Non à la banalisation de l’enfermement des enfants en centre de rétention!

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Manifestation virtuelle

Grâce à vous, la dernière étape de la manif virtuelle à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre a contribué à sensibiliser les sénatrices et sénateurs sur le traitement des étrangers malades en France. En effet, le Sénat a d’abord rejeté la réforme de l’Aide Médicale d’État. Et même si cette réforme a finalement été adoptée par la commission mixte paritaire Assemblée nationale/Sénat, votre action a constitué un petit grain sable qui a fait gripper la machine.

Pour provoquer le débat, il nous faut donc continuer à alerter les sénateurs et sénatrices sur les dangers du projet de loi sur l’immigration. Aujourd’hui en France, des centaines d’enfants scolarisés sont arrêtés, enfermés et expulsés pour le seul fait d’avoir des parents en situation irrégulière. Avec la politique du chiffre actuellement menée par le gouvernement, le nombre  d’enfants placés dans les centres de rétention a doublé en six ans, passant de 165 en 2004 à 318 en 2009. Pourtant un mineur étranger ne peut pas être reconduit à la frontière, et donc ne peut pas être enfermé en centre de rétention. En officialisant le placement d’enfants en centres de rétention, la nouvelle loi sur l’immigration banalise l’enfermement des mineurs en dépit des conventions internationales. Sans compter qu’avec l’allongement de la durée de rétention à 45 jours, ce projet de loi va aggraver les conséquences psychologiques de l’enfermement pour ces enfants. Comment accepter que des enfants, parce qu’étrangers, puissent être maltraités ?

Parce que nous nous opposons à l’enfermement des enfants en centre de rétention, nous demandons aux sénateurs et sénatrices de refuser ce projet de loi sur l’immigration qui le banalise.

Mobilisez vous en écrivant aux sénateurs !

Envoyez ce texte aux sénateurs et sénatrices qui enseignent ou ont enseigné dans des écoles primaires. Leurs élèves étrangers ne sont pas à l’abri de telles mesures. Vous pouvez aussi l’envoyer à votre sénateur ou sénatrice ainsi qu’à vos proches!

étape 1 > Ouvrez dans votre messagerie un courriel à l’attention des sénateurs et sénatrices concernés

étape 2 > Téléchargez la proposition de message type et copiez la dans le courriel

étape 3 > Télécharger la chronique Des enfants enfermés en version pdf pour la mettre en pièce jointe dans votre courriel

étape 4 > Envoyez votre courriel!

Le Premier ministre kosovar mis en cause pour trafic d’organes

Le Premier ministre du Kosovo Hashim Thaçi (photo) a agi comme le "parrain" de réseaux criminels responsables d'un trafic d'organes de prisonniers serbes et albanais avant et après l'intervention de l'Otan en 1999, selon un rapport rédigé par le sénateur suisse libéral Dick Marty pour la commission des affaires juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. (Reuters/Hazir Reka)

Dans un rapport divulgué mardi, cette institution accuse les indépendantistes albanais du Kosovo de s’être livré à ce trafic et met directement en cause Hashim Thaçi, sinon dans son organisation directe, du moins comme le protecteur des réseaux criminels qui s’en rendent coupables.

Le gouvernement du Kosovo a immédiatement réagi en qualifiant dans un communiqué ce document de « diffamatoire« .

« Le gouvernement du Kosovo et le Premier ministre Hashim Thaçi entreprendront toutes les démarches et actions nécessaires pour écarter les mensonges de Dick Marty, y compris par des moyens légaux et politiques« , peut-on y lire.

« Il est clair que quelqu’un veut nuire au Premier ministre Hashim Thaçi, auquel les citoyens du Kosovo ont clairement renouvelé leur confiance afin qu’il poursuive son programme de développement à la tête du pays.« 

Rédigé par le sénateur suisse libéral Dick Marty pour la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, qui ne l’a pas encore approuvé, le rapport reprend les accusations portées en 2008 par l’ancien procureur du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie, Carla del Ponte.

