A l’affiche du Printemps des Comédiens Cold Blood du collectif Kiss & Cry et l’audacieux Dom Juan de Jean-François Sivadier
A l’image de cette 30e édition du Printemps des Comédiens, la soirée de jeudi oscillait entre texte du répertoire et recherche de nouvelles formes. Le festival reçoit la dernière création du collectif Kiss & Cry Cold Blood. Surprenant attelage composé de la chorégraphe Michèle Anne de Mey et du cinéaste Jaco Van Dormael. La troupe avait subjugué le public il y a deux ans avec Kiss & Cry en associant simultanément spectacle chorégraphique, séance de cinéma et making of du film.
Cold Blood, reprend le même principe technique consistant à déplier au fil de saynètes et de tableaux minimalistes un scénario s’appuyant sur le registre de fables universelles. Autre surprise, pour ceux qui découvrent le procédé pour la première fois, la dimension chorégraphique s’anime par les mains ou les doigts devenus des personnages, que l’on observe évoluer, sous les feux de la rampe. Dans Cold Blood, l’éclat visuel est une nouvelle fois au rendez-vous grâce aux qualités techniques et esthétiques des prises de vues, celles requises pour être un bon chef opérateur.
Le principe narratif appuyé joue beaucoup sur l’effet visuel. Le scénario reste assez proche de Kiss & Cry qui reposait sur la question : Où vont les gens quand ils disparaissent de notre vie, de notre mémoire ? Il s’agit cette fois d’appréhender la mort en sept épisodes distincts et de faire quelques pas dans un au-delà assez stéréotypé.
On songe parfois aux publicités bien léchées pour les assureurs ou les banques. L’ensemble vise à séduire le spectateur que l’on accompagne dans ses émotions grâce aux belles images que l’on produit sous ses yeux. Passé l’effet de surprise, la nécessité de calcul laisse peu de place à la vie pourtant visible sur le plateau. On reste sur notre faim en terme de jeu de réciprocité et d’intensité dramatique.
De la séduction à l’angoisse
Attendu au festival en 2014, le Misanthrope de Jean-François Sivadier n’est jamais arrivé, son Dom Juan aux épisodes condensés accumule les instants passionnés et fait chavirer les coeurs. La mise en scène s’apparente à une symphonie du désordre totalement jubilatoire.
Face au mythe du désir et de la mort, les comédiens sont absolus. Le couple Bouchaud (Dom Juan), Guédon (Sganarelle) se livre entièrement dans une interprétation complice que ne renierait pas Camus qui voyait en Dom Juan, l’incarnation même de la représentation. Où l’on saisit que Dom Juan qui drague des spectatrices, chante Sexual Healing de Marvin Gaye , lit des extrait de La philosophie dans le boudoir du divin marquis, est un être de rupture qui résonne furieusement avec notre temps.
A travers ces deux spectacles la démonstration est faite qu’un spectacle novateur peut être bien moins surprenant qu’une pièce de répertoire totalement dépoussiérée.
JMDH
Source La Marseillaise 11/06/2016
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