La justice égyptienne a donné son feu vert pour la remise en liberté de Hosni Moubarak. L’ex-président égyptien a été acquitté début mars pour la mort de centaines de manifestants durant la révolte qui a provoqué sa chute en 2011. Il n’a jamais connu la prison.
Hosni Moubarak, aujourd’hui âgé de 89 ans, a profité de sa santé fragile pour éviter de connaître la prison. Et malgré sa condamnation en mai 2015 à trois ans de détention, il n’est pas allé derrière les barreaux.
En fait, depuis six ans, il a surtout connu les chambres de l’hôpital militaire du Caire et les prétoires des tribunaux. Dans les deux cas, Moubarak s’en est bien sorti. Lors de son premier procès en 2012, il est apparu sur une civière (lien payant), affaibli, jouant l’incapacité à assister aux débats. Pourtant, finalement, sa santé ne s’est pas dégradée.
Quant aux poursuites judiciaires, elles se sont progressivement vidées de leur substance. A son premier procès, Moubarak a été condamné à la perpétuité pour la mort de centaines de manifestants. Le parquet a fait appel, le jugement a été cassé et le tribunal qui le rejuge un an après a conclu à l’abandon des charges.
Finalement, Hosni Moubarak n’a été condamné que pour détournement de fonds publics. Ses deux fils, condamnés avec lui, ont été libérés de prison en octobre 2015, la peine ayant été couverte par la préventive. Depuis, Alaa et Gamal se font discrets, mais selon la rumeur, ne vivent pas dans le besoin.
Les avoirs du clan gelés en Suisse
Car l’autre volet de l’affaire Moubarak, c’est bien l’argent. Les millions d’avoirs de la famille du raïs bloqués sur les comptes suisses. 539 millions d’euros dont la justice cherche à connaître l’origine. Blanchiment ou activités criminelles ? Là encore, on retrouve la trace des fils Moubarak. Les deux frères possèdent 265 millions d’euros gelés sur des comptes au Crédit Suisse.
Sur cet aspect du dossier Moubarak, la justice n’est toujours pas passée. Début 2016, le procureur de la Confédération helvétique, Michael Lauber, est passé en Egypte pour discuter de l’avenir des avoirs des Moubarak gelés en Suisse.
Six ans après sa chute, Hosni Moubarak quitte la suite de l’hôpital hôpital militaire. Il ne pourra toutefois pas se rendre à l’étranger, d’après son avocat.
Le Premier ministre Faïez el-Serraj et le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle l’est du pays, devaient se rencontrer au Caire pour négocier, mais l’entrevue n’a pas eu lieu. Six ans après la chute de Kadhafi, le pays est toujours en proie à la guerre civile.
Les fanions ont déjà été accrochés au-dessus des rues. Pour la sixième fois, la Libye va célébrer vendredi l’anniversaire de la révolution dite «du 17 Février», qui a abouti à la mort du dictateur Muammar al-Kadhafi et à l’effondrement de son régime, «la Jamahiriya». Pourtant, le cœur n’y est pas vraiment. Les Libyens, dans leur immense majorité, ne regrettent ni le tyran ni son régime répressif. Mais leur «printemps» a aujourd’hui un goût amer. Le pays est divisé en territoires rivaux, trois gouvernements concurrents se disputent le pouvoir, l’économie est en ruine et plusieurs organisations jihadistes se sont implantées, profitant de l’absence d’autorité centrale.
L’accord de Skhirat de décembre 2015, qui devait mettre fin à la guerre civile entre l’Est et l’Ouest, n’a pas permis de dénouer la crise politique qui paralyse le pays : à Tripoli, capitale morcelée tenue par les milices, le président du Conseil présidentiel, Faïez el-Serraj, à la tête du gouvernement d’union nationale soutenu par l’ONU et la communauté internationale, est contesté par l’ex-Premier ministre du «gouvernement de salut national», Khalifa al-Ghwell.
Dans l’est du pays, le blocage est encore plus marqué : la Chambre des représentants, ou «Parlement de Tobrouk», refuse toujours de reconnaître l’autorité de Serraj. Elle s’est alliée avec le maréchal dissident Khalifa Haftar, qui tente depuis deux ans d’écraser les islamistes de Cyrénaïque.
