Les scandales d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique se multiplient. Des cas s’étant produits dans les années 1990 ont été révélés. Mais pour les commentateurs, le Vatican réagit trop lentement. La méfiance envers l’Eglise grandit et la critique du célibat se fait de plus en plus forte.
Le Vatican vise les victimes
D’après ses propres données, le Vatican a été informé au cours des neuf dernières années d’environ 3.000 cas d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique. Selon Charles Scicluna, le représentant de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dix pour cent des actes correspondraient à de la pédophilie, le reste constituant des cas de « contacts homosexuels » entre prêtres et élèves, ces derniers ayant plus de 15 ans. Le quotidien Le Soir ne peut pas croire à une telle impudence : « Cette banalisation par le Vatican de relations illicites avec des jeunes de plus de 15 ans … est interpellante. Soit Mgr Scicluna considère que les prêtres abuseurs de mineurs doivent bénéficier d’une atténuation de responsabilité en raison de l’âge de leurs victimes ; soit il insinue que le péché de chair commis par ses prêtres ne résulterait que d’une provocation de ces jeunes victimes. … Au-delà de ces interrogations, l’Eglise catholique est dorénavant contrainte de reconnaître que le sexe … fait partie des préoccupations de ses prêtres. … Plus que le mariage des prélats, qui n’est que la relation contractuelle avec un partenaire, c’est la question de l’état d’abstinence forcée (et hypocrite) des ecclésiastiques qui s’impose à l’Eglise. Cet esclavagisme s’avère impossible à respecter. »
La focalisation des médias sur les faits divers violents impose une représentation alarmiste aux conséquences répressives.
Quelles images avons-nous de la banlieue ? Comment vit-on dans ces quartiers difficiles, que s’y passe-t-il ? La série de reportages sur le quartier La Mosson, diffusée prochainement sur France Culture, apporte des éléments de réponse . Par la nature du travail et le temps consacré à l’enquête, c’est aussi une exception qui confirme la règle.
L’approche habituelle de la banlieue relayée par les médias prend le plus souvent des raccourcis pour désigner ces espaces comme un environnement de violence et de délinquance. A partir de faits spectaculaires, courses poursuites, voitures qui flambent… une représentation alarmiste de la jeunesse populaire s’est imposée dans les médias et dans le champ politique.
Le sujet n’est pas nouveau, dans les années 80 l’institutionnalisation du « problème des banlieues » a donné lieu à des politiques conduites dans plusieurs directions, notamment dans l’insertion professionnelle des jeunes, la réhabilitation des quartiers d’habitat dégradé et la prévention de la délinquance. Mais l’objectif de départ n’a pas été atteint. Sur fond de crise, la dégradation du cadre bâti se poursuit, la situation socio-économique des populations ne cesse de se dégrader… Et la prévention de la délinquance a été remplacée par le contrat local de sécurité qui impose sa problématique. Alors que les populations s’enfoncent dans la précarité, les pouvoirs publics instaurent la lutte contre l’insécurité, principalement contre la petite délinquance dans les quartiers pauvres. Tandis que parallèlement, la justice des mineurs s’oriente vers plus de répression.
Sur ce sujet, les discours gouvernementaux et journalistiques s’emboîtent bien souvent. Les reportages produisent une vision dramatisée et les débats glissent de la question de la laïcité à celle de l’immigration érigée en problème d’ordre national. Dans Les médias & la banlieue* la sociologue Julie Sedel s’intéresse au poids particulièrement important des médias sur la vision du monde social qu’ils donnent des plus démunis, sans omettre de signaler que le travail journalistique en banlieue est révélateur des transformations des logiques de production de l’information.
