Vers une sortie de crise après les rencontres des cheminots à Matignon …

An agent waits for passengers to board a TGV high-speed train at Montparnasse railway station in ParisAux syndicats qui se sont succédé  à Matignon, le Premier ministre, Edouard Philippe, a confirmé que l’Etat reprendrait 35 milliards d’euros de dette, dont 25 milliards en 2020 et 10 milliards en 2022, afin que l’entreprise atteigne « l’équilibre » financier « avant la fin du quinquennat ».Pour mémoire, les grévistes soutenus par l’opinion demandaient le retrait total du projet du gouvernement en s’opposant à l’ouverture à la concurrence,à la transformation de l’entreprise publique en société par actionsà la casse sociale.L’Etat qui a temporisé longuement sur la question de la dette (54 milliards) se propose aujourd’hui de la prendre en charge en partie (35 milliards). C’est un des éléments de la problématique mais ce n’est pas le contenu de la loi ni de la réforme. Un élément qui semble néanmoins déterminant pour remettre les affaires sur les rails. 

COMPTE-RENDU DE LA BILATERALE A MATIGNON DU 25 MAI 2018

Une délégation de la Fédération CGT des cheminots accompagnée de Philippe Martinez, a été reçue lundi à Matignon (comme les autres organisations syndicales représentatives) par le Premier ministre et la ministre des Transports.

La délégation est revenue sur l’ensemble des thèmes revendicatifs en partant du contexte de lutte dans l’entreprise à l’appui du rapport de force après 22 jours de grève (le plus long conflit depuis 1995) ainsi que du résultat de la « Vot’Action ». Le Premier ministre s’est dit très attentif à la situation affirmant, contrairement à la direction d’entreprise, ne pas contester le vote des Cheminots.

Lors de la précédente réunion, les grandes lignes des annonces avaient déjà été faites. La CGT a donc demandé le contenu précis des décisions, sans toutefois obtenir toutes les réponses : reprise de la dette, investissements (besoins, montants, priorités…), amendements au Sénat (nature et portée), étude d’impact sur la transformation des EPIC en SA et coût du capital, volonté de maintenir la suppression du Statut malgrè la fonte de son surcoût supposé (10 millions d’euros, soit 20 fois moins que le budget communication), recul de la volonté de concurrence par les Régions (Bourgogne abandonne sa demande), dumping social, CCN de branche, cadrage et engagement du gouvernement dans des négociations à venir avec l’UTP, organisation de la production (réinternalisation et arrêt de la gestion par activité).

Sur la dette, le Premier Ministre a annoncé la reprise de 25 Md€ en 2020 et 10 Md€ en 2022. Sur les investissements, 200 M d’€ supplémentaires/an seront affectés à la modernisation de l’infra.

Notre demande de table ronde tripartite (début juin) avec le Gouvernement, l’UTP et les organisations syndicales a été acceptée, même si le Premier Ministre semble vouloir la limiter aux questions sociales.

Ces annonces sont à mettre évidemment au crédit de la lutte en cours, notamment la reprise d’une partie conséquente de la dette par l’Etat et l’organisation d’une table ronde début juin. Elles sont liées à la stratégie de lutte dans la durée.

Pour autant, elles sont très loin des attentes des cheminots !

Il nous faut donc poursuivre et amplifier la mobilisation pour gagner sur les revendications. Toutes et tous en grève les 28 et 29 mai 2018 !

Source CGT

Le 26 mai : Marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité

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La manifestation du 26 mai, qui se veut une « marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité» a été organisée à l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic, mais dans une optique par essence collective, puisque l’objectif était de faire converger les luttes en mêlant dans un même appel des associations, des syndicats et des partis politiques. Le 4 mai, Attac faisait savoir dans un communiqué que « plusieurs organisations syndicales, associatives et politiques» étaient réunies la veille  «en vue d’échanger sur la situation dans le pays.»