Frontière
Le pays est, de fait, coupé en deux. Cette fracture n’est pas née en 2011 ; l’historien romain Salluste (86- 34 av. J.-C.) la fait même remonter à l’Antiquité : «Dans le temps que les Carthaginois donnaient la loi à presque toute l’Afrique, les Cyrénéens n’étaient guère moins riches et moins puissants. Entre les deux Etats était une plaine sablonneuse, tout unie, sans fleuve ni montagne qui marquât leurs limites. De là une guerre longue et sanglante entre les deux peuples, qui, de part et d’autre, eurent des légions ainsi que des flottes détruites et dispersées, et virent leurs forces sensiblement diminuées.»
Entre la ville punique de Carthage et la cité grecque de Cyrène, «également épuisées», la frontière fut finalement tracée d’un commun accord, selon un principe simple : «A un jour déterminé des envoyés partiraient de chaque ville, et le lieu où ils se rencontreraient deviendrait la limite des deux territoires. Deux frères nommés Philènes, que choisit Carthage, firent la route avec une grande célérité ; les Cyrénéens arrivèrent plus tard. Fut-ce par leur faute ou par quelque accident ? C’est ce que je ne saurais dire ; car, dans ces déserts, les voyageurs peuvent se voir arrêtés par les ouragans aussi bien qu’en pleine mer ; et, lorsqu’en ces lieux tout unis, dépourvus de végétation, un vent impétueux vient à souffler, les tourbillons de sable qu’il soulève remplissent la bouche et les yeux, et empêchent de voir et de continuer son chemin.»
L’autel des frères Philènes, qui fut élevé à leur gloire, n’a jamais été retrouvé. Mais les historiens contemporains le situent quelque part près de l’actuel terminal pétrolier de Ras Lanouf… soit exactement à l’endroit où se font face, aujourd’hui, les troupes du maréchal Haftar, maître de la Cyrénaïque, et les brigades de Misrata, force militaire la plus puissante de l’ouest du pays. C’est également à la frontière entre ces deux Libye qu’est situé Syrte, ex-fief de Kadhafi d’où a été chassé l’Etat islamique en décembre après huit mois d’une guerre ayant fait plus de 700 morts et 3 000 blessés parmi les assaillants. Aujourd’hui, environ 300 à 400 jihadistes de l’EI seraient encore présents dans la zone, selon les autorités militaires de Misrata.
Humiliation
Ce mardi, Haftar et Serraj étaient tous les deux en visite au Caire. Ils ne se sont pas parlés depuis plus d’un an. Le maréchal septuagénaire, soutenu par l’Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie, a réussi à se rendre incontournable. Sa victoire prochaine à Benghazi contre les brigades révolutionnaires alliées aux islamistes, au prix d’une destruction partielle de la ville, lui a apporté une réelle popularité auprès de la population de l’Est, assoiffée de stabilité.
Serraj, bien que porté par l’ONU, l’Europe et les Etats-Unis, abordait sa visite égyptienne en position de faiblesse: après un an à la tête du Conseil présidentiel, il n’a ni réussi à réconcilier le pays ni à améliorer le quotidien des Libyens, ni même à rétablir la sécurité à Tripoli. La séquence du Caire a tourné à l’humiliation. Haftar aurait refusé de le rencontrer en face-à-face, selon les médias libyens. Les négociations se sont déroulées de manière indirectes, via un médiateur égyptien.
L’ONU a par ailleurs annoncé la semaine dernière qu’elle allait désigner un nouvel envoyé spécial en Libye. L’Allemand Martin Kobler devait être remplacé par l’ancien Premier ministre palestinien Salam Fayyad, mais l’administration Trump a, de manière inattendue, choisi de bloquer cette nomination. Sa représentante aux Nations unies, Nikki Haley, a déploré le fait que «depuis trop longtemps, l’ONU avait injustement penché en faveur de l’Autorité palestinienne au détriment de nos alliés en Israël». La crise libyenne, bien que n’ayant aucun lien avec le conflit israélo-palestinien, bute donc sur un nouvel obstacle, diplomatique cette fois. Six ans après le déclenchement la révolution et l’intervention militaire de l’Otan réclamée par Nicolas Sarkozy et David Cameron, la paix n’a jamais semblé aussi lointaine.