« Organes prélevés sur des prisonniers »

« De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période immédiatement après la fin du conflit armé, avant que les forces internationales puissent vraiment prendre le contrôle de la région et rétablir un semblant d’ordre et de légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë« , dit le rapport.

Ces organes auraient été ensuite transportés à l’étranger « à des fins de transplantation« .

« Cette activité criminelle » s’est développée «  grâce à l’initiative de certains chefs des milices de l’UCK – l’Armée de libération du Kosovo – liés au crime organisé » et elle « s’est poursuivie, bien que sous d’autres formes, jusqu’à nos jours« , affirme Dick Marty.

Le sénateur suisse accuse « un noyau restreint mais incroyablement puissant de personnalités de l’UCK« , dit « groupe de Drenica« , d’avoir pris le contrôle des activités criminelles au Kosovo et en Albanie.

Le « parrain » de ce groupe ne serait autre que Hashim Thaçi, Premier ministre sortant dont le parti, le PDK (Parti démocratique du Kosovo), est sorti vainqueur des élections législatives de dimanche dernier.

Dick Marty, ancien procureur, cite des sources au sein des services de lutte contre la drogue dans cinq pays qui affirment que Hashim Thaçi et le groupe de Drenica contrôlent le commerce de l’héroïne depuis dix ans.

L’UE et L’ONU épinglées

Ils seraient également responsables d’assassinats et de détentions illégales dans le cadre desquelles se seraient déroulés des prélèvements d’organes, principalement de reins.

Les services de renseignement de l’Otan considéreraient l’actuel Premier ministre comme « le plus dangereux des ‘parrains de la pègre’ de l’UCK« , peut-on lire dans le rapport. Ces révélations interviennent près de trois ans après la déclaration unilatérale d’indépendance de la province prononcée en février 2008 par les autorités kosovares.

Le rapport est tout aussi sévère pour « les autorités internationales en charge de la région » – Nations unies et Union européenne – qui « n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi » de ces faits « en dépit des indices concrets au sujet de tels trafics au début de la décennie« .

Elles ont « privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de justice« , affirme l’ancien procureur suisse.

Le rapport doit être adopté en commission jeudi à Paris avant d’être soumis au vote de l’assemblée plénière en janvier à Strasbourg.

Au Kosovo, même les opposants politiques de Thaçi ont dénoncé le rapport qui salit, selon eux, la lutte des Kosovars pour leur indépendance.

« Pour ce qui est de la guerre menée par l’UCK (Armée du libération du Kosovo), les accusations sont inacceptables« , a estimé Burim Ramadani, secrétaire général de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK). « Les Albanais du Kosovo ont combattu pour la liberté et non pour obtenir des profits de réseaux criminels.« 

Le dirigeant social-démocrate Agim Ceku, un des chefs de l’UCK pendant les combats de 1998-99 et ancien Premier ministre kosovar, a accusé Belgrade d’être derrière ces allégations. « Toutes les accusations contre l’UCK viennent de la Serbie ou de ses auxiliaires« , a-t-il dit à Reuters. « C’est tout simplement une tentative de salir notre guerre et notre victoire.« 

Gilbert Reilhac, avec Guy Kerivel

Sondages : Un procès pour intimider les chercheurs ?

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Transition Autoritaire : « Un petit prof de fac » – Alain Garrigou, enseignant-chercheur en sciences politiques, assigné par Patrick Buisson, conseiller spécial de l’Elysée et dirigeant de Publifact.

