.
La position de M. Cameron apparaît d’autant plus difficile que depuis son arrivée au pouvoir, il se pose en champion de la transparence financière. Il promet de rendre obligatoire, en juin, l’inscription sur un registre central des propriétaires réels des entreprises britanniques et doit présider en mai à Londres un sommet anti-corruption. Mais jeudi, le Financial Times a révélé qu’en 2013, il était intervenu auprès de Bruxelles pour que les mesures de transparence préparées par l’Union européenne n’incluent pas les fonds fiduciaires analogues à celui que son père avait géré et dont on sait à présent que M. Cameron junior a personnellement bénéficié.
Le Premier ministre islandais cité dans les « Panama Papers » a annoncé ce mardi sa démission après des manifestations massives lundi. Un signe du traumatisme persistant de la crise dans l’île nordique.
Sigmundur Davíð Gunlaugsson, le Premier ministre islandais, a finalement cédé. Mardi 5 avril, il a annoncé qu’il démissionnait après avoir rencontré le président du pays et lui avoir demandé de convoquer de nouvelles élections. Le chef du gouvernement islandais est un des six dirigeants politiques mondiaux en exercice directement cité dans les « Panama Papers ». Lundi 4 mars au soir, une manifestation demandant sa démission a réuni entre 10.000 et 20.000 personnes pour une population totale de 330.000 âmes dans les rues de la capitale, Reykjavik.
L’affaire islandaise
L’enquête « Panama Papers » a révélé une rumeur qui circulait depuis plusieurs jours dans l’île nordique : la femme du chef du gouvernement, Anna Sigurlaug Pálsdóttir a utilisé en 2007 une société basée aux Îles Vierges Britanniques, Wintris, pour y placer sa fortune personnelle, issue de la vente de la vente de l’entreprise personnelle qui détenait le monopole de la vente des automobiles Toyota en Islande. Sigmundur Davíð Gunlaugsson était copropriétaire de la moitié de Wintris jusqu’en 2009, date à laquelle il a été élu député et a vendu sa part à son épouse pour 1 dollar des Etats-Unis.
Légalement, il n’est pas certain qu’il soit attaquable. Le quotidien britannique The Guardian affirme n’avoir « observé aucune preuve qui suggérerait de l’évasion fiscale, de la fraude fiscale ou aucun bénéfices malhonnête de la part de Sigmundur Davíð Gunlaugsson, d’Anna Sigurlaug Pálsdóttir ou de Wintris». C’était, du reste, la défense du Premier ministre jusqu’à ce mardi : il a vertement repoussé toutes les questions des journalistes et a déclaré lundi soir sur une chaîne privée qu’il ne « pensait pas à démissionner pour cette affaire ». Mais, en Islande, cette ligne de défense est intenable. Pour plusieurs raisons.
Le réveil des mauvais souvenirs
D’abord, parce que cette affaire rappelle de très mauvais souvenirs aux Islandais. Jusqu’en 2008, l’Islande a connu un développement financier débridé. En 2007, le bilan des banques islandaises a atteint 1035 % du PIB du pays. C’était l’époque des nouveaux riches et de la fortune étalée sans vergogne. Durant cette période, comme le remarque la journaliste islandaise Sigrún DavÍðdóttir sur son blog, les banques islandaises étaient spécialisées dans les constructions offshores. Elle rappelle qu’alors, « tu n’étais personne si tu n’avais pas une société offshore. »
L’affaire Gunlaugsson renvoie donc directement à cette époque. Elle rappelle que, huit ans après, rien n’a réellement changé : les hommes politiques restent liés au système financier. Ils restent des hommes d’un passé qui est désormais insupportable aux Islandais compte tenu de l’ampleur de la crise qu’ils ont traversé. Car si l’Islande a choisi une autre voie que les pays de la zone euro pour contenir la crise bancaire, les ménages islandais n’ont pas traversé sans dommages la crise, touchés par l’inflation causée par la dépréciation de 55 % en 2008 de la couronne islandaise et par plusieurs mesures d’austérité prises notamment dans le domaine de la santé. Ce que les Islandais ne veulent plus vivre, c’est cet effondrement qui a suivi la bulle. Or, avec cette affaire « Panama Papers », c’est donc un retour vers un passé honni qu’ils vivent.