France Culture Sur les Docks coordination Jean Lebrun Série de quatre documentaires proposée par Stéphane Bonnefoi. Réalisation : Christine Diger Durant les mois de novembre et décembre 2009, je suis allé m’installer chez des habitants du quartier de La Paillade à Montpellier, une Zone Urbaine Sensible née à la fin des années 1960 et peuplée de 22 000 habitants. Au fil des vagues d’immigrations et des crises économiques successives, l’ancienne cité-dortoir s’est peu à peu imposée en un lieu de vie d’une extrême densité et riche en strates. C’est ainsi qu’à la marge de la cité de Montpellier comme de la société, La Paillade s’est forgée une culture et des traditions propres, un mode de vie singulier. Au cœur de ce projet, le désir de recueillir la parole brute et intime d’habitants d’un grand quartier populaire, dont l’humanité est bien souvent ignorée, voire court-circuitée à des fins médiatiques ou politiques. Aussi méfiants que pudiques, peu enclins à se raconter, les Pailladins se montrent volubiles une fois la confiance gagnée. Aussi, succomber à la faconde toute méditerranéenne de ses acteurs privés de scène est un grand bonheur, pour ne pas dire une ivresse, mais à vivre la tête froide… « à la paillade » – où logent les domestiques – nous apprend le dictionnaire, dresse en quatre volets et par la voix même de ses habitants, un portrait vivant, forcément subjectif, d’un quartier ô combien sonore où cohabitent à l’extrême le rire avec le grave.
lundi 15 févrierA la Paillade : trouver la lumière
En 2000, La Paillade a été rebaptisée La Mosson, du nom de la rivière qui marque l’extrême limite de ce territoire au nord-ouest de la ville de Montpellier. Une bonne partie de l’immigration du département se retrouve ici. Kader, un Français d’origine kabyle, vit depuis deux ans dans le foyer Adoma (ex-Sonacotra). En quête de soleil, Kader a fui le Nord et son passé en espérant commencer une nouvelle vie. Mais à La Paillade, il doit faire face à d’autres difficultés : le chômage, l’impossibilité d’obtenir un vrai logement, et la cohabitation difficile avec les vieux Algériens esseulés qui peuplent le foyer. Il se sent aujourd’hui prisonnier mais, vivant sous la mosquée du foyer, il a tout récemment trouvé la foi… C’est aussi le soleil et les jolies filles de la région qui ont attiré Serge à Montpellier. Pourquoi ce troubadour a t-il donc déposé sa guitare à La Paillade ? Tout simplement parce qu’il a découvert que le studio d’enregistrement de la Maison pour Tous Léo Lagrange se trouvait sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle… Un signe pour ce troubadour, qui a tout sacrifié pour enregistrer son premier album ici. Quant à Meriem, femme de caractère d’origine ivoiro-marocaine, elle cherche à refaire sa vie entre deux déménagements et la quête de papiers d’identité pour son fils.
Avec Meriem, Kader, Amar, habitants ; Serge de Carcassonne, chanteur
mardi 16 février A la Paillade : le bled
La tour Assas domine La Paillade du haut de ses 80 mètres. Elle s’impose comme l’emblème d’un quartier dominé par une population d’origine marocaine. Visite et état des lieux avec Lhacen, gardien de ce phare rebaptisé Ouarzazate, après avoir été anciennement surnommé l’ONU… Dans un contexte de paupérisation de sa population et de stigmatisation de l’islam, le quartier glisse vers une pratique religieuse ostentatoire qui tend à régir la vie sociale du quartier. En témoignent le développement du port du voile, la pratique de l’arabe à l’école ou l’éclipse des femmes, qui n’apparaissent que le matin autour du marché et à la sortie des écoles. Rachid, qui a vécu longtemps sans papiers avant de rencontrer sa femme Nora, souhaite quitter La Paillade afin que ses enfants ne reproduisent pas des traditions héritées du bled, qu’il juge archaïques. Nora, qui se refuse à porter le voile « pour l’instant », évoque ces groupes de femmes qui se réunissent pour parler religion. Elle témoigne également de l’existence de « cours privés » où l’on apprend l’islam aux enfants sous couvert d’apprentissage de la langue arabe. Le témoignage de Nora en dit long sur l’activisme religieux qui règne dans le quartier, sous la houlette de l’imam de la grande mosquée de Montpellier, précisément construite à La Paillade. Fatima, musulmane, évoque la lecture régressive qui est faite de l’islam dans le quartier, et parle d’instrumentalisation sous couvert de religion
Avec Lhacen, gardien de la tour Assas ; Mohammed Khattabi, imam de la mosquée de Montpellier ; Mireille, Gaswani et Mohammed, habitants du quartier.