Avec l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, « les règles du jeu ont changé », estime le gouvernement israélien.
Deux jours après l’entrée en fonctions du président américain Donald Trump, la mairie israélienne de Jérusalem a donné son feu vert définitif à la construction de 566 logements dans trois quartiers de colonisation de Jérusalem-Est, a annoncé un conseiller municipal dimanche 22 janvier.
Les permis de construire de ces logements avaient été gelés à la fin décembre à la demande du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, en attendant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, a précisé Meïr Turjeman, président de la commission de la construction et de planification de la municipalité de Jérusalem.
Ces logements seront construits dans les quartiers de colonisation de Pisgat Zeev, Ramot et Ramat Shlomo, a précisé M. Turjeman. Selon lui, « les règles du jeu ont changé avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Nous n’avons plus les mains liées comme du temps de Barack Obama, désormais, nous pouvons enfin construire. (…) Ces 566 logements ne sont qu’un coup d’envoi. Nous avons des plans pour la construction de 11 000 logements qui attendent les autorisations », dans les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est.
Le premier ministre israélien a d’ailleurs annoncé qu’il allait s’entretenir dans la soirée par téléphone avec Donald Trump « sur des sujets portant sur les Palestiniens, la situation en Syrie et la menace iranienne ».
Relations tendues avec l’ex-président Obama
Benyamin Nétanyahou s’est chaudement félicité de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, après avoir entretenu des relations tendues avec son prédécesseur Barack Obama, critique sur la question des colonies présentées comme un des obstacles à la reprise des négociations avec les Palestiniens gelées depuis plus de deux ans.
La tension avec Obama avait atteint son paroxysme lorsque le 23 décembre les Etats-Unis, pour la première fois depuis 1979, les Etats-Unis n’ont pas mis leur veto à une résolution de l’ONU, condamnant les colonies israéliennes.
Les 14 autres membres du Conseil ont voté en faveur du texte qui exhorte Israël à « cesser immédiatement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est », et affirme que les colonies « n’ont pas de valeur juridique » et sont « dangereuses pour la viabilité d’une solution à deux Etats » israélien et palestinien.
Quelque 430 000 colons israéliens vivent actuellement en Cisjordanie occupée et ils sont plus de 200 000 à Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.
Le Conseil de sécurité de l’ONU se prononce sur un texte demandant à Israël de cesser toute activité de colonisation Photo Amanda VOISARD. AFP
Le Conseil de sécurité a adopté la mesure à la quasi-unanimité, les Etats-Unis ayant choisi de ne pas y opposer leur veto, se contentant d’une abstention. Un camouflet pour Israël et son Premier ministre.
Une résolution contre la colonisation des territoires palestiniens adoptée
Très gros malaise à Jérusalem après le vote, vendredi soir, par le Conseil de sécurité, d’une résolution exigeant l’«arrêt immédiat et complet des activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens occupés», y compris Jérusalem-Est. Cette résolution, la première depuis 1979, est un camouflet pour l’Etat hébreu qui se voit condamné par la communauté internationale. Et qui risque des sanctions économiques et politiques s’il poursuit l’occupation des territoires palestiniens. L’important dans cette affaire est que le texte a été voté, les Etats-Unis n’y ayant pas opposé leur veto, comme ils le faisaient régulièrement. Leur représentante s’est contentée de s’abstenir. Une nuance qui change tout.
A l’origine, un premier texte égyptien soutenu par la Ligue arabe devait être présenté jeudi soir au vote du Conseil de sécurité et les Etats-Unis avaient déjà fait savoir qu’ils ne s’y opposeraient pas. Est-ce parce que Barack Obama a des comptes à régler avec Benyamin Nétanyahou depuis que ce dernier a tenté de torpiller la signature de l’accord sur le nucléaire iranien ? Peut-être. Mais également parce la politique du président américain au Proche-Orient n’a pas convaincu grand monde pendant huit ans et que celui-ci semble avoir voulu, à trois semaines de son départ de la Maison Blanche, poser un geste majeur.