Le lundi 22 novembre 2010 avaient lieu les plaidoiries de l’affaire opposant M. Patrick Buisson à notre collaborateur Alain Garrigou (1) et au journal Libération. Le dirigeant de l’institut de sondages Publifact, conseiller de la présidence de la République, ancienne plume du journal d’extrême droite Minute, assignait, en effet, pour « diffamation », ce professeur de science politique de l’université de Paris-Ouest-Nanterre, spécialiste des sondages, et le journal lui ayant consacré un entretien. Dans Libération daté du 6 novembre 2009 (2), M. Garrigou aurait « franchi la ligne rouge », comme n’a eu de cesse de le soutenir durant sa plaidoirie Me Gilles William Goldnadel, avocat de M. Buisson, en tenant les propos suivants : « Pourquoi l’Elysée paie-t-il beaucoup plus cher en passant par lui [Patrick Buisson] au lieu de les acheter à moindre prix directement ? Et pourquoi laisser Buisson se faire une marge de 900 000 euros sur son dos ? Soit c’est un escroc, soit un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy. » Pour ces motifs, Me Goldnadel demandait, en plus de la reconnaissance du délit de diffamation publique à l’encontre de M. Buisson, le paiement de la somme de 100 000 euros, à titre de dommages et intérêts, par les prévenus.

Dans un contexte de mise en question publique des pratiques de l’Elysée en matière de sondages, ce procès ne pouvait que revêtir un caractère politique. Ainsi, dans sa plaidoirie, Me Goldnadel, expert dans l’art de poursuivre en justice pour « diffamation » et « antisémitisme » les auteurs de propos qui relèvent le plus souvent de la liberté d’expression ou de recherche (« Affaire Morin » (3)), ne manquait pas de critiquer à la fois la partie II, alinéa C, du rapport de juillet 2009 de la Cour des comptes (4) ; les « agitateurs » des débats relatifs à la mainmise de M. Nicolas Sarkozy sur les médias et M. Garrigou, « un universitaire placé dans une situation d’anobli », « se laissant aller dans une telle ire », vivant dans « un sentiment d’impunité » et « roulant dans la fange ! » le conseiller du président de la République. « Nous disons “non !”, c’est impossible de laisser passer cela, même lorsque l’on a le cuir tanné » poursuivait Me Goldnadel, rappelant « l’énormité » du propos de M. Garrigou. « Comment l’exercice des sondages serait-il constitutif d’escroquerie ? », demandait-il au tribunal, innocemment, avant de s’en prendre plus virulemment au prévenu : « Garrigou ne pensait pas du tout aux sondages », « C’est une véritable escroquerie intellectuelle vis-à-vis de la Nation », « une inversion des normes invraisemblable ». Selon lui, en effet, la présomption d’innocence de M. Buisson aurait été « foulée aux pieds » dès le départ, et ce dernier représenterait en outre un martyr d’une « autointoxication » et d’une « guerre des médias ». « M. Garrigou aurait pu être beaucoup plus prudent », indiquait-il avant de fustiger la « perversion intellectuelle » que représenterait la pétition que cent universitaires ont signée pour l’appuyer (5). « Il y a là-dedans, concluait Me Goldnadel, un esprit de caste ! J’aimerais que l’on m’explique pourquoi un universitaire ne pourrait pas être poursuivi en justice ? Est-ce que je suis en train d’étrangler la liberté de la presse ? ».

Les plaidoiries d’Alain Garrigou et de son avocate ont ramené la focale sur l’importance du débat sur les sondages – « débat d’intérêt général », a rappelé Me Caroline Mécary – qui concerne tout à la fois l’utilisation de l’argent du contribuable et la liberté d’expression. Quant aux propos tenus, ils le furent de « bonne foi » et correspondent bien à une attitude descriptive, sans jugement de valeur, de l’universitaire nanterrois, exprimée sous la forme d’un jugement hypothético-déductif.

Le résultat du délibéré des juges, le 19 janvier 2011, est particulièrement attendu, notamment par la communauté universitaire et de nombreux citoyens venus soutenir M. Garrigou lors de l’audience. Il posera en effet la question de la liberté de la recherche (6).