L’appel

Pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité /

Un constat s’impose, Emmanuel Macron, son gouvernement et le  Medef sont décidés à imposer coûte que coûte une restructuration en profondeur de la société française : politique d’austérité, destruction des droits des salarié.es, introduction de la sélection à l’entrée de l’université, casse des services publics, aggravation du sort des sans emplois, réorganisation aggravant les inégalités en matière d’accès à la justice, réforme fiscale favorable aux plus riches, loi répressive contre les migrant.es, priorité donnée au secret des affaires contre le droit à l’information, introduction de l’état d’urgence dans le droit commun, répression des mouvements sociaux et des jeunes des quartiers populaires, utilisation de l’égalité femmes-hommes comme simple outil de communication, sans moyens financiers, alors que les femmes sont les premières concernées par les régressions sociales… sans oublier une politique militariste au niveau international.La multiplication des mesures prises avec brutalité sur tous les fronts a un objectif, celui de créer un effet de sidération et espérer ainsi empêcher toute riposte. Le patronat profite de la situation pour multiplier les restructurations et rester sourd aux revendications du monde du travail. En s’en prenant aux personnels à statut, en particulier aux cheminot.es, Emmanuel Macron espère, s’il l’emporte, casser tout esprit de résistance.

Ce coup de force peut échouer, car les mobilisations se multiplient dans le pays, chacune avec sa spécificité : journée nationale d’action, grèves, occupation d’universités, manifestations… Il appartient évidemment aux organisations syndicales de décider, avec les personnels concernés, de leurs formes d’action. Chacune d’entre elles a, a priori, des ressorts différents, mais au-delà de tel ou tel aspect, ce dont il est question concerne la nature même de la société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous vivre dans une société où les droits sociaux seraient réduits à néant, où les services publics et la sécurité sociale auraient disparu, où l’inégalité de traitement des territoires serait la règle, où l’accès à l’université serait de plus en plus réduit, où les lanceuses et lanceurs d’alerte et journalistes seraient bâillonnés, où les défis écologiques seraient soumis aux intérêts de la finance, où le logement, les HLM et les locataires seraient marchandises,où la lutte contre les discriminations se réduit à des discours ? Ou, au contraire, voulons-nous une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique, plus égalitaire avec un meilleur partage des richesses ? Tel est l’enjeu.

Le gouvernement espère que ces mobilisations sectorielles restent isolées et qu’il pourra les défaire les unes après les autres en tenant bon, en les laissant s’épuiser ou en les réprimant. Affichant sa détermination, il espère ainsi nous décourager. Il se trompe, comme le montre la multiplication des collectifs citoyens en lien avec les salarié.es, les retraité.es et les étudiant.es ainsi que le succès de la solidarité aux grévistes, notamment à ceux de la SNCF. Il s’agit maintenant d’aller plus loin et, toutes et tous ensemble, d’affirmer dans la rue que des alternatives existent, que nous ne nous résignons pas au sort que nous promet ce gouvernement. Il fait la sourde oreille, il faut le forcer à nous entendre et à retirer ses projets.

Dans le respect de nos champs d’interventions respectifs,nous voulons aller au-delà de toutes les mobilisations positives qui existent déjà et rassembler toutes les forces sociales, syndicales, associatives, politiques pour construire et réussir ensemble un grand rendez-vous citoyen. Partout en France organisons le samedi 26 mai une marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité.

un communiqué d’Attac a confirmé la tenue de la journée du 26 mai.

 

Voici la liste des organisations,:

Act-Up Paris

Alternative et autogestion

Alternative Libertaire

Association Nationales des élu.e.s communistes et républicains

Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre

APEIS

ATTAC

Climat social

Confédération Nationale du Logement

Collectif des Associations Citoyennes

Collectif National pour les Droits des Femmes

Collectif La Fête à Macron

Confédération Générale du Travail

Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Convergence nationale de défense des services publics

DIDF

DIEM25

Droit au Logement

Ecologie sociale

Europe Ecologie Les Verts

Les Effronté.es

Ensemble !

Femmes Egalité

Fondation Copernic

France Insoumise

Gauche Démocratique et Sociale

Génération.s

MJCF

Mouvement Ecolo

Mouvement National des Chômeurs et Précaires

Mouvement de la Paix

Nouvelle Donne

Nouveau Parti Anticapitaliste

Parti Communiste Français

Parti de Gauche

Parti Ouvrier Indépendant Démocratique

PCOF

PCRF

République et Socialisme

Résistance Sociale

Snesup-FSU

SNPJJ-FSU

SNETAP-FSU

SNUITAM-FSU

Solidaires

Syndicat des Avocats de France

Syndicat de la Magistrature

UEC

UNEF

UNL

Union juive française pour la paix

Cordialement

C.Mt

4.000 postes pourraient être supprimés à Pôle Emploi pour cause de… « baisse du chômage »

Le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, a annoncé que 4.000 emplois pourraient disparaître lors d'une convention managériale. - WITT/SIPA

Le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, a annoncé que 4.000 emplois pourraient disparaître lors d’une convention managériale. – WITT/SIPA

D’après les informations du « Journal du dimanche », le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, a annoncé que 4.000 postes pourraient disparaître d’ici à trois ans au sein de l’établissement public. La baisse du chômage est évoquée pour justifier ces mesures drastiques. Pourtant, Pôle emploi va hériter de nouvelles missions.

