Nicola Sirkis séduit ou agace en cultivant un esprit rebelle bien sage. Photo Laurent Boutonnet.
Après avoir décroché la lune à Bercy devant 80 000 personnes venues assister à son concert en juin, le groupe français Indochine récidive ce soir à Montpellier dans la nouvelle salle Arena de 14 000 places fraîchement inaugurée vendredi. Pour répondre à la demande des fans, le Meteor Tour devrait s’achever après deux ans et demi de tournée à la fin du mois à Bercy. Hier, les plus mordus avait déjà lancé leurs tentes « minute » devant le parvis de l’Arena. « On les a fait rentrer pour la balance », précise le leader du groupe culte Nicola Sirkis qui semble ravi d’inaugurer la nouvelle salle. « Elle a été conçue avec une bonne acoustique mais c’est le premier concert, et on peut prendre le temps de travailler dans le confort. On est très pointilleux sur la qualité de nos concerts.
A 51 ans, Nicola Sirkis apparaît à l’image de son groupe. Il séduit ou agace en cultivant un esprit rebelle bien sage. « On n’est mal placés pour se prononcer sur les retraites.Pour moi, le non-engagement est une question de décence. Mais je pense que les gens ont raison de défendre leurs droits.» Dans la chanson Play boy du dernier album d’Indochine * Nicola s’est un peu lâché : « Moi j’ai du mal avec les artistes, surtout les Français qui habitent en Suisse. » dit le texte. Le chanteur confirme : « Quant on gagne de l’argent grâce au public qui vient vous voir, c’est normal de ne pas se délocaliser fiscalement. Payer ses impôts en France permet de redistribuer de l’argent dans les services publics. » Mais de manière générale, la thématique des textes de l’album tourne surtout autour de l’absence et la rupture amoureuse. Nicola Sirkis dit avoir été inspiré par « les générations sacrifiées par le pouvoir d’une petite poignée d’hommes. » Pour écrire les chansons, il a notamment consulté la correspondance amoureuse de poilus de la première guerre mondiale.
Le groupe Indochine compte trente ans de carrière. Formé en 1981, il est issue du courant New wave qui émerge outre-Manche. Le groupe commence sur scène en faisant la première partie de Depeche Mode ou encore du groupe français de Daniel Darc Taxi Girl. Plus gentil et moins sombre, Indochine se taille un franc succès dans les années 80. Puis traverse le creux d’une longue vague durant les années 90 avant de renouer avec les paillettes en 2002 avec la sortie de l’album Paradize, et de Alice et June en 2005. C’est aujourd’hui le seul groupe français à pouvoir remplir Bercy. Un succès que Nicola ne semble pas s’expliquer. « Je m’efforce d’entretenir une vraie relation avec notre public. Ce qui m’émeut le plus c’est de toucher toutes les tranches d’âge. »
La république des Meteors est le onzième album d’Indochine. Il s’inscrit dans la droite lignée de ce groupe à succès. Rock exotique et acidulé aux paroles juvéniles qui traverse les générations. Mais ce qui se passe sur scène est une autre histoire…
L’iguane bientôt sur grand écran. Le cinéaste américain Jim Jarmusch, réalisateur de Stranger Than Paradise (1985), Mystery Train (1989), Ghost Dog (1999), et tout récemment de The Limits of Control (2009), envisagerait de tourner un film sur Iggy Pop, selon une information révélée par le site Pitchfork, qui l’a interviewé. Actuellement, le réalisateur se trouve à New York, où il prépare la prochaine édition du festival New Yorkais, All tomorrow’s parties, qui se déroulera du 3 au 5 septembre. Programmateur d’un jour, Jarmusch a recruté pour la journée de clôture du festival new-yorkais les groupes the Black Angels, Brian Jonestown Massacre… En outre, la présence de Sonic Youth et des Breeders est d’ores et déjà confirmée, tout comme celle d‘Iggy Pop – accompagné des Stooges – et de Mudhoney qui reprendront respectivement Raw Power et Superfuzz Bigmuff dans leur intégralité. Sans oublier Fuck Buttons et Tortoise, entre autres…