Ces dernières semaines, conscients du danger que représentait ce revirement, Nétanyahou et les principaux responsables israéliens avaient multiplié les appels du pied vers Washington afin que les Etats-Unis bloquent la résolution égyptienne. «Nous espérons que les Etats-Unis ne modifieront pas leur engagement de longue date de faire progresser la paix», avait d’ailleurs déclaré Nétanyahou au début de la semaine. Parallèlement, l’Etat hébreu a mené une offensive diplomatique visant à convaincre le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de reporter le vote du texte. Pour cela, ses envoyés ont notamment pris langue avec Donald Trump, en lui demandant de téléphoner au leader égyptien. Ce que le président élu a fait, non sans avoir twitté son opposition au vote de la résolution.
Persuadés d’avoir écarté le danger, Nétanyahou et ses conseillers ont pavoisé trop vite. Car dans la journée de vendredi, la Nouvelle-Zélande, le Venezuela, la Malaisie et le Sénégal ont repris l’initiative en proposant, avec le soutien de la France, qu’un nouveau texte exigeant l’arrêt immédiat et complet de la colonisation soit soumis au vote à la fin de la journée. En panique ou presque, l’entourage du Premier ministre israélien a aussitôt accusé Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry d’être derrière ce «coup bas» et «d’avoir laissé tomber Israël».«Ce n’est pas une résolution contre la colonisation, c’est un texte anti-israélien», s’est par exemple exclamé le ministre Youval Steinitz (Likoud). Quant aux émissaires de l’Etat hébreu, ils sont repartis à l’offensive en sollicitant leurs soutiens à Washington et en tentant même d’obtenir un contact avec les proches de Vladimir Poutine. Qui n’ont pas donné suite.
Sans attendre son intronisation, le successeur de Barack Obama a déjà pris en main l’épineux dossier israélo-palestinien. A la demande du Premier ministre israélien, Donald Trump a fait reporter un vote à l’ONU sur la colonisation en territoire palestinien. Une démarche suivie par l’Egypte, à l’origine de la résolution, en gage d’alignement du président Sissi sur le nouveau pouvoir américain.
Dans une démarche qui en dit long sur la nouvelle gouvernance américaine, Donald Trump, élu mais pas encore officiellement en exercice, a fait une irruption personnelle et prématurée dans le jeu proche-oriental.
Appelant à un veto américain lors d’un vote du conseil de sécurité de l’ONU sur les colonies israéliennes en Cisjordanie, initialement prévu le 22 décembre, Donald Trump a obtenu le report de la consultation.
Le projet de résolution présenté par l’Egypte devait exhorter Israël à «cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem Est».
L’Etat Hébreu s’est aussitôt mobilisé pour faire échec à l’opération. «Quand ils ont eu connaissance du fait que l’administration actuelle ne mettrait pas son veto à cette résolution, des responsables israéliens ont pris contact avec l’équipe de transition de Trump pour demander son aide», a indiqué à l’Agence France Presse une source israélienne sous couvert d’anonymat.
Donald Trump et Benjamin Netanyahu sur la même longueur d’ondes
Le successeur élu de Barack Obama a alors appelé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, à l’origine du projet de résolution contestée, obtenant rapidement gain de cause.
L’Egypte a demandé le report du vote, tandis que la présidence publiait un communiqué justifiant la décision: «Les deux dirigeants se sont mis d’accord sur l’importance de donner à la nouvelle administration américaine une chance de gérer tous les aspects de la cause palestinienne pour arriver à un accord complet» sur le dossier.
Donald Trump, qui a nommé comme ambassadeur en Israël David Friedman, un homme favorable au développement des colonies, s’est lui aussi expliqué sur son choix.
«Comme les Etats-Unis le disent depuis longtemps, la paix entre Israéliens et Palestiniens ne peut venir que de négociations directes entre les deux parties, et non à travers des conditions imposées par les Nations Unies», dit le nouvel élu dans son communiqué, reprenant une formule de Benjamin Netanyahu lui-même.
Ce qui a fait dire à l’ambassadeur palestinien, Riyad Mansour, à l’issu d’une réunion des ambassadeurs arabes à l’ONU, que Trump «agissait au nom de Netanyahu»
. Abdel Fattah al-Sissi donne des gages à Trump
Pas un mot, en revanche, sur le retournement improvisé du président Sissi. Ce dernier, en désaccord ouvert avec les pétromonarchies du Golfe et surtout l’Arabie Saoudite, en raison de son ralliement au régime de Bachar al-Assad, fait de son alliance avec Washington une priorité.