Quand le bonheur des uns fait le malheur des autres. L’embellie sur le marché de l’emploi constatée depuis plusieurs mois pourrait faire perdre leur travail à plusieurs milliers de salariés de… Pôle emploi, l’établissement public chargé d’aider les chômeurs à trouver un job. Le Journal du dimanche révèle en effet que Jean Bassères, le directeur général de Pôle emploi, a confié lors d’une convention managériale il y a trois semaines que « 4.000 postes pourraient disparaître » d’ici à 3 ans, sur les 55.800 agents que compte l’établissement. Ceci alors que 5,6 millions de Français sont tout de même toujours inscrits à Pôle emploi.

La volonté de diminuer les ressources de Pôle emploi n’est pas nouvelle. Dans la loi de Finances 2018, la mission Travail a perdu 1,5 milliard d’euros de crédits, et la subvention accordée à Pôle emploi a baissé de 50 millions d’euros. A tel point, d’après le JDD, que « l’équilibre financier de la structure » est « en péril« . 4 milliards d’euros de coupes budgétaires devraient être atteints d’ici à 2022. Cette année, 297 équivalents temps plein et 1.380 contrats aidés ont été supprimés : une peccadille en comparaison de ce qui pourrait suivre. De plus, avant la fusion entre l’ANPE et les Assédic, les départs à la retraite étaient systématiquement remplacés. Ce n’est plus le cas depuis que Pôle emploi a été créé. Conséquence de tous ces bouleversements : les conditions de travail se sont considérablement dégradées, à tel point que de nombreux conseillers de Pôle emploi se déclarent au bord de la rupture.

Pour justifier ces changements, le gouvernement invoque la baisse durable du chômage : avec moins de demandeurs d’emploi, il n’y aurait plus besoin d’autant de conseillers. Un argumentaire battu en brèche par les représentants syndicaux de Pôle emploi, comme David Vallaperta, de la CFDT : « La baisse du chômage ne signifie pas une diminution de notre charge de travail, car il y a une forte hausse des demandeurs d’emploi cumulant une activité partielle et une allocation« , observe-t-il.

De nouvelles missions avec la réforme de l’assurance chômage

Surtout, les missions de Pôle emploi sont appelées à s’élargir. Le Plan d’investissement dans les compétences prévoit ainsi un accompagnement privilégié pour un million de chômeurs de longue durée et un million de jeunes sans emploi. Et le gouvernement a promis de faire passer de 200 à 1.000 le nombre de conseillers affectés… au contrôle des chômeurs.

Une mission dont le directeur général Jean Bassères devrait s’acquitter avec enthousiasme : après la victoire d’Emmanuel Macron, évoquant le contrôle accru des demandeurs d’emploi, il avait, d’après le Canard enchaîné déclaré au comité d’entreprise que Pôle emploi devait se mettre « en marche accélérée » pour « mettre en oeuvre la politique voulue par le président de la République« .

Hadrien Mathoux

Source : Marianne 06/05/2018

 

Nudge : Cette nouvelle méthode de management pour influencer les salariés à leur insu (ou presque)

Le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté.

Le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté.

Le «nudge», théorie d’incitation comportementale visant à influencer indirectement les individus dans leurs prises de décisions, a le vent en poupe du côté des marketeurs, et désormais des RH. Au point de devenir la nouvelle lubie des managers ?

En 2016, la SNCF s’attèle à une enquête minutieuse sur les causes des retards de ses trains en Ile-de-France. C’est ainsi que le groupe découvre que 20% d’entre eux seraient directement liés aux incivilités d’usagers empruntant des souterrains et accès interdits. Pour contrer ces comportements, le groupe ferroviaire mène une expérimentation: plutôt que de créer des sanctions ou contrôles supplémentaires, il fait évoluer sa signalisation en remplaçant simplement ses mentions « interdit d’entrer » ou « sens interdit » par « voie sans issue ». Résultat, le mauvais sens de l’utilisation d’un des souterrains a baissé en quelques mois de 50%, selon la SNCF.