Bourreau de travail, Jim Jarmusch travaillerait sur plusieurs projets. Comme la réalisation d’un opéra, qui «ne sera pas un opéra traditionnel» précise-t-il, sur l’inventeur Nikola Tesla, co-écrit avec le compositeur Phil Klein.Mais le projet qui lui tient le plus à coeur, selon Pitchfork, serait un film qui réunirait Tilda Swinton (Burn after Reading, The Limits of Control), Michael Fassbender (Inglorious Basterds, Hunger) et Mia Wasikowska (l’Alice de Burton). Jim Jarmusch, qui garde le scénario secret, avoue ne pas avoir encore trouvé de financement. Côté musique, l’Américain envisage de composer des musiques de films muets et de sortir un disque avec son groupe Sqürl. En parallèle, Jarmusch envisagerait de réaliser un documentaire sur le leader charismatique des Stooges, à la demande du chanteur lui-même. «C’est quelque chose qu’Iggy ma demandé de faire, explique Jim. Il faut savoir que chez moi, si Iggy donne un concert à moins de 100 kilomètres, toute la famille s’y rend! Ce projet va prendre quelques années mais nous ne sommes pas pressés…». Le film pourrait être tourné en plusieurs années sur le modèle de son Coffee and Cigarettes (2003), qui comptait déjà à son générique le chanteur des Stooges. Iggy Pop y apparaissait dans le célèbre sketch de dix minutes Somewhere in California. En attendant que le projet voit le jour, reste à patienter…
Dans le cadre de ses soirées, le Festival de Radio France propose ce soir au Corum la version concert des Hauts de Hurlevent. Un opéra en quatre actes composé entre 1943 et 1951 par Bernard Herrmann. Si le patronyme de ce compositeur américain est assez méconnu (1911-1975) tout le monde connaît en revanche sa musique. Il est l’auteur d’une cinquantaine de musiques de films célèbres. Introduit à Hollywood par Orson Welles avec lequel il travaille sur Citizen Kane, il se lie avec Hitchcock avec qui il entreprend une collaboration longue et fructueuse.
Celle-ci débute en 1955 avec La main au collet et se poursuivra durant neuf films, dont L’homme qui en savait trop, Vertigo, et l’inoubliable partition de La Mort aux trousses (1959) où les images du maître du suspens viennent littéralement se baigner dans les nappes musicales du compositeur. Dans Psychose (1960), le couple Hitchcock /Herrmann tente un nouveau pari en réalisant un film où la moitié de la bobine ne comporte pas un seul dialogue, uniquement de la musique. La carrière cinématographique du compositeur s’émaille de collaborations prestigieuses avec François Truffaut, pour qui il compose la musique de Fahreinheit 51, et de La mariée était en noir. Et plus tard avec Brian de Palma Obsession, et Scorsese Taxi Driver.
Fils aîné d’une famille d’origine russe juive émigrée aux Etats-Unis, Bernard Herrmann reçoit dès son plus jeune âge une sérieuse éducation musicale. Il s’illustre très tôt pour son talent de compositeur qu’il forge notamment à travers l’étude minutieuse du Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes d’Hector Berlioz. Un compositeurdont on retrouve les fondements de l’harmonie teintée des dissonances qui caractérisent l’écriture de Herrmann.
Les Hauts de Hurlevent, est le seul opéra du compositeur. Achevé en 1951 d’après le roman de la poétesse britannique Emily Brontë. L’auteur réputé pour son âme farouche inscrit les personnages de son unique roman dans une grande maison secouée par les vents. Ceux-ci sont animés d’une perversité, d’une pauvreté d’esprit et d’une violence inouïes. Un des héros, Heathcliff va jusqu’à défaire le cercueil de sa Catherine aimée pour mieux l’enlacer, ce qui témoigne de la puissance de ses sentiments mais relève aussi d’une certaine morbidité. Une atmosphère qui avait tout pour inspirer Bernard Herrmann.
L’ouvrage ne fut monté à la scène que le 6 novembre 1982 (à Portland, Oregon). Après le prologue, l’opéra se déroule en flash-back. Il ne correspond qu’à la première partie du roman, se concentrant sur l’histoire d’amour romantique de Cathy et Heathcliff, mais la poignante conclusion de l’original est préservée. Les Hauts de Hurlevent est orchestré de façon dramatique, avec plusieurs thèmes musicaux provenant des musiques de films de l’auteur. De quoi se glacer le sang après la canicule !