Jeremy Mercier (Le Monde Diplomatique dec 2010)

 

(1) Alain Garrigou a notamment publié L’ivresse des sondages (La Découverte, Paris, 2006). Il coanime l’Observatoire des sondages, qui sera prochainement hébergé par Le Monde diplomatique.

(2) « “Les sondeurs violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent” », Libération, 6 novembre 2009.

(3) Suite à sa tribune « Israël-Palestine : le cancer », publiée dans Le Monde, le 4 juin 2002, et cosignée par Danièle Sallenave et Sami Naïr, Edgar Morin était poursuivi pour antisémitisme par Me Goldnadel. Ce dernier fut heureusement débouté par la Cour de Cassation, qui, jugeant que les opinions exprimées relevaient « du seul débat d’idées ». Lire « Edgar Morin, juste d’Israël ? », par Esther Benbassa, octobre 2005.]

(4) Rapport remis par le premier président de la Cour des comptes à M. Nicolas Sarkozy, président de la République, le 15 juillet 2009, « Gestion des services de la présidence de la République (service 2008) » (PDF), page 11. Cette partie, relevant une anomalie et une dépense exorbitante de 1,5 millions d’euros en frais de sondages de la part de la présidence de la République, ne satisfaisait pas Me Goldnadel, selon lequel l’opinion de M. Buisson aurait dû être entendue. Ce rapport, selon lui, a le défaut de ne pas être « contradictoire ».

(5) « Tu critiques ? Gare au procès ! », Fondation Copernic, 24 janvier 2010.

(6) « Un procès politique en 2010 » (PDF), par Alain Garrigou, Association française de science politique (AFSP), janvier 2010.


«Les sondeurs violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent»

 Interview

Alain Garrigou, universitaire, participe à l’Observatoire des sondages :

Par LILIAN ALEMAGNA

sondagesMembre de l’Observatoire des sondages, Alain Garrigou est professeur de sciences politiques à l’université Paris-Ouest-la Défense-Nanterre. Il est l’auteur de l’Ivresse des sondages (la Découverte, 2006).

Quelles observations faites-vous sur les listings de l’Elysée ?

Tous les prix sont faramineux… Par exemple, 8 000 euros pour un simple verbatim qui est censé faire une seule page ! C’est une vraie pompe à finances. L’Elysée défend le choix d’OpinionWay par Patrick Buisson [directeur de Publifact et conseiller du Président, ndlr] pour la rapidité des études Internet. Or, ils oublient de préciser que les sondages en ligne sont surtout réputés pour être moins chers ! Pourquoi l’Elysée paie beaucoup plus cher en passant par lui au lieu de les acheter à moindre prix directement ? Et pourquoi laisser Buisson se faire une marge de 900 000 euros sur son dos ? Soit c’est un escroc, soit c’est un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy.

Que révèle cette affaire sur le monde des sondages ?

Elle montre l’ampleur de la bulle sondagière qui doit éclater. Les sondeurs accumulent les entorses aux règles pour tenter d’asseoir leur légitimité. Ils violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent et en sont à truquer les chiffres. Prenez l’exemple du sondage OpinionWay début mai sur la cote de popularité des chefs d’Etat européens. Pour éviter que le résultat de Sarkozy passe sous les 50 %, ils ont enlevé les réponses des Français et n’ont pas fait non plus de péréquation selon la population des pays ! Le sondage doit être un instrument de connaissance qui aide à la légitimité et la rationalité de la démocratie. C’est devenu un moyen de faire advenir les choses, un instrument d’image, de publicité, pour les instituts.

Il existe une commission des sondages…

Mais elle ne fait rien du tout ! Elle ne contrôle plus rien. En juillet, lorsque l’affaire des sondages de l’Elysée a éclaté, elle s’est dite incompétente.

L’Elysée semble jouer le jeu de la transparence, c’est une bonne chose, non ?