L’affaiblissement de la confiance dans les élites politiques
La deuxième raison, c’est le manque de confiance dans les élites politiques que la crise a révélé et que cette affaire renforce encore. La bulle de 2000-2008 a été construite et encouragée par le personnel politique conservateur, à commencer par deux premiers ministres, Davið Oddsson, devenu ensuite président de la Banque centrale, et Geird Haarde, le chef du gouvernement lors de l’effondrement de 2008. Ce personnel politique a voulu consciemment utiliser le secteur financier comme levier de croissance après la crise de la filière piscicole dans les années 1990. Geird Haarde a, en 2012, été condamné par un tribunal pour sa gestion dans la crise de 2008. Il a alors déclaré que « nul parmi nous n’a pris conscience à l’époque que quelque chose clochait dans le système bancaire ». C’est cette irresponsabilité que le peuple islandais ne peut plus supporter. Or, même légal, l’existence d’une fortune placée aux Caraïbes, ramène l’actuel premier ministre a cette même irresponsabilité, à cette confluence entre le politique et le financier qui est insupportable désormais dans l’île nordique.
Un système politique en lambeaux
D’autant que le désaveu politique est quasiment général. La gauche, arrivée au pouvoir en 2009, s’est discréditée par sa volonté de protéger les créanciers étrangers et par les mesures d’austérité qu’elle a prises. C’est elle qui a négocié l’accord de dédommagements des créanciers néerlandais et britanniques dans le cadre du fonds Icesave, accord qui a été rejeté par deux fois par référendum en 2010 et 2012. La nouvelle majorité de droite issue des élections de 2014 s’est rapidement discréditée à son tour, notamment en rompant, sans le référendum promis, les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Au final, la crise a ravagé le système politique islandais. Tous les partis traditionnels sont discrédités et c’est maintenant le parti Pirate, luttant pour la liberté d’Internet, qui est en tête des sondages avec plus de 35 % des intentions de vote.
D’autres ministres concernés
Dans un contexte aussi fragile, cette révélation achève ce système politique. D’autant que Sigmundur Davíð Gunlaugsson a très mal réagi, avec sa morgue habituelle, à ces informations et que deux autres ministres sont concernés par les « Panama Papers » : le ministre de la justice Ólöf Nordal et le vice premier ministre et ministre des Finances, Bjarni Benediktsson, président de l’autre grand parti de la coalition gouvernementale. Bjarni Benediktsson est le leader du parti de l’Indépendance, l’autre parti de la coalition gouvernementale avec celui de Sigmundur Davíð Gunlaugsson, le parti progressiste. Dès lors, c’est l’ensemble de la confiance avec la vie politique qui s’effondre. D’où l’exigence des manifestants islandais d’une démission pour organiser un « nouveau départ » à la vie politique locale et se débarrasser de cette élite désormais détestée.
Discours discrédité
Enfin, dernier élément clé : les révélations sur la femme du premier ministre le classent parmi ceux qui ont échappé au très strict contrôle des capitaux imposé en 2008 pour éviter la fuite des capitaux. Certes, ce compte n’a pas été ouvert pour « contourner » ce contrôle puisqu’il a été ouvert en 2007, mais cela ne change rien pour des Islandais qui vivent sous un régime restrictif qui, certes, a été affaibli, mais qui est très contraignant. Et comment ne pas soupçonner, même si on peut en douter, qu’il n’ait négocié avec les investisseurs étrangers la levée de ce contrôle en ayant son propre intérêt en tête ? Comme le résume un manifestant cité par le Guardian, « ce compte prouve que Sigmundur Davíð Gunlaugsson et sa femme n’avait aucune confiance dans la monnaie et le système financier de ce pays. » L’idée qui domine est donc encore celle d’une élite protégée. Une élite menteuse, puisque, protégé, le premier ministre a mené campagne en 2014 sur le thème de sa détermination à lutter contre les fonds étranger et la finance internationale. Un discours évidemment complètement discrédité désormais.