Cette ruse est directement inspirée de l’approche du « nudge » -pour « coup de pouce ». Cette théorie du « paternalisme libertaire » est formalisée à travers différents travaux d’économie comportementale et de psychologie cognitive depuis les années 1970, dont certains ont été récompensés par le Nobel d’économie (Daniel Kahneman en 2002, Richard H. Thaler en 2017). L’hypothèse de départ: dans ses prises de décisions (achat, épargne, évolution de carrière…), l’homme se comporte comme un être avant tout irrationnel, influencé par des biais cognitifs multiples (préjugé, aversion au risque, recherche du conformisme, biais d’optimisme…). Concrètement, le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté, en modifiant le contexte de leur prise de décision, sans pour autant les contraindre.

Avec à la clé, une double promesse alléchante de gain d’efficacité allié à des coûts réduits de mise en œuvre qui séduit nombre d’entreprises et de pouvoirs publics ces dernières années. Parmi les exemples les plus emblématiques, on peut citer l’aéroport d’Amsterdam qui, en déployant des fausses mouches sur les urinoirs de ses toilettes, est parvenu à réduire de 80% ses frais de nettoyage. Le fabricant de soupes Campbell’s a de son côté modifié sa politique de prix. Au lieu d’inciter les consommateurs à acheter plus de boîtes à prix réduit, il a limité à 12 le nombre de boîtes que peut acheter un client dans le cadre de sa promotion. En créant cette fausse rareté, le fabricant a ainsi doublé ses ventes.

Au niveau politique aussi, le nudge intéresse. L’ex-président américain Barack Obama ou encore l’ancien Premier ministre David Cameron ont créé des « nudge unit » en 2009-2010, afin d’améliorer l’efficacité de leurs politiques publiques (collecte d’impôts, plan épargne-retraite, lutte contre l’obésité…). Plus récemment, les Pays-Bas viennent d’adopter en février une loi transformant tout citoyen en donneur d’organes potentiel, à moins qu’il ne le refuse explicitement. Près de 200 « nudge units » seraient ainsi créées à travers le monde selon les estimations de l’OCDE.

Si bien qu’après l’avoir d’abord expérimenté auprès de leurs clients ou partenaires extérieurs, les grandes entreprises et collectivités publiques (ex: Google, eBay, Sécu, EDF…) commenceraient désormais à regarder de près les applications potentielles du nudge dans leur management, afin d’inciter leurs salariés à prendre les « bonnes décisions » et renforcer ainsi leurs performances. C’est d’ailleurs après avoir été contacté sur ce sujet par différents clients, qu’Eric Singler, directeur général de la société d’études et de conseil BVA, en charge de la BVA Nudge Unit, s’est décidé à consacrer son dernier ouvrage au « nudge management »*, qui paraîtra en juin prochain. Les préoccupations des directions qui le contactent en la matière sont variées: comment inciter les femmes à postuler davantage aux postes à responsabilités internes? Comment encourager les salariés à suivre telle ou telle consigne de sécurité pour limiter les risques professionnels? Comment pousser les collaborateurs à adopter des gestes éco-responsables pour faire davantage d’économies? Et bien sûr, comment renforcer l’engagement des salariés à la tâche ?

La carotte et le bâton

« Beaucoup d’entreprises affirment placer l’homme au cœur de leur organisation. Dans les faits, les politiques RH sont encore bien souvent fondées sur le principe de la carotte et du bâton. Or, les facteurs d’engagements au travail vont bien au-delà de cette approche simpliste. Pire, elle peut même dans bien des cas freiner la motivation », affirme Eric Singler, dont le cabinet a conseillé Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle. Le consultant cite notamment la crainte de beaucoup de salariés de questionner la stratégie de l’entreprise, ou de pointer publiquement les failles d’un projet. Des remarques qui pourraient pourtant, d’un point de vue purement rationnel, renforcer l’efficacité de process internes. L’expert avance ainsi quatre grandes dimensions de l’engagement que les entreprises négligent trop souvent: l’équité de traitement, l’accomplissement personnel, le sens de la camaraderie et la mission globale de l’entreprise.