Ils en sont bien obligés. Ils ont été pris le doigt dans le pot de confiture par la Cour des comptes… Aujourd’hui, Christian Frémont [directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, ndlr] à l’air de vouloir mettre de l’ordre. Reste à s’assurer qu’ils ne vont pas inventer autre chose.

Tout est à revoir dans ce monde des sondages ?

Il faut commencer par supprimer la commission des sondages et laisser le marché se réguler. Cela redonnera du poids à la critique scientifique. Les sondages en ligne rémunérés doivent être interdits. La commission d’enquête demandée par les socialistes doit voir le jour pour faire éclater cette bulle des sondages. Tous les instituts y ont intérêts, il en va de leur crédibilité.
Libération 06/11/10
Source  Terra, Libération, Le Monde Diplomatique
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Egypte : Les Frères musulmans annoncent leur défaite au législative

Les résultats du premier tour des élections législatives égyptiennes n’avaient pas encore été publiés, lundi 29 novembre, que l’issue du scrutin qui s’est tenu dimanche dans un climat de fraude et de violence ne faisait guère de doute : les Frères musulmans se voyaient pratiquement éliminés du Parlement égyptien.

La confrérie, théoriquement interdite par le pouvoir mais tolérée dans les faits, détenait jusqu’à présent un cinquième des sièges dans l’ancienne chambre basse du Parlement et, sous l’étiquette « indépendants », constituait la première force d’opposition au gouvernement du président Hosni Moubarak, avec quatre-vingt-huit élus. Si les résultats officiels du premier tour du scrutin ne sont pas attendus avant mardi, Saad al-Katatni, chef de file des élus islamistes de l’assemblée sortante, a indiqué lundi qu’aucun des cent trente candidats présentés par les Frères musulmans n’avait décroché l’un des cinq cent huit sièges de député en jeu à l’issue du premier tour. Et seule une poignée d’entre eux pourra briguer les suffrages des électeurs lors du second tour prévu le 5 décembre.

« Il y a eu des trucages et nous avons déposé un recours contre les procédures de vote », a indiqué M. Katatni, qui n’a pas conservé son siège de député à Minah, au sud du Caire, un mandat qu’il avait remporté en 2005 avec trente cinq mille voix, contre douze mille pour son principal rival.

« UN GOÛT DE SANG, UNE ODEUR DE POUDRE »

La presse et des observateurs indépendants ont en effet rendu compte de très nombreux cas de fraude et de violences lors du premier tour. Le quotidien indépendant Chourouq citait par exemple le témoignage d’un juge de la région de Guizeh, près du Caire, affirmant avoir vu des officiers de police bourrer des urnes. Selon les sources, deux à quatre égyptiens auraient trouvé la mort dans des affrontements entre militants ou provoqués par des hommes de main recrutés par des candidats, une pratique fréquente en Egypte.

« Ces élections ont un goût de sang et une odeur de poudre. Les citoyens ont été sacrifiés pour que le PND [le Parti national démocratique d’Hosni Moubarak] reste au pouvoir », a affirmé la Coalition indépendante pour l’observation des élections. Cette fédération d’observateurs non gouvernementaux égyptiens a diffusé un dossier décrivant en détail quatre-vingt-trois cas d’irrégularités ou de violences, dans treize des trente gouvernorats d’Egypte. Le PND est mis en cause dans un grand nombre de cas, mais des candidats indépendants ou d’autres partis sont aussi cités. « L’exclusion répétée de représentants de l’opposition et d’observateurs des bureaux de vote, de même que les informations faisant état de violence et de fraude, suggèrent que les citoyens n’ont pas pu prendre part à des élections libres », écrit de son côté un responsable de Human Right Watch, Joe Stork, dans un communiqué.

Le ministre de l’information, Anas al-Feki, s’est en revanche félicité dans un communiqué du « haut degré de transparence » du scrutin. Il a assuré que les incidents, « limités », n’avaient « pas affecté la conduite générale et l’intégrité de l’élection ».