Jean-Marie Dinh
Les Hauts de Hurlevent le 14 07 10 au Corum . Orchestre National de Montpellier, direction Alain Altinoglu, avec Catherine Earnshaw (soprano) Boaz Daniel (baryton)
Herbie Hancock hors du temps et toujours présent. Photo DR
Festival. Du 12 au 17 juillet, la quatorzième édition de Jazz à Sète creuse un sillon musical essentiel. Six jours de jazz non stop. Herbie Hancock et George Benson en invités légendaires.
Ray Charles, Pacco de Lucia, Hank Jones, Michel Portal…, depuis 1985, les moments musicaux inoubliables de Jazz à Sète font légion. Au point de s’interroger sur ce sentiment de bonheur pas entamé, cette forme de candeur toujours renouvelée qui saisit les fidèles amateurs à l’approche du festival. D’évidence, la magie du lieu tient son rôle. Le majestueux Théâtre de la mer souffle ou aspire, selon les cas, nos esprits vers d’autres rivages, avec cette vertu particulière de faire éclater les sphères individuelles. Ce lieu d’échange est d’autant plus propice à la sérénité quand le goût du jazz se trouve en partage ouvert libre et sans frontières. A l’image de son capitaine Louis Martinez, directeur artistique et musicien qui tient la barre parfois contre les vents. « ?Assurer une programmation c’est autre chose que de mettre un paquet de pognon sur des têtes d’affiches? », a-t-on rappelé lors de la présentation de l’édition 2010.
Celle-ci se tenait à l’Atelier du Garage, espace de travail commun d’Isabelle Marsalla et de Bocaj qui signe l’affiche. Depuis de nombreuses années, les personnages féminins colorés et provocateurs du peintre sont devenus l’emblème du festival. On pourra faire plus ample connaissance avec les muses de Bocaj grâce à l’expo qui s’ouvre salle Tabouriech durant le festival. A découvrir aussi, l’exposition du photographe Eric Morère qui propose une rétrospective du festival au bistrot du marché.
La vie d’un festival se mesure souvent à ce qu’il se passe en dehors de la scène. A l’occasion du centenaire de la naissance de Django Reinhardt, le festival organise cette année une conférence à la Médiathèque qui sera donnée par Francis Couvreux suivie d’un concert manouche sur le parvis. Les instrumentistes pourront parfaire leurs techniques d’impro en suivant les ateliers jazz au conservatoire. A suivre également, l’aboutissement du Tremplin Jazz à Sète permettant aux groupes de jazz non distribués d’ouvrir l’une des soirées phare du festival. Le lauréat 2010 est Riad Klaï Project Un groupe de sept musiciens œuvrant dans un registre allant du jazz à l’Afrobeat. Ils joueront en première partie de George Benson.
En quatorze éditions, Jazz à Sète s’est forgé une identité forte à l’image d’une ville qui n’en manque pas. L’idée d’un off impliquant toute la population est plus que mûre mais ne trouve pas de financement, dommage !
La programmation jazz concoctée par Louis Martinez passe du subtil à l’émotion brute
Avec des mots simples, Louis Martinez a eu le plaisir de dévoiler le programme de Jazz à Sète 2010. « ?Je me dis que cette programmation me serait apparue inespérée il y a quelques années.? » Le temps a, semble-t-il, plaidé pour une reconnaissance qualitative du travail engagé. Et si le budget demeure modeste (300 000 euros dont 65% de fond propre), le festival s’annonce une fois de plus riche est varié. A l’image de son équipe et de ses cinquante bénévoles fous de jazz. A l’image aussi de l’œuvre d’Herbie Hancock qui en assurera l’ouverture lundi 12 juillet. On ne présente plus le maître de l’électro jazz funk tant sa traversée des générations le place hors du temps. Membre du Miles Davis Quintet dans les années 60, le pianiste s’est toujours distingué par la complexité de ses rythmiques autour de la mélodie. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 80 ans, son œuvre demeure à la fois expérimentale et populaire, ce qui n’est donné qu’aux géants. Le guitariste Angelo Debarre présentera le 13 juillet le spectacle Manoir de mes rêves en hommage au père spirituel du jazz manouche Django Reinhardt. Le 14 juillet, au moment où les feux de lumière répandront leurs éclats dans le ciel national, un nouveau diamant vocal éblouira le Théâtre de la mer. Nul doute que les imparables mélodies de Melody Garbot auront raison des artificiers à moins que l’ensemble ne se conjugue sur front de mer en clair obscur…
La soirée du jeudi s’intitule Bass Leaders. Le contre bassiste virtuose Diego Imbert en assurera la première partie accompagné de son quartet sans instrument harmonique. La soirée se poursuivra dans le climat arabo-andalou et hébraïque d’Avishai Cohen. Beaucoup de chemins et de cultures se sont croisés entre le premier disque Avishai Cohen produit par Chick Coréa et son dixième album sorti en 2009, où il rejoint le prestigieux label Blue note. Un autre géant est attendu vendredi avec George Benson. Un guitariste de jazz avant que sa rencontre avec Quincy Jones ne l’entraîne dans le tourbillon du funk et de la soul où il a commis quelques tubes planétaire comme « ?Give me the night? ». George Benson n’en demeure pas moins un fameux compositeur de jazz comme le démontrent les instrumentaux de son dernier album. L’influence des chorus du guitaristes légendaires n’est plus à démontrer mais toujours à apprécier.