Le président égyptien est le premier dirigeant arabe à avoir rencontré le candidat Trump, avec lequel il s’est entretenu en septembre 2016, en marge de l’assemblée générale de l’ONU. Avant même le scrutin, il ne cachait pas son admiration pour le dirigeant républicain. «Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il sera un bon dirigeant», disait-il.
En froid avec l’administration Obama pour avoir destitué, en 2013, son prédécesseur le président Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, et pour le peu de respect dont il fait preuve pour les droits de l’Homme, Abdel Fattah al-Sissi donne ainsi des gages à la nouvelle administration Trump.
Le jour même où ce dernier réaffirmait, après l’attentat de Berlin, «avoir raison à 100%» dans son projet d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis.
La visite ne pouvait tomber plus mal : la tournée d’Angela Merkel en Afrique s’achève ce mardi par Addis Abeba, alors que le pays affronte une contestation inédite et violemment réprimée.
«Du bien être de l’Afrique dépendra la façon dont nous allons vivre en Allemagne», avait martelé vendredi Angela Merkel, à la veille d’une tournée africaine censée lui permettre de s’attaquer aux causes de la crise migratoire. Sur le principe, c’est une évidence : si les Africains sont contents chez eux, ils ne chercheront pas à fuir en masse vers l’Europe. Et la chancelière qui paye politiquement cher d’avoir ouvert les portes aux migrants durant l’été 2015, est désormais prête à investir sur le continent pour freiner les flux migratoires qui nourrissent les pulsions xénophobes en Allemagne comme dans toute l’Europe.
Après le Mali et le Niger, où l’Allemagne apportera une contribution accrue à la lutte contre les jihadistes qui sévissent dans le Sahel, Merkel est donc ce mardi à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie. Une dernière étape, qui risque cependant de révéler un délicat exercice d’équilibriste entre les intérêts des Allemands, et plus globalement des Européens (juguler les flux migratoires tout en éradiquant la menace des groupes terroristes), et le «bien-être» des Ethiopiens.
Depuis un an en effet, un vent de contestation, sans précédent depuis 2005, s’est levé en Ethiopie : des manifestations quasi quotidiennes, violemment réprimées, auraient fait plus de 400 morts ces douze derniers mois. En réponse, les autorités éthiopiennes se refusent à tout dialogue et pointent du doigt l’étranger : soit l’Erythrée voisine, soit l’Egypte accusée lundi de soutenir, elle aussi en sous-main, le Front de libération Oromo, un mouvement régionaliste exilé à Asmara, la capitale de l’Erythrée.
Pouvoir monopolisé depuis vingt ans
Le week-end dernier, à la veille de l’arrivée de Merkel, les autorités éthiopiennes ont franchi un pas de plus en décrétant l’état d’urgence pour six mois, pour la première fois de puis vingt-cinq ans.
Les causes de la colère des Ethiopiens sont multiples. La révolte a semblé un temps circonscrite à la région Oromo, un territoire situé à proximité d’Addis Abeba, grand comme la France et qui regroupe prés de 30 millions d’habitants, soit un tiers de la population éthiopienne. Protestant contre un projet d’agrandissement de la capitale qui empiéterait sur leurs terres ancestrales, les Oromo sont descendus dans la rue dès novembre 2015.
Mais le ras-le-bol est en réalité plus profond face à un pouvoir monopolisé depuis vingt ans par la minorité tigréenne et par un quasi parti unique, le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF), qui détient 100% des sièges du Parlement éthiopien.
Cet été, la contestation s’est étendue à la communauté amhara qui se sent, elle aussi, marginalisée. Oromo et Amhara, deux ethnies longtemps antagonistes, représentent ensemble 60% de la population de cet Etat fédéral où le pouvoir reste pourtant très centralisé. En août, les manifestations des uns comme des autres ont été brutalement réprimées, notamment dans la capitale, Addis Abeba.