Des analystes avaient prédit que le pouvoir ferait tout pour marginaliser les islamistes sur la scène politique avant l’élection présidentielle de 2011 à propos de laquelle le chef de l’Etat, âgé de 82 ans et de santé fragile, reste muet. « C’est un niveau de fraude entièrement différent, indiquait ainsi Chadi Hamid, du Brookings Doha Center. « Cela laisse penser que le régime s’inquiète de la transition qui arrive et ne compte prendre aucun risque. »

Le Monde et AFP

Voir aussi : Rubrique Egypte Rubrique Rencontre écrivain Khaled Al Khamissi

Délinquance économique : l’impunité s’accroît en France

biglutte-delinquance-financiere_jpgQue n’a-t-on pas entendu en 2008 et 2009 à propos de la crise économique et financière et de la nécessité de « moraliser le capitalisme ». De beaux discours assurément. Mais les faits sont têtus. Il y a soixante-dix ans, le sociologue américain Edwin Sutherland s’interrogeait déjà sur le traitement modéré réservé à la délinquance en col blanc : des « actes commis par des individus de statut social élevé en rapport avec leurs activités économiques et professionnels », qui sont bien des actes délinquants mais qu’« on traite comme si ce n’était pas le cas avec pour effet et peut-être pour but d’éliminer tous les stigmates faisant référence au crime ». Et nous allons montrer non seulement que la France contemporaine vérifie la règle, mais encore que les pouvoirs publics actuels accordent une impunité croissante à la délinquance économique et financière.


Le processus de pénalisation de la vie économique engagé au début du XXe siècle a concerné d’abord les infractions en rapport avec la consommation (loi sur les fraudes, 1905), puis les détournements commis par les responsables d’entreprise (abus de biens sociaux) et, enfin, la vie des sociétés suivie des marchés financiers et de la Bourse dans les années 1960-1970. Mais ce mouvement a été inversé ces dernières années au nom d’un risque pénal incohérent et imprévisible qui menacerait les activités économiques. De fait, la vie des sociétés est dépénalisée au profit de la gouvernance d’entreprise qui inspire les lois sur les nouvelles régulations économiques ou la sécurité financière votées au début des années 2000.

Ces lois abrogent des dizaines d’infractions représentant plus de la moitié des sanctions pénales du droit des sociétés. Le résultat est net. Aujourd’hui, les condamnations en rapport avec la législation économique et financière représentent moins de 1 % de la délinquance sanctionnée par les tribunaux.

Pourtant, certains voudraient aller encore plus loin ! Après son élection, Nicolas Sarkozy déclarait à l’université d’été du Medef : « La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme. » La commission constituée dans ce but (Rapport Coulon, 2008) a cependant conclu que, après la « phase récente de reflux », il ne restait plus grand-chose à dépénaliser.

Alors que les médias informent régulièrement sur les contournements des règles fiscales, environnementales ou autres qui sont devenus des ressources quasi ordinaires de l’activité économique, la vie des affaires n’est pas vraiment menacée par la justice pénale. En voici quatre preuves.

1 – Force est de constater l’effondrement progressif de ce domaine d’investigation par les services de police et de gendarmerie. Ces services, qui traitaient il y a vingt ans 100 000 faits annuels en rapport avec la législation économique et financière (banqueroute, abus de biens sociaux, etc.), ont divisé leur activité par cinq.

2 – Durant les vingt dernières années, on constate une stabilité, voire une diminution, du nombre de condamnations prononcées par la justice en matière économique et financière : 28 497 en 1990, 27 152 en 2008 (dernier chiffre disponible).