mercredi 17 février A la Paillade : il était une foi gitane
Montpellier est traditionnellement une terre d’accueil pour les Gitans, et particulièrement le quartier de La Paillade. La communauté gitane y vit en autarcie, et offre à une église catholique isolée un contingent bienvenu de fidèles à la pratique certes singulière, mais non négligeable… Face à la montée en puissance des pentecôtistes, la foi des Gitans catholiques redouble de ferveur. Les enfants pratiquent le catéchisme dans l’appartement d’Aline, au cœur des blocs HLM du quartier gitan. En bas, les hommes tiennent les murs, trafiquent, et les jours de soleil, sortent les cages de leurs chardonnerets. Figure tutélaire de la « gitanie » pailladine, Paulette travaille à l’évangélisation de la communauté, avec une gouaille qui redonne quelque couleur à une paroisse en perte de vitesse. Son mari, Antonio, qui casse des voitures à la hache le jour, rehausse lui aussi la pratique du culte pailladin à l’aide de sa guitare flamenca. Le prêtre est aux anges
Avec Michel Peyre, prêtre de l’église Saint-Paul ; et Paulette, Gitans de la Paillade
jeudi 18 février A la Paillade : en toute conscience
Avec un taux de chômage de plus de 40% et un grand nombre de clandestins, le quartier semble se refermer sur lui-même, malgré le passage du tram et le travail quotidien effectué par les très nombreuses associations locales (plus de 200). Ils sont acteurs associatifs, militants de quartier, grands frères, jeunes pailladins ou simples habitants, et s’activent avec des moyens différents. Tous ont une voix, plus ou moins forte, qui porte dans le quartier. Ils racontent la vie sociale de La Paillade, dont les repères ont profondément évolué depuis les années 80, l’âge d’or de la mixité et des valeurs de l’éducation populaire, aujourd’hui dépassées par les pratiques des associations communautaires.
Avec Evelyne Menou directrice de l’association « Peuple et culture » ; Rabi, habitant
L’Essai de la sociologue Julie Sedel Les médias et la banlieue a reçu le prix des Assises du Journalisme 2009.
À la fin des années 1990, le traitement journalistique des quartiers populaires périphériques s’est focalisé sur des faits de violence impliquant des jeunes hommes issus de l’immigration. Pourquoi l’attention des journalistes s’est-elle portée sur cette fraction de la population des cités ? Ce livre se propose d’y répondre à travers l’étude des quartiers populaires et des logiques journalistiques. Depuis les années 1970, les cités HLM périphériques ont été marquées par un double mouvement de paupérisation et de disqualification sociale. La dégradation du cadre bâti sur fond de crise économique s’est accompagnée du départ des petites classes moyennes françaises et de l’installation puis de la relégation durable d’un prolétariat en grande partie immigré.
Progressivement, les jeunes gens ayant investi les espaces collectifs sont devenus le point de focalisation des regards et leurs usages de l’espace comme leurs formes de sociabilité, ostensiblement présentes, une source de tensions. Parallèlement, le fonctionnement journalistique a été marqué par des profonds changements : libéralisation des médias audiovisuels, concentration de la presse… Dans les rédactions, les faits divers ont pris le pas sur les sujets sociaux et le modèle du journalisme « professionnel » a remplacé celui du journalisme engagé. Leurs manières de travailler se sont également trouvées modifiées par la professionnalisation croissante des sources d’informations
En effet, pour se prémunir des incursions médiatiques et éviter les dérapages journalistiques, des institutions et des groupes plus informels ont mis en place des stratégies de communication. Dans les quartiers populaires de la périphérie, certains habitants et acteurs sociaux se sont ainsi transformés en attachés de presse.
Loin d’être statique, la médiatisation apparaît donc comme un processus à l’intérieur duquel les médias sont de plus en plus devenus des acteurs de la réalité sociale qu’ils prétendent seulement « enregistrer » ou « photographier ».