« Tout l’enjeu pour les organisations est de créer un environnement physique -bureaux, salles de repos- et psychologique -incentives, management bienveillant…- qui va inciter les salariés à se comporter différemment dans leurs intérêts comme dans celui de l’entreprise », explique Eric Singler qui préconise un plan d’actions en plusieurs étapes du diagnostic interne des biais cognitifs au changement de posture de la direction en passant par l’expérimentation de la méthode nudge au sein d’un service. Il peut typiquement s’agir de généraliser l’impression recto-verso pour limiter les consommations de papier ou encore de multiplier les espaces de détente pour favoriser les rencontres et la coopération entre services.

Le nudge, un moyen détourné de manipuler les consciences de ses salariés? « Absolument pas », selon Olivier Benoît, DG d’Advito, branche conseil de l’agence de voyages d’affaires BCD Travel. Lui se sert par exemple du nudge pour valoriser auprès des salariés de ses clients des offres préférentielles négociées avec des partenaires (hôtels, parkings, compagnies aériennes…). Le but: encadrer davantage le budget et la sécurité de leurs voyages d’affaires. « Le salarié a le choix, personne ne décide à sa place ce qui est bon pour lui. Il peut opter pour plusieurs hôtels, plusieurs compagnies aériennes… La construction du programme voyage, lors des négociations avec les fournisseurs doit permettre ce choix. »

« Le nudge a une forte dimension éthique. Pour réussir, cette approche est en effet fondée sur la transparence et la co-construction. Elle ne fait qu’encourager une intention, donner le coup de pouce nécessaire qui va faire basculer les gens du bon côté de la barrière, sans les forcer à le faire », plaide pour sa part Eric Singler. L’histoire dira si les entreprises suivront cette philosophie à la lettre.

Marion Perroud

Source Challenge 02/05/2018

*Nudge Management, Comment renforcer la performance et le bien-être au travail avec les sciences comportementales, Eric Singler, Ed. Pearson France, 27€.

Congé parental : la France à la manoeuvre pour bloquer une directive européenne favorable à l’égalité femmes-hommes

Pour Emmanuel Macron, l'application de cette directive aurait un coût trop important pour les finances françaises. - Frederick FLORIN / AFP

Pour Emmanuel Macron, l’application de cette directive aurait un coût trop important pour les finances françaises. – Frederick FLORIN / AFP

Un projet de directive européenne ambitionne d’élargir le cadre des congés parentaux dans tous les pays membres pour « équilibrer » l’utilisation qui en est faite entre les femmes et les hommes. Sauf qu’elle pourrait ne jamais s’appliquer, la France s’y opposant aux côtés de la Hongrie et de l’Autriche.

Emmanuel Macron avait décrété l’égalité femme-homme « grande cause » de son quinquennat. A peine un an après son élection comme président de la République, ces bonnes intentions commencent (déjà) à s’écorner. Alors qu’un projet de directive européenne vise à équilibrer le recours aux congés parentaux entre les hommes et les femmes dans toute l’Union européenne (UE), la France s’y oppose et pourrait faire échouer son adoption. « J’en approuve le principe, précisait pourtant le chef de l’Etat, de passage au Parlement européen le 18 avril. Mais les modalités ont un coût qui est potentiellement explosif » pour le système social français.

Trois types de congés pour toute l’UE

Ce projet de directive dite « d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle » devait être un des éléments du futur « socle des droits sociaux » minimums communs à tous les pays membres. Face au reproche d’une Europe loin d’être assez « sociale », les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE avaient approuvé toute une série de mesures provenant de la Commission européenne « pour l’égalité » au mois de novembre 2017 à Göteborg (Suède). Trois types de congés devaient être imposés sur tout le territoire. D’abord, un congé paternité de dix jours à la naissance de l’enfant, ce dont la France dispose déjà. Ensuite, un congé parental de quatre mois pour chaque parent, indemnisé sur la base de l’arrêt maladie par les Etats (un couple pourrait ainsi disposer de 8 mois au maximum, à condition que chacun prenne bien 4 mois). Et, enfin, un droit à cinq jours de congé par an pour tout parent ayant à « s’occuper de proches gravement malades ou en situation de dépendance ».