Symbole d’un traumatisme vivace
Sigmundur Davíð Gunlaugsson est ainsi devenu le symbole d’une société islandaise encore convalescente de la crise. Plus personne ne semble vouloir le sauver, et certainement pas son allié Bjarni Benediktsson, bien heureux que son propre cas passe au second plan dans cette affaire. Les élections anticipées sont donc inévitables, elles seront redoutables pour les anciens partis. Si la décision islandaise de 2008 de privilégier la dépréciation monétaire et la participation des créanciers a permis à l’économie de se redresser plus rapidement qu’ailleurs, il n’en reste pas moins que cette crise est demeurée un traumatisme et que les montages financier de l’épouse du premier ministre ramène à des réalités dont les Islandais ne veulent plus entendre parler. Cette crise politique islandaise de 2016, qui devrait entraîner le chef du gouvernement vers sa chute, est en fait un nouveau chapitre de la crise financière de 2008.
C’est la fuite de données la plus massive de l’histoire du journalisme. C’est aussi la percée la plus spectaculaire jamais effectuée dans le monde obscur de la finance offshore.
Le Monde, associé au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington et au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, destinataire de la fuite, a eu accès aux 11,5 millions de documents qui révèlent les avoirs cachés, dans des paradis fiscaux opaques, de leaders politiques mondiaux, de réseaux criminels, de stars du football ou de milliardaires.
Parmi eux figurent des proches du président russe Vladimir Poutine, ou le premier ministre islandais, Sigmundur David Gunnlaugsson, mais aussi de nombreux autres noms de chefs d’Etat ou de personnalités politiques. On y retrouve aussi le footballeur argentin Lionel Messi et le président suspendu de l’UEFA, Michel Platini, parmi nombre de personnalités dont nous évoquerons les cas tout au long de la semaine. Ces documents secrets, extrêmement récents, courent jusqu’à fin 2015.
1 500 fois Wikileaks
Au total, ce sont plus de 2 600 giga octets de données secrètes qui ont été découvertes, étudiées et analysées par Le Monde et ses 106 médias partenaires, pendant près d’un an, mobilisant 370 journalistes dans le monde entier : en France, en Inde, en Allemagne, en Suisse, en Russie, aux Etats-Unis, au Brésil, au Japon…
Au cœur de cette nouvelle enquête, ces « Panama Papers », il y a une firme, Mossack Fonseca, un des champions mondiaux de la domiciliation de sociétés écrans dans les juridictions offshores. Ces entités sont conçues pour dissimuler l’identité de leurs propriétaires réels, et verrouillées de l’intérieur. Mossack Fonseca est établi au Panama, l’un des centres financiers les plus opaques de la planète, considéré comme une plaque tournante du blanchiment, où vient se recycler l’argent du crime et de la fraude.
Un « registre du commerce » offshore
Les « Panama papers » mettent en lumière un incroyable tableau : plus de 214 000 entités offshore créées ou administrées par Mossack Fonseca, depuis sa fondation en 1977 et jusqu’en 2015, dans 21 paradis fiscaux différents et pour des clients issus de plus de 200 pays et territoires.
Un périple planétaire, donc, qui embrasse les continents et les océans, du Luxembourg au Panama, de la Suisse aux îles Vierges britanniques, des îles Samoa aux Seychelles, de Monaco aux Bahamas.
Il n’est plus ici seulement question des cas particuliers d’une seule banque, comme lors des « Swiss Leaks » de HSBC (2015) ou des « UBS Leaks » (2016), ni du rôle joué par une seule place financière dans un schéma organisé d’optimisation fiscale pour les multinationales, comme dans les « Luxembourg Leaks » (2014). Les « Panama Papers » offrent une cartographie, presque en temps réel, d’un pan entier de la finance mondiale, jusqu’alors à l’abri des regards.
Toutes ces informations seraient restées secrètes sans l’intervention d’une source anonyme, qui a commencé, début 2015, à transmettre cette « mine d’or » aux journalistes de la Süddeutsche Zeitung. Ils avaient alors entrepris d’enquêter sur le rôle de Mossack Fonseca dans les accusations de fraude fiscale visant la Commerzbank, la deuxième plus grosse banque d’Allemagne. Devant l’ampleur des données, le quotidien allemand a décidé de faire appel à l’ICIJ et ses partenaires habituels, afin de partager ses informations, au regard de la précieuse expérience acquise par le Consortium en matière d’investigations financières transnationales.
L’authenticité des documents, qui ne faisait guère de doutes au regard de leur nombre, a pu être vérifiée à deux reprises, par le journal munichois et Le Monde. Elle a été confirmée par plusieurs lettres envoyées en mars par Mossack Fonseca à ses clients et consultées par Le Monde, mentionnant « un accès non-autorisé à [son] serveur de messagerie électronique grâce auquel certaines informations ont été glanées par des tierces personnes ».