Le philosophe marxiste et théoricien de l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Daniel Bensaïd, est décédé hier à 63 ans. Il était gravement malade depuis plusieurs mois. Après avoir cofondé la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) en 1966, puis compté comme l’un des principaux acteurs du mouvement de Mai 68, Daniel Bensaïd a participé à la création de la LCR, en avril 1969, dont il a longtemps été membre de la direction. En 2008 et 2009, il avait aussi contribué à la création du NPA. Philosophe, enseignant à l’Université de Paris VIII, il a publié de nombreux ouvrages de philosophie ou de débat politique, dont «Prenons parti pour un socialisme du XXIe siècle» (Editions Mille et une nuits, 2009). Nous publions un entretien réalisé lors d’une rencontre à Montpellier en février 2008 autour de la sortie de son livre Eloge d’une politique profane» (Editions Albin Michel 2009).
Votre dernier livre porte un regard global sur la politique bousculée par la mondialisation…
» Je porte en effet une réflexion sur les effets de la mondialisation qui bouleversent les bases de la politique moderne apparue au XVIIe siècle et effacent tout le vocabulaire sur lequel elle reposait, comme les mots » peuple « , » souveraineté « …
Le titre fait référence à la religion…
Oui, les récents discours du Président de la République à Latran, Ryad, et il y a deux jours devant le CRIF, confirment cette inversion de tendance dans les rapports entre le politique et le religieux, dont la séparation reste la grande caractéristique de la modernité. Au lendemain du 11 septembre, le discours de G.W Bush initiait déjà ce changement en utilisant le registre théologique. On constate le même basculement entre la première Intifada qui était un mouvement social et la seconde où apparaît la rhétorique religieuse.
Y voyez-vous une utilisation unilatérale du religieux par le politique ?
Le mouvement va dans les deux sens. Avec d’un côté l’utilisation de la religion pour donner un soubassement à une morale civique qui n’y parvient plus par ses propres moyens. Et de l’autre une offensive idéologique de l’épiscopat très manifeste chez Benoît XVI que l’on constate avec le mariage homosexuel ou l’avortement. Pour moi c’est une espèce d’aspiration par le vide qui déplace l’argumentation politique sur le terrain émotionnel.
D’où provient cette défaillance du politique ?
Elle est liée à plusieurs facteurs. La privatisation du monde entraîne une perte de substance de l’espace public qui pousse à baisser les bras. La politique, s’inscrit dans des espaces où les lieux de pouvoir dispersés deviennent insaisissables pour les citoyens. Enfin, le résultat des blessures du XXe siècle, qui se traduisent par la difficulté à se projeter dans l’avenir.
Comment porter de nouvelles stratégies de résistance ?
C’est toute la question après le diagnostic. Il importe de trouver l’espace des acteurs pour les luttes profanes.
Vous restez fidèle au concept de la lutte des classes dans une société où l’individualisme les décompose. Avec la disparition de lieux de socialisation, la classe ouvrière n’a plus guère d’expression politique …
La décomposition sociale est réelle mais elle est aussi relative. Le prolétariat que Marx décrivait en 1848 n’a rien à voir avec le milieu ouvrier. Les luttes d’aujourd’hui paraissent asymétriques. Mais ne rendent pas pour autant impensable le fait de changer le monde. Le problème c’est la course contre le temps. Les millions de Chinois qui sont aujourd’hui exploités trouveront inévitablement une forme d’organisation sociale pour défendre leurs droits.
Vous êtes membre dirigeant de la LCR, sur quelles bases votre parti envisage-t-il la mutation décidée lors de son dernier congrès ?
La décision de fonder un nouveau parti anticapitaliste est actée. Elle dépend maintenant du processus constituant. Cela devrait voir le jour fin 2008 ou lors du premier trimestre 2009. Le point de départ part de la nécessité d’actions face aux attaques brutales du gouvernement Sarkozy pour une mise aux normes néolibérales du pays. Mais aussi de l’absence de résistance de la gauche de gouvernement qui s’oppose sur la forme mais pas sur le fond. Il y a un espace pour un vrai parti de gauche qui n’efface pas son histoire sans pour autant l’imposer aux autres, ce qui permettra des alliances. «
recueilli par Jean-Marie Dinh
article publié dans L’Hérault du jour le 16 02 08
Eloge de la politique profane, 22 euros ed, Albin Michel