Pour de nombreux pays européens, ces mesures apparaîtraient comme quasiment révolutionnaires. En Allemagne, en Croatie, en Slovaquie ou en République Tchèque, par exemple, le congé paternité n’existe tout simplement pas. En France aussi, cette directive apporterait quelques avancées sociales en ce qui concerne l’indemnisation des congés parentaux. Aujourd’hui, une fois le congé maternité passé (10 semaines après l’accouchement) ou paternité (11 jours), les parents ont la possibilité de prendre un congé parental pendant un an. Le problème, c’est qu’il n’est que très faiblement indemnisé. En bénéficiant de l’allocation PreParE (prestation partagée d’éducation de l’enfant), ils ne reçoivent que 396,01 euros par mois. Mais si cette directive était adoptée, l’indemnisation mensuelle serait indexée sur la base d’indemnisation des arrêts maladie pendant les quatre premiers mois. Ainsi, le parent recevrait chaque jour, par l’Etat, 50% de son salaire journalier. Soit une indemnité de pratiquement 900 euros pour un salarié touchant habituellement 2.000 euros par mois par exemple. Un coût « insoutenable » pour les caisses françaises selon Emmanuel Macron.

 

Un congé parental plus attrayant = moins d’enfants en crèche

« Faux ! », répond Yann Serieyx, représentant de l’Union nationale des associations familiales françaises (Unaf), auprès de Marianne. Avec 48 autres associations, l’Unaf a adressé une lettre ouverte au président. Ils le prient de rendre possibles ces « avancées sociales » pour « des millions de familles européennes », pour un coût qu’il estime « limité, voire nul » pour les finances françaises. « Si le congé parental est plus attrayant, davantage de pères le prendront et cela libérera des places en crèche. Aujourd’hui, chaque enfant en crèche coûte à l’Etat près de 1.700 euros. C’est considérable », nous explique-t-il.

Mais surtout, pour Yann Serieyx, cette directive amènerait la France sur le chemin d’une égalité entre les sexes face aux tâches domestiques. « Une mesure comme celle-ci permettrait la bi-activité des couples. Les deux parents pourraient se permettre de se relayer auprès de l’enfant avant de reprendre leur activité sans de trop grandes pertes d’argent. Cela ne peut qu’améliorer le taux d’activité des femmes après une grossesse », détaille-t-il. Selon une étude menée par l’OCDE en 2016, les hommes ne représentent que 4% des parents qui prennent un congé parental…

« Soutenir cette directive, c’est soutenir l’idée que l’éducation d’un enfant se porte à deux, à égalité, et ceci quel que soit le sexe des parents », souligne le député européen Edouard Martin (PSE), membre de la commission « Droits de la femme et égalité des genres » au Parlement européen, pour Marianne. Même s’il est un élu français, il a été le premier surpris de la position de son pays sur ce dossier… et de sa stratégie. « La France a coordonné un blocage en réunissant autour d’elle quatorze pays. Si la situation reste telle qu’elle est, le texte ne sera pas examiné au Conseil le 25 mai comme cela était prévu, minorité de blocage oblige », précise-t-il.

 

Mains dans la main avec l’Autriche, l’Allemagne et la Hongrie

Et les visages des amis de circonstance de Paris ont de quoi surprendre. On y retrouve l’Autriche, dont le gouvernement est composé de ministres d’extrême droite, la Hongrie de Victor Orban, qui s’est distinguée par la récente distribution de manuels scolaires officiels expliquant que « les femmes sont bonnes pour la cuisine, leur rôle c’est de s’occuper de la maison et de faire des enfants », comme l’a signalé L’Obs. Puis toute une bardée d’autres pays de l’est (Croatie, Lettonie, Roumanie, Slovaquie), peu connus pour leurs politiques sociales, et quelques voisins plus proches comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, par exemple.

Une situation qui étonne. D’autant qu’en janvier dernier, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, disait étudier « toutes les possibilités d’allongement (du congé paternité), mais aussi de meilleures rémunérations ». Contacté, le secrétariat d’Etat n’a pas donné suite à nos sollicitations. Mais déjà à l’époque, elle précisait : « Il ne s’agit pas de dire oui pour faire plaisir à l’opinion ou d’aller vers un totem sans savoir comment le financer. » Tout est là : le budget d’abord, les droits ensuite.

Anthony Cortes

Source Marianne Le 03.05.2018

Voir aussi : Droit des femmes,