Argent gris, noir et sale
Toutes les sociétés offshores des « Panama Papers » ne sont pas illégales ou opaques, certaines ont une activité économique véritable et déclarée ou ont été spécialement créées pour faciliter des investissements internationaux. Mais une grande majorité d’entre elles sont utilisées comme sociétés écrans, pour dissimuler des avoirs grâce au recours à des prête-noms.
C’est ainsi que chez Mossack Fonseca, l’argent propre côtoie l’argent sale, que l’argent « gris » (celui de la fraude fiscale) côtoie l’argent « noir » (celui de la corruption et du crime organisé), que les grandes fortunes et les stars du football côtoient les réseaux criminels et les chefs d’Etat corrompus.
Après plusieurs mois de cette enquête hors norme, l’ICIJ et ses partenaires ont pu établir qu’étaient impliqués dans des sociétés offshores douze chefs d’Etat et de gouvernement (dont six en activité), 128 responsables politiques et hauts fonctionnaires de premier plan du monde entier et 29 membres du classement Forbes des 500 personnalités les plus riches de la planète.
Les clients les plus « sensibles », ceux qui désirent se dissimuler et rendre leurs avoirs intraçables, sont protégés par trois ou quatre sociétés successives, créées aux quatre coins de la planète, qui s’emboîtent comme des poupées russes pour compliquer le travail des autorités fiscales et judiciaires, et il est souvent ardu voire impossible de remonter leur piste.
Les milliers d’échanges internes entre les employés de Mossack Fonseca passés au crible par Le Monde et ses partenaires confirment que les artisans de l’offshore parviennent toujours à conserver un coup d’avance sur les tentatives de régulation mondiales.
Ainsi quand, en 2011, les îles Vierges britanniques sont contraintes, sous la pression internationale, d’abandonner le système des « actions au porteur » anonymes, un mouvement de balancier s’opère au profit du Panama ou des Seychelles, où de telles pratiques sont encore autorisées.
C’est par ces rebonds d’un paradis fiscal à l’autre, et en exploitant les failles de la régulation par des montages toujours plus complexes, que Mossack Fonseca et ses intermédiaires tiennent en respect les autorités de contrôle.
« Une usine de voitures est-elle responsable du comportement des conducteurs ? »
Interrogé sur son rôle et ses responsabilités, Mossack Fonseca se défend d’avoir offert directement ces services à ces clients, et renvoie la responsabilité vers les quelque 14 000 intermédiaires (grandes banques mondiales, cabinets d’avocats, fiduciaires et autres sociétés de gestion de fortune) qui assurent l’interface avec les bénéficiaires finaux.
Dans un récent entretien accordé à la télévision panaméenne, le co-fondateur du cabinet, Ramon Fonseca, l’a comparé à une « usine de voitures », qui n’est pas responsable des forfaits commis par des voleurs à l’aide des véhicules qu’elle a produits. Dans la plupart des juridictions, la firme a pourtant l’obligation de se renseigner sur les ayant-droit des sociétés qu’elle administre et, si elle faillit parfois à cette obligation, ses correspondances internes montrent qu’elle a souvent connaissance de leur identité.
Quelles solutions ?
Le Panama, centre financier « toxique », refuse de coopérer avec les Etats étrangers dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, et a engagé un bras de fer avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE), qui coordonne la lutte. Considérant que le problème devenait hautement politique et risquait de compromettre l’efficacité de la lutte anti-blanchiment, l’OCDE a alerté les ministres des finances du G20 (le groupe des vingt pays les plus riches), réunis le 27 février à Shanghaï, en Chine.
Ce que prouvent les « Panama Papers », c’est avant tout qu’à l’heure de la mondialisation financière, et malgré les révélations successives et la volonté affichée des Etats à réguler les paradis fiscaux, il demeure toujours aisé pour les banques et leurs clients de se jouer des réglementations nationales. Ce ne sont pas les lois anti-blanchiment qui manquent, mais le contrôle de leur application qui doit être renforcé, partout dans le monde. Le système financier dans son ensemble se doit de réguler le grand meccano de l’offshore. Il a tout à y gagner.