Peu après, le marathonien Feyisa Lilesa qui représentait l’Ethiopie aux Jeux olympiques de Rio, franchissait la ligne d’arrivée les deux bras croisés au-dessus de la tête, en signe de révolte contre un pouvoir jugé totalitaire, avant de s’enfuir et de demander l’asile aux Etats Unis.
Politique audacieuse d’industrialisation
Depuis, aucun signe d’accalmie ne semble se dessiner. Le 2 octobre, à Bishoftu à une cinquantaine de kilomètres d’Addis Abeba, lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, la foule a protesté contre la présence de dirigeants oromo proches du pouvoir et considérés comme des traîtres. Lorsque les manifestants ont tenté de prendre d’assaut la tribune officielle, la police a riposté avec des tirs de gaz lacrymogène provoquant une bousculade qui aurait fait au moins 52 morts.
Même le pouvoir semble avoir été dépassé par l’ampleur des pertes, et avait décrété dès le lendemain un deuil national de trois jours. Sans arrêter les manifestations qui se sont poursuivies jusqu’à la mise en place de l’état d’urgence.
C’est donc dans un pays très tendu qu’arrive Angela Merkel. Le paradoxe, c’est que les Occidentaux aiment bien l’Ethiopie. Avec 10,8 % de croissance annuelle et une politique audacieuse d’industrialisation qui attire même les investisseurs chinois, l’Ethiopie autrefois connue pour ses famines et ses appels aux dons, offre un bel exemple d’essor économique. Même si ce décollage se fait au prix d’expropriations sans compensation qui ont concerné 150 000 fermiers au cours de la décennie écoulée.
Les silences génèrent des frustrations
L’Ethiopie joue aussi un rôle stratégique pour la sécurité dans cette région volatile de la Corne de l’Afrique. Avec la présence d’un contingent de 4 000 soldats éthiopiens au sein de l’Amisom, la force de l’Union africaine qui lutte contre les shebabs en Somalie. Ce qui permet à Addis Abeba de recevoir une aide des Etats-Unis de 3,3 milliards de dollars par an. Et de faire taire les critiques. Celles des Occidentaux comme celle des pairs africains réunis au sein de l’Union africaine dont le siège se trouve justement à Addis Abeba. Merkel y est d’ailleurs attendue ce mardi pour l’inauguration d’un nouveau bâtiment consacré à la «paix et la sécurité» et baptisé du nom de Julius Nerere, en l’honneur de l’ancien président tanzanien.
Au-delà des fleurs et des vœux pieux, personne ne s’attend réellement à ce qu’on évoque les troubles qui déchirent le pays hôte.
Mais les silences génèrent aussi des frustrations qui peuvent conduire à de nouvelles formes de violences. Au lendemain de la bousculade fatale de Bishoftu, une ferme fruitière néerlandaise, deux usines de textile turques et une cimenterie nigériane ont été mises à sac par des manifestants qui ciblent de plus en plus les intérêts étrangers.
Spectre de nouveaux tsunamis migratoires
Plus inquiétant encore : il y a tout juste une semaine, le 4 octobre, Sharon Gray une jeune biologiste américaine de 31 ans qui circulait par hasard à la périphérie d’Addis Abeba, non loin d’une manifestation, a été tuée après avoir été frappée par un jet de pierres. La mort de cette femme n’est-elle que le prélude d’une hostilité accrue face aux étrangers dont les pays d’origine sont perçus comme les soutiens d’un un régime autoritaire ? Ou bien la répression sous état d’urgence, dans un pays où la police a déjà beaucoup de pouvoirs provoquera-t-elle une accélération des flux migratoires en dehors du pays ?
Voilà bien un cas d’école pour Angela Merkel, comme pour tous les dirigeants européens hantés par le spectre de nouveaux tsunamis migratoires. Car en Ethiopie, l’espoir d’un «bien-être» sur place en échange d’un frein à l’exode semble assez illusoire. En rentrant à Berlin, la chancelière accueillera également cette semaine le président tchadien Idriss Déby, autre grand démocrate qui tient son pays d’une main de fer depuis 1990 et qui reste par ailleurs l’allié incontournable de Paris dans la lutte contre les jihadistes du Sahel.
Face à l’Afrique, les Européens restent bien sur la même ligne. Reste à savoir si elle ne mène pas droit dans le mur.