Festival.
Ray Charles, Pacco de Lucia, Hank Jones, Michel Portal…, depuis 1985, les moments musicaux inoubliables de Jazz à Sète font légion. Au point de s’interroger sur ce sentiment de bonheur pas entamé, cette forme de candeur toujours renouvelée qui saisit les fidèles amateurs à l’approche du festival. D’évidence, la magie du lieu tient son rôle. Le majestueux Théâtre de la mer souffle ou aspire, selon les cas, nos esprits vers d’autres rivages, avec cette vertu particulière de faire éclater les sphères individuelles. Ce lieu d’échange est d’autant plus propice à la sérénité quand le goût du jazz se trouve en partage ouvert libre et sans frontières. A l’image de son capitaine Louis Martinez, directeur artistique et musicien qui tient la barre parfois contre les vents. « ?Assurer une programmation c’est autre chose que de mettre un paquet de pognon sur des têtes d’affiches? », a-t-on rappelé lors de la présentation de l’édition 2010.
Celle-ci se tenait à l’Atelier du Garage, espace de travail commun d’Isabelle Marsalla et de Bocaj qui signe l’affiche. Depuis de nombreuses années, les personnages féminins colorés et provocateurs du peintre sont devenus l’emblème du festival. On pourra faire plus ample connaissance avec les muses de Bocaj grâce à l’expo qui s’ouvre salle Tabouriech durant le festival. A découvrir aussi, l’exposition du photographe Eric Morère qui propose une rétrospective du festival au bistrot du marché.
La vie d’un festival se mesure souvent à ce qu’il se passe en dehors de la scène. A l’occasion du centenaire de la naissance de Django Reinhardt, le festival organise cette année une conférence à la Médiathèque qui sera donnée par Francis Couvreux suivie d’un concert manouche sur le parvis. Les instrumentistes pourront parfaire leurs techniques d’impro en suivant les ateliers jazz au conservatoire. A suivre également, l’aboutissement du Tremplin Jazz à Sète permettant aux groupes de jazz non distribués d’ouvrir l’une des soirées phare du festival. Le lauréat 2010 est Riad Klaï Project Un groupe de sept musiciens œuvrant dans un registre allant du jazz à l’Afrobeat. Ils joueront en première partie de George Benson.
En quatorze éditions, Jazz à Sète s’est forgé une identité forte à l’image d’une ville qui n’en manque pas. L’idée d’un off impliquant toute la population est plus que mûre mais ne trouve pas de financement, dommage !
La programmation jazz concoctée par Louis Martinez passe du subtil à l’émotion brute
Avec des mots simples, Louis Martinez a eu le plaisir de dévoiler le programme de Jazz à Sète 2010. « ?Je me dis que cette programmation me serait apparue inespérée il y a quelques années.? » Le temps a, semble-t-il, plaidé pour une reconnaissance qualitative du travail engagé. Et si le budget demeure modeste (300 000 euros dont 65% de fond propre), le festival s’annonce une fois de plus riche est varié. A l’image de son équipe et de ses cinquante bénévoles fous de jazz. A l’image aussi de l’œuvre d’Herbie Hancock qui en assurera l’ouverture lundi 12 juillet. On ne présente plus le maître de l’électro jazz funk tant sa traversée des générations le place hors du temps. Membre du Miles Davis Quintet dans les années 60, le pianiste s’est toujours distingué par la complexité de ses rythmiques autour de la mélodie. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 80 ans, son œuvre demeure à la fois expérimentale et populaire, ce qui n’est donné qu’aux géants. Le guitariste Angelo Debarre présentera le 13 juillet le spectacle Manoir de mes rêves en hommage au père spirituel du jazz manouche Django Reinhardt. Le 14 juillet, au moment où les feux de lumière répandront leurs éclats dans le ciel national, un nouveau diamant vocal éblouira le Théâtre de la mer. Nul doute que les imparables mélodies de Melody Garbot auront raison des artificiers à moins que l’ensemble ne se conjugue sur front de mer en clair obscur…
La soirée du jeudi s’intitule Bass Leaders. Le contre bassiste virtuose Diego Imbert en assurera la première partie accompagné de son quartet sans instrument harmonique. La soirée se poursuivra dans le climat arabo-andalou et hébraïque d’Avishai Cohen. Beaucoup de chemins et de cultures se sont croisés entre le premier disque Avishai Cohen produit par Chick Coréa et son dixième album sorti en 2009, où il rejoint le prestigieux label Blue note. Un autre géant est attendu vendredi avec George Benson. Un guitariste de jazz avant que sa rencontre avec Quincy Jones ne l’entraîne dans le tourbillon du funk et de la soul où il a commis quelques tubes planétaire comme « ?Give me the night? ». George Benson n’en demeure pas moins un fameux compositeur de jazz comme le démontrent les instrumentaux de son dernier album. L’influence des chorus du guitaristes légendaires n’est plus à démontrer mais toujours à apprécier.
La clôture s’annonce hot samedi 17 avec Lena and the deep soul et le groupe londonien The Brand New Heavies, l’un des premiers à investir la scène acid jazz, en croisant l’esprit funk des années 1970 au hip hop de la fin des années 1980. Tout est dit ou presque, car traduire en mots l’expérience vécue d’un concert est toujours impossible. Le mieux est de s’y rendre.
Jean-Marie Dinh