Médias, banlieue et représentations

emeutebanlieueLa focalisation des médias sur les faits divers violents impose une représentation alarmiste aux conséquences répressives.

Quelles images avons-nous de la banlieue ? Comment vit-on dans ces quartiers difficiles, que s’y passe-t-il ? La série de reportages sur le quartier La Mosson, diffusée prochainement sur France Culture, apporte des éléments de réponse . Par la nature du travail et le temps consacré à l’enquête, c’est aussi une exception qui confirme la règle.

L’approche habituelle de la banlieue relayée par les médias prend le plus souvent des raccourcis pour désigner ces espaces comme un environnement de violence et de délinquance. A partir de faits spectaculaires, courses poursuites, voitures qui flambent… une représentation alarmiste de la jeunesse populaire s’est imposée dans les médias et dans le champ politique.

Le sujet n’est pas nouveau, dans les années 80 l’institutionnalisation du « problème des banlieues » a donné lieu à des politiques conduites dans plusieurs directions, notamment dans l’insertion professionnelle des jeunes, la réhabilitation des quartiers d’habitat dégradé et la prévention de la délinquance. Mais l’objectif de départ n’a pas été atteint. Sur fond de crise, la dégradation du cadre bâti se poursuit, la situation socio-économique des populations ne cesse de se dégrader… Et la prévention de la délinquance a été remplacée par le contrat local de sécurité qui impose sa problématique. Alors que les populations s’enfoncent dans la précarité, les pouvoirs publics instaurent la lutte contre l’insécurité, principalement contre la petite délinquance dans les quartiers pauvres. Tandis que parallèlement, la justice des mineurs s’oriente vers plus de répression.

Sur ce sujet, les discours gouvernementaux et journalistiques s’emboîtent bien souvent. Les reportages produisent une vision dramatisée et les débats glissent de la question de la laïcité à celle de l’immigration érigée en problème d’ordre national. Dans Les médias & la banlieue* la sociologue Julie Sedel s’intéresse au poids particulièrement important des médias sur la vision du monde social qu’ils donnent des plus démunis, sans omettre de signaler que le travail journalistique en banlieue est révélateur des transformations des logiques de production de l’information.

Jean-Marie Dinh

Les médias &la Banlieue, Ina Bdl éditions, 2009

Voir aussi : Rubrique Montpellier Rubrique Politique locale Petit Bard Pergola rénovation urbaine, Rubrique Médias, entretien avec Florence Aubenas , entretien avec Stéphane Bonnefoi Justice Les rois du Petit bard, Délinquance en col Blanc

Les médias et la banlieue de Julie Sedel

L’Essai de la sociologue Julie Sedel Les médias et la banlieue a reçu le prix des Assises du Journalisme 2009.

mediasbanlieue2À la fin des années 1990, le traitement journalistique des quartiers populaires périphériques s’est focalisé sur des faits de violence impliquant des jeunes hommes issus de l’immigration. Pourquoi l’attention des journalistes s’est-elle portée sur cette fraction de la population des cités ? Ce livre se propose d’y répondre à travers l’étude des quartiers populaires et des logiques journalistiques. Depuis les années 1970, les cités HLM périphériques ont été marquées par un double mouvement de paupérisation et de disqualification sociale. La dégradation du cadre bâti sur fond de crise économique s’est accompagnée du départ des petites classes moyennes françaises et de l’installation puis de la relégation durable d’un prolétariat en grande partie immigré.

Progressivement, les jeunes gens ayant investi les espaces collectifs sont devenus le point de focalisation des regards et leurs usages de l’espace comme leurs formes de sociabilité, ostensiblement présentes, une source de tensions. Parallèlement, le fonctionnement journalistique a été marqué par des profonds changements : libéralisation des médias audiovisuels, concentration de la presse… Dans les rédactions, les faits divers ont pris le pas sur les sujets sociaux et le modèle du journalisme « professionnel » a remplacé celui du journalisme engagé. Leurs manières de travailler se sont également trouvées modifiées par la professionnalisation croissante des sources d’informations

En effet, pour se prémunir des incursions médiatiques et éviter les dérapages journalistiques, des institutions et des groupes plus informels ont mis en place des stratégies de communication. Dans les quartiers populaires de la périphérie, certains habitants et acteurs sociaux se sont ainsi transformés en attachés de presse.

Loin d’être statique, la médiatisation apparaît donc comme un processus à l’intérieur duquel les médias sont de plus en plus devenus des acteurs de la réalité sociale qu’ils prétendent seulement « enregistrer » ou « photographier ».

Voir aussi : Rubrique Société Banlieue Médias et représentations