La clôture s’annonce hot samedi 17 avec Lena and the deep soul et le groupe londonien The Brand New Heavies, l’un des premiers à investir la scène acid jazz, en croisant l’esprit funk des années 1970 au hip hop de la fin des années 1980. Tout est dit ou presque, car traduire en mots l’expérience vécue d’un concert est toujours impossible. Le mieux est de s’y rendre.
C’était l’heure du bilan, avant que le Printemps des Comédiens ne referme sa boîte à images. Face aux journalistes, Daniel Bedos ne s’enfonce pas dans la mousse des commentaires. » Quelqu’un de vous a écrit que nous faisons un festival pour les riches. C’est une évidence, indique le directeur du festival qui prêche souvent une chose pour dire son contraire, ce sont les riches et les bobos qui font le public. Notre particularité est justement de le déborder un peu en concernant une partie de la population qui ne constitue pas le public culturel habituel.«
La 24 édition proposait cette année 21 spectacles et pas moins de 79 soirées. Le taux de remplissage est estimé à 82 % soit 45 000 spectateurs. » C’est une édition pleine de culture des autres, d’inattendu et de propositions rares. Avec des choses réussies et d’autres moins appréciées. On n’est pas obligés de faire l’unanimité« , rappelle Daniel Bedos.
La programmation artistique empruntait cette année ses couleurs à la culture tsigane, avec la Route du même nom rythmant la tranche du 18h-20h. L’hommage à Django Reinhardt et à l’été, rendu par Tony Gatlif avec Didier Lockwood, a rempli de joie vive l’amphithéâtre tout comme Le Cirque Romanès, plus modestement. On retiendra la performance imaginative du nouveau cirque du Vietnam saisissant d’un même élan la modernité et la puissance des origines. Ailleurs, mais quelque part aux mêmes sources de la richesse interculturelle, il faut citer la rencontre remarquable de deux auteurs d’exception, Sade et Mishima, dans une mise en scène très aboutie de Jacques Vincey, avec Madame de Sade, et encore, l’intelligence de Sébastien Lagord et de la Cie de l’Astrolabe qui revisitent Molière. Le travail d’ouverture exigeant avec des acteurs sud-africains s’avère dans Monsieur de Pourceaugnac suffisamment novateur pour offrir des perspectives à la langue française dans le monde interpolaire d’aujourd’hui. Un esprit situé aux antipodes des néo-classiques qui s’arqueboutent sur une identité figée.
L’autre chapitre de ce bilan est moins ensoleillé. Conformément aux vœux du vice-président du Conseil général Jacques Atlan, l’objectif des 25% d’autofinancement du budget global est atteint. Mais l’avenir de la manifestation dans cette forme demeure incertain. Avec un désengagement financier conséquent de l’Agglomération de Montpellier et de la Région, le Printemps des Comédiens fait les frais d’un climat politique délétère. Evoquant pêle-mêle un dégraissage des effectifs, une nouvelle augmentation des tarifs et une réduction de la durée du festival, Daniel Bedos, qui se sait défendu par l’institution départementale, fait monter les enchères, sans se soucier du sort moins enviable des autres acteurs et de sa propre équipe. Mais chacun sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.