3 – Autre indication de la prudence des tribunaux : la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des personnes morales. Cette innovation introduite en 1994 vise à sanctionner les entreprises fautives. Dix ans après son entrée en vigueur, l’étude montre que sa mise en oeuvre reste timide. Moins d’un millier d’entreprises sont poursuivies et, lorsqu’elles le sont, un quart bénéficie d’une relaxe, soit un taux six fois supérieur à celui observé pour les personnes physiques. Et si elles sont condamnées, les sanctions sont légères : la moitié des amendes prononcées n’excède pas 3 000 euros, alors que le code pénal prévoit pour les personnes morales des peines d’un montant cinq fois supérieures à celles des personnes physiques.

4 – Le nombre d’infractions constatées par d’autres administrations comme celles des impôts, du travail ou de la consommation et de la concurrence, est également stable, voire en diminution, depuis les années 2000. Par exemple, les inspecteurs du travail qui dressaient jusqu’à 30 000 procès-verbaux par an à la fin des années 1990, en ont rédigé 15 000 en 2007 : moitié moins.

Parallèlement, les dispositifs spécifiques de lutte contre la délinquance économique et financière sont en voie de démantèlement tandis que, depuis la loi Perben 2 (2004), les enquêtes sont de plus en plus contrôlées par les procureurs au détriment des juges d’instruction.

Après la série d’affaires des années 1990, des pôles économiques et financiers regroupant les magistrats spécialisés avaient été mis en place pour traiter des affaires complexes ayant souvent des ramifications internationales. Or ces pôles sont privés de moyens et, tout comme les services de police spécialisés, frappés par de nombreux départs. « Ça sent la fin », déclarait le juge Van Ruymbeke, le parquet ne leur confiant plus d’instruction. Alors que plus d’une centaine d’informations étaient ouvertes chaque année au pôle financier parisien au milieu des années 2000, on n’en comptait plus qu’une douzaine en 2009.

La main du parquet pèse également sur les informations déclenchées par la constitution de partie civile de particuliers. Cette voie qui a longtemps constitué une ressource importante pour la mise en mouvement de l’action judiciaire (elle a permis par exemple d’ouvrir l’affaire Elf) se raréfie. Les informations passent désormais par le filtre du procureur. Conséquence, leur nombre a chuté de 46 en 2007 à 7 en 2008. L’enquête préliminaire contrôlée par un procureur soumis à son ministre est désormais la voie privilégiée, comme l’a encore montré récemment l’affaire Bettencourt.

Force est donc de constater que, derrière les discours, la délinquance économique et financière est de moins en moins contrôlée et sanctionnée en France. Les discours sont du reste compréhensifs lorsqu’il s’agit de ces délinquances. Ils mettent volontiers en avant la primauté de l’effectivité des règles sur le droit de punir, se demandent si la sanction doit être la contrepartie nécessaire du comportement interdit ou s’interrogent sur les effets d’une « punitivité excessive » sur la régulation économique et sociale.

Des arguments qui tranchent avec ceux destinés aux habitants des quartiers populaires, qui sont au contraire l’objet d’une surenchère verbale continue et d’une frénésie législative. Aux uns le pouvoir actuel promet la « guerre », aux autres il promet d’être compréhensif. C’est ce que l’on appelait encore, il n’y a pas si longtemps, une justice de classe. Quel autre mot peut convenir ?

Thierry Godefroy et Laurent Mucchielli, chercheurs au CNRS


Voir aussi : Rubrique Justice Les 40 ans du SM, rubrique Montpellier Petit-Bard S’achemine-t-on vers une incroyable indulgence ? ,  rubrique On line dépénalisation du droit des affaires ,

Commentaire : Des arguments qui tranchent avec ceux destinés aux habitants des quartiers populaires, qui sont au contraire l’objet d’une surenchère verbale continue et d’une frénésie législative. Aux uns le pouvoir actuel promet la « guerre », aux autres il promet d’être compréhensif. C’est ce que l’on appelait encore, il n’y a pas si longtemps, une justice de classe. Quel autre mot peut convenir ?